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Le procès de Galilée

Portrait de Galilée peint en 1636 par Justus Sustermans.

Le verdict (III)

Malgré le fait que Galilée n'ait jamais été considéré comme un prisonnier - durant son procès Galilée bénéficiait d'un appartement de cinq pièces dans les bâtiments de l'Inquisition avec majordome et valet - il fut très affligé par cette comparution et se fatigua rapidement. Se rappelant que Giordano Bruno avait été brûlé vif pour avoir soutenu le matérialisme et la pluralité des mondes, Galilée savait que résister à l'Inquisition était peine perdue.

Sans plus d'arguments et tenant plus à la vie, Galilée finit par reconnaître sa culpabilité et sa "dépravation hérétique" comme le disait le Saint-Office. Il abjura ses théories "qui n'étaient pas en parfaite harmonie avec la Bible" remarquait-il déjà en 1615... Galilée supplia l'Inquisition presque à genoux; l'astronome sarcastique était brisé et termina son plaidoyer par une humble prière, suppliant la clémence et la bonté de ses juges.

A dire vrai, peu avant le verdict on apprit que le Pape Urbain VIII avait eu pitié de Galilée et connaissant son grand âge avait dit en privé à l'ambassadeur de Toscane "nous examinerons ensemble le moyen de lui donner le moins de chagrin possible".

L'abjuration de Galilée. Sachant qu'il était vain de vouloir résister à l'Inquisition, Galilée prit la sage décision d'abjurer ses théories à genoux plutôt que de mourir brûlé vif sur un bûcher... La Curie s'attendait à l'attitude de Galilée mais elle devait faire fléchir le vieil homme pour sauver son honneur bafoué et la Foi. Documents U.Kentucky

Le verdict fut prononcé le 16 juin 1633 et sera sans appel : tout professeur de mathématique et aussi célèbre qu'il fut, "ledit Galilée [...] sera appelé à abjurer [...] condamné à la réclusion [...], et sommé de ne plus discuter de ses théories sous peines de sanctions infligées aux relaps. Son oeuvre, comme celle de Copernic sera mise à l'Index. [...] La sentence sera envoyée à tous les membres du clergé et sera lue en présence du plus grand nombre de ceux qui professent l'art des mathématiques".

Par trois fois Galilée jura s'être trompé : "Je ne soutiens pas et j'abandonne l'opinion de Copernic; je n'ai plus de doute et je tiens celle de Ptolémée pour très vraie. Oui la Terre est fixe, au centre du monde. Et puis conclut-il, je suis entre vos mains, faites de moi ce qu'il vous plaira". Toute l'assemblée savait qu'il pensait le contraire. Tous savaient aussi que la torture n'avait été qu'une machination car on ne lui avait jamais montré les instruments, comme on aurait très bien pu le faire. Epuisé, Galilée signa son procès-verbal. Sept juges sur dix le cosigneront. Galilée lut son abjuration à haute voix et l'orage se calma.

Soeur Marie-Céleste. Document Museo Galileo.

Après son procès, Galilée restera en résidence surveillée pendant six mois à la villa Médicis, domicile de l’ambassadeur du Grand-Duc de Toscane à la Trinité-des-Monts puis il retourna à Arcetri. En accord avec l'Inquisition, il s'arrangea pour que ce soit l'un de ses trois enfants, sa fille Soeur Marie-Céleste, née Virginia en 1600, qui récite chaque jour à sa place les sept psaumes pour sa pénitence depuis le couvent de San Mattéo situé près d'Arcetri.

On sait peu de chose de Soeur Marie-Céleste si ce n'est qu'elle prit le voile à la demande de son père en 1616, sa soeur Livia la suivant un an plus tard. A l'époque, il était en effet de coutume que les jeunes filles célibataires prennent le voile. Elle choisit de s'appeler Marie-Céleste en hommage à l'engourement de son père pour les étoiles. Elle échangea avec lui de nombreuses missives dont 124 lettres seront plus tard rassemblées dans un livre. Elle recopia également les manuscrits de son père quand il commença à avoir des problèmes de vue.

Mais le couvent de San Mattéo était très pauvre. Plus d'une fois Soeur Marie-Céleste appela son père à l'aide pour qu'il subvienne à l'entretien du bâtiment ou à la réparation de l'horloge. Les soeurs ne mangeaient pas tous les jours à leur faim, on y mangeait mal, le pain était mauvais et le vin aigre. Bientôt Soeur Marie-Céleste contracta une maladie chronique. Luttant avec dignité et courage elle vouait un grand amour envers son père qu'elle supporta du mieux possible et cela transparaît dans toute sa correspondance.

Le 2 juillet 1633, elle lui écrivit du couvent[12] : “Très aimé Père, Je viens d’apprendre à l’improviste votre nouvelle épreuve. J’en éprouve une très grande peine qui me transperce l’âme : quelle affreuse douleur qu’on ait pris finalement cette décision. C’est aussi offensant pour votre oeuvre que pour votre personne [...] c’est le moment de mettre en oeuvre cette vertu de prudence que le Seigneur vous a donné...”.

Malheureusement Galilée perdit sa fille Marie-Céleste le 2 avril 1634, moins de quatre mois après son retour à Arcetri. Mais comme l'aurait dit sa fille en souriant, "Ne pleurez pas Père, la mort fait partie de la vie. Dieu m'a rappelé à Lui pour veiller sur vous".

L'héritage de Galilée et des Médicis

Les Médicis qui avaient longtemps supporté Galilée et d'autres génies italiens avant lui, ne le laissèrent pas tombé pour autant mais évitèrent toute prise de position en public, ce qui revint au même. Toutefois en commenditant les travaux de Galilée ils changèrent définitivement notre vision du monde. Esprits de raison, les parrains de la Renaissance annonçaient le siècle des Lumières.

L'année de son procès, en juillet 1633, Galilée récidiva, entamant la rédaction de son célèbre Discours concernant deux Sciences Nouvelles [13]. Ne pouvant évidemment plus l'imprimer en Italie, il l'enverra à l'étranger et recevra l'imprimatur aux Pays-Bas en 1638 et publia son livre aux éditions Elzevir. Ce qui surprend le lecteur en le lisant dans un contexte moderne, c'est le fait que Galilée recourt à la géométrie pour expliquer tous les types de mouvements et la statique plutôt qu'à l'analyse mathématique, un concept qui bien entendu n'existait pas encore de son temps (il faudra attendre Newton et Descartes).

Le comble pour un astronome, en 1637 Galilée perdit la vue suite à une inflammation de l'oeil mais il continua à travailler. Il inventa notamment un système de pendule pour régler les horloges.

Ayant démantelé le “kosmos” d’Aristote et l’assise de la philosophie naturelle, Galilée savait que les temps avaient changé. Ses ouvrages étaient à présent lus à l'étranger et discutés dans les académies et les universités. Galilée avait réuni un faisceau d'indices concordants en faveur du système héliocentrique et bientôt, mis à part le Pape et sa Curie, plus personne ne crût que la Terre était au centre du monde.

Le poète John Milton visitant Galilée. Il écrira plus tard "Le Paradis perdu" et fera l'élogue de son "tube optique". Peintures réalisées respectivement au XIXe siècle par Annibale Gatti (gauche) et Tito Lessi entre 1910-1917 (droite). Documents Museo Galileo.

Comme illustré ci-dessus, parmi les amis qui lui rendirent visite à Arcetri, il reçut des pères Jésuites, ceux-là même qui enseignaient le copernicisme en Chine et un certain John Milton qui, après avoir observé la Lune, les planètes dont le croissant de Vénus et la Voie Lactée, fera l'éloge de son "tube optique" dans son Paradis perdu et allusions à ses découvertes (ch. VII et VIII notamment). Chateaubriant le traduira très fidèlement en français en 1836.

Malheureusement Galilée ne parvint jamais à comprendre la chute des corps et à décomposer correctement le mouvement du boulet de canon. L'expliquera sera trouvée par Newton.

Galilée s'éteignit à Arcetri le 8 janvier 1642 à l'âge de 78 ans. Mais le Pape Urbain VIII refusa de lui rendre un dernier hommage public et de lui ériger un monument. Il sera enterré sans cérémonie en l'église de Santa Croce à Florence. Il ne recevra une sépulture correcte qu'en 1726.

La rumeur prétend que Galilée aurait dit à l'Inquisiteur durant son procès en 1633 : "E pur si muove" (Et pourtant elle tourne) à propos du mouvement de la Terre. En fait, cette phrase est affichée dans une peinture montrant Galilée dans un cachot réalisée vers 1643-1645 par le peintre Bartolomé Esteban Murillos. Une reproduction est présentée dans le livre de John J. Fahie consacré aux portraits, médailles et peintures de Galilée publié chez Courier Press en 1929 (planche 16). On prétend aussi que cette expression figure sur la tombe de Galilée. Comme on le voit ci-dessous, son mausolée ne présente pas cette épitaphe.

Le tombeau de Galilée portant l'épitaphe "Eppur si muove". Ce mausolée fait face à celui de Michel Ange érigé à l'entrée de l'église de Santa Croce à Florence.

Comme si son oeuvre était inachevée et devait être poursuivie sans délai, l'année de la mort de Galilée, en 1642, le jour de Noël un certain Isaac Newton vint au monde. Le monde allait connaître sa plus grande révolution intellectuelle depuis Platon. Nous reviendrons en détail sur l'oeuvre de ce savant génial quand nous discuterons de relativité.

Ce n'est qu'en 1822 que le Vatican leva les interdits sur les oeuvres de Galilée et celles de Copernic. Mais il n'estima pas s'être trompé en condamnant Galilée. La question sera revue par la Congrégation du Saint-Office en 1982 puis en 1984, sans toutefois lever sa sentence.

En fait, son procès ne sera pas rejugé car comme le disait le pape Jean-Paul II, cette affaire est devenu un mythe symbolisant le conflit entre la Science et l'Eglise. Comme Pie XII avant lui, Jean-Paul II a reconnu que l'oeuvre de Galilée pouvait être interprétée librement par chacun. Comme la lecture de la Genèse, il existe plusieurs degrés de lecture qui lentement ont fini par modifier les positions de l'Eglise.

Remettrait-on en cause la théologie ? L'Eglise est très retissante à vouloir refaire ce procès, d'autant qu'il existe d'autres exemples, comme la théorie de l'Evolution qui va à l'encontre des principes bibliques. Etant donné qu'il y avait des ecclésiastiques aux côtés de Galilée et que le droit canonique s'est également modifié au cours du temps, son procès serait celui de l'Eglise tout entière ! [14] Cela ne nous rappelle-t-il pas les propos du Christ qui disait : "Ne vous poser pas en juge afin de ne pas être jugé " ?

A trois siècles et demi de distance, en 1979 Jean-Paul II concluait [15] : “Galilée et Einstein ont caractérisé une époque. La grandeur de Galilée est connue de tous, comme celle d’Einstein; mais à la différence de celui que nous honorons aujourd’hui [...] le premier eu beaucoup à souffrir - nous ne saurions le cacher - de la part d’hommes et d’organismes de l’Eglise [...]. Le Concile Vatican II a reconnu et déploré certaines interventions indues [...] certaines attitudes qui ont existé parmi les chrétiens eux-mêmes, insuffisamment avertis de la légitime autonomie de la science [...] Je donne tout mon appui à cette tâche qui pourra honorer la vérité de la foi et de la science et ouvrir la porte à de futures collaborations”.

A voir : La réhabilitation de Galilée par Jean-Paul II

Bien évidemment, plus personne ne cherche aujourd’hui dans l’Ecriture Sainte des réponses à la physique, à la biologie ou la chimie, mis à part quelques sectes bien isolées. Ainsi que l’a bien expliqué le Pape Jean-Paul II, le christianisme n’asservit plus le chercheur dans sa quête de connaissance et lui demande même d’aller plus en avant en cette matière tout en précisant : “Je voudrais confirmer à nouveau les déclarations du Concile sur l’autonomie de la science dans sa fonction de recherche sur la vérité inscrite dans la création par le doigt de Dieu...[16]. Mais le Pape aurait-il pu laisser le dernier mot à la Science ?

Si l'Eglise n'a plus l'influence temporelle de jadis, elle s'avère toujours en contre-pied de la science, discutant à n’en plus finir du sens de l’existence, d’embryologie ou d’Absolu alors que la science ne cherche qu’à comprendre l’essence des choses. Ainsi que l’a écrit Bernard Vinaty[17], prêtre et philosophe, Galilée eut raison de se battre car il avait la conviction intime et profonde “qu’il n’y avait pas de véritable science sans autonomie de la science”.

C.Towns, prix Nobel et inventeur du laser séparait distinctement la science de la religion : “le but de la science disait-il, est de découvrir l’ordre de l’univers. Celui de la religion est d’atteindre la finalité et le sens de l’Univers”. Mais Einstein[18] disait à ce propos, "La science sans la religion est boîteuse, la religion sans la science est aveugle". Il est en effet important de se souvenir que l’homme s’est tourné vers Dieu dès le jour où il pressentit, en analysant son décor naturel, l’existence de quelque chose d’essentiel, d’inconditionnel et de naturel. En prenant conscience que tous les événements semblaient suivre leur propre route, cela força l’homme à réfléchir sur la grandeur du Créateur. Et finalement, seul resta le mystère de la Création et l’essence de l’être.

Que l'on partage ou non leurs sentiments, l'importance de la religion dans nos sociétés mérite que l'on prenne le temps d'en discuter. Nous y reviendrons dans le dossier consacré à la philosophie des sciences.

Conseils de lecture

En hommage à Galilée (sur ce site)

Galileo Galilei - 350 ans d’histoire 1633-1983, Cardinal Paul Poupard/Collectif, Desclée International, 1983

Galilée. L'Eglise Contre la Sience, J.-Y. Boriaud, Librairie Académique Perrin, 2010

Galilée en procès, Galilée réhabilité ?, d/dir. Francesco Beretta, Saint-Augustin, 2005

Après Galilée, Science et foi: nouveau dialogue, Cardinal Paul Poupard, Ed.Desclée de Brouwer, 1994

Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, Galilée, 1632; Seuil, 1999.

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[12] Galileo Galilei, “Opere”, Ed.Nazionale, t. XV, p167.

[13] G.Galilée, "Discours concernant deux sciences nouvelles", trad.M.Clavelin, Armand Colin, 1970.

[14] Cardinal P.Poupard, “Après Galilée, Science et foi: nouveau dialogue”, Ed.Desclée de Brouwer, 1994.

[15] Jean-Paul II, Discours devant l’Académie pontificale des Sciences, 10 novembre 1979. Discours repris intégralement dans S/dir Mgr P.Poupard, “Galileo Galilei - 350 ans d’histoire”, op.cit., p270 et suivantes.

[16] S/dir Mgr P.Poupard, “Galileo Galilei - 350 ans d’histoire”, op.cit.

[17] S/dir Mgr P.Poupard, “Galileo Galilei - 350 ans d’histoire”, op.cit., p67.

[18] A.Einstein, Nature, 146, 1941, p605.


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