LA THERMIQUE

Pour donner son plein rendement, le détecteur CCD doit être refroidi à une basse température, si possible inférieure à 0°C. La caméra Audine intègre donc un système de refroidissement. Celui-ci comprend un composant à effet Peltier, un drain thermique, un radiateur, un ventilateur et de la graisse thermique conductrice.

 
Les ingrédients du système de refroidissement d'Audine.
Le module Peltier est la plaquette blanche sur la droite. A côté on trouve le drain thermique amenant le froid jusqu'au CCD. Un trou dans le drain est aménagé pour recevoir une sonde de température. Le tout repose sur le radiateur de la caméra qui évacue les calories produites par la face chaude du module Peltier.

Le Peltier génère, lorsqu'on applique (dans le bon sens !) une tension à ses bornes, une différence de température entre ses deux faces en céramique. Cette différence de température varie en fonction de la tension d'alimentation, de la température moyenne des deux faces et du flux de chaleur (interne et externe) que reçoit la face froide. Elle résulte du bilan thermique de la face froide que l'on peut approcher par :

Wr, Wj et Wc sont propres au Peltier, We est propre au design de la caméra. En fonctionnement, on a un équilibre qui se crée Wr + Wj + Wc + We = 0.

Les ordres de grandeur, pour notre Peltier, sont donnés sur la figure ci-dessous. On peut constater que pour obtenir une différence de température de 50°C avec 2W de charge thermique sur la face froide, on a en fait une puissance de refroidissement de 20W, donc environ 20W de consommation électrique.

Dans le cas idéal où le flux de chaleur externe au Peltier est nul sur la face froide (Peltier dans le vide et ne recevant aucun flux par rayonnement, une situation improbable !), on peut obtenir, avec une face chaude au voisinage de +20°C, une différence de température maximale de 65°C entre la face chaude et la face froide, soit -45°C sur la face froide.

Il existe en fait une tension d'alimentation optimale permettant d'obtenir la température la plus froide. Cette tension est obtenue lorsque, pour une augmentation de tension, l'augmentation de la puissance thermique reçue sur la face froide (effet Joule dans le Peltier, conduction face chaude / face froide, puissance amenée via le drain, ...) devient supérieure à l'augmentation de la puissance de réfrigération du Peltier.

Remarque qui découle de ce qui précède : si un collègue vous annonce qu'il obtient (avec un seul Peltier) une température de CCD inférieure de 50°C à la température d'air ambiante, vous pouvez légitimement ne pas le croire.

Bilan de puissance typique dans Audine.

Le Peltier utilisé dans Audine est le modèle CP 1.0-63-05L de MELCOR. Ses dimensions sont de 30x15x3.2mm. Le courant maximum applicable est de 3.9A pour une tension maximale de 7.6V.

Le drain relie par conduction le CCD avec la face froide du Peltier. Il est en aluminium (conductibilité thermique = 120W/m/K) ce qui est très largement suffisant pour garantir un gradient négligeable (<0.5°C) entre sa face côté Peltier et sa face côté CCD. Il est inutile et coûteux de le réaliser en cuivre (conductibilité thermique = 300W/m/K).

Le drain intervient toutefois de manière non négligeable dans la performance thermique globale via les flux thermiques parasites qu'il collecte et impose à la face froide du Peltier (convection avec l'air interne, rayonnement, conduction via les vis de fixation au radiateur). Il convient donc de minorer ces flux indésirables pour obtenir un meilleur refroidissement du CCD. Ainsi :

Le radiateur (en aluminium) associé à un ventilateur a pour rôle de maintenir à une température la plus proche possible de la température ambiante la face chaude du Peltier en extrayant, vers l'air externe, la puissance dissipée sur cette face chaude. Le radiateur est noir afin de maximiser son rayonnement vers l'extérieur et composé d'ailettes afin d'augmenter la surface d'échange avec l'air.
Si l'on recherche l'optimum de refroidissement, la puissance à évacuer est de l'ordre de 20W. Un ventilateur est alors nécessaire. En effet, en convection naturelle (sans vent), on a un coefficient d'échange thermique de l'ordre de 10 W/m²/K, ce qui conduirait, dans ce cas, à une augmentation de température du radiateur de l'ordre de 40°C par rapport à la température ambiante, ce qui n'est pas acceptable. Avec un ventilateur, on limitera cette augmentation de température à typiquement 8°C à l'optimum de refroidissement.

Attention : si le ventilateur ne fonctionne pas, il est impératif de ne pas alimenter le Peltier avec plus de 3.5V (1A) de façon permanente. Avec une tension supérieure, il y a un risque certain de divergence, de surchauffe du Peltier et finalement, de destruction de ce dernier au bout d'un moment..

Pour améliorer l'efficacité du radiateur, on peut utiliser un ventilateur plus puissant, augmenter la surface d'échange (nombre d'ailettes, longueur, hauteur) ou utiliser un radiateur refroidi à eau (un radiateur en cuivre est inutile).

Pour un radiateur parfait (température radiateur = température externe), on estime le gain sur la température du CCD à -3°C (gagner 8°C sur le radiateur ne conduit pas à gagner 8°C sur le CCD). Dans Audine on a privilégié la simplicité et la compacité en jugeant que ce gain n'était pas assez significatif.

La graisse thermique conductrice est un élément essentiel dans les performances thermiques de la caméra. Cette graisse assure le contact thermique entre le CCD et le drain, entre le drain et la face froide du Peltier et entre la face chaude du Peltier et le radiateur. Pour chaque contact, le gradient thermique est proportionnel à la puissance thermique transférée (en W) multipliée par une constante appelée conductance de contact (en W/m²/K). Cette conductance de contact est très dépendante de l'état de surface des matériaux en contact, de la pression de contact et de la présence de "produit" intermédiaire d'interface. Pour fixer les ordres de grandeur, un contact sec métal / métal brut d'usinage sans pression de contact démentielle aura une conductance de contact de l'ordre de 500W/m²/K. Cela signifie que, pour une surface identique à notre Peltier (1.5cm x 3.0cm), on aura un gradient de 4.4°C pour 1W transféré par le contact. Or, puisqu'il arrive sur la face froide de l'ordre de 2.5W, on aurait, en contact sec, de l'ordre de 10°C de gradient, donc 10°C de plus sur le CCD, ce qui serait dommage. Sur la face chaude, il passe environ 20W, ce qui conduirait, toujours en contact sec, à un gradient de l'ordre de 90°C, certainement destructeur !

En utilisant une graisse d'interface thermique conductrice, on obtient une conductance de contact de l'ordre de 5000W/m²/K. Le gradient à l'interface drain / face froide du Peltier sera alors de l'ordre de 1°C, mais d'environ 10°C à l'interface face chaude du Peltier / radiateur. A l'interface CCD / drain, la puissance thermique transférée étant de l'ordre de 1W, le gradient sera d'environ 0.5°C, donc négligeable (avec de la graisse thermique).

On voit donc qu'un gain potentiellement important peut être réalisé à l'interface Peltier face chaude / radiateur. Une solution possible serait de coller le Peltier au radiateur avec de la colle conductrice en serrant très fortement, avec un outillage, le Peltier sur le radiateur.

Ceux qui veulent risquer le collage peuvent s'attendre à un refroidissement supplémentaire du CCD de l'ordre de -4°C.

Une modélisation thermique de la caméra a été réalisée afin d'obtenir, par simulation, la température en différents points de la caméra ainsi que la sensibilité aux différents paramètres du design.

Sur les figures ci-après, les différentes températures issues du modèle et les deux températures mesurées sur le CCD et sur le radiateur sont tracées en fonction du courant d'alimentation du Peltier, pour une caméra avec drain non isolé et une température d'air extérieur de +25°C. On constate une très bonne corrélation entre les prédictions et les résultats expérimentaux. On constate aussi que l'optimum de refroidissement est obtenu pour 3A ce qui correspond à peu près à 6.5V.

Modélisation du refroidissement d'Audine en fonction du courant d'alimentation lorsque la température ambiante est de 25°C. En trait gras, sur le second graphe, on trouve une mesure expérimentale de la température du CCD réalisée avec un thermocouple.

Les courbes suivantes montrent une modélisation thermique lorsque la température ambiante est d'environ -2°C.

Comportement thermique d'Audine lorsque la température de l'air est de -2°C.

Pour la caméra telle que décrite ici (sans isolation du drain), on obtient une température du CCD à -15°C avec un air ambiant à +25°C (dT=40°C) et à -36°C avec un air ambiant à -2°C (dT=34°C). Les performances du Peltier diminuent à froid, c'est normal.

On peut gagner en performances de refroidissement avec les modifications suivantes :

Le dispositif de refroidissement de la caméra a été prévu pour fonctionner avec une tension de +5V (2.4A), ce qui est presque le point de fonctionnement optimal. Une tension de 5V est facile à produire de nos jours avec la puissance nécessaire et à peu de frais grâce aux alimentations stabilisées à découpage des ordinateurs. Des alimentations pour compatible PC peuvent se trouver pour moins de 100 F chez les vendeurs de pièces détachées d'ordinateur. Le câblage de ces alimentations est standard et fort simple.
Sur la droite une alimentation de PC, idéale pour alimenter le module Peltier d'Audine.
Evolution de la température du CCD en fonction du temps lorsqu'on applique directement une tension de +5V au module Peltier. On note que le CCD atteint les températures négatives au bout de 2 minutes après la mise sous tension du Peltier.
 
Signalons pour finir, qu'une sonde de température peut être installée dans Audine. L'information délivrée par cette sonde peut par exemple être utilisée pour asservir en boucle fermée la température du CCD. Un tel asservissement n'est cependant pas indispensable pour exploiter efficacement votre caméra. L'option prise par défaut dans Audine est de refroidir au maximum le détecteur en évitant la marge nécessaire à toute régulation thermique. Le niveau du signal thermique résiduel pourra être estimé a posteriori et retiré aisément des images brutes par un traitement numérique approprié.