Les
modèles informatiques de l'évolution,
par Brig Klyce de Panspermia
Introduction (I)
Dans
une interview accordée en 1995, Christopher G. Langton
se posait la question de savoir "quelle est la différence
entre le processus de l'évolution simulé par un ordinateur et
celui qui se déroule dans la nature ? Les entités qui participent
à cette évolution sont faites d'une substance différente mais le
processus est identique.... Les processus abstraits qui se déroulent
dans un programme informatique permettent de nous interroger et de répondre
à des questions relatives au processus de l'évolution qui ne sont
pas accessibles en observant par exemple des mouches à fruit ou des
fossiles".
N'importe
quelle théorie avançant que la vie est apparue sur Terre de novo
à partir d'une chimie abiotique rencontre des problèmes face
auxquels les ordinateurs fournissent une bonne métaphore.
Ces problèmes
peuvent être regroupés en deux catégories, le matériel ou le
support (le hardware) et le programme (le logiciel). Pour la vie comme pour les
ordinateurs, ces deux éléments sont indispensables, et ensemble.
Dès
que la cellule eucaryote est apparue, dans cette métaphore la
machinerie permettant de créer de nouveau matériau biologique était
en place, et seul restait le problème du programme. Mais comment
s'est écrit le programme génétique évolutionnaire et comment
a-t-il été installé ? Cet aspect du problème de l'évolution est
un bon exemple car les ordinateurs sont omniprésents et peuvent
facilement être analysés. On peut se poser la même question à
propos des vrais ordinateurs : comment les nouveaux programmes
informatiques sont-ils écrits et installés ? Bien sûr la réponse
serait de dire que les programmes sont écrits par des programmeurs
et installés par les utilisateurs.
Les néodarwinistes
nous disent qu'au cours de l'évolution, il n'y a jamais eu de
programmeurs pour créer les programmes génétiques : le processus
est aveugle et auto-contrôlé. Un processus similaire dans le monde
des ordinateurs ferait apparaître des programmes ou des routines
spontanément dans le flux de code machine copié et transféré. Si
un tel programme ou sous-programme était capable de repliquer, il
ferait un pas significatif vers le monde du "vivant". Si
par la suite il développait d'autres avantages comme le mimétisme,
il pourrait "survivre" dans le monde des ordinateurs ainsi
que le font les virus informatiques. De là, par analogie avec le
néodarwinisme, il pourrait croître et se multiplier et présenter des propriétés
semblables à la vie. Mais cela s'est-il déjà produit ?
D'une
certaine manière les scientifiques pourraient créer
artificiellement un ordinateur "environnemental" dans
lequel l'évolution des programmes informatiques pourrait se
produire. Des paramètres régissant les taux de mutation et de
recombinaison pourraient être optimisés afin de permettre l'évolution
de nouveaux programmes. À la vitesse de la lumière à laquelle les
ordinateurs fonctionnent, des milliards d'essais et d'erreurs
pourraient être effectués afin de savoir si l'aspect aléatoire
couplé à n'importe quel processus itératif non-téléologique
serait en mesure d'écrire des programmes informatiques contenant de
véritables nouvelles fonctions. Cela a-t-il déjà été fait ?
L'Horloger Aveugle
Selon Richard Dawkins
"rien dans mon intuition de biologiste ni rien dans mes 20
années d'expérience des ordinateurs, et pas plus mes rêves les
plus sauvages ne m'ont préparé a ce qui est apparu sur mon écran....
Avec une conjecture hardie, j'ai commencé à multiplier, génération
après génération, des entités informatiques que de n'importe
quel enfant aurait tout aussi aimé qu'un insecte. Mon incrédulité
augmenta en parallèle voyant la ressemblance de ce système avec l'évolution....
Je ne peux pas vous cacher mon sentiment d'exaltation lorsque j'ai
observé pour la première fois ces créatures exquises émerger
sous mes yeux. J'ai distinctement entendu dans mon esprit les
choeurs triomphants de l'ouverture d'Ainsi parla Zarathustra - le thème
de 2001 -".
Richard
Dawkins a écrit plusieurs programmes informatiques qui
fonctionnent, dit-il, comme l'évolution. Les ordinateurs
d'aujourd'hui sont puissants et peuvent exécuter les programmes
complexes très rapidement. Cette vitesse machine a permis à
Dawkins de comprimer une génération d'individus, ou
particule-test, dans une fraction de seconde. Il décrit plusieurs
de ces programmes dans son célèbre livre "L'horloger
aveugle".
Un des programmes de Dawkins
commence par une série de lettres aléatoires avec lesquelles il crée
une phrase. La phrase est de Shakespeare, METHINKS IT IS LIKE A WEASEL.
L'évolution considère seulement les 64e,
43e, ou
41e générations dans les
différents essais effectués. Dawkins reconnaît que la probabilité
que cette courte phrase soit produite au cours d'essai aléatoires
est d'environ "une chance sur 10000 million de million de
million de million de millions de million". Mais,
continue-t-il, "le hazard cumulatif," rend ce projet tout
à fait faisable. Chaque fois qu'un essai informatique aléatoire
produit une lettre correcte, celle-ci est préservée par le choix
cumulatif (p46-50).
Mais il
y a un problème à utiliser le schéma de Dawkins comme analogie
avec l'évolution. Afin que chaque essai sorte une lettre correcte,
la phrase entière doit déjà exister. Dans la vie réelle, ceci
exigerait que l'évolution soit téléologique, c'est-à-dire,
qu'elle ait un but prédestiné. Or dans la nature la téléologie
est ce que les néodarwinistes rejètent avant toute chose. En
effet, les mutations aléatoires ne peuvent avoir aucun but prédéfini.
Mais pour que la vie évolue de cette façon, quel modèle préexistant
émule-t-elle ?
Ou
exprimé d'une autre manière, s'il n'y a aucun modèle dans
l'ordinateur de Dawkins, comment la phrase qui est à 61% mal écrite
a-t-elle été favorisée par rapport à celle qui est erronée à
86% ? Comment "MDLDMNLS ITJISWHRZREZ MECS P" peut-il être
meilleur que "WDLTMNLT DTJBSWIRZREZLMQCO P" ? Après avoir
présenté cette idée, Dawkins admet que "la vie n'est pas
comme ça" (p50). Dawkins utilise également l'ordinateur
pour produire des créatures artificielles qu'il appelle des
"Biomorphes". Il commence par créer quelques formes en bâtonnets
sur l'écran de l'ordinateur. Il permet à quelques variables de
changer au hasard, selon des paramètres déterminés. Cette
variabilité change la forme des bâtonnets. Les créatures qui résultent
de cette simulation montrent une certaine variété et Dawkins est
prêt à les nommer. Il considère même que l'évolution qu'elles
subissent est similaire à l'évolution biologique. Ainsi il démontre
que ses créatures sont la preuve même que le hasard peut écrire
de nouveaux programmes génétiques.
Son
enthousiasme pour le programme de Biomorphe est évident dans la
citation que j'ai reprise au début de ce chapitre. Dawkins reconnaît
qu'il utilise une sélection artificielle pour guider le processus.
Ses créatures sont étroitement contraintes par son logiciel de
Biomorphe et dépendent totalement du logiciel exécuté sur
l'ordinateur. Les mutations fatales ne sont pas possibles.
Le
rapport des créatures possibles dans son modèle génétique est de
1:1; chaque séquence crée une créature viable. Dawkins réalise
ainsi "l'évolution" en ajustant seulement quelques
variables dans des marges étroites. Ainsi, les seuls changements qui
se produisent dans ces créatures sont ceux dont le potentiel est déjà
disponible dans le programme original. En d'autres termes, l'évolution
qu'il peut ainsi simuler est, tout au plus, la microévolution.
Dans
son livre "L'horloger aveugle" Dawkins a inséré un
formulaire qui permet de commander une copie de son
programme "The Blind Watchmaker Evolution Simulation
Software" qu'il propose à environ $11. Pensez-vous que les instructions
d'installation disent, "Ne faites pas attention quand vous
installez ce programme, et ne faites pas une copie de sauvegarde de
votre système, car les erreurs sont la manière dont les
choses fonctionnent" ? Non. Si le hasard pouvait écrire
les mises à jour et
les améliorations des programmes informatiques, nous le saurions aujourd'hui. "Hé, merci pour le
tableur que vous avez copié et m'avez donné. D'ailleurs, en raison
de quelques erreurs faites durant la copie, j'ai fini par obtenir
une copie de la version 3.1, à partir de votre version 3.0 originale. Je pourrai calculer les tables d'amortissement. N'est-ce
pas génial ?". "Ouais, j'ai déjà entendu parler
de ça".
Non,
les meilleurs résultats qui puissent résulter de l'échange de
programmes informatiques est que les programmes fonctionnent comme prévu.
Et ce qui se produit souvent est plus du genre, "Hé, merci
pour le tableur que vous m'avez copié et donné. Mais après l'avoir chargé, tout s'est planté. Pouvez-vous venir m'aider ?"
Peut-être qu'un autre module ou une clé est requise pour faire
fonctionner ce programme sur un autre ordinateur. Ou peut-être
l'autre logiciel est-il déjà chargé, mais l'accès est verrouillé
par un précédent programmeur. La "bidouille" est souvent
requise.
Comment
les créatures artificielles de Richard Dawkins
travailleraient-elles si vous permettiez à des mutations aléatoires
d'affecter le logiciel de "L'horloger aveugle", ou à des
programmes de s'exécuter sur cet ordinateur ? Devineriez-vous que
Dawkins lui-même prendrait soin de réaliser des copies de
sauvegarde de ses programmes, de peur que quelque chose ne les
modifie, par hasard ? Si Dawkins devait diriger la simulation évolutionnaire
avec des programmes fonctionnant de cette manière, quel résultat
en sortirait-il ?
Deuxième
partie
L'Institut
de Santa Fe
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