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La mission Deep Impact

Impact sur Tempel 1 ! Document T.Lombry.

Objectif : percuter la comète Tempel 1 (I)

Le 4 juillet 2005, comme prévu la sonde Deep Impact rencontra la comète 9P/Tempel 1 et largua un impacteur qui alla s'écraser sur sa surface glacée en libérant un immense nuage de poussière dans l'espace comme illustré à droite.

Un mois après cet évènement spectaculaire, des géologues, des chimistes, des physiciens, des cométologues et des spécialistes des sciences planétaires se sont réunis au cours de la 9e Conférence Internationale sur les Astéroïdes, les Comètes et les Météores qui s'est tenue au Brésil en août 2005 pour discuter des résultats préliminaires de cette mission.

A cette occasion, Carey M. Lisse, professeur de physique à l’Université de Maryland et membre de l'équipe scientifique de la mission Deep Impact présenta les premiers résultats spectraux réalisés à partir des télescopes orbitaux Chandra (rayons X) et Spitzer (infrarouge).

Rappelons que la comète Tempel 1 fut découverte le 3 avril 1867 par le Français Ernst Tempel à la magnitude 9. Tempel 1 est une comète à courte période (~5.8 ans) présentant une excentricité orbitale de 0.5 qui la fait passer entre les orbites de Mars et Jupiter. Au plus près de la Terre elle passe à 0.568 UA et à 1.562 UA au périhélie. Des simulations de son orbite réalisées sur de longues périodes indiquent que ces valeurs varient au cours du temps mais la distance périhélique devrait rester en dessous de 10 UA durant au moins 30000 ans.

Tempel 1 est un corps glacé en forme de patatoïde mesurant 14 km x 4 km et dont la densité est inférieure à celle de l'eau. Sa période de rotation qui fut calculée à partir des données des 6 dernières années est de 1.71 jour.

La mission Deep Impact visait essentiellement quatre objectifs :

- Observer comment se forme un cratère d'impact

- Mesurer la profondeur et le diamètre du cratère

- Analyser la composition de l'intérieur du cratère et de ses ejecta

- Déterminer les modifications dans le dégazage produit par l'impact.

La comète 9P/Tempel 1 photographiée le 11 avril 2005 au Kitt Peak en lumière RGB (CN en bleu à 387 nm, C2 en vert à 514 nm et RC en rouge à 712.8 nm) afin de révéler la poussière (RC) et les gaz (C2 et CN) éjectés du noyau. Document T. Farnham et M.Knight/U.Maryland.

Au moment de la rencontre, vue à bonne distance, Tempel 1 présentait déjà une queue de poussière et ionique et ne ressemblait pas à l'image de l'astéroïde que montra la NASA par la suite, les images rapprochées ne permettant pas de distinguer la coma et la queue.

L’impacteur d'une masse de 370 kg percuta le noyau de la comète à la vitesse prodigieuse de 10.3 km/s. Sous le choc, deux flashes très brillants furent observés à quelques fractions de secondes d'intervalle, signes que le noyau de Tempel 1 était constitué de deux matériaux différents. Emporté par son énergie cinétique, l’impacteur s’enfonça dans les entrailles glacées, relativement molles et peu denses de la comète (dix fois plus légère que l'eau), libérant un immense nuage de gaz chauds et de poussière.

Bien entendu l'impacteur finit par se volatiliser. Dans un rayon de 250 m autour de l’impact, le régolite (débris) et les clathrates (glace mêlée de gaz) de surface se sont brisés et volatilisés dans l’espace, formant un nuage qui s’est lentement dissipé. 

Le gaz et la poussière dégagés au moment de la collision permirent aux scientifiques d'étudier indirectement la constitution du noyau de la comète dont la formation remonte à la même époque que celle de la Terre soit environ 4.5 milliards d'années.

L'énergie dissipée par le choc fut infime eu égard à la masse du noyau qui s'élève à environ 100 milliards de tonnes; elle fut équivalente à l'explosion d'environ 5 tonnes de TNT et n'entraîna aucune modification notable de l'orbite de la comète. En pratique sa vitesse fut modifiée d'environ 0.0001 mm/s. On observa en revanche une augmentation temporaire de son activité.

Seule différence persistante, la surface de Tempel 1 présente aujourd'hui l'empreinte des hommes, celle d'un cratère artificiel d'environ 500 m de diamètre, le premier cratère artificiel créé par l'homme sur une comète !

Il fallut attendre environ 2 secondes pour que les spectrographes enregistrent le premier groupe de raies d’émission. Les débris se sont ensuite dispersés formant un panache assez brillant. La majorité d’entre eux ont été entraînés loin de la comète par la pression de radiation engendrée par le vent solaire et les gaz émis au cours de l’impact. Les ejecta qui ont directement suivi l’impact n’ont pas été visibles très longtemps et constituèrent le second groupe de données enregistrées par les télescopes. En pratique les astronomes n'ont reçu les premières images sur leurs écrans que quelques minutes après l'impact.

En tenant compte de cette disparité dans les spectres à courte vie, il apparaît que la sonde Deep Impact ne fut pas exactement pointée dans la bonne direction pour obtenir les meilleurs résultats spectraux au moment de l’impact.

A voir : Comets - Not What We Expected

A gauche, illustration de l'impacteur largué par la sonde Deep Impact juste la collision avec la comète Tempel 1 le 4 juillet 2005. Voici une image générale de son noyau 5 minutes avant l'impact. Au centre, la surface de Tempel 1 photographiée 90 secondes avant l'impact. A droite, le flash apparut 67 secondes après la collision entre l'impacteur de Deep Impact et la comète Tempel 1 le 4 juillet 2005 à 5h52 TU. Documents NASA/ESA/Johns Hopkins University et NASA/JPL/UMD.

Quoiqu’il en soit, le plus grand télescope spatial infrarouge jamais construit observait avec attention le déroulement de cette collision. Le Télescope Spatial Spitzer (ex SIRTF) de 0.85 m d'ouverture surveilla la gamme de longueurs d'ondes comprises entre 5 et 40 microns, un spectre beaucoup plus étendu que celui de la sonde Deep Impact limité entre 1 et 5 microns. Par ailleurs Deep Impact était placée si près de la comète qu'elle ne pouvait observer qu'une partie seulement de la coma. Spitzer pouvait observer toute la coma, les gaz chauds et les ejecta expulsés durant l'explosion et ce, durant plusieurs jours après l'événement.

Selon les spécialistes, comparé aux résultats des autres missions cométaires Spitzer a fourni l'ensemble de données le plus riche jamais obtenu à ce jour. Pour la première fois, nous avons recueilli des données qui permettent d'explorer les profondeurs d'une comète et de découvrir les "briques fossiles" qui ont conduit à la formation du système solaire. C'est donc à un passionnant voyage à l'époques archaïque du système solaire et de la chimie prébiotique que je vous convie. Notez toutefois qu'il s'agit de résultats préliminaires qui seront complétés à mesure que les résultats seront confirmés.

Analyse chimique : des arômes dans la soupe

Le premier groupe de données spectrales révéla de l'eau chaude (125°C) libérée sous forme de vapeur au cours de l'impact. Au moins 50% de la comète Tempel 1 est constituée d'eau glacée.

Les spectres ont également révélé la présence de gaz carbonique, de monoxyde de carbone, de cyclohexane (CH-X tel que le méthanol ou l'hexane) et de certains matériaux organiques non identifiés ressemblant à du graphique ou du carbone noircit.

Les spectres infrarouges obtenus par Spitzer ont également surpris les biochimistes en révélant des éléments précurseurs de la partie amine (radical -CH3) des acides aminés : l'acide cyanhydrique (HCN) et du cyanure de méthyl (CH3CN). Si vous ne connaissez pas les propriétés de ces molécules, consultez l'article consacré aux propriétés des molécules prébiotiques qui remet certaines rumeurs à leur place.

La molécule de carbone-60 appelée Buckminsterfullerène ou "Bucky ball" contenant un atome d'hélium-3. Document NASA/ESA/T.Lombry.

Ceci dit, et c'est plus étonnant, les spectres réalisés par la sonde Deep Impact ont également mis en évidence des carbonates (roches calcaires d'ordinaires liées à l'eau) et des PAH (hydrocarbures aromatiques polycycliques ou polynucléaires), ces fameuses chaînes de molécules que l'on connaît mieux à travers les "Bucky balls" de carbone (C60 et C90) et les nanotubes de graphite. La molécule PAH la plus simple est le pentalène.

Rappelons que le "Bucky ball" ou Buckminsterfullerène est la troisième forme de carbone pur après le diamant et le graphite. Comme illustré à gauche, le C60 forme un "icosahèdre tronqué" constitué de 12 pentagones et de 20 hexagones. Le C60 est la seule molécule connue formant une cavité sphérique pouvant recevoir une substance (un atome d'hélium-3 dans cet exemple). Le C60 est la matière la plus résistante à ce jour : elle résiste à un choc à 24000 km/h dans une plaque d'acier et compressée à 70% de sa taille originale elle devient deux fois plus dure que le diamant !

Que peut-on conclure de ces observations tout à fait originales ? Selon le Dr Lisse, il est encore prématuré de conclure car les études sont toujours en cours mais il semble déjà acquis que nous retrouvons dans la comète Tempel 1 toutes les briques essentielles qui ont permis de "construire" la Terre voici un peu plus de 4.5 milliards d'années.

Enfin presque toutes, car il manque le fer. Ce métal reste invisible bien que les scientifiques aient essayé de le débusquer dans les spectres infrarouges. On se demande si le fer ne serait pas contenu dans des molécules d'oxyde de fer ou de sulfite de fer, tel que des cristaux de pyrite (FeS2), de magnétite (Fe3O4) ou de rouille (oxyde ferrique hydraté), ces molécules étant relativement peu abondantes et difficiles à détecter. Ces éléments ne forment pas de beaux cristaux qui brillent en infrarouge comme les silicates (2/3 de silicium et 1/3 d'oxygène comme le sable) et d'autres roches formées d'éléments bien visibles dans cette partie du spectre pour ne citer que les cristaux d'oxydes d'aluminium (Al2O3 tels que le saphir ou le rubis appelés "conundrum" dans leur forme cristalline).

Les scientifiques n'ont pas non plus détecté d'ammoniac (NH3) qui est également un précurseur des acides aminés, ni d'acide formique (H2CO2), ni d'acides aminés, ni de protéines, ces derniers polymères nécessitant des acides aminés, des phosphates et de la chaleur, autant d'éléments que l'on a déjà découvert sur certaines météorites et qui pourraient donc se retrouver dans les zones chaudes (supérieures à 65°C) des comètes.

Dès le moment où il y a du froid ou un peu de chaleur, des surfaces absorbantes, du rayonnement, des hydrocarbures plus ou moins saturés et de l'ammoniac, tout un éventail de réactions chimiques précurseurs de la vie sont envisageables. C'est le principe même de la fameuse expérience de Miller dont on retrouve certains ingrédients dans les comètes, d'où leur intérêt pour notre compréhension des origines de la vie.

Quel est l'intérêt d'avoir découvert des PAH ? Ces molécules aromatiques existent autour des étoiles. On en a découvert dans le milieu interstellaire qui contient une grande quantité de carbone, principalement associée aux nuages de poussière. Le carbone nous est très utile car sous forme de carbonate de calcium (calcaire), on le trouve aussi sur Terre. Nous savons également et nous l'avons détaillé en bioastronomie que sous une forme complexe il forme l'architecture de notre corps et on le retrouve a pratiquement toutes les étapes de notre métabolisme tellement il est abondant dans la nature et s'associe facilement à quantité d'autres atomes.

Deuxième partie

L'origine de la vie

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