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Le tourisme spatial

Aspect d'ISS en 2015. Document ESA.

Aspect de la station ISS en 2014. Welcome aboard ! Document ESA.

Welcome aboard !

Aujourd'hui, en matière de tourisme spatial nous sommes dans une situation identique à celle de l'aviation au début du XXe siècle. A l'époque, l'avion était un luxe encore moins abordable que le train et n'était accessible qu'aux stars d'Hollywood et du show business ainsi qu'aux chefs-d'Etats. Avec le recul on en sourit et cela nous paraît inconcevable, et pourtant...

Il fallut au moins deux générations pour que le grand public accède finalement à ce moyen de transport devenu presque banal. C'est une bonne nouvelle tout en étant une très mauvaise pour l'homme de la rue qui peut encore attendre longtemps son "boarding pass" pour les étoiles.

2001, l'odyssée du tourisme spatial

Tout commença le 28 mars 2001, 40 ans après le vol de Gagarine, lorsque l'Américain Dennis Tito est devenu le premier touriste de l'espace. Voulant réaliser son rêve d'enfant, cet ancien ingénieur de la NASA spécialiste du calcul des trajectoires et passé dans les affaires s'est offert le luxe d'un séjour de 7 jours 22 heures et 4 minutes dans la station Mir en accord avec l'Agence spatiale russe qui, pour l'occasion, avait sous-traité l'affaire à l'agence de promotion Space Adventures dirigée par Eric Anderson. Son ticket lui coûta 20 millions de dollars, 10% de sa fortune.

Même si la NASA n'a pas apprécié de se voir coiffer le premier ticket touriste par les Soviétiques, chacun doit bien reconnaître aujourd'hui que dorénavant l'espace est accessible aux civils et que demain nos enfants ou nos petits-enfants passeront peut-être leur vacance en orbite autour de la Terre.

Mais ne vous pressez pas. L'entraînement dure au moins 900 heures (5 mois) et ni les Russes ni les Américains ne vous feront de réduction si vous voulez partir au dernier moment...  Mais l'offre continue et se développe car tant que les Russes manquent de ressources et qu'aucune autre agence n'ouvre ses portes aux civils, ils enverront d'autres milliardaires là-haut visiter notre colonie spatiale.

Le 25 avril 2002, Marc Shuttleworth, un chef d'entreprise et ingénieur en informatique sud-africain de 29 ans, paya son ticket 20 millions de dollars pour un séjour de 8 jours à bord d'ISS. Durant son séjour, il participa à un programme de recherche médical sur le SIDA et sur le génome humain. C'était le deuxième "touriste" de l'espace.

Puis le 1 octobre 2005, Greg Olsen, un homme d'affaire américain retraité de 60 ans et premier radioamateur (indicatif KC2ONX), se présentait à l'embarquement de la fusée russe Soyouz pour un séjour de 10 jours à bord d'ISS. Ingénieur opticien, il participa à des expériences sur la télédétection et l'astronomie. Son ticket lui coûta 20 millions de dollars.

A gauche, Greg Olsen (gauche), que les Américains ont surnommé "rocket man". Cet homme retiré des affaires fut le troisième touriste de l'espace et le premier radioamateur (KC2ONX) embarqué à titre privé. Cette photographie fut prise juste avant son embarquement à bord de Soyouz en 2005. A droite, Anoushe Ansari, 4e touriste de l'espace et première femme musulmane. Elle séjourna 10 jours à bord d'ISS après un avoir embarqué dans un vaisseau Soyouz TMA-9 le 18 septembre 2006. Documents NASA.

Le 18 septembre 2006, ISS reçut la visite de la première touriste, Anoushe Ansari, une femme d'affaire américaine d'origine iranienne, présidente d'une société de télécommunication; tout un symbole pour l'émancipation des femmes musulmanes. Elle est née en 1966. Le voyage lui coûta 23.3 millions de dollars pour 10 jours.

Le 7 avril 2007, ce fut au tour du milliardaire américain d'origine hongroise Charles Simonyi de visiter la station ISS grâce à une capsule Soyouz. Il y resta deux semaines. Simonyi détient à ce jour, le record du voyage spatial touristique le plus long. Pour commémorer cet événement, il a créé un site Internet, Charles in Space.

Arrêtons-nous un instant sur cet homme car nous le connaissons tous indirectement. Né en 1949, le Dr Charles Simonyi occupe deux chaires académiques : la chaire Charles Simonyi for the Public Understanding of Science à l'Université d'Oxford (chaire tenue par le biologiste évolutionniste Richard Dawkins) ainsi que chaire Charles Simonyi de Physique Théorique à l'Institute for Advanced Study de Princeton, un poste occupé avant lui par Edward Witten et Einstein.

Charles Simonyi est l'un des informaticiens les plus célèbres et l'un des personnages qui influença le plus le développement de la micro-informatique. Durant les années 1970, il développa chez Xerox PARC le premier traitement de texte WYSIWYG appelé "Bravo". Le WYSIWYG c'est Simonyi !

Entre 1981 et 1991, il fut Chief Software Architect chez Microsoft qui n'était alors qu'une start-up. Il dirigea les équipes qui programmèrent les logiciels de bureautique. C'est le papa de Word, Excel, Multiplan et quelques autres produits.

En 1991, il s'orienta vers la recherche chez Microsoft et s'occupa de "programmation intentionnelle". Il créa ensuite avec le Pr Gregor Kiczales de Xerox PARC la société Intentional Software Corporation qui développe des langages de programmation très évolués (Cf le site web Edge ainsi que son article pour le 2001 Vanderbilt Workshop). Accessoirement Simonyi est également pilote de jet.

Son rêve serait qu'il y ait une bibliothèque dans l'espace : "Partout où les humains se trouvent, il doit y avoir une bibliothèque", a-t-il déclaré le 18 février 2007 au cours d'un entretien accordé à l'AFP à Moscou. Simonyi emporta donc deux livres avec lui, "Faust" de Goethe en traduction bilingue allemand/anglais et "Révolte sur la Lune" de l'auteur de science fiction américain Robert Heinlein. "Faust fait partie de notre héritage littéraire, il appartient à l'humanité tout entière et aborde les relations de l'homme avec l'univers et avec les sciences. Y a t-il un meilleur endroit pour lire sur ces sujets (que l'espace)? ", a-t-il lancé aux journalistes. "Je sais bien qu'ils seront à terme installés sur ordinateur mais les livres sont actuellement tellement plus simples à utiliser", a-t-il précisé, expliquant qu'il faut une permission pour accéder aux ordinateurs de la station. Enfin, il eut l'occasion d'écouter de la musique classique et des groupes rocks, la station contenant un lecteur MP3 disposant d'un assortiment de 1600 enregisrements musicaux, parmi lesquels Bach, Wagner, Mozart, Bartok, Liszt mais également les Beatles, les Rolling Stones ou les Kinks lui plurent particulièrement.

Et les touristes se succèdent. Selon une rumeur, le physicien et cosmologiste anglais Stephen Hawking devait également s'envoler pour l'espace en 2009. Son entraînement, bien qu'un peu plus particulier puisqu'il est totalement paralysé, aurait commencé. J'émets toutefois des doutes sur la véracité de cette information, ne fut-ce que pour des raisons de sécurité.

Mais tous les candidats ne sont pas acceptés d'office à l'embarquement. Ainsi selon l'agence russe, en 2006 le Japonais Daisuke Enomoto fut jugé inapte au voyage spatial pour des raisons médicales. Son vol est suspendu jusqu'à nouvel ordre. Mais son vol n'est pas annulé. Il était arrivé un problème similaire à Gregory Olsen dont le voyage prévu originellement en 2001 fut également reporté pour des raisons de santé. Quatre ans plus tard il recevait tout de même son ticket pour l'espace et en revint "très heureux" comme il le dira par la suite.

L'argent n'ouvre donc pas toutes les portes et il est heureux de constater que les agences spatiales considèrent encore les questions de sécurité comme prévalant sur tout autre critère.

2024, autour de la Lune

En 2017, Elon Musk qui dirige les sociétés SpaceX et Tesla annonça qu'il avait l'intention de lancer un vol habité vers la Lune au moyen d'une capsule SpaceX Dragon v2 : "nous sommes excités d'annoncer que SpaceX a été approché pour envoyer deux citoyens privés en voyage autour de Lune avant la fin de l'année prochaine", c'est-à-dire en 2018. Le voyage durera une semaine et consistera en une grande boucle autour de la Lune, un voyage de 480000 à 640000 km selon la distance de la Lune à l'époque du lancement. Sachant qu'une fusée Falcon Heavy revient à 90 millions de dollars, le ticket d'embarquement revient 35 millions de dollars.

Ce sont deux riches civils qui ont demandé à rester anonyme pour le moment qui ont proposé l'idée à Elon Musk. Il ont déjà payé une avance sur leur ticket, histoire d'encourager les ingénieurs de SpaceX à relever le défi.

Fin 2018, SpaceX annonça que le milliardaire japonais Yusaku Maezawa de l'entreprise Zozotown (un webmarchand spécialisé dans la vente de vêtements par Internet) avait payé son ticket d'embarquement pour la Lune ainsi que 6 à 8 sièges supplémentaires soit toute la capacité de la navette qu'il offrira gracieusement à des artistes qui à leur retour devront créer une oeuvre d'art.

Contrairement à ce qu'il avait annoncé un an plus tôt, Elon Musk estime le prix de ce projet entre 2 et 10 milliards de dollars et est très satisfait si le secteur privé - les touristes - participe à raison de 5% du budget. Le lanceur sera une fusée BFR (Big Falcon Rocket) de 118 m de hauteur d'une capacité de 100 tonnes, dont l'étage supérieur est constitué d'une navette spatiale mesurant 55 m de longueur qui assurera le voyage autour de la Lune. Aux dernières nouvelles, la fusée devrait être lancée en 2024.

Si ce projet se concrétise, ce serait la première fois depuis 1972 qu'une nouvelle mission habitée s'aventurera au-delà de l'orbite basse de la Terre.

A voir : SpaceX Starship and The Von Braun Rotating Space Station

A gauche, présentation de la capsule Dragon v2 chez SpaceX en 2014. Document NASA/Dmitri Gerondidakis. A droite, la navette spatiale que SpaceX envisage d'utiliser pour ses voyages touristiques autour de la Lune.

Cette annonce est-elle réaliste ? Comme son voyage vers Mars prévu vers 2025 ou la future station spatiale Von Braun, on peut en douter sachant que la NASA et donc SpaceX notamment en sont toujours aux tests du lanceur Falcon 9 Heavy et que le projet est encore loin d'être finalisé et notamment les tests de sécurité d'un vol lunaire habité de longue durée. Cela ressemble a un effet d'annonce d'Elon Musk qui rappelle ainsi à l'industrie et au gouvernement américain qu'il est temps de regarder la Lune et Mars d'un peu plus près et d'investir en conséquence.

Ceci dit, ce type de mission n'est pas sans risque surtout un vol habité autonome où il faut veiller avant tout à la sécurité de l'équipage, les systèmes autonomes devant fonctionner sans interruption ni défaillance pendant toute la durée du vol.

En parallèle, la NASA continue à travailler sur son lancer SLS et sa capsule Orion. Selon Robert M. Lightfoot, administrateur de la NASA, les premiers astronautes devaient embarquer pour des vols habités en 2019. Mais ce vol fut reporté à 2020 puis finalement à 2026. Toutefois, le type de mission n'est pas encore déterminé; il peut s'agir d'un vol vers la Lune comme d'une préparation pour un voyage vers Mars ou vers un astéroïde en prévision de son exploitation minière.

2021, premier vol suborbital pour Richard Branson et Jeff Bezos

Le 11 juillet 2021, le milliardaire Richard Branson, patron de Virgin Galactic et âgé de 70 ans a volé la vedette à Jeff Bezos, l'ancien patron d'Amazon, en réalisant le premier vol suborbital à bord de l'avion supersonique VSS Unity sur lequel planchait son enterprise depuis 2004. Comme il le dit lui-même "Bienvenue à l'aube d'une nouvelle ère spatiale", celle du tourisme spatial commercial.

Le voyage de 90 minutes de Richard Branson commença lors de son embarquement à bord de l'avion supersonique VSS Unity fixé sous l'aile du porteur SpaceShipTwo qui décolla de la piste du Spaceport America, au Nouveau-Mexique, à 10h40 EDT (14h40 GMT).

L'avion supersonique comprenait deux pilotes et quatre passagers dont Richard Branson et trois membres de son entreprise. Le vol qui fut le premier en équipage complet, était le 22e essai de SpaceShipTwo et sa quatrième mission habitée aux limites de l'atmosphère terrestre.

A environ 15 km d'altitude, l'avion VSS Unity se détacha de son avion porteur et entama son ascension supersonique, jusqu'à atteindre 53.5 miles ou 85.3 km d'altitude. Le moteur hybride propulsé par de l'oxyde nitreux liquide fonctionna pendant environ une minute, accélérant jusqu'à environ Mach 3 avant de s'arrêter. VSS Unity poursuivit ensuite sa course sans effort ni contrainte sur une trajectoire balistique pendant quelques minutes durant lesquelles les passagers ont pu se détacher de leur siège pour apprécier les joies de l'impesanteur et admirer la courbure de la Terre depuis l'un des grands hublots de la cabine.

Après l'atterrissage, Branson déclara : "J'ai rêvé de cette seconde depuis que je suis enfant. Rien ne peut vous préparer à voir la Terre depuis cette région [...] C'était tout simplement magique [...] Nous avons vu cette superbe planète Terre. Je suis encore un peu sous le choc. C'était tout simplement fabuleux."

A voir : Richard Branson's Message From Space, Virgin Galactic, 2021

WATCH LIVE: Virgin Galactic Unity 22 Spaceflight Livestream, Virgin Galactic, 2021

Replay - New Shepard First Human Flight, Blue Origin, 2021

Watch Jeff Bezos and Wally Funk in zero gravity during Blue Origin spaceflight, CNET, 2021

Instantanés du vol de Richard Branson de Virgin Galactic le 11 juillet 2021. A droite, gros-plan sur l'avion supersonique VSS Unity 32 secondes après son largage, volant à March 2 soit 2470 km/h à près de 21 km d'altitude et poursuivant son ascension. Documents Virgin Galactic.

VSS Unity n'a pas atteint la ligne de Kármán à 100 km d'altitude qui marque en théorie le seuil de l'espace et aurait pu qualifier l'équipage et les passagers d'astronautes. Toutefois, aux Etats-Unis, la NASA considère que la frontière de l'espace se situe à 50 miles ou 80 km et qualifient ceux qui la franchisse d'astronautes. En revanche, nous verrons que la FAA ajouta une condition.

Selon le communiqué de presse de Virgin galactic, le rôle officiel de Richard Branson est "d'évaluer l'expérience des astronautes privés", ses observations seront utilisées pour "améliorer le voyage de tous les futurs clients astronautes."

Rappelons que le prix du billet qui était initialement annoncé à 200000$ a finalement été fixé à 450000$ en août 2021 (cf. Reuters). Suite à cette annonce, les actions de la société (SPCE) ont augmenté de près de 12% en 5 jours avant de se tasser légèrement à 33.42$ par action. Selon la banque d'investissement suisse UBS, la valeur potentielle du marché du tourisme spatial est estimée à 3 milliards de dollars par an d'ici 2030. Il est donc essentiel de prouver la sûreté des avions-fusées pour le grand public.

Le décollage de la fusée New Shepard emportant Jeff Bezos et trois passagers à 106 km d'altitude le 20 juillet 2021. Document Blue Origin.

Pour l'occasion Richard Branson n'a cessé de répéter que "l'espace nous appartient à tous". Il a donc annoncé la possibilité que deux particuliers gagnent leur place à bord de l'un des premiers vols commerciaux de Virgin Galactic, dans le cadre d'un partenariat avec l'entreprise de collecte de fonds Omaze et l'ONG Space for Humanity. Chacun est libre de tenter sa chance.

Le vol de Jeff Bezos à bord de la fusée New Shepard NS-1 construite par son entreprise Blue Origin eut lieu le 20 juillet 2021 à 10h EDT (14h GMT). Il était accompagné par trois passagers : son frère Mark; Wally Funk, une aviatrice et astronaute âgée de 82 ans et légende de l'aviation qui participa notamment au programme Mercury de la NASA; et du jeune néerlandais Oliver Daemen âgé de 18 ans qui se vit offrir le vol par son père, fondateur d'une entreprise d'investissement qui devait participé au prochain vol de Blue Origin mais l'offrit à son fils, un ticket à 28 millions de dollars (contre 4.8 millions de dollars au début du projet). Oliver Daemen devient ainsi le premier client payant de Blue Origin et le plus jeune astronaute.

La fusée de 18 m de hauteur décolla depuis le site de lancement de Van Horn situé dans l'ouest du Texas, près de la frontière du Nouveau-Mexique. La capsule habitée pouvant contenir 6 passagers atteignit l'altitude de 106 km à Mach 3 avant de se séparer du lanceur. Passé les quelques 80 km d'altitude, les passagers ont ressenti les joies de l'impesanteur durant 10 minutes avant que la capsule ne retombe sur Terre accrochée à trois parachutes, le lanceur revenant de son côté se poser verticalement à sa base.

2021, William Shatner alias le capitaine Kirk s'aventura pour de vrai dans l'espace

Le 13 octobre 2021 à 9h49 CT (15h49 GMT), l'acteur, réalisateur et écrivain canadien William Shatner alias le capitaine Kirk pour les fans de la série TV culte "Star Trek" et trois autres passagers civils se sont envolés à bord de la fusée New Shepard NS-18 de Blue Origin depuis le désert du Texas, à ~40 km de la ville de Van Horn, pour un vol suborbital. Les trois autres membres d'équipage qui accompagnèrent Shatner sont Chris Boshuizen, un ancien ingénieur de la NASA; Glen de Vries, un entrepreneur en recherche clinique; et Audrey Powers, vice-présidente et ingénieure de Blue Origin.

On ignore si Bezos offrit le ticket pour l'espace à Shatner en hommage au capitaine Kirk. Dans son communiqué, l'AFP dit seulement que "la décision de Blue Origin d'inviter l'un des personnages de science-fiction les plus reconnaissables de la Galaxie pour son deuxième vol en équipage a contribué à maintenir l'enthousiasme autour du secteur naissant du tourisme spatial, alors que la nouveauté commence à s'estomper" (cf. France24). Etant donné que Shatner n'a pas souvent évoqué son désir de voler dans l'espace, vu ses commentaires et ceux de Bezos à propos du vol, on peut supposer que le ticket lui fut offert. Mais ce n'est pas l'essentiel.

Comme le dit Shatner au Comic-Con de New York (NYCC) le 8 octobre 2021, "Je suis le capitaine Kirk et je suis terrifié à l'idée d'aller dans l'espace." Malgré son appréhension il était très enthousiaste et toujours partant pour l'aventure.

A voir : New Shepard Mission NS-18 Webcast, Blue Origin, 2021

Watch William Shatner and crew in zero gravity during Blue Origin spaceflight, CNET, 2021

A gauche, interview de William Shatner et de ses trois coéquipiers, Chris Boshuizen (gauche), Audrey Powers et Glen de Vries (droite) lors de l'émission "Good Morning America" sur ABC News le 11 octobre 2021. A droite, la fusée habitée décollant le 13 octobre 2021 à 15h50 GMT. Documents ABC News et Blue Origin/Reuters.

Au décollage le 13 octobre 2021 à 15h50 GMT, Shatner et ses coéquipiers subirent une accélération d'environ 3G. Après 2m35s de vol, à 69.6 km d'altitude, les passagers ressentirent les effets de l'impesateur durant 4 minutes. Ensuite, ils poursuivirent leur ascension en vol libre jusqu'au-dessus de la Ligne de Kármán pour atteindre l'apogée de leur trajectoire à 105.8 km d'altitude. Entre-temps, 7m31s après son décollage, le lanceur revint se poser avec succès sur son pas de tir.

Au total, le vol jusqu'à la limite de l'espace dura 10 minutes. La NASA rappela qu'âgé de 90 ans, Shatner est devenu le plus vieux touriste spatial. "Vous êtes et serez toujours notre ami", déclara la NASA dans un tweet, paraphrasant Mr.Spock.

Une expérience émotionnelle intense pour Shatner

A sa descente de la capsule, Shatner donna ses premières impressions à Bezos : "Cette expérience est incroyable. C'est très différent de ce que j'imaginais". Se remettant difficilement de ses émotions, il lui dit : "C'est l'expérience la plus intense de ma vie". L'émotion que ressentait Shatner transpirait devant la caméra et il la transmettait aux téléspectateurs.

Pour Shatner ce fut avant tout une expérience émotionnelle. "Avoir vu la Terre à plus de 100 km... Wow... WOW !... Chacun dans le monde doit le faire. Chacun dans le monde a besoin de voir ça", dit-il à Bezos, débordant d'émotion. "Incroyable".

Ce qui surprit le plus Shatner fut la minceur de l'atmosphère qui nous protège et sa couleur : "Voir la couleur bleue passer à côté de vous et maintenant vous regardez dans le noir, c'est le truc, la coloration du bleu", dit-il en essayant d'expliquer l'expérience qu'il venait de vivre.

Shatner déclara encore à Bezos : "En regardant dans le noir, puis en bas, il y a le bleu là-bas et le noir là-haut... il y a la Terre mère et le confort et là... C'est la vie et c'est la mort. En un instant, vous dites 'Woah c'est la mort!' C'est ce que j'ai vu. C'était tellement émouvant pour moi. Cette expérience, c'est quelque chose d'incroyable".

Submergé par des larmes d'émotion, Shatner ajouta : "Ce que vous m'avez donné est l'expérience la plus profonde que je puisse imaginer. Je suis tellement ému par ce qui vient de se passer. J'espère ne jamais m'en remettre. J'espère pouvoir conserver ce que je ressens maintenant. Je ne veux pas le perdre. Je suis tellement ému... c'est extraordinaire."

A voir : William Shatner Reacts To Seeing Earth From Space: ‘It’s So Fragile’, Today, 2021

William Shatner's Overwhelming Trip to Space Was a Wake-Up Call, The Tonight Show, 2021

William Shatner's Reaction to Space, Blue Origin, 2021

A gauche, William Shatner entouré de ses amis Glen de Vries, Audrey Powers et Chris Boshuizen pendant le vol suborbital de la mission NS-18 le 13 octobre 2021. A droite, William Shatner submergé par l'émotion après son atterrissage. Documents Blue Origin.

Un peu plus tard, remis de ses émotions, Shatner insista à quel point il était émerveillé de voir la Terre, mais aussi impressionné par la noirceur et la profondeur de l'espace. "Je suis allé dans l'espace, après des décennies à jouer un personnage emblématique de science-fiction qui explorait l'univers. Je pensais éprouver une profonde connexion avec l'immensité qui nous entoure, un appel profond à une exploration sans fin. J'avais absolument tort. Le sentiment le plus fort, qui domine de loin tout le reste, était le chagrin le plus profond que j'avais jamais connu. J'ai compris, de la manière la plus claire possible, que nous vivions sur une minuscule oasis de vie, entourés d'une immensité de mort. Je n'ai pas vu d'infinies possibilités de mondes à explorer, d'aventures à vivre ou de créatures vivantes avec lesquelles se connecter. J'ai vu l'obscurité la plus profonde que j'aurais pu imaginer, contrastant si vivement avec la chaleur accueillante de notre planète natale. Ce fut un réveil extrêmement puissant pour moi. Ça m'a rempli de tristesse. J'ai réalisé que nous avions passé des décennies, sinon des siècles, à être obsédés par le regard ailleurs, à regarder dehors. J'ai fait ma part en popularisant l'idée que l'espace était la frontière finale. Mais j'ai dû aller dans l'espace pour comprendre que la Terre est et restera notre seule maison. Et que nous l'avons ravagé, sans relâche, la rendant inhabitable." On reviendra plus bas sur ce commentaire de Shatner.

Cette fois le capitaine Kirk peut affirmer sincèrement qu'il est allé hardiment dans l'espace, où aucun homme de 90 ans n'est allé auparavant, "boldly gone into space, where no 90-year-old has gone before." Quand la science-fiction rejoint la réalité.

Lors d'une interview à Entertainment Tonight le 15 octobre 2021 (voir la vidéo ci-dessous) rapportée par "The Daily Mail", Shatner décrivit plus précisément son expérience : "Vous entendez les gens dire qu'il s'agit d'une expérience religieuse. Je ne connais pas l'expérience religieuse, mais vous pouvez avoir une expérience bouleversante."

Shatner compara son vol suborbital au-dessus de la Terre au fait de tenir son enfant pour la première fois : "Vous tenez le bébé et c'est magique. C'est tellement écrasant. Comment vais-je protéger cet enfant ?... Vous êtes submergé par la responsabilité et devez prendre soin de [l'enfant] et [vous vous demandez] comment faire. C'est une expérience bouleversante, et j'ai eu cette expérience."

Shatner dit qu'il gardait à l'esprit le fait d'être la personne la plus âgée à avoir voyagé dans l'espace, et que le voyage l'avait fait penser à sa mort : "Cela m'a rappelé la mort à laquelle je fais face à cause de mon âge... mais aussi comment vous protéger dans les années à venir, ainsi que mes enfants et les enfants de mes enfants. C'est ce qui est critique."

Réponse de Shatner aux critiques du prince William

Après le vol spatial touristique de Shatner qui fut largement médiatisé, le 14 octobre 2021 le prince William, duc de Cambridge, l'un des petits-fils de la reine Elizabeth II, fut interviewé par la BBC et critiqua la course au tourisme spatial. Cela tombait juste avant la conférence sur le climat (COP26) qui allait se tenir à Glasgow du 1 et 12 novembre 2021. Le futur monarque préconisa d'investir des ressources dans la protection de la planète plutôt que de faire du tourisme spatial. Il fit également part de ses préoccupations concernant le coût carbone des vols spatiaux.

Le prince William qualifia le tourisme spatial de "Star Trek" et déclara que "Nous avons besoin de certains des plus grands cerveaux et esprits déterminés du monde pour essayer de réparer cette planète, pas pour essayer de trouver le prochain endroit où aller vivre. C'est vraiment crucial de se concentrer sur cette planète plutôt que d'abandonner et de partir dans l'espace pour essayer de penser à des solutions pour l'avenir."

A voir : William Shatner REACTS to Prince William's Disapproval of Space Race

 Entertainment Tonight, 2021

Hear why William Shatner is ‘overwhelmed by sadness’ after space flight, CNN, 2021

William Shatner ne s'est jamais venté d'avoir été dans l'espace et n'a même pas voulu célébrer son retour sur Terre avec un verre de champagne comme le proposa Bezos. Il est resté à l'écart, plongé dans ses émotions, jusqu'à ce que Bezos le rejoigne.

Shatner répondit au prince William lors d'une interview à Entertainment Tonight le 15 octobre 2021 (voir la vidéo ci-dessus) rapportée par "The Daily Mail" précité. 

Selon Shatner, le prince William "se trompe" et se fait "une fausse idée" du tourisme spatial : "L'idée ici n'est pas d'y aller et de dire "Ouais, regarde-moi. Je suis dans l'espace" [...]. Je dirais au prince, et j'espère que le prince comprendra le message, que c'est un petit pas vers l'idée d'amener l'industrie là-haut, de sorte que toutes ces industries polluantes, en particulier, par exemple les industries qui fabriquent de l'électricité, hors de la Terre."

Shatner souhaite que davantage d'entreprises de production d'énergie construisent des bases dans l'espace afin que cela n'affecte pas l'écosystème de la planète : "Nous avons toute la technologie, les fusées, pour envoyer les choses là-haut... Vous pouvez construire une base à 250, 280 miles (400, 450 km) au-dessus de la Terre et envoyer cette puissance ici bas, où ils la captent, puis l'utilisent, et c'est là [tout l'intérêt]. Tout ce dont on a besoin, c'est de... quelqu'un d'aussi riche que Jeff Bezos [pour dire] "Allons-y"."

Finalement Shatner déclara : "Le prince manque le point. Le fait est que ce sont les petits pas qui montrent aux gens [que] c'est très pratique. Vous pouvez envoyer quelqu'un comme moi dans l'espace."

Quant à l'argument du prince William de se concentrer d'abord sur les problèmes sur Terre plutôt que de voyager dans l'espace, Shatner déclara qu'il était "bien sûr" d'accord.

Dans une interview ultérieure sur "Cuomo Prime Time" de CNN (voir la vidéo ci-dessus), Shatner déclara qu'il serait "tragique si vos enfants, en particulier les enfants de nos enfants, n'avaient pas la chance de faire partie de cette belle chose que nous appelons la Terre". Il ajouta que "nous devons faire quelque chose contre le réchauffement climatique maintenant, avant que nous ne soyons tous affectés par celui-ci."

A voir : La Terre vue de l'espace

Terre, Afrique

EPIC, 17 oct 2015

Terre, Afrique

Apollo 17, 1972

Reflets, R.Wiseman

ISS Exp.40-41

Est Méditerranée

Delta du Nil

Royaume-Uni

Londres

En fait Shatner exprima exactement ce qu'ont ressenti tous les astronautes : le sentiment de vivre sur une planète exceptionnelle et fragile, peut-être unique dans l'univers. C'est le contraste entre la beauté de cette minuscule planète bleue où foisonne la vie et l'immensité de l'espace vide et hostile qui s'étend à l'infini. Vue de l'espace, la Terre ressemble autant à un être vivant qu'à un vaisseau spatial habité de milliards d'âmes finalement très isolées dans l'univers. Le vaisseau Terre est aussi le seul exemplaire que nous possédons; c'est un modèle unique dont il faut prendre soin et protéger.

Observer la Terre depuis l'espace tout en ayant conscience de la fragilité de notre planète et de l'humanité procure des émotions très fortes car elles mêlent la joie et le plaisir au sentiment triste et coupable que nous sommes en train de détruire cette planète paradisiaque, le berceau de l'humanité.

La FAA revoit sa réglementation

Pour la Fédération Aéronautique Internationale (FAI) et pour la NASA, seul Jeff Bezos et tous qui ont volé à plus de 100 km d'altitude, au-dessus de la Ligne de Kármán, peuvent revendiquer le titre d'astronaute. Mais la FAA ne l'entend pas ainsi.

Le 20 juillet 2021 et donc suite aux deux premiers vols touristiques dans l'espace, le Bureau du Transport spatial commercial de la FAA publia des nouvelles consignes.

Le programme Wings (le programme des Ailes d'astronautes) de la FAA a été conçu par l'ancienne administratrice associée du Bureau du Transport spatial commercial de la FAA, feu Patti Grace Smith, et est entré en vigueur en 2004 (cf. ce communiqué de presse de la FAA).

Le pin's des ailes d'astronaute commercial de la FAA. A ne pas confondre avec les ailes d'or d'un aviateur civil de la FAA, les ailes d'astronaute civil de la NASA et le pin's des astronautes.

Pour gagner les ailes d'astronautes, non seulement l'équipage doit atteindre au moins 50 miles terrestres ou 80 km d'altitude et "promouvoir le développement de véhicules conçus pour transporter des humains dans l'espace", mais l'agence ajouta comme condition que l'équipage doit réaliser durant le vol "des activités essentielles à la sécurité publique, ou contribuant à rendre le vol spatial habité plus sûr." Le but de la FAA est avant tout de garantir la sécurité des vols commerciaux, qu’ils soient aériens ou spatiaux.

Dans ces conditions, le vol de Jeff Bezos ne respectait pas les nouvelles conditions prises en compte par la FAA et cela exclut d'office les prochains touristes spatiaux embarquant à bord de la fusée New Shepard de la liste des astronautes.

Quant à Virgin Galactic, Richard Branson et les autres passagers ont contribué à évaluer l'équipement du vaisseau. Virgin Galactic prétend aussi qu'ils ont conduit des expériences visant à démontrer les capacités de recherche scientifique suborbitale et que leur vol était une activité contribuant à la sécurité des vols suborbitaux.

Admettant que le tourisme spatial est susceptible de devenir une activité régulière, la FAA a changé d'avis et décida d'accorder à Richard Branson et Jeff Bezos les ailes d'astronaute de l'espace commercial. Leurs noms figurent désormais dans la liste des 24 personnes dont 15 en 2021 qui ont réussi cet exploit depuis la création du programme Wings.

Avec trois sociétés commerciales, Blue Origin, Virgin Galactic et SpaceX qui ont lancé des missions civiles dans l'espace, la FAA est d'avis que la vision est désormais réalisée. Par conséquent, le 10 décembre 2021 la FAA décida de mettre fin au programme Wings commercial des ailes d'astronautes, mais continuera de reconnaître sur son site Internet toute personne ayant effectué un vol spatial sous licence de la FAA à au moins 80 km au-dessus de la surface de la Terre. La FAA confirma que les touristes spatiaux de la mission NS-19 de Blue Origin recevront également leurs ailes commerciales Wings.

Pour ceux qui souhaitent recevoir leurs ailes d'astronautes, la NASA poursuit toujours ses programmes, mais il est impératif que la personne démontre des "contributions scientifiques sérieuses". Etant donné que la FAA a le monopole des licences, sa décision fait loi. Autrement dit, à partir de 2022 plus aucun touriste spatial ne gagnera ses ailes d'astronaute.

Cette décision peut sembler mesquine mais cela renforce l'idée que les astronautes font un métier hors du commun qui exige des compétences et des facultés que ne possèdent pas la majorité des candidats et, sans les offenser, certainement pas les touristes spatiaux. Cette ségrégation par la fonction et la hauteur par rapport aux mortels rend le corps des astronautes très élitiste et exclusif. Mais ce n'est pas incompatible avec des hommes des femmes sympatiques et accessibles. On peut toutefois regretter cette ségrégation. Mais rassurez-vous, d'ici quelques siècles cette ségrégation sera désuette car tout le monde pourra prendre un ticket pour l'espace comme aujourd'hui on prend une réservation d'avion.

Envol des 4 premiers touristes spatiaux civils de SpaceX

Le 16 septembre 2021 à 2h02 du matin, la fusée Falcon 9 de SpaceX et la capsule Crew Dragon transportant quatre membres d'Inspiration4 décolla du légendaire pas de tir 39A de la NASA et rejoignit l'espace. Selon Elon Musk, Inspiration4 devait démontrer que tout un chacun peut aller dans l'espace, y vivre et travailler.

L'équipage comprenait quatre personnes. Jared Isaacman, un homme d'affaire américain né en 1983, fondateur et CEO de l'entreprise Shift4 Payments finança la mission et en était le commandant. Il décida d'offrir les trois places restantes à des personnes méritantes de la société civile. Le siège nommé Generosity fut offert à Chris Sembroski (un ancien pilote de l'US Air Force), le Prosperity fut offert au Dr Sian Proctor (la finaliste de la sélection 2009 des astronautes de la NASA) et le Hope fut offert à Hayley Arceneaux, une survivante d'un cancer des os dotée d'une hanche artificielle. À 29 ans, Arceneaux est la plus jeune Américaine qui voyagea dans l'espace.

Les tweets du 16 septembre 2021 à 4h48 (gauche) montrant le décollage de la fusée Falcon 9 de SpaceX embarquant quatre civils pour un séjour de 3 jours à 575 km d'altitude et le tweet du 17 septembre 2021 à 6h10 (droite) montrant les passagers durant leur premier jour dans l'espace à bord de la capsule Crew Dragon. Documents SpaceX/Inspire4.

L'équipage suivit un entraînement rigoureux pendant 6 mois au cours desquels ils se sont entraînés à supporter l'effet centrifugeuse, la microgravité et en simulateur. Ils effectuèrent également des exercices d'urgence et subirent des examens médicaux.

Pour aider à comprendre l'effet de l'environnement spatial sur des passagers amateurs, leurs données biologiques (rythme cardiaque, sommeil, etc) ainsi que leurs capacités cognitives furent enregistrées. Ils réalisèrent également des tests afin de comparer leurs performances avant et après le voyage.

Le vol entièrement automatisé dura trois jours et conduisit les quatre passagers à 575 km de la Terre. La capsule Crew Dragon étant la même que celle qui ravitaille la station ISS, un dôme d'observation remplaça le mécanisme d'amarrage. Cette coupole donne aux passagers une vue hémisphérique sur l'espace. La capsule effectua 15 orbites autour de la Terre avant de retomber dans l'océan Atlantique, au large de la Floride, le 18 septembre 2011.

Le prochain vol touristique est prévu en janvier 2022. Les passagers de Blue Origin seront des hommes d'affaires.

Des fusées polluantes

Pour ne pas alourdir cet article, nous verrons en écologie à propos de l'après-Kyoto que les fusées de SpaceX et les riches touristes spatiaux polluent entre 50 et 100 fois plus que les passagers d'un vol long-courrier. Il faudra un jour réglementer cette pollution.

Un service de secours d'urgence dans l'espace

Sur la Terre, les sauveteurs peuvent atteindre de nombreux endroits difficiles : des marins bloqués au milieu de l'océan, des plaisanciers accidentés en mer, des personnes blessées en haute montagne ou des victimes d'accidents d'avion dans des zones reculées.

Un astronaute en détresse dans l'espace. Un jour, il pourra compter sur l'aide d'une équipe de secours d'urgence. Document T.Lombry.

Mais il n'existe actuellement aucun système de secours d'urgence dans l'espace. Mais il existe peut-être un moyen d'y remédier. L'organisation à but non lucratif Rand Corp. suggère qu'un service de sauvetage spatial, s'il est financé et doté d'un mandat suffisamment fort, pourrait être déployé pour aider les astronautes ou les touristes coincés en orbite terrestre basse ou même sur la Lune.

L'idée a été suggérée dans un rapport publié en novembre 2023 intitulé "Select Space Concepts for the New Space Era" (Sélectionner des concepts spatiaux pour la nouvelle ère spatiale). Certes, de nombreuses questions doivent être résolues avant qu'un service de sauvetage spatial puisse être opérationnel : comment cela s'intègre-t-il aux traités existants des Nations Unies concernant l'exploration spatiale, qui en serait responsable, qui le financerait et quelles technologies pourrait être nécessaire, par exemple.

Selon Jan Osburg, auteur de ce rapport, si ces défis étaient relevés, le service comblerait un "écart" ou une lacune indispensable dans l'exploration spatiale (Osburg emprunta le mot "écart" à un rapport publié en 2021 sur la question du sauvetage spatial rédgé par par Aerospace Corp., qui influença le travail de Rand).

Comme aujourd'hui les compagnies d'assurances offrent moyennant une modique participation financière un service de rapatriement à leurs membres et prennent en charge tous les frais lors d'un accident, y compris à l'étranger, on peut imaginer qu'un jour nos enfants ou nos petits-enfants astronautes et touristes spatiaux pourront bénéficier d'une assistance tout risque dans l'espace. Il faut juste donner aux acteurs de ce tout jeune secteur économique le temps de mûrir et de constituer leur flotte de vaisseaux et de clients. On en reparlera d'ici quelques générations. Ce jour là on pourra vraiment parler de service de secours d'urgence dans l'espace.

L'avenir du tourisme spatial

Si aujourd'hui l'annuaire des sociétés directement concernées par l'astronautique tient peut-être sur une page sans parler de la centaine de contractants de la NASA ou de l'ESA, il s'agit avant tout d'entreprises qui envisagent cette technologie sous l'angle professionnel, c'est-à-dire soit sous forme de projets de satellites et leurs applications soit de projets de support aux astronautes. Si dans un siècle il y aura sans doute suffisamment d'entreprises dans ce secteur pour remplir un bottin, en attendant nous devons patienter que la technologie évolue et se démocratise pour réellement envisager un tourisme spatial aussi banalisé que les transports en commun comme le train, le bateau ou l'avion. Ce n'est pas demain ni après demain que nos enfants ou petits-enfants prendront un avion-fusée en profitant de prix promotionnels !

Le concept de la fusée habitée Big Falcon (BFR) de SpaceX.

Car il faut rester réaliste. A part quelques riches qui peuvent se payer tout ce qu'ils veulent, un voyage touristique vers la Lune comme le propose Eric Anderson ou Elon Musk est tout simplement irréaliste dans le contexte socio-économique actuel. Même un voyage touristique autour de la Terre n'est pas envisageable. N'imaginons donc même pas aller plus loin en compagnie d'une dizaine ou d'une centaine de passagers comme l'imagine Elon Musk.

Imaginer que le tourisme spatial sera bientôt à la portée de tous, que chacun pourra prendre une fusée destination ISS ou la Lune comme on prend un avion, ce sont juste des effets d'annonces, des projets de mégalomanes en manque de reconnaissance juste dignes des meilleures bandes dessinées. En effet, si on peut prendre l'avion et faire le tour de la planète en 24 heures, dans le cadre du tourisme spatial il faudrait accomplir ce voyage en 1 ou 2 heures et donc atteindre une vitesse gigantesque, sans parler de la sécurité des voyageurs.

Actuellement, le seul vaisseau habitable et ultra rapide est la station ISS qui peut accomplir un tour de la Terre en 90 minutes. Mais en aucun cas cette station scientifique ne pourrait être convertie en hôtel touristique, d'ailleurs son infrastructure est déjà passablement usée et en fin de vie. Les ingénieurs doivent donc développer de nouveaux projets.

Les fusées actuelles sont basées sur une propulsion chimique : fusées à poudre ou ergols liquides. Nous avons bien quelques moyens de propulsions excessivement rapides et beaucoup plus efficaces comme le moteur ionique (à flux d'ions) ou laser (l'impulsion d'un laser propulse le vaisseau) mais ils sont encore soit à l'état de prototype soit utilisés par des sondes spatiales.

Dans tous les cas ces moteurs sont de taille réduite et inadaptés au transport des personnes. Nous n'avons aucun moyen de construire un vaisseau spatial magnéto-plasmique par exemple capable d'embarquer des êtres humains dans un vol de longue durée en toute sécurité.

A voir : Astronauts, Space Tourism & Spaceships

Illustrations artistiques réalisées par l'auteur

L'évolution attendue du tourisme spatial. Ci-dessus, tourisme spatial en 2030 (gauche) et voyage d'affaire hypersonique en 2050 (droite). Ci-dessous, tourisme spatial familial (gauche) et voyage d'affaire vers la base lunaire (droite) en 2100. Mais a priori, il faudra patienter quelques décennies de plus pour atteindre des services embarqués de cette qualité. Documents T.Lombry.

Pour passer du rêve et la réalité, il y a au bas mot 10 ans d'études et d'essais et un budget colossal. Si le projet vise à boucler un tour de la Terre en 1 heure ou un voyage organisé de quelques jours vers la Lune, il faudra une entreprise ou plutôt un consortium d'investisseurs et d'ingénieurs bien plus important que celui de Virgin Galactic ou SpaceX. Quelle organisation privée acceptera un tel défi ? Aucune puisqu'il est déjà difficile d'en trouver une troisième capable de rivaliser avec Virgin Galactic et SpaceX et nous savons que chacune d'elle a déjà essuyé quelques accidents majeurs pendant les phases de tests.

Quant à la NASA ou l'ESA, leur budget est plus que compté et leur priorité n'est sûrement pas le tourisme spatial que tous les professionnels de l'astronautique voient d'ailleurs d'un mauvais oeil. Mais l'avenir en décidera peut-être autrement lorsque le tourisme spatial deviendra rentable. Et cela peut vite arriver si chaque touriste paye son ticket d'embarquement 30 millions de dollars soit le tiers du prix d'une fusée Falcon Heavy.

A gauche, une vue de la haute atmosphère de la Terre depuis le hublot d'un avion-fusée que nos petits enfants - soit vers l'an 2100 - auront probablement l'opportunité de voir pour le prix actuel d'un vol transatlantique. Au centre, le jour où le tourisme spatial embarquera si peu de passagers, on pourra dire que les voyages spatiaux seront banalisés et la ligne vraiment rentable ! Cela reste utopique. A droite, un vaisseau spatial à propulsion laser au large de Jupiter. Documents T.Lombry, Shimizu Corp. (Shimizu Space Systems) et Pat Rawlings/NASA.

Dans cette aventure, on peut craindre que beaucoup d'entrepreneurs tomberont de haut et abandonneront probablement devant les difficultés et le coût de l'entreprise. Néanmoins, il y aura toujours quelques visionnaires fortunés qui réussiront là où les autres ont échoué. Si ces challenges entre constructeurs peuvent inciter le secteur privé à investir dans le tourisme spatial, là où de toute façon nos petits-petits-enfants iront tous après-demain, souhaitons-leur un franc succès.

Un jour c'est certain, les hôtels spatiaux seront une réalité et vos petits enfants au 8e ou au 10e degré auront l'opportunité de voir un clair de Terre et de passer leur Lune de miel près des étoiles. Il ne fait aucun doute que la technologie de l'avenir et la société des loisirs s'orientent résolument vers l'espace. Mais n'attendez pas de prix promotionnel avant quelques siècles !

Pour plus d'informations

NASA

ESA

CNES

IKI (Russie)

SpaceX

Virgin Galactic

Scaled Composites

Space Adventures

Astrium (EADS)

Galactic Suite

Rocketplane Kistler

Blue Origin

World View

Bigelow Aerospace

Charles in Space, Charles Simonyi

The Conversation (articles du webzine consacrés au tourisme spatial)

Science Connection, magazine de Belspo

Spaceflight, magazine de la British Interplanetary Society

Spacelinks (liens, sur ce site)

The Artemis Society

Space Studies Institute (SSI)

SSI Maillist

Les vidés de SpaceShipOne sur YouTube

Your Galaxy Space Tourism, Education & PR (Virgin Galactic Benelux)

UK High Altitude Society (projet de photographie amateur en haute altitude)

Astronauts, Space Tourism & Spaceships, Illustrations de T.Lombry

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