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Sensibilité des APN aux rayonnements IR et UV

Image IR prise par l'auteur avec un APN Panasonic Lumix LX5 équipé d'un filtre X-Nite 630 et polarisant B+W Käsemann. Exposition de 1/60e à f/7.1, 80 ISO. Il s'agit d'une image HDR (±1 EV) construite avec Photomatix Pro.

Photographie IR couleur (III)

Dans un APN le codage des couleurs est "logique" à l'inverse des émulsions IR (voir plus bas). Ainsi que nous le verrons à propos de l'architecture des capteurs photosensibles, c'est la grille de Bayer RGB placée sur le capteur qui permet au processeur d'image de construire l'image couleur.

En fait l'APN réalise une interpolation du signal quel que soit le type de rayonnement qu'il reçoit puisque tous les photons arrivant sur le capteur sont convertis en un certain flux d'électrons. Autrement dit, le capteur ne fait pas la distinction entre le rayonnement IR et la lumière visible (ou l'UV) comme le fait l'oeil humain : tout signal génère plus ou moins d'électrons. 

Si cela semble être un inconvénient, en fait c'est un avantage car le capteur convertit tous les rayonnements auxquels il est sensible en couleurs RGB. Et puisque de toute manière personne n'a jamais fait l'expérience de ressentir la "couleur IR", autant accepter le choix arbitraire que nous propose l'APN; il vaut certainement mieux que la solution approximative de l'Ektachrome que nous verrons plus loin.

Après avoir modifié un APN afin qu'il puisse enregistrer le rayonnement proche IR, sa réponse spectrale devient deux fois plus étendue comme on le voit sur le schéma présenté ci-dessous.

Ceci dit, pour que l'APN produise des photos à l'image de ce que nous voyons, la grille de Bayer RGB contient deux fois plus d'éléments verts que d'éléments bleus et rouges. Autrement dit, le capteur enregistre deux fois moins de lumière bleu et rouge que de lumière verte.

En tenant compte de ce facteur de pondération, dans un APN défiltré la lumière RGB représente 40% du rayonnement atteignant le capteur contre 60% dans la partie proche IR où l'on constate que le capteur présente un excès de sensibilité dans les trois canaux RGB.

A gauche, courbe de transmission d'un ancien filtre IR bloquant Sirius NIR1 (très peu efficace). En surimpression la courbe de réponse de l'oeil (pic à 556 nm). Au centre, réponse spectrale d'un capteur CCD avec et sans filtre IR bloquant (hot mirror) et pourcentage de couleurs RGB en lumière visible et proche IR. A droite, conversion des couleurs en photographie IR. L'obtention d'un ciel bleu n'est possible que si le filtre IR laisse passer un peu de lumière (par exemple à partir de 630 ou 665 nm) afin de pouvoir inverser les canaux R et B par traitement d'image.

On comprendra qu'en fonction de la bande passante du filtre IR utilisé, cette sensibilité étendue à partir de 615 ou 770 nm par exemple aura un effet différent sur le rendu des couleurs des photos IR. Si vous souhaitez traiter vos images en fausses couleurs, le choix du filtre IR est donc important.

Plutôt qu'un long discours, la vidéo suivante présente l'aspect d'une image IR dans différentes conditions de prises de vues, la mosaïque présentant le rendu d'une scène sous différents filtres IR et après traitement d'image.

A voir : Turns Around (vidéo IR couleur), par Carol Deflandre

IR Landscape at 665 nm recorded with a Nikon D90, par l'auteur

Modified Canon 1000D for Full Spectrum

Successivement sous filtre Hoya R-72, sans filtre et filtre X-Nite CC1, par Ghonis

Document Digital Silver Imaging.

En photographie IR couleur plusieurs facteurs vont influencer la couleur de l'image :

- la fréquence de coupure du filtre

- la courbe de transmission du filtre

- la balance des blancs

- la température de couleur de la lumière

- le pouvoir réfléchissant du sujet

- les propriétés de la lumière (incidence et polarisation).

La fréquence de coupure du filtre

La fréquence de coupure du filtre présente des avantages comme des inconvénients. En effet, en utilisant un filtre "High-red" tel le B+W 090, Schott RG665 ou Hoya R-72 par exemple, l'image infrarouge sera "parasitée" par la lumière rouge; beaucoup d'objets verts ou rouges-bruns seront clairs alors qu'en réalité ils réfléchissent peut-être très peu de rayonnement infrarouge au-delà de 750 nm et devraient paraître sombres (c'est le cas du bois, des pins, des matériaux de construction, du ciel, etc).

Photographie IR réalisée par Mark Hilliard sous un filtre IR de 630 nm laissant donc passer suffisamment de lumière pour pouvoir manipuler les couleurs sur ordinateur.

En revanche, le fait que ces filtres soient légèrement transparents à la lumière (jusqu'à 10% de sensibilité au rouge à partir de 600 nm et jusqu'à 30% au total) permettra au capteur d'enregistrer des couleurs que vous pourrez ensuite modifier dans un logiciel de traitement d'image.

Concrètement, grâce à ces photons RGB, il sera possible de conserver la couleur du ciel et de modifier la couleur de la végétation ou d'autres objets colorés de l'image comme on le voit à gauche.

Pour couper toute lumière blanche (et augmenter le contraste des images IR si vous souhaitez les désaturer ensuite), il faut utiliser un filtre coupant tout rayonnement en dessous de 730 ou 750 nm (filtres Hoya IR-76, Kodak W87, Schott RG830, etc).

En coupant tout rayonnement visible, l'image devient un peu plus sombre mais si le sujet est clair et la scène en plein Soleil, l'exposition restera instantanée (par ex. 1/20e de sec. à f/7 à 100 ISO). 

Si l'image est réellement sombre mais correctement exposée, par traitement d'image et manipulation des canaux RGB il sera toujours possible de lui apporter des couleurs artificielles.

La courbe de transmission du filtre

Le filtre se caractérise également par sa courbe de transmission. Selon les marques, les matières utilisées et les procédés de fabrication (verre coloré dans la masse, revêtement dichroïque, etc), un filtre "similaire au RG630" par exemple peut couper tout rayonnement au-delà de 1050 nm ou rester plus ou moins transparent jusqu'au-delà de 4000 nm. Cette extension vers les plus longues longueurs d'onde va influencer la quantité de rayonnement IR enregistré par le capteur (qui rappelons-le est limité à 1200 nm) et donc la réponse de la végétation en terme de brillance.

Malheureusement tous les fournisseurs de filtres ne publient pas les courbes de transmission de leurs produits et notamment les sociétés important des produits bas de gamme d'origine chinoise. D'autres publient les courbes mais se limitent à 1000 ou 1100 nm car leur filtre sont opaques au-delà de cette longueur d'onde mais ils s'abstiennent bien de le dire...

La balance des blancs

Comme en lumière blanche, le rendu des couleurs dépend également de la balance des blancs. Il s'agit d'un étalonnage du capteur en fonction de la puissance spectrale, autrement dit de la couleur de la lumière.

Si vous choisissez la balance des blancs automatique (AWB), sous la lumière du jour l'image IR résultante présentera toujours une dominante rose (qu'on peut également nuancer en violet, pourpre ou magenta) selon la courbe de transmission du filtre. Pourquoi ? Rappelez-vous que les pixels ne savent pas que vous photographiez en IR et interprètent le spectre à travers la grille de Bayer. De plus, par sa nature le capteur présente une grande sensibilité dans le rouge.

En d'autres termes, les photosites situés sous les pixels rouges de la grille de Bayer restant sensibles au rayonnement IR, ils restitueront une image présentant une forte dominante rose-magenta.

Sélection d'une balance des blancs manuelle (Preset "d-1", sur du feuillage vert sous filtre IR) via le menu Prise de vue (Shooting menu) du Nikon D90. Ce sous-menu permet également de choisir une image sauvegardée dans la carte-flash. Cf. le manuel d'utilisation du Nikon D90 p101 et p104.

En revanche, si vous effectuez une balance des blancs manuelle ou customisée (CWB) sur une couleur, de l'herbe ou du feuillage vert, le ciel prendra une coloration brune-orangée tandis que la végétation sera légèrement bleutée. C'est en utilisant ce mode manuel que vous allez par la suite pouvoir apporter des couleurs à l'image IR prise sous un filtre partiellement transparent à la lumière. On y reviendra.

Nous avons expliqué précédemment qu'il est préférable de photographier en format RAW. Même dans ce format il est recommandé d'effectuer une balance des blancs manuelle. Même si le convertisseur RAW permet d'ajuster la balance des blancs après la prise de vue, en réalisant une balance des blancs manuelle vous aurez moins d'ajustements à effectuer lors du traitement d'image et plus de libertés pour gérer les couleurs.

Si vous utilisez la balance des blancs automatique, non seulement l'image sera rose mais il sera très difficile de vérifier sur le moniteur si l'image est correctement exposée. Vous pouvez vous baser sur l'histogramme pour déterminer la meilleure exposition mais le graphique est parfois trompeur en IR. Pour toutes ces raisons, effectuez toujours une CWB en photographie IR.

Notons que sur certains APN réflex et notamment Nikon, il est parfois difficile de réaliser une balance des blancs manuelle sur un sujet coloré comme de la végétation, le système (en ayant pris soin de désactiver le Live View) affichant "no good" sur l"écran de contrôle (cf. p101 du manuel du D90). Pour éviter ce message, vous devez sous-exposer la prise de vue de -2 EV (parfois surexposer, cela fonctionne aussi) et ensuite effectuer la balance des blancs manuelle sur un sujet bien éclairé et légèrement défocalisé. Vous pourrez ensuite photographier en IR en mode automatique (A) ou en manuel (M) si vous le désirez.

A voir sur YouTube : Nikon D90 infrared video test

avec balance des blancs sur le feuillage, par DrKissAkosZoltan

Images visible, IR couleur et IR couleur HDR désaturée réalisées par l'auteur avec un Panasonic Lumix LX5. L'image couleur a été prise sous filtres Hoya UV HD, X-Nite CC1 et polarisant B+W Käsemann, balance des blancs manuelle sur une surface blanche. L'image IR a été prise sous filtres X-Nite 630 et polarisant B+W, balance des blancs sur le feuillage. Exposition de 1/100 s en couleurs (centre) et 1/60e en IR §droite) à f/7.1, 80 ISO.

Images visible, IR couleur et désaturée réalisées par Dirk Frantzen avec un Nikon D70 défiltré muni d'un filtre Hoya R-72. Exposition d'environ 1 sec à 200 ISO. Comparée à l'image IR prise sous filtre X-Nite 630 transparent à partir de 615 nm, le filtre R-72 n'est transparent qu'à partir de 680 nm, ce qui explique la légère perte de couleurs.

Sur certains APN compacts et réflex (notamment sur les Nikon D90 et D300 parmi d'autres), il est possible de sélectionner une photographie sauvegardée dans la carte-flash et s'en servir comme image de référence pour la balance des blancs manuelle.

Cette manière de travailler est très utile lorsque vous débutez en IR ou lorsque vous prenez une nouvelle séries de photos et souhaitez comparer les images sur base d'une balance des blancs étalonnée, indépendante des conditions de prise de vue (mise à part la lumière).

Les APN réflex proposent 5 ou 10 "preset", des images de référence servant à la balance des blancs manuelle. Inconvénient, ces images peuvent être écrasées par de nouvelles images de référence.

Dans ce cas, vous ne pourrez plus retrouver l'image et la couleur originales ayant servi à la balance des blancs de certaines photographies. C'est très ennuyeux car au cours du traitement d'image si vous obtenez une magnifique couleur mais ne pouvez plus la reproduire, lors de votre prochaine sortie photo vous allez devoir de nouveau tâtonner pour retrouver le vert idéal qui donnera cette magnifique couleur dorée que vous recherchiez !

Pour éviter ce problème, créez des images de référence soit en photographiant des objets déterminés (gazon, haie verte foncée, feuille de plante grasse, feuilles de palmier, etc) soit créez des images dans un logiciel graphique, y compris un gris à 18% et sauvez ces documents dans toutes les carte-flashes de votre APN. Ainsi vous les aurez toujours sous la main pour établir une balance des blancs manuelle avec la garantie d'obtenir un plus grand nombre d'images ayant la même gamme de couleurs si les conditions de prise de vue sont identiques.

A défaut d'image-étalon, pour garantir une certaine constante des couleurs de vos photos IR, vous pouvez établir la balance des blancs sur des cartons mats de différentes couleurs. Inconvénient, ils ne reproduiront pas la réponse spectrale d'une plante verte.

A gauche, procédure Nikon pour sélectionner dans la carte-flash une image de référence pour la balance des blancs manuelle. A droite, la procédure pour effectuer la balance des blancs manuelle sur un Panasonic Lumix TZ20 (ZS10). Elle est identique sur les autres modèles de la série Lumix.

Si vous utilisez un filtre IR bloquant toute la lumière visible (un filtre IR de 730 ou 850 nm par exmeple), la balance des blancs manuelle n'aura plus aucun effet; que la mesure soit faite sur le ciel, la végétation ou un objet coloré, l'image perdra toute saturation et sera enregistrée en N/B. Pourquoi dans ce cas l'image est-elle désaturée ?

Ainsi que nous l'avons expliqué à propos de la photographie en N/B, en utilisant un filtre IR opaque aux couleurs, la grille de Bayer RGB ne joue plus aucun rôle; l'image est littéralement filtrée et ne contient plus que des variations de luminance sans aucune teinte ni saturation. Autrement dit, le processeur ne voit qu'une gamme de gris et ne peut construire qu'une image N/B.

Si malgré tout après inversion des canaux B/R vous notez une légère coloration du feuillage ou du ciel, cela signifie que le filtre en question n'est pas totalement opaque à la lumière et en laisse filter quelques pourcents.

La température de couleur

On peut aussi modifier les tonalités de l'image en jouant sur la température de couleur, à ne pas confondre avec la balance des blancs.

Précisons qu'en photographie la température de couleur ne fait pas référence au concept utilisé en physique ou en colorimétrie (corps noir). Elle en applique seulement l'échelle et limite son usage à l'intensité relative des couleurs bleue et rouge.

Variations du rendu d'une image IR (630 nm) en fonction de la température de couleur avec une balance des blancs automatique (AWB) et effet d'une balance des blancs manuelle (CWB) sur un sujet vert.

La plupart des APN permettent de choisir une température de couleur arbitraire comprise entre 2000 K et 10000 K par incrément de 100 K avec ou sans compensation et d'observer directement sur l'écran le résultat du changement.

Selon les constructeurs, le standard dit "lumière du jour" correspond à une température de couleur qui varie entre 5200 K et 6500 K, la moyenne étant de 5500 K. Sous un filtre IR de 630 nm, en utilisant la balance des blancs automatique, l'image apparaît rose comme on le voit à gauche (exemple AWB, 5500 K).

En dessous de 5500 K l'image aura tendance à devenir magenta puis bleutée alors qu'au-dessus de 5500 K elle tendera vers le rose et le rouge, sa teinte et sa luminosité dépendant de la bande passante du filtre utilisé et du temps d'exposition.

Rappelons qu'en raison de la grande sensibilité du capteur au rayonnement IR, une photographie prise sous un filtre IR bloquant toute la lumière visible en dessous de 750 nm présentera également une dominante rose si la balance des blancs est automatique ou fixée sur "Lumière du jour" par exemple. La dominante sera exactement la même en choisissant une température de couleur voisine de 5500 K.

Sans être inutile, disons que modifier la température de couleur en IR est facultative car on peut aussi bien effectuer une balance des blancs manuelle sur un des sujets de la scène, en général sur la végétation (exemple CWB ci-dessus).

Propriétés de la lumière

Panorama de la Meuse (Rochers de Néviaux à Yvoir) constitué de 4 images individuelles. Au centre, image IR brute prise avec un Nikon D90 équipé d'un filtre interne Schott RG665 et CWB sur l'herbe. En dessous, application de l'action "Khromagery FalseColours" sous Photoshop avec ajustement des couleurs. Ce document fut publié sur EPOD en 2013.

Enfin, les propriétés de la lumière et notamment son angle d'incidence, le fait qu'elle soit directe ou indirecte ainsi que sa polarisation plus ou moins importante vont affecter la luminosité et le contraste de l'image.

Combinés tous ces facteurs ensembles, au final vous obtiendrez des images aux couleurs et à la luminance sensiblement différentes, une très légère variation pouvant facilement être accentuée par traitement d'image et altérer les couleurs de certains objets.

Le résultat dépendant du capteur, du filtre, de la lumière et de la réponse du sujet à l'IR, le meilleur conseil qu'on puisse donner est de faire des essais et de traiter ensuite les images sur ordinateur suivant la même procédure pour déterminer soi-même quelle technique offre le plus de souplesse et le meilleur rendu en fonction des conditions de prise de vue.

Ceci nous conduit naturellement à discuter du traitement d'image que nous avons déjà évoqué car cette étape est indispensable et inhérente à la photographie numérique en IR.

Le traitement d'image

Il est difficile de se passer de traitement d'image quand on s'intéresse à la photographie et l'imagerie proche infarouge n'y déroge pas. Avec les innombrables programmes de traitement d'image existant sur le marché et parfois gratuits et les tutoriels en ligne, avec un peu d'habitude vous pouvez modifier une image en quelques minutes avec des variations infinies de couleurs.

Ainsi que nous l'avons expliqué, sans aucun traitement et avec une balance des blancs automatique, en photographie proche infrarouge couleur le paysage baigne dans une dominante rouge ou rose-magenta dont il est difficile de se satisfaire.

Ainsi que nous l'avons évoqué, la couleur se définit par sa teinte (tonalité), sa pureté (saturation) et sa luminance (luminosité). En modifiant une ou plusieurs de ces variables sur ordinateur, avec un peu de savoir-faire on peut obtenir tout le nuancier de la nature (ou du moins supporté par votre écran).

Comme nous l'avons évoqué, il existe de nombreux manières de modifier les couleurs d'une image, que vous travailliez avec des photos enregistrées en format RAW ou JPEG.

Pour obtenir un ciel bleu par exemple, il est impératif que le filtre IR laisse passer de la lumière; qu'il soit par exemple transparent à partir de 590, 630 ou 665 nm. Dans ce cas, sur ordinateur il suffit d'inverser les canaux rouge et bleu.

A lire : Review of Imaging software

Comparaison entre les images IR à 665 nm (en dessous) et 850 nm (au-dessus) après traitement d'image par l'auteur. Photos prises avec un APN Panasonic Lumix TZ20 (ZS10) équipé d'un filtre interne Kalori Vision.

Dans Photoshop par exemple (Adjustments / Channel Mixer) modifiez les paramètres suivants : Canal rouge : R = 0%, G = 0%, B = 100%; Canal bleu : R = 100%, G = 0%, B = 0%, le canal vert restant inchangé. Une fonction similaire existe dans Nikon Capture NX 2 (Edit List / Camera Settings) dont la méthode est décrite sur le blog de Jeff Meyers. Elle donne toutefois un résultat différent de celui de Photoshop.

Pour Photoshop, il existe un fichier de traitement automatique (Action file) dénommé "Khromagery FalseColours" que vous pouvez télécharger. Ce programme corrige les niveaux, les couleurs et inverse les canaux Bleu et Rouge en une fraction de seconde. Il vous rend ensuite la main afin de modifier les couleurs.

Mais ceci ne représente qu'une partie du traitement d'image. En effet, après l'application du Khromagery et l'accentuation des couleurs, si le résultat n'est pas encore satisfaisant (tout dépend du filtre, du sujet et des conditions d'éclairage), il est conseillé d'utiliser la technologie U-point pour accenter les couleurs de certains détails de l'image, notamment par le biais du logiciel Viveza dont il existe un plugin pour Photoshop.

A télécharger : Fichier Actions pour Photoshop

Fichier "KhromageryFalseColours.atn" à sauver dans /Presets/Actions/

Les berges du lac de Constance en IR. Photographie prise par l'auteur avec un Panasonic Lumix LX5 équipé de filtres X-Nite 630 et polarisant B+W Käsemann. Exposition de 1/80e à f/7.1, 80 ISO. A gauche, une mosaïque présentant différents traitements de l'image en séquence. Au-dessus, AWB (gauche) et CWB sur le feuillage (droite). En dessous, traitement sous Photoshop : application de l'action "Khromagery FalseColours" (gauche) et image monochrome (droite). A droite, la version Khromagery après ajustement des couleurs.

Si le filtre IR bloque toute la lumière visible, l'inversion des canaux B et R n'a pratiquement aucun effet. L'idéal est de laisser les canaux rouge et vert comme ils sont (100%) et d'ajuster uniquement le canal bleu en lui ajoutant un certain pourcentage de rouge. Canal bleu : R = 50%, G = 0%, B = 100% puis de traiter les teintes et leur saturation. L'alternative consiste à effectuer une balance des blancs manuelle sur une couleur puis d'ajuster sa teinte et sa saturation sur ordinateur.

Cette inversion des canaux est inutile si vous n'utilisez pas de filtre IR et photographiez tout le spectre entre 390 et 1200 nm. Dans ce cas il suffit de supprimer la dominante magenta dûe au rayonnement IR et le ciel bleu va ressortir naturellement. Reste ensuite à modifier les couleurs de la végétation en fonction de son pouvoir réfléchissant.

Reste un cas intermédiaire, celui où le filtre IR bloque toute lumière en dessous de 600 nm, transmettant donc partiellement la lumière rouge (X-Nite 630, Schott RG665, Hoya R-72, etc). Dans ce cas on peut également obtenir un ciel bleu après inversion des canaux R et B.

A consulter : How I process the 665 for color, Michael

A gauche, photographie IR réalisée par Michael avec un Nikon D80 muni d'un filtre interne RG665, température de couleur de 2000 K. Au centre et à droite, deux image IR prises par l'auteur avec un Nikon D90 muni d'un filtre interne RG665, balance des blancs sur le feuillage. Exposition de 1/100e et 1/60e à f/18, 200 ISO. Dans les trois exemples, par traitement d'image les canaux R et B ont été inversés et les couleurs ont été accentuées.

Les tonalités vont dépendre du filtre utilisé, de la balance des blancs mais également du traitement d'image. Si vous aimez les couleurs chaudes, comme on le voit ci-dessus vous devez modifier la couleur du ciel pour lui donner soit une couleur plus chaude soit plus profonde ou plus neutre et donner une couleur chaude à la composition. Pour ce faire, effectuez d'abord une balance des blancs manuelle sur le feuillage puis prenez la photographie en veillant à ce que le sujet soit bien exposé au Soleil. Ensuite sur ordinateur modifiez par exemple la teinte et la saturation du bleu et du cyan et ajustez éventuellement la luminosité du noir.

La végétation présentant généralement une dominante magenta, brune ou jaune selon le filtre ou la durée d'exposition, vous pouvez accenter la tonalité chaude en modifiant la saturation des teintes jaune, rouge et magenta notamment.

Inversement, si vous recherchez une atmosphère froide ou des couleurs pastels il faudra soit éclaircir soit assombrir le ciel et réduire la coloration de la végétation jusqu'à devenir blanche ou crème comme on le voit sur les exemples présentés ci-dessous. Le résultat dépend évidemment de vos goûts personnels.

Notons que dans le cas où le filtre est opaque en dessous de 720-750 nm, du fait que le capteur va enregistrer un pourcentage relativement faible de couleurs RGB voire aucune, pratiquement toutes les tonalités présenteront un certain niveau de bruit thermique. Il faut alors augmenter le temps d'exposition et activer la fonction Réduction de bruit mais vous n'obiendrez jamais les gammes de couleurs que vous auriez en utilisant un filtre IR moins opaque.

Trois photographies en IR couleur sous filtre de 630 ou 665 nm et traitées sur ordinateur (inversion des canaux rouge et bleu) afin d'obtenir un ciel bleu. Les autres couleurs ont été corrigées. A gauche, on reconnaît le parc du lac Balboa à Encino en Californie. Doc Ping Huang (Konica Minolta DiMage 7), T.Lombry (Nikon D90) et Bluesky.

Ceci dit, si la photographie IR offre beaucoup de libertés et tolère plus de variations de couleurs que la photographie classique, pour obtenir un beau résultat il n'y a pas de miracle. Nous seulement la végétation doit être pleinement épanouie (riche en chlorophylle a dont le pic d'émission se situe dans l'IR), exposée au Soleil pour faire ressortir la couleur verte, mais il faut également disposer d'une image originale bien composée et de bonne qualité : nette, correction exposée, sans bruit et si possible exempte de prétraitement et de compression. Une image floue, sous-exposée ou brûlée ne peut pas révéler des détails qui n'existent pas ou n'existent plus.

Il est également conseillé de travailler avec des images de 14 ou 16 bits/couleur et dans l'espace de couleurs Adobe RGB si vous souhaitez imprimer ou commercialiser vos photographies.

Enfin, un minimum de savoir-faire en traitement d'image est nécessaire, raison pour laquelle divers liens figurent sur cette page renvoyant vers des forums ou d'autres images commentées.

Si les images offrant une dynamique importante vous intéresse, sachez que le format HDR s'applique très bien à la photographie IR. Seules contraintes, vous devez utilisez un trépied car vous devez réaliser au moins deux photographies (une sous-exposée et une autre surexposer de ±1 à ±3 EV) ce qui est facile à réaliser avec les compensations d'expositions ("bracketing"). L'exploitation de ces images requiert un logiciel d'édition supportant ce format (où en tous cas de pouvoir combiner ces images en mode "screen") et donc assez récents, par exemple Photomatix Pro et bien entendu les dernières versions de Photoshop.

Enfin, bien que les photos publiées dans cet article montrent qu'on peut parfaitement traiter des images JPEG - ce que font certainement la plupart des amateurs utilisant des APN compacts - si votre APN supporte le format RAW, utilisez-le, sachant que les pixels ont enregistrées plus d'informations qu'une image JPEG où beaucoup de données sont perdues. Le traitement des images en format RAW vous permettra de modifier directement les paramètres originaux de la prise de vue sur ordinateur, avant tout autre traitement. Les deux tutoriels anglais suivants déjà évoqués décrivent le traitement des images RAW IR sous Adobe Photoshop.

A voir : White Balance in Photoshop with IR Cameras, Life Pixel

Infrared Photographic - Processing RAW images in Photoshop, Imre Z. Balint

Trois photographies IR prises par l'auteur avec un Nikon D90 équipé d'un filtre interne Schott RG665. Expositions entre 1/100e et 1/60e à f/18, 200 ISO. Dans les trois exemples, la balance des blancs a été réalisée sur le feuillage, les canaux R et B ont été inversés et les couleurs ont été accentuées.

Précisons que si la quasi totalité des APN réflex supportent le format RAW, seule une poignée d'APN compacts supportent ce format : les Canon PowerShot G12, S95 et S120, Nikon Coolpix P7000 et P340, Panasonic Lumix LX5 and LX7 et Samsung EX1 (situation 2015). Bien que petits par la taille, aujourd'hui la qualité de leurs images rivalise avec celles prises avec des APN réflex (ce qui n'était pas le cas il y a dix ans).

Effets indésirables

Accentuations des reflets

Les capteurs des APN étant très sensibles au rayonnement infrarouge et dans un spectre nettement plus étendu que les émulsions agentiques, le moindre reflet, la moindre source lumineuse affectera fortement l'image. Pour réduire ces images parasites, nettoyer méticuleusement les optiques ainsi que le filtre objectif avant toute prise de vue.

Le multicouche anti-reflet perdant également ses performances en IR, vos images présenteront un peu plus de reflets et d'images fantômes qu'en lumière visible, tout dépendant de la zone spectrale que vous allez enregistrer en fonction du filtre et de la proximité de la source de lumière.

Pour la même raison et plus encore qu'en photographie conventionnelle, évitez de photographier à contre-jour. Dans ce cas, les reflets internes seront très importants au point que dans les pires conditions l'image de l'objectif se reflètera sur la face interne du filtre. Munissez-vous d'un pare-soleil et à défaut, ayez toujours le Soleil dans le dos ou essayer de vous placer à l'ombre.

Surbrillance (Hotspot)

La partie centrale de l'image IR peut présenter une zone de surbrillance appelée "hotspot". Ce phénomène se produit avec certains revêtements anti-reflets qui ne sont pas transparents au rayonnement IR. Cet effet indésirable est provoqué par les différentes réflexions internes qui se produisent dans le corps de l'objectif, souvent sur des optiques non équipées de baffles internes. La réflexion la plus forte est générée par l'élément de lentille le plus proche du capteur.

La zone de surbrillance est toujours diffuse et présente des contours estompés. Mais lorsque le Soleil est à proximité ou dans le champ de vision, selon la conception optique des reflets multiples ou un halo brillant polygonal aux contours bien délimités peut apparaître dont la forme dépend de l'ouverture du diaphragme.

A voir : Canon G series Infrared (flickr)

A gauche, présence d'un halo dû à la proximité du Soleil sur un Canon PowerShot S95 équipé d'un zoom Canon et d'un filtre externe Hoya R-72. A droite, zone de surbrillance sur un Panasonic Lumix LX5 équipé d'une optique Leica Vario-Summicron et d'un filtre externe X-Nite de 630 nm. Documents M.Nero et T.Lombry.

La surbrillance n'existe pas sur les optiques de qualité. A ce sujet, le site DPanswers de Gisle Hannemyr reprend une liste d'optiques présentant ou non une zone de surbrillance.

Ce défaut qu'on peut considérer comme une aberration optique peut passer inaperçu s'il se superpose sur un arrière-plan brillant et détaillé. Il peut toutefois se révéler lors du traitement d'image, lorsque les couleurs seront accentuées.

En revanche, ce défaut ressortera directement aux yeux d'un amateur averti sur un arrière-plan sombre comme sur l'exemples présenté ci-dessus à droite où il apparaît clairement au milieu de l'image.

Pour un amateur exigeant, c'est un défaut qu'il faut éliminer soit en achetant une optique de meilleure qualité (mais impossible avec les APN compacts) soit par traitement d'image.

Les logiciels exploitant la technologie "U point" tel que Nikon Capture NX, Color Efex Pro (également disponible dans Nikon Capture NX), DxO Optics Pro et autre Viveza (dont il existe également un plug-in pour Photoshop) permettent en effet de modifier une zone de l'image en combinant en un seul outil plusieurs fonctions (changement de tonalité, saturation, luminosité, flou, sur un ou plusieurs canaux RGB) ou disposent d'une fonction spécifique qui permet d'assombrir ou d'éclaircir la zone centrale de l'image (par ex. "Darken/Lighten Center" sous Color Efex Pro).

Si ces solutions logicielles sont pratiques, il s'agit d'alternatives payantes (un logiciel à 180-300 €) et demandant du temps qui ne remplaceront jamais l'utilisation d'une optique de qualité. Notons que la différence de prix avec une optique d'entrée de gamme représente le prix du logiciel de correction. A chacun de faire le meilleur choix.

Aberration chromatique latérale

Une aberration chromatique secondaire dite latérale peut apparaître en dehors de l'axe optique. Elle apparaît en raison de la modification de la taille relative du sujet et est directement proportionnelle à la longueur d'onde. Cette aberration est donc plus prononcée en IR qu'en lumière visible et surtout sur les optiques d'entrée de gamme où elle est mal corrigée.

Diffraction

Lorsque le diaphragme est fermé (grande valeur d'ouverture relative f/), la mise au point en IR est affectée d'une incertitude. Si les grandes valeurs de diaphragme (f/8 sur les compacts, f/22 ou f/32 sur les réflex) augmentent la profondeur de champ, les effets de la diffraction vont dégrader la résolution de l'image et donc sa qualité. La diffraction étant proportionnelle au degré de fermeture du diaphragme, les photographes avertis savent qu'ils doivent éviter autant que possible de fermer le diaphragme au maximum. En photo IR le phénomène s'aggravant, il est donc prudent de limiter la fermeture du diaphragme jusqu'à 1 EV ou F-stop du maximum.

Fuites IR

Ainsi que l'explique Klaus Schmitt sur son blog Photography of the Invisible World avec des images prises par Andrea G. Blum, les réflex Nikon D3, D3S, D3X, D700 et D7000 utilisent une LED infrarouge pour déterminer les instants d'ouverture et de fermeture de l'obturateur à rideau.

Si l'un de ces modèles est converti pour la photographie IR en utilisant un verre clair interne, la LED IR va contaminer les photographies IR et UV qui seront inexploitables. Sur le Nikon D7000 LifePixel aurait trouvé une solution fonctionnant jusqu'à 1600 ISO mais le problème subsiste dans les autres conditions de travail.

Tous les autres boîtiers Nikon peuvent être adaptés à la photographie IR et/ou UV.

Les émulsions infrarouges

Abordons pour mémoire la question des émulsions argentiques. Bien que la production des appareils photos traditionnels dit "argentiques" ait été arrêtée chez la plupart des fabricants et malgré une très faible demande sur le marché d'occasion, Kodak continue de fabriquer une émulsion inversible sensible au proche infrarouge, l'Ektachrome EIR ou IE.

Photographie réalisée par John MacLean sur film Ektachrome EIR avec un filtre jaune B+W 023.

Si vous utilisez ce film inversible, après développement vous obtiendrez une image en fausses couleurs similaire à celle présentée à gauche.

En effet, l'émulsion est uniquement constituée de couches RGB sensibles à différentes bandes de fréquences dans le spectre visible. En fonction de la méthode de filtrage, le film IR va associer soit la couche verte soit la couche rouge ou les deux couches à l'infrarouge pour restituer une image couleur. Mais du fait que l'une d'entre elle reproduit une sensibilité décalée dans l'IR, certaines couleurs sont décalés : le vert devient bleu, le rouge devient vert tandis que la composante IR devient rouge.

Les paysages prennent ainsi une coloration surréaliste avec un ciel bleu nuit et des plaines bleu-cyan. La végétation vivante devient rouge ou magenta tandis que les feuilles mortes deviennent cyan, les fleurs parfois jaunes ou oranges... 

On aime ou on n'aime pas mais on peut critiquer la méthode de codage car sur les 3 canaux de couleur, un seul enregistre le rayonnement IR, les deux autres gardant leur sensibilité à la lumière blanche. L'émulsion Ektachrome n'est qu'à 30% infrarouge.

Du fait qu'il s'agit d'un support inversible, les images sont également plus contrastées que sur un support négatif ou comparées à celles prises par un APN. Pour réduire le contraste, il faut procéder à un préflashage lors de la reproduction. Une fois encore, l'alternative est de corriger le gamma par traitement d'image avec pour conséquence une perte sensible de la dynamique de l'image.

Les émotions au coeur de la photographie IR

Plus encore que la photographie traditionnelle, les photographies prises en proche IR présentent rapidement une forte charge émotive car nous n'avons pas l'habitude de rencontrer de tels mélanges de couleurs ou de telles clartés.

Ainsi la simple photographie en IR d'un arbre feuillu isolé dans une prairie est déjà surprenante quand le paysage apparaît dans toute sa blancheur. Un bâtiment à l'architecture originale perdu dans un décor verdoyant prend un aspect inattendu et surréaliste qui transforme votre photographie en image futuriste. A l'inverse, photographiez un vieux château ou un site industriel abandonné, et vous pourrez facilement créer une atmosphère fantastique !

Si en outre vous vous aventurez dans le traitement d'image, combinants différents clichés et manipulez les effets spéciaux à l'infini, vous toucherez rapidement à la photographie d'art, c'est du moins tout le bonheur que je vous souhaite.

Equipé d'un APN défiltré, visitez un arboretum, un parc naturel, des ruines, promenez-vous dans les bois et les bocages, le long d'un fleuve bordé d'arbres, dans les zones humides, flâner le long des plages ou dans les dunes pour trouver l'inspiration, vous serez comblé !

A propos de l'infrarouge thermique ou thermographie

Pour mémoire, rappelons que toute lumière ou source de chaleur est également source de rayonnement infrarouge. La thermographie concerne les longues ondes IR comprises entre 8000 nm et 30000 nm. Les instruments fonctionnant dans cette gamme de longueurs d'ondes permettent de mesurer la température du corps ou des objets à 1 ou 2°C près. Les modèles d'appareils varient en fonction de la gamme de températures couvertes (-10°C/+110°C, +110°C/300°C, etc). 

Ces instruments très onéreux (comptez 2000 € pour une caméra PCE TC3, 4000$ pour une caméra EZTherm de MaxMax) sont principalement utilisés à des fins scientifiques (sciences de la vie) et industrielles, notamment dans le domaine de l'isolation thermique, ainsi que pour la sécurité.

Heureusement, depuis 2014 la société FLIR propose une caméra thermique IR pour l'iPhone à 350$.

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