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La Bible face à la critique historique

Le fameux pilier de la "femme de Loth" (Lldith ou Hedith) transformée en statue de sel. Il se trouve au sommet d'une falaise au-dessus d'un plateau surplombant la mer Morte. Voici une photo prise le dos à la mer Morte. Documents Dead Sea et A.Muller.

Sodome et Gomorrhe

Parmi les récits étranges de l'Ancien Testament, il y a celui de la Genèse décrivant comment Yahvé punit son peuple pour ne pas avoir respecté la plus sacrée de toutes les lois orientales, celle de l'hospitalité.

Selon la tradition, les villes de Sodome et Gomorrhe situées au sud de la mer Morte (dans l'actuelle Jordanie) furent détruites par une intervention divine par laquelle "Yahvé fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du soufre et du feu" (Genèse 19:24). Abraham aurait supplié Dieu de ne pas intervenir s'il y trouva 50 justes puis négocia pour n'obtenir que 10 justes. Mais le lendemain matin, "il vit monter du pays comme la fumée d'une fournaise" et Dieu n'avait épargné que son neveu Lot (Genèse 19:29). Selon les historiens, Sodome et Gomorrhe auraient été détruites vers 2070 avant notre ère.

Si ce n'est la manifestation du courroux divin que réserva Dieu à son peuple livré à la débauche comme le prétend la Bible, comment deux villes peuvent-elles se retrouver en feu du jour au lendemain et l'air envahi de soufre ? En admettant que le récit repose sur des faits réels, ce qui est loin d'être démontré, deux phénomènes géologiques peuvent l'expliquer : une éruption volcanique ou des émanations de matière inflammable du sol.

Premier constat, il n'y a pas d'activité volcanique dans cette région du monde. Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y pas eu de volcans à l'époque préhistorique. On reviendra sur cette hypothèse car cette éventuelle activité tellurique remonte à une époque bien antérieure à la période décrite dans la Genèse. Reste l'hypothèse d'une autre activité soudaine émanant du sol. Plusieurs théories ont été proposées.

Première hypothèse : le tremblement de terre

Nous savons que la région de la mer Morte se trouve sur une importante faille tectonique et on trouve dans le désert les preuves du déplacement de l'écorce terrestre. En effet, la région de la mer Morte est parcourue par une faille nord-sud qui traverse le golfe d'Aqaba, passe par la mer Morte, le fleuve Jourdain, le lac de Tibériade et se prolonge jusqu'en Turquie (cf. cette carte tectonique de l'USGS et cette coupe verticale du fossé de la mer Morte). Les lacs représentent ce qu'on appelle des "fentes d'extension" résultant du déplacement des plaques. Les plaques Ouest et Est glissent lentement l'une contre l'autre, la plaque israélienne vers le sud, la plaque jordanienne vers le nord, provoquant par ailleurs l'ouverture de la mer Rouge. Les failles sont géologiquement actives et les séismes y sont relativement fréquents avec une intensité variant entre 3 et ~5 sur l'échelle de Richter. Outre le sel (voir plus bas), le sous-sol de cette région est riche en soufre et en bitume.

Des séismites ou lits sédimentaires plissés suite au glissement rapide des couches sédimentaires de la mer Morte suivant un tremblement terre, dont la période est de ~80 ans dans cette région. Document Wooster Geologists.

Sachant que les cités de Bab edh-Dhra (Bab Adraa') et de Numeira (Numayra) située au sud-est de la mer Morte (voir plus bas) se situent précisément sur la ligne de faille, selon la théorie du tremblement de terre proposée en 1995 par Graham Harris et Anthony Beardowin (lire aussi "The Destruction of Sodom" de Graham Harris), la région étant riche en hydrocarbures, du bitume a pu remonter du sous-sol pendant un séisme. Bien qu'il existe peu de gisements naturels de bitume (l'un des rares lacs de bitume est celui de Pitch Lake à Trinidad et Tobago, cf. cette vidéo), cette matière n'est pas rare et on l'utilisa déjà 6000 ans avant notre ère pour imperméabiliser les bateaux et d'autres usages (comme colle et adhésif, pour l'embaument des momies, comme pigment noire, comme projectile enflammé, etc.). Mais comment faire brûler du bitume sachant qu'il ne s'enflamme spontanément qu'à 260°C ? Selon une théorie alternative, la pression d'un tremblement de terre forca la remonté de produits pétroliers inflammables à travers les lignes de faille. Ils s'enflammèrent ensuite et retombèrent en pluie de feu sur la campagne environnante. Dans les deux scénarii, si on cherche l'origine de l'étincelle, un éclair d'orage serait la cause la plus naturelle. Mais il faut ensuite que l'incendie se propage à toute la cité. Ce sont tout de même des conditions rarement réunies.

Parmi les auteurs antiques, Diodore de Sicile (1er siècle avant notre ère, Livre II, ch. XLVIII) décrit les éruptions de bitume dans la mer Morte qu'on peut voir depuis le rivage, de même que Strabon (1er siècle, Livre XVI, ch.II), Pline l'Ancien (c.73, Livre V, ch.XVI), Flavius Josèphe ("Antiquités Judaïques", Livre I, ch.IX et "La Guerre des Juifs", Livre IV, ch. VIII, 4) ainsi que Tacite (c.109, Livre V, ch.6-7) qui évoque le rejet de bitume et la forte densité de l'eau.

En étant très optimiste, un tremblement de terre suivi d'un épanchement de bitume ou de produit pétrolier inflammable et d'un incendie peuvent donc expliquer la destruction de ces deux villes sans qu'il faille rechercher une explication surnaturelle. La théorie du tremblement de terre est également supportée par Neev et Emery dans leur livre consacré à la destruction de Sodome, Gomorrhe et Jéricho. Néanmoins, cette théorie élude l'énigme de la statue de sel bien qu'il puisse s'agir d'une allégorie sans fondement historique.

A propos du sel et du Mont Sodome

Concernant le sel évoqué dans l'épisode de Sodome, dans un autre contexte les auteurs bibliques citent ses qualités purificatrices car il a un effet stérilisant. On sait depuis l'Antiquité que toute la région de la mer Morte (Al Mazrra) est dépourvue de végétation car le sel la rend stérile. D'où provient ce sel ? Il y a des millions d'années, la mer Morte communiquait avec la Méditerranée. Puis le niveau des océans baissa, entraînant l'isolement le mer Morte dont l'eau s'est lentement évaporée sous la chaleur du Soleil. Aujourd'hui, la salinité de la mer Morte atteint 0.27 (27% de sel) contre 0.035 en moyenne dans les océans. Avec une température moyenne annuelle de ~20°C et proche de 30°C à la surface de l'eau, on observe une forte évaporation. Les rives de la mer Morte blanchissent tandis qu'on peut observer localement des concrétions (évaporites) et des stalagmites de cristaux de sels. Actuellement, le niveau de la mer Morte diminue de 1 mètre/an. A ce rythme, si on ne la déssale pas, un jour ou l'autre la mer Morte disparaîtra.

A consulter : Dead Sea (tourisme)

A gauche, des concrétions de sel ou évaporites sur les rives de la mer Morte. A droite, la région du Mont Sodome située dans la Réserve Naturelle du Désert de Judée en Israël, au sud-ouest de la mer Morte. Documents iStock Photo et Israel for Tourists.

La mer Morte et toutes les collines proches contiennent non seulement du chlorure de sodium mais également du chlorure de magnésium, des sulfates, des carbonates et des bromures. Le Mont Sodome situé au sud-ouest de la mer Morte est une colline de sel qui s'élève à 226 m au-dessus de la mer Morte. Elle s'étend sur environ 8 km et 5 km de large. Au fil des éons, le sel s'est accumulé sur 4 km d'épaisseur et s'est mélangé à des dépôts minéraux qui se sont ensuite érodés. La chaleur souterraine a fait fondre le sel tandis que le poids des roches crée une pression qui le fait fondre sur les côtés. La région abrite également des grottes de sel évoquées dans la Bible dont certaines se sont effondrées. La plus longue grotte de sel nommée "Malham cave" s'étend sur 10 km sous le Mont Sodome et existerait depuis 7000 ans. Actuellement le Mont Sodome s'élève au taux de 1 cm/an.

Deuxième hypothèse : le Déluge

La région de Sodome serait située sur les rivages d'un ancien lac salé ayant entouré des volcans aujourd'hui submergés par la montée brutale du niveau de la mer Noire suite à l'effondrement des contreforts du Bosphore il y a environ 7500 ans. Comme expliqué à propos du Déluge, ce cataclysme majeur qui toucha toute l'Asie Mineure est évoqué dans la mythologie sumérienne qui inspira le récit de l'Arche de Noé.

D'une part, s'il existe effectivement des roches d'origine volcanique (au sens géologique) au nord de la mer ou lac de Galilée, toute la partie sud est couverte de roches plutoniques remontant à plus de 33 millions d'années (Eocène et antérieur, cf. la carte des temps géologiques). Le centre du bassin de la mer Morte est couvert de dépôts remontant au Quaternaire, c'est-à-dire formés il y a moins de 2.6 millions d'années. A part ces roches, il n'existe aucne trace prouvant l'existence de volcans éteints ou en sommeil dans la région. En revanche, il existe de nombreuses traces d'activité sismique. Comme on le voit ci-dessous, les coupes stratigraphiques montrent un affaissement du sous-sol suite au déplacement des plaques lithosphériques ainsi que l'accumulation d'une importante couche de sel depuis le Pliocène, il y a 5 millions d'années. Ces formations ne sont pas liées au cataclysme qui toucha l'Asie Mineure.

A gauche, la lithologie du bassin de la mer Morte et de la vallée du Jourdain sur 450 m de profondeur révèle la forte hétérogénéité des lieux. Au centre et à droite, coupes stratigraphiques du fossé de la mer Morte. Au centre, vue vers nord, entre le Mt Sodome et les dômes de sel de la région de Lisan (au sud-est de la mer Morte). A droite, coupe à hauteur du Mont Sodome révélant une couche de sel de plus de 4 km d'épaisseur. Documents I.Neugebauer et al. (2014), S.Gradmann et al. (2005) et Cours de géologie adaptés par l'auteur. 

D'autre part, si des eaux inondèrent la région, ce n'est pas suite au débordement de la mer Noire qui est située à plus de 1000 km de distance et séparée de la mer Morte par des reliefs. De plus, il n'y a aucune raison qu'une inondation ait détruite Sodome et Gomorrhe et préservé les autres cités installées dans la plaine. Enfin, cette théorie n'explique pas l'origine du feu.

Troisième hypothèse : l'explosion atmosphérique d'un astéroïde

En l'absence d'une source intense de chaleur et sachant qu'aucun cratère d'impact n'a été découvert en Israël ou en Jordanie, "le feu" pourrait provenir du ciel. En effet, il faut expliquer comment une région fertile comme Bab edh-Dhra située à l'est de Lisan (au sud-est de la mer Morte, voir la carte plus bas) où les chercheurs découvrirent de nombreuses traces de céréales et de fruits (blé, orge, dates, prunes, pêches, raisins, figues, pistaches, amandes, olives, pois chiches, citrouille, melon d'eau, etc), s'est retrouvée du jour au lendemain avec des centaines de milliers de cadavres, couverte de cendres et aujourd'hui quasiment désertique. Si le climat dans cette région du monde s'est fortement asséché en 3500 ans et explique l'aridité actuelle des lieux, cela n'explique pas cette hécatombe, ni les cendres et une destruction aussi violente.

En prospectant les cités de Bab edh-Dhra et Numeira et les autres cités situées au sud-est de la mer Morte (voir plus bas), les archéologues de l'Expédition de la Plaine de la Mer Morte (EDSP) ont découvert des milliers de tombes. Dans le cimetière des trois principales cités, les archéologues ont dénombré environ 500000 squelettes humains. Ensemble, ces trois cimetières abritent les squelettes d'environ 1.5 million de personnes !

Selon Michael D. Coonan de l'Université d'Harvard, les ruines de Numeira montrent des signes évidents de plusieurs destructions. "La première phase d'occupation fut détruite par le feu : les murs et les pièces qui se sont effondrés sur les débris de destruction cendreux étaient constitués d’une quantité considérable de débris de briques de terre crue, de nombreuses grosses poutres en bois ainsi que d'herbes et de roseaux carbonisés toujours attachés par les cordes qui les avaient maintenus en place comme du chaume." (cf. ASOR, 1984, 225, p79, voir aussi ABR).

Plus étonnant, des zones entières sont couvertes d'une épaisse couche de cendre spongieuse. Selon Coonan, "plus de 20 couches alternées de paillettes et de matériaux carbonisés suggèrent des activités saisonnières. Au-dessus de la couche finale se trouvait une épaisse couche de cendres (de 0.1 à 0.5 mètre), dans laquelle on retrouva les squelettes de deux hommes matures ayant péri lors la destruction finale de la ville." (cf. ASOR, 1984, 255, p80).

A voir : Dead Sea: East Side

Aspect du site archéologique de Bab edh-Dhra, respectivement en direction de la mer Morte (gauche) et sa partie Ouest (droite) révélant des ruines en pierre, des tombes et des murs de brique datant de l'Âge du Bronze Ancien Époque III (c.2200 ans avant notre ère). Documents Bibleplaces.

La datation au radiocarbone indique que cette première destruction eut lieu vers 2600 avant notre ère et serait l'œuvre des Mésopotamiens. Par la suite, pour éviter une autre tragédie de ce type, les habitants ont remplacé l'enceinte extérieure faite de briques de terre crue par un mur en pierre et ont construit une tour de guet.

Un rapport ultérieur de Coogan fait référence à la deuxième destruction, qui cette fois fut fatale à ses habitants. Dans les quartiers d'habitation "les principales surfaces de travail, avec des variations minimes d'une pièce à l'autre, ont été scellées par des débris de destruction épais, notamment du bois d'oeuvre calciné et des couches de cendre." (BASOR 240: 43,44).

Selon la datation au radiocarbone, Bab edh-Dhra fut détruite à la fin de la période du Bronze Ancien III, c'est-à-dire vers 2350 avant notre ère. Numeira fut totalement détruite vers 2300 ±50 ans avant notre ère. Le type de poterie gisant sur le sol des maisons confirme que la cité fut détruite en même temps que Bab edh-Dhra (cf. Rast et Schaub, 1980, 240, p45). Une couche épaisse de débris brûlés fut trouvée dans presque toutes les zones excavées (cf. Rast 1981, 254, p41; Archeology, 1987, 47). Michael Coogan décrit les lieux : "Sous la couche arable (sol du désert) et un sol sableux naturellement soufflé par le vent, toute la zone était recouverte par les débris de cendres provenant de la destruction finale de la ville jusqu'à 0.40 m de profondeur. Ces cendres contenaient des fragments de poutres en bois qui avaient soutenu les toits des habitations et reposaient immédiatement sur la dernière couche de chaque pièce, scellant ainsi le matériau situé en dessous. Il arriva fréquemment que des débris de briques en terre recouvraient les cendres, résultant de l’effondrement des superstructures en briques de terre après la conflagration finale." (cf. ASOR, 1984, 255, p76).

Plus surprenant, il existe une corrélation qui permet d'établir un lien entre le récit biblique et les découvertes archéologiques : c'est la saison durant laquelle l'évènement catastrophique s'est produit. Dans les ruines bien conservées de Numeira, en 1977 les archéologues ont notamment découvert dans une grande cache (Locus 17 de SE 3/1) des raisins entiers. Selon William Rast, il est remarquable que les raisins aient été préservés même avec leur peau (pellicule), en raison peut-être de la matière dont la combustion s'est produite suivie par l'effondrement de l'habitation qui scella ces éléments (cf. W.Rast, 1981, p43). Bien que les cités de Salamis, Hesban et Jéricho aient préservées des raisins entiers carbonisés, la taille du "trésor" de Numeira est suprenante avec plus de 700 raisins entiers, ce qui est très rare (cf. McCreery 1981, p168). Le fait que les raisins soient intacts indique qu'ils ont été fraîchement récoltés. Dans le climat chaud de la vallée de la mer Morte, la récolte des raisins a lieu plus tôt que d’autres régions du pays, à la fin du printemps ou au début de l'été. Cette donnée ajoute un élément chronologique intéressant. Toutefois, contrairement à ce que certains chercheurs ont écrit, la saison n'est pas mentionnée dans le texte biblique correspondant (Genère 18:10 et 18:14).

Comment expliquer la destruction de deux cités à la même époque, l'éboulement de lourds murs d'enceinte en pierre, la calcination et la présence d'une aussi importante couche de cendres ? Si des incendies suivant une bataille peuvent faire beaucoup de dégâts et laisser des traces noires sur les ruines, ils ne produisent jamais autant de cendres. L'origine serait-elle extérieure ?

Une théorie audacieuse mais réaliste propose qu'un astéroïde dense de quelques mètres de diamètre explosa en altitude, créant une boule de feu accompagnée d'un violent souffle et d'éjecta, "la pluie de soufre et de feu" évoquée dans la Bible. Selon les modèles, l'explosion aurait été entre 200 et 1000 fois plus puissante que celle de la bombe d'Hiroshima de ~15 kT et engendra une onde de choc qui se déplaça à 1200 km/h et détruisit tout sur son passage.

Une explosion comme celle de la Tunguska en 1908 libère suffisamment d'énergie pour calciner tout être se trouvant sous l'hypocentre, brûler ou pulvériser les habitations, briser des roches, faire fondre le sable et le transformer en verre comme on en trouve sur certains sites d'impacts (cf. le verre de Lybie) ou sur le site de la première explosion nucléaire dans le désert d'Alamogorno en 1945 (cf. la trinitite).

A voir : Le Mont Sodome, Israël, Google Maps

A gauche, explosion aérienne (microburst ou airburst) d'un missile de croisière Tomahawk BGM 109 portant une charge de 1000 lbs (450 kg) lancé depuis un sous-marin américain sur une cible statique (un avion RA-5C Vigilante hors service posé au sol). Voici la séquence originale. Au centre, explosion d'une charge atomique de ~15 kT lors du test Smoky dans le Nevada en 1957. La bombe explosa à ~200 m d'altitude. Dans les deux cas, c'est ce genre de boule de feu (300000°C dans un rayon de 17 m autour de l'hypocentre) qui se transforme au bout de quelques secondes en champignon de chaleur et le souffle qui l'accompagne à plus de 100 km/h qui sont destructeurs. Un petit astéroïde ou un fragment de comète explosant à quelques kilomètres d'altitude (8-10 km) produirait un effet similaire bien que centuplé et la radioactivité en moins, ce qui explique les dégâts constatés à Tunguska en 1908. A droite, illustration artistique d'un impact météoritique dans le désert. Documents DOD/FAS, DIMOC et ronib1979/iStock.

Si l'explosion d'un météoroïde est plausible, encore faut-il le prouver. Une équipe d'archéologues comprenant Steven Collins, directeur du Collège Universitaire et d'Histoire Biblique Veritas International (VIU) de Californie, Phillip J. Silvia de la Trinity Southwest University d'Albuquerque au Nouveau Mexique et des chercheurs du Département des Antiquités de Jordanie a justement découvert dans les ruines de la cité antique de Tall el-Hammam située à 7 km au nord-est de la mer Morte et à ~20 km au sud-ouest d'Amman en Jordanie, des artefacts très significatifs.

Dans les restes de la ville en ruine, les archéologues ont découvert une couche sombre d'environ 1.5 m d'épaisseur composée de charbon de bois, de cendres, de briques de boue fondues et de poteries fondues. Il était évident qu'un violent incendie détruisit la ville. Cette bande sombre fut appelée la "couche de destruction".

Parmi les dizaines de milliers de tessons de poteries récoltés au cours des missions archéologiques, les chercheurs ont découvert des tessons vitrifiés, du zircon fondu ou dissocié en gaz incorporé dans les poteries, et des murs d'enceinte effondrés.

Une onde de choc aurait renversé les 12 mètres supérieurs du palais de 4 étages et souffla les débris dans la vallée adjacente. Aucun des 8000 habitants de la ville ni aucun animal ne survécut; leurs corps furent déchiquetés et leurs os explosèrent en petits fragments.

Environ une minute plus tard, à 22 km à l'ouest de Tall el-Hammam, le souffle de l'explosion frappa la ville biblique de Jéricho. Les murs de Jéricho se sont effondrés et la ville brûla.

A gauche, le site de Tall el-Hammam situé au NE de la mer Morte prospecté par l'équipe de Phillip Silvia en 2011. A droite, les profils sédimentaires du site et les emplacements des échantillonnages qui s'étendent sur  ~1100 m. Dans le wadi (b), les flèches jaunes marquent le niveau de la strate datée de 3600 ans. À l'intérieur de la ville, les flèches marquent l'emplacement de la couche sombre riche en charbon de bois et en cendres. Documents P.J. Silvia et al. (2018) et P.J. Silvia et al. (2022).

Le même chaos et ce qu'on soupçonne être une exposition à une forte chaleur fut observé dans 120 autres lieux plus petits situés dans la région de Middle Ghor. Selon Silvia, le bouleversement aurait touché entre 40000 et 65000 habitants.

Les chercheurs ne savaient pas exactement ce qui s'était passé, mais cette couche de charbon n'a pas été causée par un volcan, un tremblement de terre ou une guerre. En effet, aucun de ces phénomènes n'est capable de faire fondre le métal, les briques de boue et la poterie.

Pour comprendre ce qui s'est passé, les chercheurs ont utilisé le calculateur d'impact en ligne de l'Imperial College de Londres pour modéliser des scénarii correspondant aux données qu'ils possédaient. Construit par des experts en impact, ce calculateur permet aux chercheurs d'estimer les détails d'un impact cosmique sur la base d'impacts connus et de détonations nucléaires.

A consulter : Online Impact Calculator, Imperial College London

En novembre 2018, au cours du meeting annuel de l'American Schools of Oriental Research (ASOR) qui s'est tenu à Denver, Collins annonça que ces artefacts dataient d'environ 1700 avant notre ère, une période compatible avec la fin de l'Exode (XIIIe siècle avant notre ère). Selon Silvia, les minéraux vitrifiés indiquent qu'ils furent exposés à une température supérieure à 4000°C. Il s'agirait des conséquences de l'explosion d'un météoroïde dans les basses couches de l'atmosphère, peut-être à 1 km d'altitude, qui détruisit instantanément toute vie sur une surface de 500 km2 (env. 25 km de large) correspondant à l'étendue de la région de Middle Ghor (cf. P.Silvia et al. et ScienceNews, 2018). Par comparaison, l'explosion de la Tunguska en 1908 détruisit 2150 km2. Cet évènement aurait mis fin à la civilisation de l'Âge du Bronze dans cette région.

A gauche, quelques tessons de poterie fondus et vitrifiés à au moins 2200°C découverts à Tall el-Hammam. a) photos d'un tesson de poterie de 7 cm de large provenant d'un pot de stockage cassé découvert au nord-est du palais, montrant la surface intérieure non fondue et b), la surface extérieure fondue plus foncée du tesson. c) tesson d'un pot de stockage de 6 cm de large affichant une surface intérieure normale et d) la surface extérieure hautement vésiculaire. (e-f), photos des deux bords de la section tranchée du tesson a) et b). (g-h), images SEM de la surface tranchée hautement vésiculaire du tesson a) et b). Au centre, des fragments de briques crues fondues provenant du palais. a), la surface supérieure du verre fondu montrant une couche non vésiculaire. b) surfaces brisées de verre fondu présentant une texture vésiculaire. c) face supérieure et face brisée du verre fondu. Notez la grande inclusion minérale non fondue de couleur claire. (d-f), images SEM de surfaces hautement vésiculaires du verre fondu brisé. Notez les inclusions métalliques brillantes dans plusieurs vésicules. g), tesson fondu en profondeur, mais pas de part en part. h), une matrice d'argile expansée par la chaleur en raison de l'humidité qu'elle contenait. A droite, des diamonoïdes (carbone de type diamant) découverts dans les sédiments des temples. a), image TEM d'amas de diamonoïdes amorphes. b), image TEM en champ clair (HRTEM) de résidus résistants aux acides montrant l'ordre à courte portée des atomes de carbone. c), image de diffraction électronique (SAD) confirmant que le résidu est du carbone amorphe. d), photomicrographie de diamonoïdes montrant un matériau clair sur une languette SEM de carbone noir. e) photomicrographie de la même zone que d) montrant des diamonoïdes luminescents à 440 nm, typique des diamants cubiques. Documents P.J. Silvia et al. (2018, au centre) adapté par l'auteur et P.J. Silvia et al. (2022).

Dans un article publié dans la revue "Nature Scientific Reports" en 2021 et corrigé en 2022 avec de nouvelles photos présentées ci-joint, Silvia et ses 20 collègues comprenant des archéologues, des géologues, des géochimistes, des géomorphologues, des minéralogistes, des paléobotanistes, des sédimentologues, des experts en impact cosmique et des médecins publièrent les résultats de près de 15 années de fouilles minutieuses réalisées par des centaines de personnes à Tall el-Hammam et des études en laboratoire.

Comme on le voit ci-dessus, les chercheurs ont découvert des tessons de poteries vitrifiés exposés à une très haute température durant très peu de temps. Des expériences avec des fours de laboratoire ont montré que les débris de poterie et de briques d'argile se sont liquéfiés à des températures supérieures à 1500°C. C'est suffisamment chaud pour faire fondre l'acier en quelques minutes.

  La fameuse couche de destruction évoquée plus haut contient également de minuscules diamonoïdes qui, comme leur nom l'indique, sont aussi durs que des diamants. Il semble que le bois et les plantes de la région aient été instantanément transformés en cette matière semblable à du diamant par les pressions et les températures élevées engendrées sous le choc et par la boule de feu.

De plus, les surfaces des poteries et du verre fondu sont tachetées de minuscules grains métalliques fondus, notamment de l'iridium dont le point de fusion est de 2466°C, du platine qui fond à 1768°C et du silicate de zirconium qui fond à 1540°C.

L'analyse des tessons au microscope électronique à balayage (SEM) a permis d'identifier des cristaux de zircons fondus dont la température de fusion est de l'ordre de 2200°C et supérieure à la température de fusion de l'argile vitrifié (~1700°C). Les vésicules présentes dans les cristaux de zircons fondus indiquent que le matériau entra en ébullition à 4000°C.

Prospections archéologiques au NE de la mer Morte : Tall el-Hammam

Prospections archéologiques dans la plaine SE de la Mer Morte : Bab ed-Dhra - Numayra, EDSP

A gauche, microphotographies SEM de sphérules de carbonate de calcium et de plâtre fondu prélevés à Tall el-Hamman. a), des sphérules de CaCO3 translucides et ambres provenant de la couche de destruction du palais. b), une sphérule de carbonate de 83 µm présentant un cratère d'impact ou de dégazage. c), un morceau de plâtre partiellement fondu du palais provenant d'un test au chalumeau à oxygène/propylène, montrant une fusion naissante à 1500°C. Les flèches montrent des gouttelettes hémisphériques émergeant sous forme de sphérules. d, un amas de 8 sphérules de carbonate affichant des impacts apparents et/ou un cratère de dégazage. A droite, microphotographies SEM de cristaux de zircons (ZrO2) fondus à au moins 2200°C. a) cristal de zircon fondu contenant des bulles (flèche) provoquées par la dissociation à haute température et/ou de la porosité piégée. b) cristal de zircon fondu affichant des bulles le long de la ligne de fracture (flèche du haut). Les flèches marquées "Bd" indiquent une baddeleyite granulaire brillante formée lors de la dissociation du zircon à haute température. c) cristal de zircon presque entièrement fondu mélangé dans la matrice Ca-Al-Si. d) un cristal de zircon non fondu typique du site présentant des bords droits et euhédriques. Le cristal présente des fissures sur la surface supérieure dues à des effets thermiques ou mécaniques. e) à titre de comparaison, un zircon fondu affichant des lignes de bulles (flèche) formées lors de l'explosion/impact cosmique dans l'oasis de Dakhleh en Égypte. Documents P.J. Silvia et al. (2022).

Les chercheurs ont également découvert des sphérules de carbonate de calcium et de plâtre fondu dont certains échantillons présentent des impacts ou un dégazage à haute température. Comme illustré ci-dessous, des grains de sable (du quartz) choqués se sont formés sous une pression de 5 GPa.

Ensemble, toutes ces preuves montrent que les températures dans la ville furent plus élevées que celles engendrées par un volcan (la température de la lave varie entre ~700 et 1200°C) ou par des incendies (dont la température peut atteindre 1200-1500°C). Le seul évènement naturel capable de produire de tels effets est d'origine cosmique. On retrouve en effet des preuves similaires sur des sites d'impacts météoritiques comme à Tunguska et à Chicxulub.

Reste à comprendre pourquoi Tall el-Hammam et plus de 120 autres cités de la région furent abandonnées pendant plusieurs siècles après cette catastrophe. Selon les chercheurs, il se peut que les niveaux élevés de sel déposés lors de l'impact aient rendu toute culture impossible. Silvia et ses collègues soupçonnent que le souffle de l'explosion projeta une saumure bouillante de sels anhydres (un mélange de sels et de sulfates) de la mer Morte sur les terres agricoles autrefois fertiles. Sans récoltes, plus personne ne put vivre dans la vallée pendant 600 ans, jusqu'à ce que les précipitations très réduites sous ce climat désertique finissent par laver le sel des champs. Cette catastrophe pourrait expliquer l'étrange passage biblique où la femme de Loth fut transformée en statue de sel (Genèse 19:26, Sagesse 10:7, Luc 17:32).

Face à ces "malédictions", il est fort possible que l'histoire de la destruction de la ville ait été transmise oralement pendant des générations jusqu'à ce qu'elle soit consignée dans la Torah et devienne l'histoire de Sodome.

Images prises au microscope électronique d'éléments prélevés à Tall el-Hammam. A gauche, de nombreuses petites fissures dans des grains de quartz choqués. Au centre, des diamonoïdes (au centre) à l'intérieur d'un cratère microscopique. Ils se sont formés sous des températures et pressions élevées sous l'effet de la boule de feu sur le bois et les plantes. À droite, microphotographies SEM de pépites de métaux fondus dans des briques crues vitrifiées du palais. (a-c), des pépites à dominante de platine (Pt) enrichies en ruthénium, rhodium, palladium, osmium et iridium. (d-f), les éclaboussures à dominante de fer sont également enrichies en éléments du groupe des platines. (g-i), pépites enrichies en différentes proportions et combinaisons de nickel, chrome, cuivre et argent. Documents P.J. Silvia et al. (2021) et P.J. Silvia et al. (2022).

En résumé, les auteurs ont donc des preuves que "vers 1650 avant notre ère, une explosion cosmique détruisit Tall el-Hammam, une ville de l'âge du bronze moyen dans le sud de la vallée du Jourdain, au nord-est de la mer Morte. L'explosion aérienne proposée était plus importante que l'explosion de 1908 au-dessus de Tunguska, en Russie, où un bolide de ~50 m de large explosa avec ~1000x plus d'énergie que la bombe atomique d'Hiroshima. Une couche de destruction riche en carbone et en cendres à l'échelle de la ville d'environ 1.5 m d'épaisseur contient des concentrations maximales de quartz choqué ~5-10 GPa), des poteries et briques crues fondues, du carbone de type diamant, de la suie, des sphérules riches en Fe et Si, des sphérules de CaCO3 de plâtre fondu ainsi que du platine fondu, de l'iridium, du nickel, de l'or, de l'argent, du zircon, de la chromite et du quartz. Des expériences de chauffage indiquent des températures dépassant 2000°C. [...]. Un afflux de sel lié à l'explosion d'air (~4% en poids) a produit une hypersalinité, inhibé l'agriculture et causé un abandon pendant ~300 à 600 ans d'environ 120 établissements régionaux dans un rayon de plus de 25 km. Tall el-Hammam est peut-être la deuxième plus ancienne ville/ville détruite par une explosion/impact cosmique, après Abu Hureyra, en Syrie, et peut-être le premier site dont la tradition orale fut écrite (cf. la Genèse)".

Se fondant sur 25 indicateurs géographiques bibliques trouvés dans la région, dans son livre "Discovering the city of Sodom" (2013), Collins déclare qu'il est persuadé que Tall el-Hammam est la Sodome biblique et non pas le site traditionnel situé ~100 km plus au sud, dans la région de Lisan comme indiqué sur les cartes ci-dessous. Mais à l'époque la majorité des experts ne partageaient pas son point de vue. Pour comprendre cette divergence d'opinion, il fut se replonger dans l'histoire biblique et les confronter aux données archéologiques.

A gauche, localisation présumée au nord de la mer Morte du "disque du Jourdain" ou "Kikkar" englobant les cités évoquées dans la Genèse. A droite, photo de la péninsule du Sinaï et de la mer Rouge jusqu'au-delà de la mer Morte prise au cours de la mission STS-109 en mars 2002. Voici la version HD. Documents Biblos adapté par l'auteur et NASA/T.Lombry.

Dans le livre de la Genèse, les auteurs utilisent le nom de "Kikkar" signifiant "rond" en hébreu pour nommer une plaine presque circulaire située juste au nord de la mer Morte que la tradition appelle "le disque du Jourdain" (Genèse 13:10-12, 19:17, 19:25-29) mais que des traducteurs ont erronément traduit par "plaine du Jourdain" illustrée ci-dessus à gauche.

Certains experts favorables à la "théorie du Nord" comme Collins pensent que ce "disque" délimite les cités de Jéricho (O), Zeboiim et Admah (E) ainsi que Sodome et Gomorrhe (SE) parmi d'autres, dont Bab edh-Dhra. Mais ceux favorables à la "théorie du Sud" considèrent que ces cités se situaient plus au sud de la mer Morte, entre Lisan et El-Ghor. Bref, on ne sait pas exactement où se trouvaient réellement ces cités, ce qui ajoute à la confusion et aux interprétations biaisées.

Il est vrai que le récit de la Genèse mentionne la "vallée du Jourdain" conjointement avec "Sodome et Gomorrhe jusqu'à Tsoar" (Genèse 13:10-12). Que le lieu soit situé en Jordanie est correct quant à la situation du district; ainsi le Jourdain qui marque aussi la frontière des deux pays cesse là où il entre dans la mer Morte et ne peut exister au sud de ce point. Cependant, les sites archéologiques datant de l'époque biblique, c'est-à-dire du Bronze Ancien et du Bronze Moyen (mais la rédaction des textes est plus tardive, voir page suivante), font défaut dans cette région. De plus, les caractéristiques géologiques attribuées à la région entourant les villes de la "plaine", telles que le bitume et le sel (Genèse 14:10, 19:26) ne se trouvent qu'au sud de Lisan. Par conséquent, ces faits historiques plaident en faveur de la "théorie du Sud" : Sodome serait située au sud-est de la mer Morte, dans la région de Lisan, au sud-est de la ville jordanienne actuelle de Gawr al-Mazraah (ce que disent également les encyclopédies bibliques puisqu'elles puisent aux mêmes sources documentaires).

Selon la "théorie du Sud", ce serait dans la région de Lisan située au SE de la mer Morte que la Genèse situerait Sodome et Gomorrhe, ainsi que Bab edh-Dhra, Numeira, Tsoar et d'autres cités antiques un peu plus au sud dans la plaine d'El-Ghor. Documents Biblos et EDSP adaptés par l'auteur.

Pour appuyer la "théorie du Sud", dans la région de Lisan des archéologues découvrirent dans les années 1920 les ruines de deux cités ravagées par un feu intense décrit plus haut : Bab edh-Dhra située sur la rive sud du Wadi de Kerak et qui serait l'une des cinq "cités de la plaine" mentionnée dans la Genèse et Numeira qui donna son nom au Wadi du même nom, située à 13 km au sud de Bab edh-Dhra et caractérisée par son Sîq sinueux (un défilé rocheux) qui rappelle l'entrée de Pétra. Dans ces deux cités, les archéologues excavèrent des centaines de tombes juives et d'innombrables poteries et d'objets funéraires au point que le site fit l'objet de pillages dans les années 1990.

Mais ce qui suscita encore plus la curiosité des chercheurs est le fait que dans les deux cités antiques, on observe une régression de la civilisation locale avec la destruction ou l'abandon des lieux par leurs habitants qui sont retournés vers un mode de vie plus simple pastoral, nomade ou sédentaire. En ajoutant ces indices à la découverte des couches de cendres et à la matière vitrifiée, certains archéologues se sont demandés si on avait découvert les véritables Sodome et Gomorrhe ?

Comme évoqué plus haut, Bab edh-Dhra et Numeira furent détruite vers 2350 avant notre ère, avec une marge d'erreur d'environ 50 ans. Leur destruction à la même époque est peut-être le résultat d'une invasion ou d'une guerre de chefferies. Mais c'est peut être aussi le résultat d'une catastrophe naturelle qui tua pratiquement tous les habitants et empêcha les survivants de revenir sur leurs terres, ce que les juifs interprétèrent comme une malédiction ayant frappé la région. Un évènement céleste comme l'explosion d'un astéroïde touchant simultanément les deux cités serait une raison toute indiquée.

Mais Kris J. Udd de l'Université Andrews ainsi que d'autres chercheurs ne partagent pas cette conclusion. Dans une étude de 194 pages publiée en 2011 basée sur de très nombreuses données et recoupements, Udd confirme que Bab edh-Dhra et Numeira seraient deux des cités de la "plaine" mais il n'affirme pas qu'il s'agit respectivement de Sodome et Gomorrhe. En revanche, il conclut surtout que la destruction de Numeira serait survenue 200 ans avant celle de Sodome (estimée en 2070 avant notre ère), ce qui remet en question l'hypothèse de l'explosion d'un astéroïde au sud de Lisan.

D'autres chercheurs se basant sur la chronologie biblique prétendent aussi que les destructions de Bab edh-Dhra et de Numeira eurent lieu à 230-280 ans d'intervalle et ne peuvent donc pas avoir été détruites au cours du même évènement. Mais dans ce cas, sachant qu'il s'agit d'une source biblique, se pose la question de la véracité des données, c'est-à-dire leur fiabilité et leur qualité (cf. les Big Data), une dimension essentielle et "hors contrôle" qu'il faut cerner pour éviter les erreurs d'interprétations.

Toutes ces études se basent sur des datations au radiocarbone de couches géologiques ou d'artefacts recoupées avec des données historiques (les périodes des dynasties régnantes), culturelles (des annales, des monuments, l'art, etc.) ou d'autres sources qui se résument malheureusement parfois à des estimations de dates fondées sur des documents... bibliques. Même si la datation au radiocarbone la plus précise présente une incertitude de 50 ans pour la fin de l'Âge du Bronze au Proche-Orient (Époque III, entre 2400-2000 avant notre ère), la combinaison des incertitudes sur l'ensemble des données élargit la marge d'erreur, donnant finalement un intervalle qui peut dépasser 300 ans selon les études, rendant les destructions de Bab edh-Dhra et de Numeira contemporaines. On ne peut donc pas écarter l'hypothèse de l'astéroïde aussi simplement.

A voir : Sodom & Gomorrah - true location found - Ross Patterson

Finalement, les dernières études et surtout les preuves apportées par Silvia et ses collègues renforcent l'hypothèse qu'un météoroïde explosa au nord de la mer Morte et détruisit Tall el-Hammam ainsi que toutes les villes alentours. Si un astéroïde explosa effectivement près de la mer Morte, on parle de mégatonnes d'énergie libérée. Les effets d'une telle explosion sont compatibles avec les récits bibliques de la destruction de Sodome et Gomorrhe.

Dans ces trois hypothèses il n'a pas fallu d'intervention divine pour que ces villes tombent en ruine. Mais tout bien considéré, s'il faut bâtir une belle histoire, les premiers rédacteurs de la Torah avaient tout intérêt à inventer et tout au mieux à embellir et détourner les faits originaux pour asseoir leur nouvelle théologie. On y reviendra.

A lire : Les patriarches et l'Exode

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