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Irradié pour la France

Les essais nucléaires en Polynésie française (II)

En 1966, suite à l'indépendance de l'Algérie, l'armée française déménagea dans le Pacifique Sud, à 24000 km de Paris pour continuer ses funestes expériences nucléaires dans l'une de ses dernières colonies d'outremer : la Polynésie française. Rappelons en quelques lignes les différentes péripéties de cette aventure et quel est le statut écologique de cet archipel aujourd'hui.

Comme tout site à risque, avant d'installer la base navale d'essai nucléaire, l'autorité locale accompagnée des experts militaires du CEA réalisèrent une étude d'impact environnemental notamment atmosphérique, océanographique et géomécanique afin de connaître les propriétés du milieu et sa résistance aux explosions et autres effets radioactifs. Les études d'incidentes, en particulier sur les îles voisines et le platier sous-marin furent réduites au stricte nécessaire et gardées confidentielles.

Suite aux maladies que contractèrent certains Polynésiens on sait aujourd'hui que le risque de contamination radioactive était loin d'être nul, tant pour les habitants des îles que pour le biotope sous-marin. Le Gouvernement français comme le Sénat ne se sont jamais prononcés sur le sujet, acceptant à l'époque unanimement les résultats des tests d'incidences minimalistes et la décision présidentielle d'utiliser ces îles sans précaution particulière envers la population. S'il n'y avait pas encore mort d'homme, il y avait déjà délit pour non information des risques potentiels à la population locale.

Si cette région est loin de la France, elle est en revanche beaucoup plus près d'Hawaii (3500 km), de la Nouvelle Zélande (3800 km) et de l'Australie (5500 km) dont le Gouvernement français n'a pas pris la peine non plus d'avertir de ses intentions, si ce n'est pas médias interposés, une façon d'éviter probablement une crise diplomatique avec les pays du Pacifique. Cette attitude ne faisait que confirmer l'hypocrisie de la plus haute Autorité française.

Notons que les autres Grandes Puissances agirent de la même manière et généralement furent moins prudentes que la France, même si tout cela est relatif si vous comptez parmi les victimes. 

Ainsi, le site NTS du Névada par exemple se situe à 120 km de Las Végas et 15 millions d'habitants résident dans un rayon de 150 km autour de la zone d'essai. En Russie, le site de Semipalatinsk se trouve à 560 km d'Omsk et un peu plus près même de Barnaul dans l'Altaï. Environ 1.2 millions d'habitants résident dans un rayon de 500 km autour du site. En Australie, les sites de Maralinga et Emu sont situées à 850 km d'Adélaïde en moyenne où vivent 1.2 millions d'habitants. Enfin, en Chine le site d'essai de Lob Nor se situe à 500 km des localités de Ouroumtchi ou Kansu.

Si les sites de Polynésie sont effectivement les plus distants et isolés des grandes villes, cela ne justifie toutefois pas de sacrifier la petite population locale sur décision présidentielle (135000 habitants pour toute la Polynésie en 1976 et 238000 en 2002).

A voir : Pacific-Promotion

Images de Tahiti et sa région

A gauche l'île paradisiaque de Bora Bora (partie sud du Motu Toopua). Elle mérite de figurer en fond d'écran ! A droite l'île de Mururoa photographiée en 1989 pendant les essais nucléaires Français. On reconnaît les installations militaires à l'avant-plan qui sont aujourd'hui démantelées. La Marine Nationale y fut stationnée durant plus de 35 ans. Document du domaine public et Pacific-Promotion.

La France réalisa ses essais sur l'atoll de Mururoa (Moruroa) et de Fangataufa proches de Tahiti où elle développa la bombe au plutonium, puis la bombe A et enfin la bombe thermonucléaire. Les essais eurent d'abord lieu sur bargue, ce furent les plus contaminants de l'aveu du CEA, puis sous ballon captif tandis que 3 tirs furent effectués par avion.

Les premiers essais servirent notamment à prolonger le temps de confinement afin d'obtenir le meilleur rendement possible et le moins de dispersion de matière fissile dans l'environnement à la fin de la réaction. Ce problème étant réglé, les ingénieurs purent ensuite augmenter la puissance de la bombe et s'attaquer à la réaction thermonucléaire.

Le 6 mars 1966, fort de son pouvoir potentiel le Gal De Gaulle annonça au président américain Johnson qu'il avait décidé de sortir la France de l'OTAN. Le Quartier Général de l'OTAN est alors transféré à Bruxelles où il demeure depuis, auprès des principales institutions européennes.

Dès le 4e essai nucléaire (Bételgeuse, 200 kT, 11 sept 1966) auquel assista le Gal De Gaulle, les gouvernements du Japon, d'Australie et de Nouvelle Zélande réagirent vigoureusement, rencontrant leur ambassadeur de France respectif et le sommant d'arrêter immédiatement les essais nucléaires. Leurs protestations sera répercutée en manchette des journaux aux quatre coins du monde. La France refusa toute ingérence et poursuivit sans vergogne ses essais en atmosphère, plus fière que jamais de jouer dans "la cour des grands".

La première bombe H (tir Canopus, 2.6 MT) explosa au-dessus de Fangataufa le 24 août 1968. Pour l'ensemble des 192 essais nucléaires, la France y affecta 80000 personnes, boostant l'économie locale durant 30 ans. Les arguments socio-économiques et politiques prévalèrent sur les mises en garde concernant les risques sanitaires et environnementaux. Aujourd'hui tout le monde paye l'addition et l'arme nucléaire ne fait même pas peur aux terroristes.

Explosions atomiques dans le Pacifique

Plus parlant que des images, voici les films de deux explosions nucléaires. A gauche, la 5eme explosion atomique sous-marine française, probablement le tir Calypso du 22 juillet 1976 à Mururoa. A droite l'explosion atomique atmosphérique américaine Upshot test Grable de 15 kT du 25 mai 1953 à Knothole, NTS. La bombe fut tirée par un canon Mark 9 de 280 mm ! Voici une photographie du champignon. Fichiers MOV de 711 KB et QT de 1.1 MB. Consultez également l'article sur les effets des explosions nucléaires et cette collection d'images pour d'autres illustrations et commentaires. Documents DOE.

Le bras d'honneur de la France

De son propre chef, à partir de 1975 la France arrêta ses tirs en atmosphère et procéda à 146 essais souterrains en Polynésie dont 138 à Mururoa, tirant des bombes au plutonium et à l'uranium dans des puits spécialement aménagés à plus de 115 m de profondeur et creusés jusqu'à 1180 m sous la roche.

A partir de 1981, à partir du sixième essai nucléaire, les tirs ont lieu dans la partie centrale de l'atoll de Mururoa. Mais le lieu est mal choisi car l'atoll est très étroit (la bande corallienne émergée s'étend sur quelques centaines de mètres de largeur maximum) et l'altitude si faible (2-3 mètres) que le sol se tasse sous les ondes de choc. Le risque est d'une part que tout un pan de corail s'effondre, exposant les roches radioactives à l'air et d'autre part que le passage d'un cyclone disperse les poussières radioactives dans l'air et provoque une contamination radioactive. Et c'est justement l'accident qui se produisit cette année là.

En 1981, la France reconnaît à demi-mot un nouvel échec. Charles Hernu, ministre de la Défense à l'Assemblée Nationale avoue que suite au passage d'un cyclone sur l'atoll de Mururoa, les "déchets d'une explosion nucléaire [ont été] dispersés, créant une situation radiologique nouvelle", pour ne pas dire une contamination !

Le "Rainbow Warrior" de Greenpeace coulé à Auckland le 10 juillet 1985 par les agents de la DGSE, causant la mort du photographe portugais Fernando Pereira.

Les essais nucléaires français suscitent des oppositions locales et internationales. Le 10 juillet 1985, le "Rainbow Warrior", un bateau de l'organisation écologiste Greenpeace en route vers l'atoll est coulé à Auckland en Nouvelle Zélande par des agents de la DGSE (services secrets français), causant la mort du photographe portugais Fernando Pereira et provoquant un scandale politique.

Suite à cette affaire, Charles Hernu est contraint de démissionner en septembre 1985. Mais les Français oublieront vite cette affaire et "excuseront" pour ainsi dire Charles Hernu qui sera élu aux élections législatives (député du Rhône) en 1986 et 1988.

Finalement, en novembre 1995, 95 pays membres de l'ONU votèrent une résolution en faveur de l'arrêt des essais nucléaires. Parmi les signataires il avait la Belgique et l'Italie, deux pays pour le moins proches de la France.

En réaction à cette décision, le président Chirac qui venait d'être élu reporta brutalement une conférence au sommet avec son homologue Italien. Chirac expliqua à la presse que la France avait besoin de conduire ces essais pour améliorer ses simulations informatiques ce qui rendraient de futurs tests inutiles. Evidemment le Gouvernement timoré et prêt à tous les sacrifices pour rester en place suivi la décision de son président sans faire de commentaires. Une belle hypocrisie quand on sait que l'opposition n'apprécia pas cette décision !

Malgré le moratoire international et le tollé général que déclencha l'attitude de Chirac, un peu plus tard la France procéda encore à deux nouveaux essais souterrains en Polynésie puis arrêta définitivement ses essais nucléaires le 17 janvier 1996. Le président Chirac accepta alors seulement de signer le moratoire de l'ONU.

Par son attitude qui se rapproche de plus en plus de celle des Américains et des Russes, quelle arrogante image donne la France aux autres nations en agissant ainsi : on vous interdit d'acquérir l'arme nucléaire mais faites comme moi, faites un bras d'honneur aux décisions de la communauté internationale ! Après cela qui prendra encore la France pour exemple ou acceptera la main qu'elle tend aux autres nations... A n'en pas douter son image politique à l'international (déjà ternie par sa colonisation paternaliste) est plus que "contaminée". A chacun d'être méprisé monsieur Chirac...

Statut et inventaire

Au total et pour l'ensemble du Pacifique, de 1946 à 1996 les Etats-Unis ont procédé à 1127 essais dont 106 tirs atmosphériques entre 1946 et 1962, la Russie à 969 tirs entre 1949 et 1990 dont 210 atmosphériques, la Grande-Bretagne à 46 tirs dont 22 atmosphériques de 1952 à 1958 et la France à 210 tirs dont 41 atmosphériques entre 1966 et 1995. La totalité des essais réalisés dans cette zone représente 170 MT environ, la part française étant estimée à 10.1 MT.

Depuis plus aucune nation ne procède à de tests nucléaires en atmosphère mais quelques-unes procèdent encore à des tests souterrains dont on parle fort peu. L'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) essaye de surveiller les pays qui auraient l'intention de conduire des expériences en atmosphère soit directement, soit en fabriquant de l'uranium enrichi, soi-disant pour alimenter leurs centrales nucléaires (Iran, Irak, Inde, Corée du Nord, etc) mais qui peut tout aussi bien servir à fabriquer une arme nucléaire s'ils en ont la technologie. A ce risque vient s'ajouter celui du "petit nucléaire" dont nous reparlerons.

A lire : Le rapport N° 3571 de l'Assemblée Nationale

Incidences environnementales et sanitaires des explosions nucléaires, 2001

Essai nucléaire du 3 juillet 1970 à Mururoa (tir Licorne, 1 MT). Fière de faire valoir l'arme de la dissuasion pour protéger son indépendance et sa prise de pouvoir sur certaines colonies, la France rejoint le petit club très fermé des nations qui n'ont pas hésité à contaminer leur population. Cette attitude scandaleuse et criminelle a aujourd'hui été condamnée car la "raison d'Etat" ne justifie pas tout... Toutefois, toutes les victimes irradiées au "nom de la France" n'ont pas été reconnues ni indemnisées par l'Etat. Le combat continue. Documents CEA-DAM restaurés.

Depuis 1994, à la demande de l'ancien président Mitterrand, la France étudie le phénomène des explosions nucléaires par logiciel interposé, c'est le "programme Simulation" (cf ce résumé en PDF) utilisant le superordinateur Bull Tera10 de 60 TFLOPS et le laser mégajoule du CEA pour simuler différents types d'explosions et mieux comprendre les mouvements de matières dans une arme nucléaire, à se demander si la France n'a pas l'intention de faire sauter la planète avant les terroristes !

Dernier chapitre

Les mensonges du gouvernement français

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