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La restitution des images sur ordinateur

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Introduction (I)

Cet article aborde la question technique de la représentation des couleurs sur ordinateur, un sujet qui pourrait s'avérer très complexe et encyclopédique si nous ne nous fixons pas des limites.

Il sert en fait d'introduction à l'article plus spécifique consacré à la gestion des couleurs sur ordinateur.

Etant donné l'étendue du sujet, nous l'avons divisé en deux parties, celle-ci discutant essentiellement sur un plan théorique et de considérations hardware, l'article précité ne discutant que de la gestion des couleurs proprement dite au moyen d'une sonde de calibration.

Les paramètres de la couleur

Que représente une couleur ? Qu'est ce que la teinte, le contraste, la luminosité ? Ce sont des concepts que nous utilisons tous les jours, mais d'un point de vue scientifique et pour l'ingénieur qui doit élaborer une carte graphique ou un écran, ils représentent des notions bien particulières.

Faisons tout d'abord un tout petit peu de théorie pour bien saisir l'objet de notre discussion et comprendre à quel point l'oeil humain est un organe très particulier, capable de performances exceptionnelles. On constatera ensuite qu'élaborer une carte graphique ou un écran capable de satisfaire ses exigences requiert une technologie très avancée.

Quand on parle de couleur d'un objet ou d'une lumière, il faut bien définir de quoi on parle. Généralement le grand public confond aisément plusieurs paramètres qu'il associe au terme de "couleur", bien qu'en théorie chacun soit tout à fait capable de les différencier au cours d'un test de reconnaissance des couleurs. Quels sont ces paramètres ?

L'aspect coloré d'un objet ou d'une lumière est défini par trois paramètres physiques :

- la teinte : ou tonalité en psychométrie, c'est la longueur d'onde de la couleur pure la plus proche (bleu, vert, rouge, ...)

- la pureté : ou saturation en psychométrie, c'est l'excitation ou sensation colorée (pâle, claire, saturée, ...)

- la luminance : ou clarté en psychométrie, c'est la luminosité ou quantité d'énergie réfléchie par la couleur (gamme de gris). Elle est proportionnelle à l’intensité lumineuse. Elle se détermine généralement par comparaison avec le blanc pur et s'exprime en candela/m2 (cd/m2 ou nit). En photométrie on parle généralement de luminance énergétique (Lv).

L'ensemble de ces paramètres définissent la chromaticité. Sa distribution est représentée dans des diagrammes ou espaces colorimétriques, également appelés gamuts de couleurs quand ils sont associés à un périphérique donné. On y reviendra dans l'article consacré à la gestion des couleurs sur ordinateur.

Le spectre visuel complété par la bande passante des filtres RGB simulant la courbe de réponse des phosphores d'un écran ou des filtres à large bande. Les références correspondent aux fréquences ou longueurs d'ondes centrales des couleurs primaires RGB et YMC. Ce spectre contient environ 900 couleurs. Il ne tient pas compte de leur luminosité (saturation) qui ajoute évidemment un facteur très important (Cf les gamuts de couleurs).

Précision de langage

Quand on parle de luminance d'une surface lumineuse (lampe, écran, etc), certains parlent de "puissance lumineuse", mais le terme est impropre car il qualifie un flux d'énergie thermique (il s'exprime en watts ou J/sec). Malheureusement les industriels assimilent puissance lumineuse et luminance et les expriment toutes deux en cd/m2. Je vous fais grâce des autres unités.

La luminance représente l'un des deux signaux vidéos affiché sur un écran. Le second signal concerne la couleur et s'appelle la chromacité.

Le concept de luminosité est souvent confondu avec ceux de brillance et de contraste. On parle de brillance pour caractériser la sensation visuelle ressentie par un objet émettant plus ou moins de lumière. Mais cette définition est subjective. Nous ne pouvons donc pas l'utiliser pour décrire ou plutôt mesurer les couleurs.

Concernant les écrans, la luminance d'un pixel présente une réponse non linéaire qui suit une loi en puissance qui, par coïncidence, est l'inverse de celle de la réponse de l'oeil. On y reviendra. La valeur numérique de l'exposant de cette fonction exponentielle, ou l'angle de sa pente, s'appelle le gamma. C'est le même concept que celui utilisé en photographie pour définir la pente de la courbe caractéristique des émulsions. Le fait que cette fonction soit non linéaire doit être compensée pour obtenir une reproduction fidèle de la luminance.

Dans ce contexte, le contraste représente le rapport des luminosités extrêmes, la différence entre les hautes et les basses lumières, c'est donc un nombre sans dimension. A un contraste de 63:1 par exemple, que l'on écrit aussi tout simplement 63 en photographie, correspond un gamma de 1.8 (log 63). Inversement, un gamma de 2.2 correspond à un contraste de 158:1 (102.2).

Résumons-nous. Plus le gamma est faible plus le contraste est faible ; l'image perd sa saturation et devient pâle, elle n'a plus aucune dynamique car elle perdu sa luminance. Inversement, à un gamma élevé correspond un contraste élevé et une forte dynamique; les couleurs sont vives, très saturées avec des noirs et des blancs presque purs, parfois trop lumineux.

On constate que le public mélange facilement tous ces concepts et confond également les paramètres physiques avec leur équivalent psychométrique, sans parler des unités. Cela ne dérange personne sauf les ingénieurs en optique, les industriels et les enseignants. Laissons en suspens cette question qui semble n'intéresser que les spécialistes, mais nous reviendrons sur ce "détail" lorsque nous aborderons la question de la fidélité des reproductions dans l'article consacré à la gestion des couleurs.

A lire : La vision des couleurs

Quand nous "pensons voir" les couleurs

L'algèbre de l'oeil

La définition rétinienne dépend de la longeur focale de l'oeil et de la dimension des cellules photosensibles. Sachant que l'oeil présente une focale de 15 mm (0.015 m) et les cônes ou les bâtonnets un diamètre d'environ 5 microns, on obtient une définition rétinienne autour de la fovéa (sur la macula lutea, la zone la plus sensible) de :

1 / 0.005 = 200 cellules par mm

Exprimée en jargon informatique cela donne en DPI : 

200 cellules/mm x 25.4 mm = 5080 dpi

La résolution de l'oeil est fonction de la longueur focale et est la suivante : 

Focale de l'oeil x définition rétinienne = 15 x 200 cellules/mm = 3000 cellules par mm

Résolution en DPI et pitch

A partir de la définition rétinienne, nous pouvons connaître son équivalent en DPI :

 5080 x 0.015 m = 76 dpi.

Ce qui correspond à un pitch sur les écrans de 25.4 / 76 = 0.33 mm.

Notons que le pitch minimum théorique dépend du diamètre du faisceau électronique, de la taille des pixels et de la technologie. Pour un écran observé à 30 cm de distance, en utilisant un e-beam de 0.04 mm, le pitch minimum est aujourd'hui de 0.08 mm ce qui correspond à une résolution de 317 dpi.

Définition en fonction de la distance

Pour qu'un objet soit visuellement net, il doit être observé à une distance maximale de : 

Définition = Résolution en DPI / Distance en mètre

Ainsi, en observant un objet situé à 1.50 m, vous obtenez une résolution visuelle de :

75 / 1.5 = 50 dpi.

Si vous l'observez de plus près cela équivaut à augmenter la résolution.

Reproduction des couleurs dans un appareil photo numérique

Avant d'aborder la question de la restitution des images sur ordinateur, faisons une petite parenthèse pour rappeler que les images réalisées par un appareil photo numérique (APN) ne diffèrent pas beaucoup de celles générées par la carte graphique d'un ordinateur; tous deux exploitent une technologie RGB. Seules la technologie et les caractéristiques du signal sont différentes : dans le premier cas c'est une lumière qui est filtrée et enregistrée par un capteur photosensible, dans le second cas c'est une tension électrique modulée qui est envoyée à des phosphores RGB.

Pour reproduire aussi fidèlement que possible l'excès de sensibilité de l'oeil à la lumière verte, les capteurs CMOS ou CCD des APN contiennent un capteur photosensible recouvert d'une grille de Bayer. Il s'agit d'un filtre RGB dans lequel le filtre vert est redondant comme on le voit sur le capteur présenté ci-dessous à gauche.

A gauche, simulation de la grille de Bayer fixée sur les CMOS et CCD des APN. Constituée d'une mosaïque de filtres RGB, elle permet au processeur d'image (non visible) de reconstruire une image couleur. A droite, efficacité quantique des trois filtres Bayer en fonction de la longueur d'onde.

Pour sa part, Sony a préféré adopter une technologie originale en remplaçant la grille de Bayer par une grille 4 couleurs dite RGBE : une grille RGB classique plus un filtre émeraude pour remplacer le deuxième vert comme indiqué dans ce schéma RGBE. Le système fut exploité en 2003 dans son modèle DSC-F828 mais qui eut un succès mitigé. Le résultat donne des couleurs plus conformes à la réalité bien qu'elles paraissent légèrement plus chaudes que la solution de Bayer comme on peut le voir sur ces deux images.

Notons que dans le cas d'un APN, la conversion RGB n'est pas réalisée par le capteur mais par le processeur d'image qui lui est attaché dont le rôle consiste à extraire les mosaïques monochromes et les interpréter de manière à reconstruire une image RGB, éventuellement en interpolant les pixels manquantes à partir d'une gamme de gris, c'est notamment le cas du mode RAW dont on reparlera dans l'article consacré à la gestion des couleurs.

Rappelons que le Sigma SD9 était également équipé d'une technologie RGB originale. Chacun des pixels de son capteur Foveon X3 enregistrait les trois couleurs primaires à des profondeurs différentes, donc sans lacune et sans que le processeur ne doive réaliser d'interpolation pour reconstruire l'image couleur.

Voyons à présent de quelles manières les ingénieurs sont parvenus à reproduire les couleurs sur un écran d'ordinateur tout en respectant la sensibilité particulière de l'oeil.

Prochain chapitre

Restitution des images : de l'oeil à l'écran

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