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La Bible face à la critique historique

Émergence de la foi en la résurrection de Jésus (II)

Le récit de la résurrection selon Jean

L'Évangile selon Jean donne une autre version du tombeau vide qui n'est pas basée sur celle de Marc. Elle paraît tout aussi crédible et mérite un examen attentif.

Selon Jean, le premier jour de la semaine suivant Pâque, Marie-Madeleine arriva de bonne heure au tombeau, alors qu'il faisait encore nuit, et vit que la pierre ronde avait été ôtée du sépulcre. Aussitôt, elle courut vers Simon-Pierre et l'autre disciple, "celui que Jésus aimait", et leur dit: "Ils ont enlevé du sépulcre le Seigneur, et nous ne savons où ils l'ont mis. Pierre et l'autre disciple sortirent, et allèrent au sépulcre. Ils couraient tous deux ensemble. Mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre, et arriva le premier au sépulcre; s'étant baissé, il vit les bandes qui étaient à terre, cependant il n'entra pas. Simon Pierre, qui le suivait, arriva et entra dans le sépulcre; il vit les bandes qui étaient à terre, et le linge qu'on avait mis sur la tête de Jésus, non pas avec les bandes, mais plié dans un lieu à part. Alors l'autre disciple, qui était arrivé le premier au sépulcre, entra aussi; et il vit, et il crut. Car ils ne comprenaient pas encore que, selon l'Ecriture, Jésus devait ressusciter des morts. Et les disciples s'en retournèrent chez eux" (Jean 20:1-10).

Jean donne d'autres versions de ce récit dans lesquels Jésus apparaît à Marie-Madeleine et aux disciples, y compris le sceptique Thomas. Mais ce passage racontant la découverte du tombeau vide nous offre une version moins théologique des faits, avec des détails que les historiens estiment crédibles dont le célèbre Raymond E. Brown dans son livre "The Virginal Conception and the Bodily Resurrection of Jesus" (1973, p120-123). Brown note en particulier deux passages de Jean significatifs :

1°. Jean ne décrit pas de jeune homme ou d'interprète angélique dans la tombe proclamant la résurrection. Au lieu de cela, Marie est tout à fait sûre que le corps a été enlevé pour être enterré ailleurs : "Ils ont enlevé du sépulcre le Seigneur, et nous ne savons où ils l'ont mis" (Jean 20:2). Brown se demande qui est le "ils" évoqué Marie-Madeleine ? Sur la base de l'inhumation hâtive du corps de Jésus dans cette tombe temporaire, il semble évident qu'elle fait référence à Joseph d'Arimathie et à ses assistants. Après tout, quelques versets plus tôt, c'est Jean qui nous dit que la tombe utilisée était temporaire, elle se trouvait justement près du site de la crucifixion : "Or, il y avait un jardin dans le lieu où Jésus avait été crucifié, et dans le jardin un sépulcre neuf, où personne encore n'avait été mis" (Jean 19:41).

La Bible de Jérusalem ouverte sur une page de l'Évangile selon Jean au chapitre 20, "Le tombeau trouvé vide". Document T.Lombry.

2°. Comme le précise Jean, Pierre et l'autre disciple ont couru à la tombe pour vérifier qu'elle était vide. Ce qu'ils "croient" n'est pas que Jésus est ressuscité d'entre les morts, mais que le corps de Jésus a été enlevé et enseveli (donc vraisemblablement la nuit précédente). Cette interprétation correspond exactement à ce que nous avons décrit précédemmet à partir de nos sources documentaires, y compris Paul. Cette péricope conclut : "Et les disciples s'en retournèrent chez eux". Certains biblistes sont convaincus que cette phrase signifie un retour en Galilée pour reprendre leur métier de pêcheur car on retrouve une idée semblable dans l'Évangile de Pierre (voir plus bas).

Pour les biblistes, le début du chapitre 20 de Jean est probablement le premier et le plus ancien récit de la "tombe vide" qui aurait été arrangé par la Grande Église pour harmoniser les récits des Évangélistes et les faire correspondre avec l'idée que Jésus est apparu physiquement à Jérusalem portant les traces des stigmates, etc. Cette version aurait ensuite été développée pour des raisons apologétiques, pour la cohésion des récits et affirmer aux sceptiques que l'apparition de Jésus après sa résurrection ne pouvait pas être celle d'un esprit ou une hallucination.

L'archéologue bibliste James Tabor déjà cité arrive à la même conclusion dans son livre "La véritable histoire de Jésus" (2007, chapitre 14 "Une mort, deux enterrements"). En revanche, les biblistes Robert Gundry de l'Université de Manchester et le dominicain Jérôme Murpkey-O'Conner (1935-2013) de l'Ecole Biblique et Archéologique de Jérusalem bien que ne rejetant pas l'idée que le corps de Jésus ait été enlevé de sa tombe provisoire pour un tombeau permanent souhaitent qu'on démontre cette thèse, sous-entendant que jusqu'à preuve du contraire, Jésus est également ressuscité en chair.

On reviendra sur les différentes formes de résurrection (en chair et en esprit) mais disons tout de suite que les deux thèses sont opposées et invérifiables. En revanche, on peut avancer quelques arguments en faveur de la première thèse selon laquelle on peut ressusciter même s'il reste un corps charnel sur terre, une théorie évidemment entièrement spéculative. Si on se base sur les Épîtres de Paul, la résurrection de Jésus a été interprétée comme la réincarnation d'un être mortel qui est entré dans le monde des morts comme une "âme nue". Paul se réfère régulièrement aux morts comme étant ceux qui "dorment" (1 Thessaloniciens 4:13). Dans ce sens, la résurrection n'implique pas la réanimation ou la réincarnation de l'âme dans le cadavre, mais de "se réveiller" de l'état de mort pour revêtir un corps ou une forme spirituelle. Paul considère que le corps physique est corruptible, de la "poussière" et périssable, mais cela n'a aucune importance dans son interprétation de la résurrection car il suffit de croire au Seigneur et d'espérer pour finalement ressusciter sur un plan spirituel. Cette interprétation à l'avantage de résoudre le problème de la décomposition du cadavre.

Jésus est vu en Galilée ou à Jérusalem

Les Évangéliste déclarent tous que Jésus est ressuscité et à part Marc dans sa finale courte, tous disent qu'il fut visible en chair mais également sous forme transfigurée d'abord à ses disciples le jour même de sa résurrection à Jérusalem, prouvant qu'il avait été "élevé" de la mort pour traduire littéralement le texte grec. Mais comme nous le verrons, ce sont des ajouts tardifs à une tradition antérieure.

Ce que Marc écrit ("'il vous précède en Galilée: c'est là que vous le verrez", vv.16:7 fut très adapté et enjolivé par Luc et Jean qui prétendent que Jésus a été vu à Jérusalem, le dimanche après la crucifixion. Ils déclarent que Jésus était visible en chair et en os, contredisant l'affirmation pour le moins emphatique de Paul qui déclare que Jésus est devenu un esprit qui donne la vie, certes incarné, mais pas réellement "solide" ou matériel. Rappelons qu'au tombeau Jésus avertit Marie : "Ne me touche pas; car je ne suis pas encore monté vers mon Père" (Jean 20:17). Jésus est également capable d'apparaître et de disparaître à volonté, ce qui n'est pas vraiment le comportement d'un être de chair. On peut donc rejeter l'idée de croire que ces textes tardifs auraient la priorité sur les documents antérieurs, ce que la plupart des lecteurs font pourtant en lisant le Nouveau Testament dans le sens "normal", les Évangiles avant les Épîtres de Paul.

A gauche, le village de Tibériade sur les rives du lac éponyme photographié vers 1890-1895. Collection Bernard Pillet. A droite, un paysage de la basse Galilée photographié en 2005 (la basse Galilée est située à l'ouest et au sud-ouest du lac de Tibériade, comprenant notamment Tibériade, Haïfa et Nazareth (cf. cette carte). Document Nati Shohat/Flash90.

Si la famille et les disciples de Jésus savaient à quel endroit Jésus avait finalement été inhumé de façon définitive ou même s'ils l'apprirent plus tard, ils n'ont pas couru dans les rues de Jérusalem pour proclamer qu'il était ressuscité. Comme nous l'avons expliqué, non seulement ils craignaient pour leur vie ou de passer pour des fous mais il y a une raison historique objective. En fait, si on relit nos sources, à part la première et unique vision de Jésus à Marie-Madeleine (Jean 20: 11-18, Matthieu 28: 9-10), on constate qu'aucun témoin n'a vu Jésus à Jérusalem, mais uniquement en Galilée ou près de Jérusalem en ce qui concerne les disciples d'Emmaüs ("à 60 stades" de Jérusalem soit ~11 km selon Luc 24:13).

La question d'une première apparition à Marie-Madeleine est toujours sous caution car elle n'est pas incluse dans la liste des premiers témoins que rapporte Paul. Comme nous l'avons expliqué, l'une des raisons est qu'à cette époque chez les juifs le témoignage d'une femme était considéré comme moins convaincant voire même irrecevable. On y reviendra.

Notre meilleure preuve est que les disciples de Jésus sont retournés en Galilée, en deuillés et sans doute désespérés, tentant de reprendre leur métier. Ce n'est qu'un peu plus tard en Galilée qu'ils ont commencé à croire que Jésus était réellement ressuscité. Et le fait que la dépouille de Jésus reposait dans une tombe à Jérusalem, n'était pas une menace pour leur foi. Plus d'un bibliste estiment que cette croyance en la résurrection de Jésus émergea dans les toutes premières années après la mort de Jésus et non pas dix ou vingt ans plus tard.

L'Évangile de Pierre

A part les indices classiques cachés dans le Nouveau Testament, parfois des indices apparaissent dans les endroits les plus inattendus. Ainsi, en 1886 une copie fragmentaire de l'"Évangile de Pierre", un apocryphe pseudépigraphique datant du IIe siècle fut découvert dans la tombe d'un moine à Akhmîm, en Haute-Égypte. L'historien et Père de l'Église Eusèbe de Césarée (263-339) avait mentionné son existence mais l'avait méprisé (cf. "Histoire ecclésiastique", Livre VI, 12) avant qu'il soit déclaré apocryphe au VIe siècle. Or ce texte clairement antisémite (l'auteur condamne les juifs pour avoir condamné et excécuté Jésus) est le seul connu donnant une description de la manière dont Jésus sortit du tombeau lors de sa résurrection.

Fragment de l'"Évangile de Pierre". Extrait du livre d'Henry Swete, "The Akhmim Fragment of The Apocryphal Gospel of St. Peter", MacMillan,1893.

Ce fragment d'Évangile dont on voit une page à droite est écrit à la première personne, prétendant être l'apôtre Pierre. L'auteur qui est donc anonyme raconte avec assez bien de détails la mort et la résurrection de Jésus dans un style auquel nous sommes peu habitués, plus proche de la légende avec un certain nombre d'adaptations fantastiques. Bien qu'ayant une grande valeur sur le plan historique, cette source est très discutable et on peut comprendre pourquoi la Grande Église l'écarta du canon.

À la fin du texte, l'auteur décrit une deuxième fois l'épisode du tombeau vide mais d'une manière beaucoup plus concrète et cette fois presque identique à la finale courte de Marc. Il semble que l'auteur a rédigé deux versions, une très fantastique et légendaire et une autre plus sobre et réaliste. Dans cette deuxième version, Marie-Madeleine et les autres femmes arrivent au tombeau de Jésus, le trouve vide, et comme dans Marc, elles rencontrent un jeune homme qui leur dit que Jésus est ressuscité et, effrayées, elles s'enfuient. Voici la totalité de cette deuxième version qui termine le document :

"À l’aube du dimanche, Marie Madeleine, disciple du Seigneur (par crainte des juifs, parce qu’ils étaient enflammés de colère, elle n’avait pas fait sur le tombeau du Seigneur ce que les femmes ont coutume de faire pour les morts et pour ceux qui leur sont chers), ayant pris avec elle ses amies, vint au tombeau où il avait été déposé. Et elles craignaient que les juifs ne les vissent et disaient : "Bien qu’en ce jour où il a été crucifié nous n’ayons pas pu pleurer et nous lamenter, maintenant du moins faisons-le sur son tombeau. Mais encore qui nous roulera la pierre mise sur la porte du tombeau, afin qu’étant entrées nous nous asseyions auprès de lui et que nous fassions ce qu’il faut. Car la pierre était grande; et nous craignons que quelqu’un ne nous voie. Et si nous ne pouvons, déposons du moins à la porte ce que nous apportons en mémoire de lui : nous pleurerons et nous lamenterons jusqu’à ce que nous soyons [re]venues dans notre maison." Et s’en étant allées, elles trouvèrent le tombeau ouvert. Et s’approchant, elles se baissèrent pour y regarder; et elles voient là un jeune homme, assis au milieu de la tombe, beau et revêtu d’une robe très éclatante, qui leur dit : "Pourquoi êtes-vous venues ? Qui cherchez-vous ? Est-ce ce crucifié ? Il est ressuscité et s’en est allé. Que si vous ne le croyez pas, regardez et voyez qu’il n’est plus au lieu où il était étendu ; car il est ressuscité et s’en est allé là d’où il avait été envoyé." Alors les femmes effrayées s’enfuirent. Or c’était le dernier jour des Azymes ; et beaucoup sortaient, s’en retournant dans leurs maisons, la fête étant finie. Pour nous, les douze disciples du Seigneur, nous pleurions et nous affligions ; et chacun, affligé de ce qui était arrivé, se retira dans sa maison. Mais moi, Simon-Pierre, et André, mon frère, ayant pris nos filets, nous nous en allâmes à la mer; et il y avait avec nous Lévi, fils d’Alphée, que le Seigneur…" (vv.50-60).

Ce texte est très surprenant ! La fête de Pâque dure 8 jours et selon ce texte, plutôt que de courir dans Jérusalem annoncer la réssurection et les apparitions de Jésus comme le voudrait la tradition, Pierre et les principaux disciples ont passé la semaine à Jérusalem en pleurant le Messie. Au terme de la semaine, ils sont retournés chez eux, c'est-à-dire en Galilée, endeuillés. Chacun est rentré chez lui et Pierre et son frère André sont retournés à leur entreprise de pêche.

L'existence d'un texte aussi ancien et si opposé aux notifications des apparitions de Jésus à Jérusalem par les auteurs apostoliques (à part Marc) la semaine suivant sa mort, lui donne une crédibilité très élevée. Il correspond également à l'interprétation de Marc qui n'a pas eu connaisance des apparitions de Jésus mais dit également que les disciples sont retournés en Galilée. Connaissant les autres Évangiles, on déduit qu'il est plus que probable que l'Évangile de Pierre avec cette rupture abrupte par rapport à la tradition, relate une apparition de Jésus par Pierre, André et les autres apôtres sur le lac de Tibériade, après qu'ils soient retournés à leur pêche et abandonnés tout espoir.

L'apparition de Jésus sur le rivage de la mer de Galilée (Jean, 21). Document Free Bible Images.

Nous avons une version de cette histoire de pêche en Galilée à la fin de l'Évangile selon Jean, au chapitre 21 mais qui se démarque de la fin du chapitre précédent comme s'il s'agissait d'une information complémentaire, d'un appendice déguisé ajouté au livre après que le texte original fut terminé avec le chapitre 20. Et comme évoqué plus haut, dans les premiers versets du chapitre 20, Jean tient le même discours que les autres Évangélistes, précisant que "les disciples s'en retournèrent chez eux" (Jean 20:10), en Galilée.

On sait aujourd'hui que le chapitre 21 de Jean dans sa forme actuelle a été modifié afin d'hamoniser les récits et que Jésus apparaissait déjà aux disciples à Jérusalem avant de se manifester en Galilée. Mais il est clair que le texte original bien que tardif reflète une source entièrement indépendante qui a préservé une histoire très semblable à la fin de l'Évangile de Pierre et à la péricope de Jean 20:1-10. La manière dont l'épisode du retour de Pierre et de quelques autres à la pêche est raconté, avec les hommes en dehors du bâteau apercevant Jésus à distance, sur le rivage, même si les rédacteurs l'ont embellie, montre que cette tradition du retour en Galilée et de reprise du commerce de la pêche était une tradition persistante pour ces hommes.

D'ailleurs Matthieu suit Marc qui insiste pour dire que la Galilée était le lieu où les disciples ont d'abord vu Jésus. Leur récit est également assez révélateur : "Les onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait désignée. Quand ils le virent, ils se prosternèrent devant lui. Mais quelques-uns eurent des doutes" (Matthieu 28: 16-17).

Il est probable que Matthieu associe cette montagne (que certains ont identifié au mont Tabor) à un lieu précis d'expérience visionnaire, à l'image de ce qu'il dit dans le chapitre 17 où Jésus apparaît comme un être brillant transfiguré avec Moïse et Élie. Beaucoup de biblistes ont suggéré que le récit de la transfiguration qu'on retrouve aussi en Marc 9 relate en réalité la résurrection mais l'épisode serait chronologiquement mal placé.[4]

Mais que ce soit le cas ou non, cet épisode nous apprend que Matthieu n'eut connaissance que d'une seule apparition de Jésus à ses disciples. Cela s'est passé en Galilée sous l'aspect d'une expérience visionnaire sur une montagne, mais certainss doutèrent.

Reconstitution chronologique des apparitions

Si nous rassemblons toutes nos indices concernant les apparitions relatées par toutes nos sources, dans l'ordre chronologique nous obtenons un compte-rendu intéressant où on distingue clairement comment les histoires naissent et se transforment au fil des années, comme le jeu du téléphone où le récit final colporté de bouche à oreille finit par ne plus ressembler du tout à l'original à l'exception d'un mot spécifique ou d'un nom qui permet de s'en souvenir.

Il y eut d'abord Paul qui dit avoir eut sa révélation du Christ environ 7 ans après la mort de Jésus. Il affirme avoir vu Jésus dans un corps céleste glorieux. Par deux fois dans sa première Épître aux Corinthiens, il assimile sa propre expérience à celle des témoins qui avaient déjà vu Jésus, se basant sur les traditions qu'il avait lues ou entendues, à savoir Pierre (Céphas), les Douze, un groupe de 500 disciples à la fois, Jacques, puis les autres des apôtres : "Après eux tous, il m'est aussi apparu à moi" (1 Corinthiens 15:8), "Ne suis-je pas libre? Ne suis-je pas apôtre? N'ai-je pas vu Jésus notre Seigneur" (1 Corinthiens 9:1). Paul ne dit pas quand et où ces précédentes apparitions eurent lieu, mais puisqu'il mentionne le Conseil "des Douze" (et non des "Onze" comme Luc), il se réfère peut-être au moment où Judas l'Iscariote disparut et fut remplacé par Matthias, ce qui nous conduit sept semaines après la crucifixion de Jésus, les "Onzes" étant déjà retournés en Galilée.

La mer de Galilée photographiée depuis le rivage nord-ouest en septembre 2016. Document AFP.

Marc ne tient pas compte ou n'a pas entendu parlé d'une personne ayant vu Jésus mais il précise que le jeune homme qui rencontra les femmes à la tombe leur dit explicitement d'aller dire aux disciples qu'ils le verront en Galilée.

Matthieu rapporte que les femmes qui se sont d'abord rendues au tombeau sont priées par un ange d'aller dire aux disciples qu'ils verront Jésus en Galilée. Alors qu'elles courent pour transmettre ce message, elles rencontrent Jésus, qui répète le message encore plus explicitement : "allez dire à mes frères de se rendre en Galilée : c'est là qu'ils me verront" (Matthieu 28:10). Matthieu termine son Évangile avec la scène d'une montagne en Galilée qui se déroule visiblement un peu plus tard, où les onze disciples voient Jésus, bien qu'il mentionne que certains d'entre eux doutent de ce qu'ils ont vu.

Luc écrit que plus tard, ce premier dimanche, deux hommes qui marchaient sur une route en dehors de Jérusalem rencontrèrent Jésus et partagèrent un repas avec lui, mais au début ils ne le reconnaissent pas. Par la suite, Luc raconte que Pierre a alors vu Jésus mais aucun détail n'est donné. Ce soir-là, Jésus apparaît dans la pièce où les onze disciples sont rassemblés et mange avec eux, leur montrant son corps physique de chair et d'os, les convainquant qu'il n'est pas un esprit ou un fantôme.

Jean raconte que Jésus est apparu pour la première fois à Marie-Madeleine le dimanche matin, et après avoir constaté que la tombe était vide, les disciples, y compris Pierre et Jean, sont retournés chez eux. Plus tard dans la soirée, Jésus apparaît aux autres disciples avec ses stigmates, mais Thomas est absent. Huit jours plus tard, Jésus apparaît de nouveau dans leur maison et Thomas peut voir et même de toucher ses blessures, le convainquant que ce qu'il voit et touche n'est pas un fantôme.

Au chapitre suivant (Jean 21), son appendice, Jean relate un autre évènement, sans lien avec le récit principal et se déroulant en Galilée, où Pierre et les autres disciples sont retournés pêcher mais voient de loin Jésus sur le rivage qui leur propose de jeter leur filet du côté droit de la barque où ils trouveront du poisson. Ils viennent ensuite à terre rejoindre Jésus et font cuire du poisson sur un feu de charbon de bois et mangent ensemble.

L'Évangile de Pierre se termine lorsque les disciples quittent Jérusalem une semaine après la crucifixion et retournent en Galilée. Même si Marie-Madeleine et les femmes ont trouvé la tombe vide, les disciples ne croient pas que Jésus est vivant. Ils sont désespérés, pleurant la mort de Jésus et retournent à leur métier de pêcheur. Malheureusement, le texte s'arrête là.

Analyse des deux traditions

A partir de cette reconstitution chronologique, deux observations importantes émergent :

1°. Les premiers récits (Marc et Matthieu) s'accordent à dire que les disciples n'ont rencontré Jésus en Galilée que peu de temps après la découverte de la tombe vide. On leur dit d'aller en Galilée, où ils verront Jésus. Comme ils n'ont vraisemblablement pas quitté Jérusalem avant la fin des festivités de Pâque qui durèrent huit jours, les expériences qu'ils relatent s'étendent sur plusieurs semaines après la mort de Jésus. Le récit de Matthieu indique que quelle que soit la rencontre, elle était plus équivoque et sujette à caution. Comme une sorte d'addendum à la tradition de Galilée, l'Évangile de Pierre ainsi que l'appendice de Jean indiquent que Pierre et les autres apôtres sont retournés dans leurs maisons en Galilée et que lui et son frère André ont repris leurs activités de pêche.

2°. Les derniers récits (Luc et Jean) placent les apparitions de Jésus à Jérusalem, le jour même où les femmes découvrent le tombeau vide. Jésus apparaît comme un être humain marqué dans ses chairs, il montre ses blessures et mange un repas pour démontrer qu'il n'est pas un esprit ou un fantôme. L'image qu'on dresse de cet épisode est que la tombe vide est directement liée à l'apparition de Jésus et l'auteur traite ici l'idée de la résurrection comme la réanimation littérale d'un cadavre.

Les différences entre ces deux versions des faits sont frappantes. D'abord le lieu : en Galilée ou à Jérusalem. Quand ? : soit le jour même de la découverte du tombeau vide soit au cours des semaines suivantes. Et à quoi ont-ils assisté ? A une expérience de type visionnaire ou à la réanimation d'un cadavre. 

Qui dit la vérité, tant est qu'elle existe ? Sur base de tout ce que nous avons décrit, la preuve est résolument en faveur de la tradition de Marc et de Matthieu.

Peut-on imaginer que les histoires relatées par Luc et Jean où Jésus apparut à Jérusalem, circulaient ne fut-ce que par la tradition orale déjà lorsque Marc écrivit son Évangile ? Selon plusieurs spécialistes dont James Tabor c'est hautement improbable. Que Marc ait pu publier le premier Évangile dans l'histoire chrétienne et ne pas inclure les apparitions de Jésus, mettant l'accent sur la Galilée plutôt que sur Jérusalem, sont des indices voire des preuves très solides en faveur de la tradition de Galilée. Il est également difficile d'imaginer un texte comme la fin de l'Évangile de Pierre, à moins qu'il ne soit lié à une forte tradition du souvenir portée par les disciples endeuillés et désespérés après la mort de Jésus, alors qu'ils retournaient vaquer à leurs occupations en Galilée, abandonnant tout espoir. Ce n'est pas du tout l'histoire merveilleuse et pleine d'espérance que voudrait nous faire croire l'Église, mais c'est une histoire réaliste qui correspond parfaitement à nos premiers témoignages.

Certains auteurs ont soutenu que ces différences entre les récits évangéliques sont les résultats auxquels des enquêteurs s'attendraient de la part de divers témoins oculaires qui ne se sont pas concertés au préalable mais témoignant tous du même évènement essentiel : Jésus est ressuscité d'entre les morts. Comme dans la vie quotidienne, lorsque des témoins d'un accident par exemple rapportent ce qu'ils ont vu, chacun le décrit sous une perspective particulière qui dépend de sa mémoire, de son attention à ce moment là voire même de préjugés plus ou moins inconscients. En résumé, il y a toujours des différences entre les témoignages et même parfois des contradictions sur les détails. Dans le cas d'un crime, les enquêteurs s'intéressent surtout aux éventuels témoignages identiques jusqu'aux détails près qui révéleraient justement une connivence entre les présumés témoins.

Mais une telle analogie est-elle applicable aux Évangiles ? D'abord et c'est le plus important, il ne s'agit pas de témoins oculaires. Ensuite, les "notifications" ou rapports décrits dans les Évangiles ne sont même pas d'accord sur l'endroit où les apparitions de Jésus eurent lieu : en Galilée ou à Jérusalem ? Ce que nous possédons, c'est une série de traditions théologiquement motivées, écrites des décennies après les évènements, autant éloignées du lieu que du temps, se contredisant plus d'une fois sur les faits. Bref, elles ne peuvent pas être harmonisées à moins de vouloir modifier sciemment l'histoire comme le fit la Grande Église. Luc va même jusqu'à prétendre que Jésus dit aux Onze qu'ils ne devaient pas quitter Jérusalem (Luc 24:49 et Actes 1:3-4), ce qui clôt toute possibilité que Jésus apparaisse ultérieurement en Galilée comme Marc l'évoque et le consigne Matthieu.

Une page enluminée de la première Épître de Paul aux Corinthiens (1 Cor 1:1-25).

Paul étant le précurseur, son témoignage est donc décisif. Il prétend, et détient son information de première main, avoir vu quelque chose, et il assimile son expérience de l'apparition à celles de Pierre, Jacques et des autres apôtres, se basant sur ses contacts ou des informations personnelles qu'il recueillit auprès d'eux. Compte tenu de sa vision de la résurrection, voyant Jésus comme étant revêtu d'une enveloppe disons éthérée, il considéra qu'imaginer Jésus en chair et en os était tout à fait dénuée de sens. Quand Paul dit que Jésus fut "enseveli", il décrit ce qu'il connaît de la tradition quand on inhume un corps dans une tombe (1 Corinthiens 15:4). Son but est de souligner que Jésus était vraiment mort et enseveli, entrant dans le royaume des morts. Ce qui était alors "ressuscité le troisième jour", comme dans la révélation de Gabriel et plus tard chez les gnostiques, ce n'était pas le corps charnel, corruptible et mortel par nature, mais un nouveau corps spirituel incorruptible, ayant abandonné son enveloppe corporelle faite de chair et de sang comme un vieux vêtement (1 Corinthiens 15:42-50; 52-54).

Notons que l'enseignement de Jésus sur la résurrection rapporté par la source "Q" (qui serait postérieure au récit de Marc) décrit une transformation angélique semblable dans laquelle même les distinctions de genre disparaissent; il n'y a "ni femmes ni maris car ils ne pourront plus mourir, parce qu'ils seront semblables aux anges, et qu'ils seront fils de Dieu, étant fils de la résurrection" (Luc 20:34-36). Cela correspond exactement à la vision de Paul de la résurrection.

Mais pourquoi les deux Évangélistes tardifs, Luc et Jean, ont-ils déplacé les apparitions de Galilée à Jérusalem ? Et pourquoi insistent-ils pour relier le tombeau vide aux apparitions charnelles de Jésus ressuscité, sous-entendant dans le cadavre ressuscité de Jésus sortit du tombeau ? Sans explication rationnelle, on peut imaginer que les auteurs avaient des raisons apologétiques pour défendre leur interprétation théologique; en faisant l'apologie du Christ, les auteurs prennent faits et causes pour Jésus ressuscité.

Si les disciples de Jésus n'ont cru en sa résurrection qu'après une période de désespoir et en Galilée, loin du tombeau vide de Jérusalem, en se fondant sur leurs expériences des apparitions, ils étaient sûrement plus enclins à croire que leurs visions étaient des hallucination collectives. Matthieu nous donne le premier commentaire d'une telle apparition collective et déclare que l'apparition eut lieu sur une montagne mais que certains des onze disciples doutaient tandis que d'autres y croyaient (Matthieu 28:17), des avis contradictoires assez problématiques pour Luc et pour Jean qui écrivirent une génération plus tard.

C'est aussi pourquoi Luc est le seul Évangéliste ayant notifié une scène dans laquelle Jésus monte corporellement au ciel, emporté dans un nuage au mont des Oliviers, tandis que les onze apôtres contemplent le ciel (Actes 1:9-10). Laisser le corps de Jésus physiquement sur terre, le faire manger et boire sous sa forme physique, ne suffirait tout simplement pas, puisque comme d'autres "ressuscités des morts" par Jésus, il aurait fini par de nouveau mourir de vieillesse et Jésus n'aurait pas pu tenir sa promesse.

Enfin Jean, bien qu'il n'évoque aucune scène d'ascension, rapporte que Jésus demanda à ses disciples s'ils seraient scandalisés si "vous voyez le Fils de l'homme monter où il était auparavant" (Jean 6:62). La tradition dit que certains disciples quittèrent la communauté mais que les Douze restèrent auprès de Jésus car selon Pierre "Jésus avait les paroles de la vie éternelle" (Jean 6:68).

Autres traditions mystiques

Les récits de Luc et de Jean furent rédigés vers la fin du Ier siècle voire même au début du IIe siècle pour la communauté johannique. Ils sont très proches de certaines traditions de l'époque et on peut imaginer qu'ils en ont eu des échos ou même, qu'ils s'en sont inspirés (et vice versa). Ainsi, on ne peut pas évoquer Jésus de Nazareth sans mentionner un autre personnage contemporain charismatique revendiquant également son ascendance divine : Apollonius ou Apollonios de Tyane.

Apollonios de Tyane est un philosophe néopythagoricien, prédicateur païen mystique et thaumaturge né à la même époque que Jésus [5] à Tyane, près de l'actuelle ville de Bor en Cappadoce, dans l'actuelle Turquie. Selon ses disciples, Apollonios fut engendré par Zeus, c'est-à-dire Dieu en personne, et comme Jésus il était un "Fils de Dieu". Habillé d'une robe blanche, il marchait pieds nus et était végétarien (même si certains dessins le représentent richement habillé). Voyageant à travers le monde méditerranéen oriental en réformateur et prophète, selon ses biographies ou "évangiles", il réalisa des miracles. Il guérit les malades, ressuscita des morts et aurait même disparu au milieu d'une salle d'audience. Les Romains ainsi que le philosophe Bassus de Corinthe parmi d'autres le considéraient comme un imposteur et un magicien faisant des prodiges par le secours des démons. Mais les Romains pensaient la même chose de Jésus.

A gauche, statue en marbre d'Apollonios de Tyane réalisée vers l'an 200 présentée au Musée archéologique d'Héraklion en Crète. Au centre, portrait imaginaire d'Apollonios de Tyane. A droite,la pierre portant un épigramme à son nom exposée à Adana, près de Tarse en Turquie. Documents anonyme et J.Marcillet-Jaubert.

 Selon une des versions de sa mort, Apollonios aurait été arrêté par des persécuteurs, s'est libéré et monta au ciel. Selon une autre version, il apparut mystérieusement après sa mort à un disciple sceptique et le convainquit de la doctrine de l'immortalité. Comme on le voit ci-dessus à droite, sur une pierre taillée parvenue à Adana, en Turquie, à environ 45 km de Tarse où Paul a grandi, on peut lire cet épigramme : "Cet homme, nommé d'après Apollon et brillant devant Tyane, Éteint la faute des hommes. La tombe de Tyane (a reçu) son corps, Mais en vérité, le ciel l'a reçu. Ainsi, il pourrait chasser les douleurs des hommes".[6]

Comme au sujet de Jésus, il y avait des débats parmi les dévots d'Apollonios quant à savoir si son corps est resté ou non dans la tombe ou s'il était supposé être physiquement monté au ciel. Au début du IIIe siècle, l'empereur romain Caracalla fit bâtir un sanctuaire à Apollonios, et son successeur Alexandre Sévère aurait eu un sanctuaire privé dans lequel les images d'Abraham, Orphée, du Christ et d'Apollonios étaient vénérées : "il passait dans son oratoire, où il avait rassemblé les images des empereurs, mais des meilleurs, et celles des personnages les plus vertueux, et entre autres Apollonios, et, suivant le dire d’un écrivain du temps, le Christ, Abraham, Orphée et autres semblables, aussi bien que celles de ses ancêtres ; là il accomplissait les actes de la religion" ("Histoire Auguste", Deuxième tome, Vie d'Alexandre Sévère, XXIX, 2).

Ensuite il y a les commentaires d'auteurs grecs tels que Lucien de Samosate, Justin de Naplouse et Celses qui vécurent au IIe ou IIIe siècle. Tous trois accusent le christianisme de n'avoir prospéré que parmi les classes ignorantes, les simples et les crédules de la société, qui ont été égarés par les histoires insensées de femmes trompées et des hallucinations interprétées comme des visions. Bien entendu, face à de telles "mensonges" les Pères de l'Église ont prit la plume et ne se sont pas génés pour les descendre en flamme parmi lesquels le célèbre Origène.[7]

En résumé, tout ce démontage et remontage du Nouveau Testament "à l'endroit" ainsi que la comparaison de certains passages avec ceux de manuscrits apocryphes évoquant les mêmes sujets montrent sans ambiguité à quel point les Évangélistes sont non seulement peu objectifs mais furent également influencés par différentes traditions ou ont insisté pour donner leur propre interprétation théologique des faits alors qu'ils n'étaient même pas présents. Les contradictions entre les premiers et les derniers récits furent tellement évidentes que la Grande Église s'est sentie obligée de rectifier ces divergences et d'harmoniser les récits afin qu'ils passent le filtre de l'orthodoxie et puissent être intégrés au canon. Il reste malgré tout des traces des textes originaux qui pour notre bonheur ont échappé aux corrections des Pères zélés de l'Église ainsi que des ajouts tardifs révélateurs qui nous permettent aujourd'hui de reconstruire l'histoire de la résurrection de Jésus et de l'émergence de la foi chrétienne d'une manière, sinon plus authentique ou objective, certainement plus cohérente.

Pour plus d'informations

La véritable histoire de Jésus, James Tabor, Robert Laffont, 2007/2014

Jésus raconté par les Juifs, Collectif, Berg International éditeurs, 2004

What Would It Take to Prove the Resurrection?, Michael Shermer (le point de vue d'un athée), Scientific American, 2017 (et une critique de l'article)

Historical Christ and the Theological Jesus, Dale C. Allison Jr, William B. Eedmans Publ., 2009

Jesus the Final Days. What Really Happened, Craig A. Evans et N.T.Wright, Westminster/John Knox Press, 2009

The Resurrection. History and Myth, Geza Vermes, Doubleday Religion, 2008

The Jesus Papers, Michael Baigent, Harper Element, 2006

The Historical Jesus, John Crossan, HarperOne, 1993

The Apocryphal New Testament, Collectif s/dir J.K Elliott, Oxford University Press, 1993

The Virginal Conception and the Bodily Resurrection of Jesus, Raymond E. Brown, Paulist Press International, 1973.

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[4] Lire Robert H. Stein, "Is the Transfiguration (Mark 9:2-8) a Misplaced Resurrection Account?", Journal of Biblical Literature, 95, 1976, pp.79-96.

[5] Les historiens ne s'accordent pas sur la date de naissance et la mort d'Apollonios de Tyane et préfèrent dire qu'il vécut au Ier siècle. En effet, les périodes proposées s'étendent entre 1-97, 2-97, 16-97, 15-100 ou même 40-120 (la moins probable). Lire sa biographie sur Wikisource ainsi que Philostrate,"Vie d'Apollonios de Tyane" qui fut écrit avec le soutien de l'impératrice syrienne Julia Domna, épouse de l'empereur romain Septime Sévère et mère de Caracalla, vers l'an 220. A l'instar de l'apôtre Luc, l'auteur prétend fonder son récit sur des sources antérieures témoins oculaires (cf. Livre I, 3).

[6] Traduction de l'auteur du texte anglais de C.P. Jones, "An Epigram on Apollonius of Tyana", The Journal of Hellenic Studies , 100, 1980, pp.190-194.

[7] Lire Lucien de Samosate, "La Fin de Pérégrinus" - Justin de Naplouse, "Dialogue avec Tryphon" - Origène, "Contre Celse".


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