Arecibo, la fin d'une époque

Des accidents en série

Après 54 ans d'activité sans problèmes majeurs, l'observatoire radioastronomique d'Arecibo fut victime de plusieurs accidents. En résumé, en 2017 suite au passage du cyclone Maria l'observatoire fut endommagé (cf. USRA, National Geographic, voir également les photos publiées par "Sky & Telescope" et celles prises en 2018 par un visiteur). Suite à de nouveaux séismes survenus en 2019 et à la pandémie de Covid-19 survenue en 2020, l'observatoire fut temporairement fermé. Il réouvrit ses portes le 24 juin 2020 (cf. NAIC).

A gauche, état de la parabole d'Arecibo en 2013. Elle resta ainsi durant plus de cinq ans. Malgré les apparences, elle était 100% opérationnelle mais le manque d'argent se faisait cruellement sentir. Au centre, son nouvel aspect après restauration, en novembre 2018. Le câble d'alimentation suspendu au-dessus de la parabole qui s'était rompu lors de l'ouragan était toujours manquant. A droite, une photo prise en novembre 2020 montrant les dommages constatés le 10 août 2020 après qu'un deuxième câble traversa la parabole. Ensuite, le 6 novembre 2020 un câble principal s'est cassé et tomba sur la parabole, rendant la plate-forme suspendue instable. Cette fois l'intégrité de toute l'installation fut compromise. Documents Isaac Ruiz Sanatana, NAIC et UCF/NSF.

Malheureusement, la série noire continua. Le 10 août 2020, l'un des câbles auxiliaires et redondant supportant la plate-forme suspendue attaché à l'un des pylônes glissa hors de son support et tomba sur l'installation, endommageant des dizaines de mètres carrés de la parabole nouvellement restaurée. Il a également endommagé plusieurs panneaux du dôme grégorien (cf. UCF). Puis le 6 novembre 2020, un câble principal qui supporte l'observatoire s'est cassé et est tombé sur la parabole, causant des dommages supplémentaires à la parabole et aux autres câbles à proximité (cf. UCF, Science). Les câbles n'ont probablement pas supporté la charge supplémentaire qu'ils subissaient depuis quelques mois. Des ingénieurs avaient envisagé des réparations mais entre-temps une nouvelle évaluation de la stabilité de l'antenne et des risques apporta une très mauvaise nouvelle.

Effondrement de l'antenne d'Arecibo

Finalement, comme les ingénieurs l'avaient prédit, le 1 décembre 2020 vers 8h du matin, la parabole s'effondra d'elle-même, entraînant la plate-forme suspendue de 900 tonnes dont deux câbles s'étaient précédemment cassés. Il n'y eut aucune victime.

A voir : Snippet: Arecibo telescope collapses, Science, 2020

A gauche, le 1 décembre 2020 vers 8h du matin, la parabole ainsi que la plate-forme suspendue se sont effondrées. A droite, une photo prise le 8 décembre 2020 des débris du radiotélescope. Ci-dessous, les débris sous la parabole le 10 août 2020 et le 8 décembre 2020. La fin d'une époque. Documents Noticel et Michelle Negron/NSF.

Il va sans dire que l'effondrement du radiotélescope a profondément choqué la communauté scientifique d'Arecibo qui se demanda ce qui allait advenir du site.

Démantelement de l'antenne d'Arecibo

Après 57 ans de service, le 19 novembre 2020 soit douze jours avant l'effondrement de la plate-forme suspendue, des responsables de la NSF avaient déclaré que "l'observatoire d'Arecibo doit être mis hors service pour des raisons de sécurité." L'installation sera démantelée.

Selon Ralph Gaume, directeur de la Division des Sciences Astronomiques à la NSF, "Nos ingénieurs ne sont pas en mesure de nous dire quand la structure s'effondrerait d'elle-même. Nous travaillons donc contre la montre pour développer des plans de démantèlement contrôlé, les priorités étant la sécurité et la préservation du reste des actifs de l'observatoire."

Gaume et Zauderer, directeur du programme d'Arecibo, soulignent tous deux que le démantèlement ne signifie pas la fin de l'observatoire. Même si l'antenne est détruite, la NSF préservera d'importants bâtiments sous la tour 12. Les installations LIDAR de l'observatoire, qui utilisent des lasers pour étudier l’atmosphère terrestre, continueront de fonctionner.

Pendant des décennies, l'observatoire d'Arecibo a non seulement résisté aux tremblements de terre et aux cyclones mais il reste aussi important pour la population car il emploie du personnel local. C'est également un site touristique et l'observatoire reste irremplaçable pour les scientifiques. Même si sa parabole n'est plus la plus grande du monde (cf. FAST), l'observatoire dispose de capacités uniques, parmi lesquelles son radar. Selon la planétologue Alessondra Springman de l'Université d'Arizona, "FAST ne peut pas faire de radar, il est spécifiquement incapable de faire une observation active." Pour cette raison, FAST ne peut pas remplacer Arecibo dans la défense planétaire en caractérisant les astéroïdes et leurs orbites.

Etat des lieux

Fin 2021 soit un an après l'effondrement du radiotélescope, l'avenir du site restait inconnu. La NSF a donné la priorité au nettoyage du site plutôt qu'à la prise de décisions importantes concernant l'avenir de l'installation, alors même que les scientifiques commencent à imaginer des projets ambitieux pour perpétuer l'héritage emblématique d'Arecibo.

A gauche, état du site d'Arecibo fin 2020. A droite, une image satellite prise le 23 février 2021. Le démontage de l'installation et le nettoyage du site avaient déjà commencé. Documents Xataka et Maxar Technologies.

Le 17 novembre 2021, la NSF publia son premier rapport sur l'état du site. On peut y lire que "L'équipe de nettoyage d'urgence a terminé la majorité du nettoyage et des réparations d'urgence. Les prochaines étapes comprennent l'achèvement des réparations dans les zones où le béton est endommagé, le retrait des véhicules de travail et de l'équipement du site et le stockage des articles récupérés."

Les équipes ont également retiré quelque 38000 panneaux métalliques endommagés couvrant plus d'un tiers de la surface de la parabole. Elles ont également installé un toit temporaire à l'épreuve des ouragans sur le centre d'apprentissage de l'observatoire et réparé des dommages mineurs au toit et à la plate-forme d'observation du centre d'accueil. Selon une estimation faite en mars 2021, tout le processus de nettoyage pourrait coûter 50 millions de dollars à la NSF.

Selon le porte-parole de la NSF, une enquête sur les causes de l'effondrement se poursuit également, même si "à ce jour, aucune défaillance ponctuelle évidente n'a été identifiée."

The Biggest Dream, le film

Après avoir figuré dans des films d'actions (GoldenEye et Contact), l'observatoire d'Arecibo sera de nouveau sous le feu des projecteurs des cinémas. En effet, l'Université de Central Florida qui gère l'observatoire décida de réaliser un documentaire sur l'observatoire d'Arecibo intitulé "The Biggest Dream" (Le plus grand rêve). Il décrit les origines, l'héritage et la perte d'Arecibo. Le film fut présenté en décembre 2021 en projections spéciales à Porto Rico et fut diffusé au-delà de l'île en 2022.

A voir : Arecibo Observatory Movie - The Biggest Dream TRAILER, The Arecibo Obs., 2021

Dans un communiqué, Francisco Cordova, directeur de l'observatoire d'Arecibo déclara que "La création du film reflète l'esprit portoricain et démontre l'ampleur des contributions que cette installation et ses habitants ont apportées à la communauté scientifique."

Dernières nouvelles

28 décembre 2020. A peine un mois après l'accident, la pétition demandant la reconstruction de l'antenne avait reçu plus de 100000 signatures. Le 28 décembre 2020, le gouvernement portoricain annonça qu'il alouait 8 millions de dollars pour la construction d'une nouvelle antenne à Arecibo, jugeant que le site était une "zone historique" qui attire chaque année 100000 touristes.

17 novembre 2021. Dans le rapport de la NSF précité l'avenir du site n'est mentionné qu'à la dernière page de la mise à jour du 17 novembre 2021. La NSF évoque une série d'ateliers qu'elle organisa durant l'été 2021 avec des membres de la communauté scientifique d'Arecibo pour commencer à discuter des opportunités que l'observatoire d'Arecibo peut offrir dans le futur. Il est donc trop tôt pour envisager quelque chose de concret.

Fin 2022. Un an plus tard, en novembre 2022 divers échos laissaient entendre que la parabole ne serait pas reconstruite.

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