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Les retombées de la conquête spatiale

L'astronaute Dale A. Gardner au cours de la mission STS-51A de la navette spatiale Discovery le 14 novembre 1984. Il tient en main une affiche "A vendre" après avoir récupéré les deux satellites Palapa B-2 et Westar 6 dont la mise à feu avait échoué lors de leur tentative de lancement depuis la navette spatiale. Document NASA.

Que coûte la conquête spatiale ? (I)

L'espace est un domaine rentable malgré ce que pensent certains et la majorité des acteurs du secteur soutiennent cette initiative.

Selon les statistiques de l'Université de Sherbrooke du Canada, en 2002 les dépenses en recherche et développement (R&D), c'est-à-dire l'ensemble des dépenses courantes et de capital qu'elles soient publiques ou privées engagées dans la recherche fondamentale ou appliquée, représentaient 2.8% du PIB des Etats-Unis soit 308 milliards de dollars actualisés. C'est un chiffre élevé comparé à ceux des autres pays occidentaux.

A titre de comparaison, ailleurs dans le monde les dépenses en R&D représentaient environ 1% du PIB en Russie et en Chine, 2% du PIB en Belgique (6 milliards de dollars), en France (35 milliards de dollars) et au Royaume-Uni et atteignaient 3% au Japon.

En 2019, les dépenses en R&D représentaient au total pour l'Europe 2.3% du PIB européen soit 312 milliards d'euros dont 15 milliards d'euros en Belgique et 57.7 milliards d'euros en France et baissèrent de 1 milliard d'euros en 2020. Dans le même temps, elles augmentaient aux Etats-Unis, même si elles ont baissé, atteignant 3.5% du PIB en 2021 soit 801 milliards de dollars.

Cette évolution affecte directement la bonne santé des instituts de recherche et des industriels associés et indirectement la capacité des universités à s'impliquer dans des programmes de recherche ou plus simplement à proposer du matériel dernier cris à leurs étudiants.

Concrètement, un pays qui peut se permettre de consacrer près de 3% de son budget à la recherche et au développement a une avance économique évidente sur ses concurrents et cela se ressent dans tous les secteurs de l'économie et compris sur le chiffre d'affaires des sociétés aérospatiales nationales. Ainsi, à elle seule la société Lockheed Martin vend annuellement pour 35 milliards de dollars de vaisseaux spatiaux, produits militaires et autres jets.

Mais cela ne signifie pas que le pays en question exporte son savoir-faire ou ses produits et inonde le marché; il peut parfaitement se contenter de vivre sur son marché intérieur quoiqu'aujourd'hui cette stratégie est vouée à l'échec ainsi qu'on le voit depuis quelques années en Europe. En revanche, dans un grand pays comme les Etats-Unis, en fonction de la politique de leur Président, le pays peut devenir très conservateur et protéger avant tout son marché intérieur, c'est-à-dire favoriser les entreprises nationales au détriment des européennes ou asiatiques. C'est l'une des raisons qui incita l'Europe à créer sa propre agence spatiale, l'ESA, pour acquérir son indépendance spatiale et son propre réseau de satellites de géolocalisation GALILEO.

Par nature, depuis plus d'un demi-siècle, le domaine spatial est un secteur d'avenir qui est également à la pointe de la technologie. L'espace se vend littéralement à prix d'or, mais non sans raisons. Un vecteur comme la fusée Saturn V construite pour le programme Apollo coûta 185 millions de dollars en 1966 soit ~1.3 milliard de dollars actualisés (2015) pour un coût total d'investissement de 21.3 milliards de dollars de l'époque pour l'ensemble du programme Apollo jusqu'en 1973. Cela représente 110 milliards de dollars actualisés (2015) soit presque autant que le budget d'ISS (150 milliards de dollars) !

Le prix unitaire d'une navette spatiale (Orbiter) de production revenait à 490 millions de dollars (prix de 1971, soit 2.7 milliard de dollars actualisés en 2015 en tenant compte des modifications faites sur le 5e Orbiter) pour un coût d'investissement global de 15.5 milliards de dollars en 1980 (42.6 milliards de dollars actualisés en 2015). Bien qu'une navette soit donc deux fois plus cher qu'une fusée Saturn V, elle offrait les grands avantages d'atterrir par ses propres moyens, d'être réutilisable et versatile, servant à la fois de navette, de cargo, de plate-forme de lancement et de laboratoire.

Illustration de la future fusée Ariane 6 de l'ESA (2020). Document ESA.

En 2004, la société américaine Space Island Group estimait le prix d'ingénierie d'une deuxième génération de navettes spatiales (Shuttle II) à 4 milliards de dollars dont le développement était planifié sur 3 ans. Le prototype coûterait 600 millions de dollars pour un prix commercial de 400 millions de dollars et un prix de lancement, non compris le prix des boosters et des ergols, de 10 millions de dollars.

Plus récemment, la construction d'un seule fusée SLS du programme Artémis coûta 4.1 milliards de dollars aux Américains (avec une toute petite participation européenne).

Concernant  l'Europe, le programme Ariane 6 dont le premier vol de la fusée est repoussé à 2023 représente un investissement de 8 milliards d'euros sur 10 ans. D'un point de vue pratique, le secteur spatial a déjà permis de créer 30000 applications allant de la localisation par GPS (ou GALILEO) à la télédétection. La plupart de ces logiciels sont accessibles aux entreprises et même au public, y compris sur smartphones, preuve que les applications "high-tech" se démocratisent.

Rappelons à titre indicatif que le lancement d’un missile Tomahawk revient à environ 500000$ et un avion de combat biréacteur F-18 à environ 50 millions de dollars.

Que coûte une charge utile ? Une fusée comme Ariane 5E/CA coûtait environ 120 millions de dollars et pouvait emporter 10 tonnes de charge utile, mettant le prix du kilo embarqué à 10500$, trois fois moins cher qu'un lingot d'or (37000$ en 2015), sans oublier qu'il n'y a pas d'assurance sur ces véhicules de transport mais uniquement sur certaines charges utiles.

Jusqu'en 2022, c'est la Russie qui offrait les prix les plus intéressants avec 4300$ par kilo embarqué mais le Falcon 9 v1 de la société Space X propose le kilo embarqué à 4100$. Ceci dit, la NASA peut demander plus de 30000$ par kilo et même 150000$ pour un ticket pour l'espace quand il s'agit de "touristes" !

Concernant les télescopes spatiaux, la seule construction du Télescope Spatial Hubble coûta 1.5 milliard de dollars en 1990 mais 10 milliards de dollars au total en 2010 en comptant sa maintenance et tous les services associés, soit le double de son prix lors de son lancement mais il sera probablement opérationnel jusq'en 2030. Etant donné qu'il est équipé d'un anneau de maintenance, on pourrait même demander à SpaceX ou un concurrent de planifier une mission de maintenance pour prolonger sa mission jusqu'en 2040.

Le télescope Nancy-Grace-Roman de la NASA qui devrait être lancé vers 2025 revient à ~4 milliards de dollars tandis que l'ensemble du projet JWST a coûté plus de 10 milliards de dollars - 20% de plus que prévu - en comptant sa maintenance et tous les projets scientifiques répartis sur 5 ans d'exploitation, ce qui en fait le télescope le plus cher du monde.

Par comparaison, le futur télescope terrestre ELT de 40 m de l'ESO coûtera 1 milliard d'euros soit à peine moins que le prix de construction du JWST à la différence qu'il brillera toujours comme un sous neuf et sera vraisemblablement toujours opérationnel dans 100 ans alors que le JWST est prévu pour fonctionner entre 5.5 et 10 ans et sera à court de carburant 10 ans après son lancement. Le JWST est l'un des rares projets astronautiques non rentable et on peut remercier les sénateurs américains qui ont permis sa réalisation.

Le prix des missions vers la Lune et Mars

Bien que les navettes spatiales soient très versatiles et économiques pour des missions ponctuelles, elles ne conviennent pas pour des missions au-delà de l'orbite terrestre. Aussi, pour les prochaines missions habitées vers la Lune et vers Mars, la NASA planche aujourd'hui sur les fusées Falcon de SpaceX et le module Orion.

Le véhicule de transport Orion destiné à l'exploration de la Lune et de Mars. Il desservira également à l'occasion la station ISS. Le contrat fut remporté par Lockheed Martin et représente un budget préliminaire de 4 milliards de dollars. Document NASA.

Que ce soit dans le cadre de ce programme spatial ou d'un autre à définir, si la NASA veut envoyer des astronautes sur la Lune puis sur Mars, elle a dut faire des économies jusqu'en 2014 et trouver de nouveaux financements encore plus conséquents que ceux du programme Apollo pour respecter son planning de construire la première base lunaire vers 2020 comme le confirma le président Obama. On peut toutefois douter que ce planning soit respecter.

En effet, bien que depuis 2004 le Congrès accepte chaque année le budget toujours plus élevé de la NASA prévu dans ce cadre, il a toutefois rappelé à Michael Griffin, l'administrateur de la NASA que cette stratégie ambitieuse et très coûteuse se négociera dans le long terme et que l'agence doit avant tout respecter ses engagements à courts termes, notamment le retour en vol des fusées, tout retard se payant à prix d'or avec des pertes de marché. Entre les lignes, le Congrès demande donc à la NASA de réduire ses dépenses dans d'autres secteurs pour financer sa nouvelle stratégie.

Soumis à la pression du Congrès dont certains élus sont opposés au programme spatial qu'ils considèrent comme une dilapidation de l'argent public (comme ce fut le cas envers SETI à une autre une époque), en 2005, Michael Griffin estima qu'une mission lunaire habitée tel que le proposait le président George Bush, Jr, coûterait 104 milliards de dollars. En estimant à l'époque que le projet se concrétiserait vers 2015, cet investissement représenterait annuellement entre 47 et 60% du budget de la NASA, l'effort étant plus conséquent les premières années du fait que l'enveloppe budgétaire accordée à l'agence allait augmenter chaque année.

En 2006, M.Griffin estima le budget préliminaire de l'exploration de Mars à environ 12 milliards de dollars jusqu'en 2020 répartis à concurrence de 800 millions de dollars par an, ce qui représente 4 à 5% du budget de la NASA. Rappelons que le prix d'une mission habitée vers Mars est estimé à au moins 800 milliards de dollars, soit 67 fois le budget de la NASA en 2020, ce qui représente la moitié des dépenses des Etats-Unis !

Dans cette perspective, même si Barack Obama aurait bien vu des hommes sur Mars en 2030, la planète Rouge reste un objectif à long terme dont le programme ne peut être financé que par un consortium international.

Enfin, au cours des prochaines années, la NASA se réservera également 200 millions de dollars par an pour financer les systèmes américains ou étrangers de transport vers la station ISS. Ensemble, ces programmes grèvent donc le budget de la NASA de 52 à 66% jusqu'en 2020.

Pour atteindre cet objectif, depuis quelques années le budget de la NASA est revu à la hausse. Depuis 2006, son budget augmente de 2.2 à 2.4% par an, pour dépasser 19 milliards de dollars US en 2018 dont près de la moitié est consacré aux missions d'exploration et au transport spatial, le restant étant réservé aux sciences, la recherche et le développement. Le budget de la NASA sera de 22.5 milliards de dollars en 2020.

Selon Michael Griffin, ce financement ne coûtera que 0.15$ par jour aux contribuables américains, le budget total de la NASA restant sous la barre des 1% des dépenses fédérales. Depuis 2017, en principe plus aucun budget n'est alloué à ISS ni aux systèmes de transport; les missions d'exploration s'accaparant la moitié des dépenses.

Projection des budgets américains nécessaires aux vols spatiaux habités.

Bien que certains journalistes extiment que ce budget ne sera pas suffisant pour boucler le nouveau programme lunaire, Michael Griffin souligne que la majeure partie du financement provient de l'arrêt progressif des programmes ISS et des navettes planifié depuis 2010 qui, ensemble, grèvent le budget de la NASA de 7 milliards de dollars par an, ce qui représente encore une bonne partie de son budget.

Globalement, la NASA est donc raisonnable car cette proportion se rapproche de cellle du programme Apollo. Rappelons que le programme Apollo coûta plus de 115 milliards de dollars actualisés et représenta en 1967 jusqu'à 69.8% du budget de la NASA. Il retomba à 64.4% en 1968 et à 63.4% en 1969 pour finir comme une peau de chagrin en 1973.

Quant à la future mission habitée vers Mars en théorie prévue au plus tôt vers 2045, étant donné que le budget de tous les programmes ont toujours été dépassés, on peut supposer qu'il dépassera non pas les 800 mais les 1000 milliards de dollars soit 7 fois plus que le programme ISS !

De l'intérêt du public pour la conquête spatiale

Des montants comme 20 milliards de dollars, 100 milliards de dollars, 1000 milliards de dollars lancés aux journalistes par les responsables de la NASA sont faramineuses, même pour un grand pays comme les Etats-Unis dont le budget fédéral (les dépenses) dépassait 6000 milliards de dollars pour l'année fiscale 2022. Quand on sait que l'administration Bush creusa un déficit de 423 milliards de dollars alors qu'il était en boni lors de la législature précédente, les opposants Démocrates avaient de bonnes raisons de remettre en question la stratégie du Président.

Le "Vehicule Assembly Building" ou VAB du Kennedy Space Center (KSC) à Cap Canaveral en Floride. C'est dans ce bâtiment emblématique haut de 160 m que sont assemblées les lanceurs américains (Saturn V, STS, SLS, etc.) depuis 1966.

Mais si nous comparons dans l'absolu le budget de la NASA à celui des autres administrations nationales, il reste très raisonnable. Ainsi, malgré les réductions budgétaires par rapport aux années antérieures, pour 2007 les prévisions accordaient un budget royal de 9.4% aux transports contre 7.2% à la Justice, 6.9% à la Défense, 4% à l'environnement, 3.8% à l'éducation et 2.3% à la santé. Avec son petit 0.41% soit 24.8 milliards de dollars pour l'année fiscale 2022, la NASA fait presque figure d'enfant pauvre. Bien sûr il n'est pas isolé et dépend notamment de la manne financière de l'USAF qui fabrique indirectement ses appareils et ses instruments. Rappelons tout de même que le budget de l'armée américaine a augmenté de 48% depuis 2001.

Mais que pense le public de la répartition de ces dépenses ? Est-il par exemple favorable à l'augmentation du budget consacré au programme spatial ou le juge-t-il démesuré par rapport à d'autres priorités ? Etudions la question en détail car elle nous concerne tous.

Comme toute organisation, une agence spatiale ne peut pas vivre sans budget, qu'il émane de sponsors privés, des pays membres ou du fédéral. Et au sommet de la prise de décision, ce sont les représentants politiques qui acceptent ou refusent d'allouer ce budget. 

Mais si la politique dirige le monde, en dernier ressort ce sont donc indirectement les électeurs et donc les contribuables qui jugent de l'intérêt ou non de poursuivre la recherche et l'exploration spatiale. Ceci dit, l'opinion international peut aussi influencer le président le plus puissant du monde.

Réactions internationales

La pression internationale peut aussi influencer les décisions hégémonistes voire égocentriques américaines. Ainsi, le 23 mars 1983 le président Ronald Reagan annonça le lancement de l'Initiative de Défense Stratégique (IDS, cf. cette vidéo sur YouTube) sous la supervision du Strategic Defense Initiative Organization (SDIO). Mais cette militarisation de l'espace fut mal perçue par les Russes et les Européens qui s'étaient mis d'accord avec les Américains pour justement réduire les arsenaux anti-missiles. Finalement, l'IDS fut abandonnée en 1993 sous l'administration Clinton. Suite aux attentats du 11 septembre 2001, le président George Bush remplaça ce programme par un ancien programme de missiles de défense remis à jour auquel collabore l'Europe à travers l'OTAN depuis 2005.

Mais depuis, le président Donald Trump relança le débat en proposant en 2018 de mettre sur pied une force spatiale militaire. Il ne savait visiblement pas que son pays disposait déjà d'une force spatiale depuis 1982, l'Air Force Space Command (dont les activités avaient inspirées la série télévisée "Stargate SG-1") comprenant plus d'une dizaine d'escadrilles. Elle fut dissoute fin 2019 et reprise d'une part par l'Air Force Global Strike Command (AFGSC) et par l'United States Space Force (USSF).

Soulignons que dans ce cadre, la Russie dispose des Forces spatiales de la Fédération de Russie (réétablies en 2015) et la France qui veut toujours jouée seule maintient un Commandement interarmées de l'Espace, tous deux ayant pour principale tâche la lutte antimissile. En général, ces unités spécialisées s'occupent également de l'armement nucléaire et des éventuels satellites de navigation (GPS, Glonass, etc).

Informer et éduquer pour convaincre

Ainsi que nous l'avons vu aux Etats-Unis à propos du programme SETI, il suffit d'un opposant au Congrès pour annuler un projet scientifique. Le rôle des scientifiques, des industriels (lobbies compris) et des agences spatiales est donc de convaincre les autorités que le jeu en vaut la chandelle.

Aussi, il faut le répéter, même si l'évaluation précise est impossible, de nos jours 1 € investi dans l'espace rapporte 3 € à l'Europe et touche tous les jours de nouveaux secteurs. Concernant le programme spatial américain, selon certains experts, en 2016 chaque dollar investi par la NASA rapporterait 7$ ou 8$. Les opposants au programme spatial en ont-ils bien conscience ? Nous allons revenir sur le sujet mais insistons déjà sur le fait que l'espace est très rentable et le deviendra de plus en plus si de nouveaux acteurs du secteur privé ont la possibilité de s'y investir et de partager ses succès.

Document Chron.

Extrait des sondages Gallup concernant la NASA. Document Chron, Houston Chronicle, 2003.

Ceci dit, certains sondages non américains sont mitigés envers la NASA. Cela montre que malgré tous ses canaux de communication, le discours de la NASA n'a pas encore atteint tous ses objectifs et qu'il reste encore beaucoup d'actions éducatives à développer pour sensibiliser la population sur l'intérêt de l'astronautique et de ses retombées économiques.

Si nous prenons maintenant l'avis des Américains, les premiers concernés financièrement, un sondage de Ipsos-Public Affairs pour Associated Press réalisé en janvier 2004 auprès de 1000 adultes, juste après l'annonce de l'initiative du président Bush, Jr, conclut que "48% [des Américains] sont favorables à ce projet mais le même nombre de personnes y sont opposées"... Et de préciser, "si on donnait le choix aux Américains de donner leur argent à des programmes éducatifs et sanitaires ou à la recherche spatiale, 55% préféreraient qu'il soit investi dans des besoins domestiques."

Ce sondage reflétait exactement la répartition politique, la moitié des Démocrates étant opposé à la politique des Etats-Unis telle que l'envisageait l'administration Bush. Mais il est également vrai que ce sondage tombait après les deux accidents tragiques de la navette qui avaient jeté un froid sur la confiance des Américains dans la capacité de la NASA.

Suite à ce désintérêt, en substance ce sondage annonçait que 69% des Américains ne seraient pas concernés si l'Amérique perdait son rôle de leadership en matière spatiale. Objectivement, c'est en tout cas envisageable quand on apprend que non seulement la Russie et l'Europe sont dans la course, mais également le Japon, la Corée, l'Inde et la Chine, cette dernière ayant envisagé d'envoyer des hommes sur la Lune, vraisemblablement après 2020.

Deux ans plus tard, un sondage Gallup réalisé en août 2006 et parrainé par la NASA ainsi que les principales industries aérospatiales américaines regroupées dans la "Coalition for Space Exploration" (CSE, qui propose également le résultat des derniers sondages) arriva à la conclusion que près des deux-tiers (63%) des Américains sondés (1000 personnes interviewées par téléphone) étaient en faveur d'un retour des astronautes sur la Lune dans la mesure où cet effort ne dépasserait pas 1% du budget fédéral, chiffre confirmé par le bureau Census et que semble avoir pris en considération Michael Griffin pour s'attirer les bonnes grâces du public et des "Congressmen".

Sur les 63% de sondés en faveur de l'exploration spatiale, 32% se contentaient du budget actuel tandis que 22% souhaitaient qu'il soit augmenté, soit des proportions très proches de l'opinion française.

A consulter : Bibliographie concernant l'opinion du public

à propos du programme spatial de la NASA

Coût de quelques projets “astronomiques”

Nom du projet

Coût (USD 2015)

Une mission habitée vers Mars (1989)

Plan Marshall (1948-1952)

Station spatiaIe ISS (cycle de vie complet)

Les 17 missions Apollo

“Village global” numérique (GlobalStar...)

La future base lunaire

Un vol habité vers Mars (2024)

Budget annuel de la NASA

Telescope JWST (cycle de vie complet)

Telescope Spatial Hubble (cycle de vie complet)

Mars Return Sample

Les navettes spatiales américaines

Skylab (Saturn V

Un vol de la fusée Saturn V

Télescope XMM (rayons X)

Sonde spatiale Juno (Jupiter)

Télescope ELT de 40 m

Voyager 2

La mission MRO sur Mars

Télescope VLT de l’ESO de 8.2 m

Télescope Keck I et II (2 x 10 m)

Projet génomique HUGO (2006)

Projet ORION (vaisseau spatial)

Combinaison spatiale EMU

Budget annuel du projet PHOENIX (SETI)

Mise en orbite de 1 kg de charge utile (Falcon 9 v1)

Mise en orbite de 1 kg de charge utile (Ariane V)

800 milliards

> 175 milliards

150 milliards

115 milliards

100 milliards

90 milliards

40 milliards

17.7 milliards

10 milliards

~15 milliards

7 milliards

4.7 milliards

4.26 milliards
3.4 milliards

1.2 milliard

1.1 milliard

1.1 milliard

> 1 milliard

750 millions

350 millions

225 millions

16.5 millions

15 millions

14 millions

4 millions

4109

10476

Pour des valeurs remontant à plus de 50 ans, la marge d'incertitude sur l'actualisation peut dépasser 60% (et donc la valeur actuelle peut être 60% plus élevée que celle indiquée). Mais ces chiffres sont abstraits. A titre de comparaison, le voyage de Christophe Colomb en 1492 est estimé à 16 millions de dollars actualisés, un missile Tomahawk revenait à 600000 dollars en 2015. L'arrêt économique d'un pays comme la Belgique durant une journée faute de carburant coûte plus de 40 millions de dollars. Suite à une panne d'électricité, la remise en état des transformateurs et du réseau hydro-électrique canadien coûta 30 millions de dollars canadiens.

Pour information, en 2015 le prix du kilo embarqué à bord d'une fusée revenait entre 4100$ (Falcon 9 v1) et 10500$ (Ariane V), soit entre 3 et 6 fois moins qu'en 2000. Enfin, le prix de la seconde d'observation au télescope VLT de l'ESO revient à un peu plus de 1.5$.

Les montants ont été actualisés sur base d'une inflation annuelle de 2% ou selon les valeurs du taux de croissance calculées par Measuring Worth. Consultez aussi fxtop.

Le sondage Gallup de mars 2006 arrivait à un chiffre de 60% en faveur du programme spatial et il était légèrement inférieur en mars 2005. Jeff Carr, président du CSE "pense que la stabilité de ces chiffres au cours du temps est probablement la chose la plus significative. Notre mission est de sensibiliser le plus large public possible sur la valeur et les bénéfices de l'exploration spatiale." Cette fois son objectif semble atteint mais il n'est nullement définitif. En effet, il semble que le public soit plus sensibilisé par les résultats immédiats de la conquête spatiale (le bon fonctionnement des télécommunications par satellite, des GPS ou de la bonne réception des images météos par exemple) et les belles images prises par les satellites et les sondes spatiales que par les projets à long terme comme celui de colonisation de la Lune ou de Mars qui ne le touche pas dans sa vie quotidienne.

Les derniers sondages américains montrent clairement que le public ne souhaite pas que le Président investisse leur argent dans un programme onéreux de mission ou de colonisation de la Lune ou de Mars et qu'il ferait mieux de consacrer ces milliards de dollars pour résoudre des problèmes plus terre-à-terre comme les consacrer à une meilleure prise en charge des soins de santé, à une assurance maladie universelle, au logement, à l'augmentation des allocations de chômage, à la recherche contre le cancer parmi d'autres exemples.

Rappelons que si par malheur, il devait arriver un nouvel accident grave au cours d'une future mission habitée, le Congrès américain (le Sénat républicain et la Chambre des Représentants démocrate) aurait tous les arguments pour annuler le programme spatial sans appel. La NASA devrait alors se contenter de petites missions d'exploration planétaires automatiques comme celles qu'elle réalise actuellement vers le Soleil, Vénus ou Mars. C'est un risque supplémentaire que la NASA ne peut absolument pas envisager.

"Vox populi vox dei", allons donc pour 1% des dépenses fédérales puisqu'ainsi le veut le peuple.

Deuxième partie

Un investissement rentable

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