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Le Meilleur des Mondes ou les dérives de la société

Shanghaï, une mégapole frénétique et insomniaque de 24 millions d'habitants. Photo prise par Daredevil depuis un grand hôtel situé non loin du fleuve Huangpu.

Une mise en garde

En 1932, dans son roman d'anticipation "Le Meilleur des Mondes" (Brave New World), Aldous Huxley (1894-1963) décrit un monde totalitaire divisé en castes et régit par une technologie au pouvoir absolu donnant l'illusion que la population est libre et épanouie. En fait, derrière la beauté et le plaisir d'un monde soi-disant parfait, se cache un monde déterministe dans lequel les libertés n'existent plus, où tout est sous contrôle dès la naissance des individus.

Interrogé à propos de l'avenir de notre société dans 25 ans ou un siècle qui montrait déjà après la Deuxième guerre mondiale des tendances inquiétantes, Huxley exprimait sa crainte de voir la société évoluer dans le sens de son roman. Il mettait clairement sur la table la question de la liberté des citoyens à savoir jusqu'à quel point chacun accepterait un pouvoir absolu et que ferait-on dans le cas contraire pour empêcher que cela se concrétise ou pour y échapper.

Après la guerre, son alter ego George Orwell (1903-1950) décrit dans son roman "1984" publié en 1949 un monde futur tout à l'opposé, une société où l'information est contrôlée par un gouvernement totalitaire et dans laquelle la population est surveillée par "Big Brother".

Soulignons que si les deux auteurs proviennent de milieux différents, ils eurent un parcours universitaire commun, tous les deux ont également connu la guerre et ont échangé leurs idées. Mais ayant écrit son roman avant l'ascension d'Hitler, Huxley reste néanmoins plus optimiste qu'Orwell, ce dernier vivant pratiquement un cauchemar éveillé.

Si Orwell critique vertement le monde agréable qu'imagine Huxley, ce dernier considéra le récit austère d'Orwell comme "une bonne caricature de l'utopie édoniste, dont la réalisation semblait possible et même imminente avant l'entrée en scène d'Hitler, mais qui est pourtant sans rapport aucun avec l'avenir réel. Ce vers quoi nous nous acheminons en ce moment tient d'avantage de l'Inqusisition espagnole en pire, vraisemblabement grâce à la radio et la police secrète". Finalement, le temps donnera raison aux deux auteurs; on sait d'expérience par les abus qu'ils ont entraîné dans certains pays que ces deux dystopies sont des mondes à éviter.

Si nous transposons à l'époque actuelle ces thèmes dystopiques qui ont déjà été déclinés à maintes reprises dans la littérature et au cinéma, concrètement posons-nous cette question : sommes-nous d'accord pour mettre indirectement voire volontairement notre vie privée entre les mains d'autrui y compris celles de robots à travers les informations que nous échangeons avec les politiciens, les entreprises privées et les services publics ou celles que nous laissons involontairement traîner derrière nous sur Internet ou qui sont exploitées à notre insu ?

A lire : Le meilleur des mondes, Aldous Huxley

1984, George Orwell

L'intuition et les craintes d'Huxley et d'Orwell se sont malheureusement avérées prémonitoires des dérives actuelles. En effet, les deux scénarii sont aussi dangereux l'un que l'autre et pourtant des gouvernements contemporains s'en inspirent pour diriger leur pays (cf. les dictatures dont la Chine et même une démocratie comme les Etats-Unis sous l'administration Trump).

Nous allons prendre quelques exemples concrets en décrivant d'abord l'origine du concept ou de l'invention, puis sa mise en application pour terminer par insister sur les difficultés rencontrées ou les dérives et les abus auxquels ces nouvelles technologies nous exposent. Nous reviendrons dans un autre article sur les Avantages et inconvénients de l'intelligence artificielle.

L'automatisation et la robotique

Le concept d'automatisation est très ancien. L'invention du moulin à vent remonte à plusieurs milliers d'années (on le retrouve en Perse au VIIe siècle avant notre ère) mais son usage ne s'est généralisé en Europe qu'à partir du XIIe siècle, d'abord le long des côtes maritimes des pays nordiques. Durant le siècle des Lumières (XVIIIIe), on considérait déjà qu'il s'agissait d'une automatisation d'une tâche humaine.

Le plus grand progrès fut accompli au XXe siècle lorsqu'Alan Turing inventa sa fameuse machine éponyme, le premier calculateur mécanique programmé. Il prouvait ainsi que certaines tâches humaines pouvaient être réalisées par des machines exécutant une procédure programmée. Depuis, les progrès en électronique, cybernétique, robotique et informatique n'ont plus jamais faibli.

L'automatisation de l'industrie débuta avec les chaînes de montages chez Ford notamment en 1913 puis avec les premiers calculateurs au milieu du XXe siècle. Si Ford était une société privée, le développement des calculateurs fut entièrement financé par les gouvenements et même par l'armée quand il s'agit de développer les premiers microprocesseurs et le réseau ARPANET, l'armée américaine (DARPA) ayant bien compris l'intérêt de cette technologie de pointe bien avant que le public y comprenne quelque chose.

Robot remplaçant un emploi temps plein qualifié dans l'Industrie 4.0 prévue d'ici 2040, c'est-à-dire demain. Document D.R.

Ensuite avec l'aide d'IBM et d'autres grands constructeurs informatiques, des usines et des entrepôts ont progressivement été gérés par des robots infatiguables et costauds. En parallèle, l'exécution de nos transferts et ordres bancaires furent pris en charge par des programmes et furent automatisés ainsi que les caisses de nos magasins de quartier puis des supermarchés. Demain dans les grandes entreprises, des robots sélectionneront peut-être le personnel qualifié après un screening approfondi. On peut même envisager d'ici quelques décennies que le candidat à l'emploi dialoguera avec un robot qui serait piloté à distance par un recruteur équipé de lunette à réalité augmentée et consultant un logiciel d'IA d'évaluation (ce qui se fait déjà parfois).

En parallèle, les robots font leur timide apparition dans certains lieux publics en commençant par les hôpitaux, les gares, les aéroports et les grans lieux d'expositions, sans oublier le rôle de plus en plus important des robots autonomes au sein des armées.

Selon une estimation faite en 2016 par Klaus Schwab, fondateur du Forum de Davos, la robotisation de notre société pourrait conduire d'ici 2020 à la suppression nette de 5.1 millions d’emplois, dont les deux tiers dans les secteurs des emplois de bureau et de l’administration. Selon une étude du bureau d'experts de PwC publiée en 2017, au début des années 2020 environ 3% des emplois actuels risquent d'être automatisés, 20% à la fin de la décennie et jusqu'à 30% vers 2035. Certains pays comme la France pourraient être plus affectés. À long terme, les hommes (41%) seraient plus affectés par l'automatisation que les femmes (32%). Conséquence directe, nos gouvernements seront confrontés à un chômage stucturel croissant et une augmentation des inégalités sociales, tandis que les entreprises verront leur marché se contracter.

N'oublions pas non plus la présence des robots bien que plus discrète et sous une version plus banale mais non moins invasive à notre domicile à travers les détecteurs et autres caméras de la domotique, dans notre voiture et bien entendu dans notre ordinateur et notre smartphone ou notre tablette qui communique sans cesse la position de son propriétaire à l'opérateur de téléphonie qui conserve ces données quelques mois à toute fin utile d'enquête qui serait ouverte par la justice.

Comme on le constate, qu'on soit actif ou passif sur Internet, "geek" ou simple utilisateur occasionnel d'outils informatiques, toutes ces hautes technologies ont un impact sur notre style de vie et sur la vie tout court. En effet, à l'heure où certains biologistes prétendent avoir créé le premier chromosome artificiel (Craig Venter), que notre ADN a été décodé, qu'on peut créer des molécules artificielles, que les cellules souches peuvent reconstituer des organes fonctionnels et que les scientifiques prétendent créer des robots dotés d'intelligence, on peut se demander que restera-t-il bientôt dans ce fatras d'objets et de tissus de synthèse pour la vie et la nature ?

Document Javier Pierini/GettyImages.

Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration (FDA, l'Agence du Médicament) autorisa pour la première fois en 2018 une intelligence artificielle à formuler un diagnostic : "Le IDx-DR est le premier système autorisé à la commercialisation qui fournit une décision de dépistage sans qu'un clinicien interprète l'image ou les résultats, ce qui le rend utilisable par des professionnels de santé qui ne sont normalement pas impliqués dans les soins oculaires". Ce nouveau système informatique cible avant tout la rétinopathie diabétique qui est une grave complication du diabète touchant un patient diabétique sur deux.

Ailleurs des entreprises essayent de transposer les facultés de notre cerveau sur un support de silicium, cherchant peut-être un moyen de se passer de l'être humain. Mais à vouloir tout automatiser et robotiser, un jour le peuple devenu oisif, sans pouvoir et sans réelles libertés se révoltera contre les machines et le pouvoir ayant autorisé ces dérives.

Magasin automatisé et commerce en ligne

En 2016, Amazon ouvrit le premier magasin d'alimentation sans caisse dans sa ville natale de Seattle, aux Etats-Unis, sous l'enseigne "Amazon Go". C'était une version "beta" réservée aux employés d'Amazon afin d'évaluer si le concept était pratique, viable et satisfaisait la clientèle avant qu'elle soit exportée dans d'autres villes et d'autres pays début 2017.

Le succès fut au rendez-vous car depuis Amazon Go a ouvert d'autres magasins aux Etats-Unis (San Francisco, Silicon Valley, etc) mais également en Europe, à Ealing, dans l'ouest de Londres en 2021. Amazon a l'intention d'installer 30 points de ventes en Grande-Bretagne. La surface de ces mini-supermarchés sans caisse varie entre 42 et 214 m2.

Depuis 2017, des magasins d'alimentation Amazon Go sans caisse ont été aux Etats-Unis (Seatlle à droite) et depuis 2021 un Amazon Go est ouvert à Ealing, dans l'ouest de Londres. L'idée a été reprise par d'autres enseignes dont Auchan en France.

Depuis l'idée a été copiée par de nombreuses enseignes dont Zippin and Standard Cognition installée à San Francisco et Giant Eagle, Inc. de Pittsburgh qui a déjà installé 400 magasins aux Etats-Unis. Aujourd'hui, le concept a conquis le monde. Ainsi, en Chine 750 magasins "Auchan minute" ont été ouverts à Pékin et Shanghai en 2017 et un magasin fut ouvert à Villeneuve d’Ascq en France en 2019 (cf. cette photo).

Sur le plan commercial, l'existence de supermarchés sans personnel où le client paye avec son smartphone annonce la possibilité de totalement automatiser le secteur du commerce de proximité. Seules conditions, dans les "Auchan minutes" qui font la taille d'un container, pour l'instant le client doit se contenter de 400 ou 500 références.

L'enseigne Carrefour s'est également lancée dans cette expérience en ouvrant la même année un point de vente automatisé "Carrefour express" au Marché aux Herbes, à Bruxelles, dans lequel les clients sont servis par un robot (à ne pas confondre avec les franchises "Carrefour express" qui sont des magasins de proximité traditionnels). Mais pour des raisons techniques et logistiques, Carrefour annonça en août 2019 qu'elle abandonna ce concept de "magasin robotisé" car "le format ne répond pas aux besoins des clients ni aux exigences de qualité du groupe".

Un "Auchan Minute" mobile installé en Chine en 2017. Document D.R.

Les "Auchan minutes" ont une superficie variant entre 18 et 60 m2 et n'ont besoin que d'un seul opérateur qui vient réassortir le magasin depuis un autre point de vente de la marque. L'avantage pour le client est multiple; ce type de magasin est ouvert en permanence, il n'y a pas de file d'attente et les produits sont proposés en fonction des goûts du client. Avantage pour l'enseigne, elle fait des économies d'échelle, elle est à l'abri du risque de grève et gère son stock à flux tendu. Enfin, parfois la boutique est mobile et peut être réinstallée dans le quartier le plus fréquenté.

Désavantage sur le plan social, chaque magasin automatisé supprime 3 ou 4 emplois dans un secteur déjà en crise où le personnel est peu qualifié et aurait bien besoin d'un coup de pouce. L'ouverture de 750 magasins Auchan-minute ne représente pas 750 nouveaux emplois mais tout au plus une dizaine de nouveaux emplois d'opérateurs, c'est-à-dire de personnel non qualifié. Mais cela supprime virtuellement quelque 3000 emplois d'une enseigne classique. On comprend l'intérêt de ce concept pour le directeur financier de l'enseigne.

Rappelons qu'en France et en Belgique l'enseigne Carrefour propose aux clients de scanner eux-mêmes les codes-barres des articles qu'ils achètent au moyen d'un scanner portatif (une douchette) et de payer à part des caisses traditionnelles via leur carte de débit ou de crédit. C'est également une manière de supprimer les caisses tout en accélérant le flux des clients et en leur permettant d'éviter les attentes aux caisses.

À une autre échelle, le succès des boutiques en ligne affecte la survie des petits commerces locaux ayant pignon sur rue au point que ce n'est plus la gestion qui tue ces PME mais la concurrence d'Internet qui les conduit à la faillite. À grande échelle, cette nouvelle manière dont la population achète affecte l'économie du pays dont les gouvernements doivent prendre la mesure du risque. Malheureusement, s'ils peuvent évaluer son impact et sa probabilité et prendre certaines mesures protectionnistes, personne ne peut enrayer cette tendance, même un État totalitaire qui censurerait l'accès à Internet comme la Chine ou la Corée du Nord. Ce qui pose justement la question du rôle du monde politique à l'heure d'Internet et de l'automatisation de tous les processus et services.

Les biotechnologies

Les progrès réalisés en cybernétique (cf. les robots), en médecine bionique (cf. les prothèses bioniques) et le génie génétique (cf. le clonage et les OGM) nous font croire ou espérer qu'un jour l'homme sera capable de créer un être vivant synthétique, un cyborg voire même un clône de lui-même.

"Cyber woman", une entité biomécanique. Document D.R. adapté par l'auteur.

Même si on écarte la possibilité ou le risque diront certains de voir les humains se transformer en cyborgs, il reste que le progrès influence déjà notre espérance de vie en éloignant le spectre de la mort. Là où il y a 50 ans on mourait d'une malformation cardiaque aujourd'hui on peut vivre avec un coeur artificiel, et ce n'est qu'un exemple.

On estime qu'un enfant sur deux qui naît aujourd'hui sera centenaire. Google qui investit beaucoup dans les biotechnologies (pour des raisons d'intérêts personnels liées aux problèmes de santé de leurs dirigeants) créa en 2013 la startup Calico, dirigée par Arthur D. Levingston, dont le but est de combattre les effets de la vieillesse et d'augmenter l'espérance de vie de 20 ans d'ici 2035.

Selon le docteur Oliver Curry de l'Ecole d'Economie de Londres (LSE), sans faire appel à la technologie nous vivrons 120 ans en l'an 3000. On reviendra sur sa théorie à propos de l'avenir de l'Homme. Grâce aux nanobiotechnologies, selon le docteur Laurent Alexandre de DNAVision nous pourrions vivre 1000 ans ! Y gagne-t-on quelque chose ? La question reste ouverte.

On peut toutefois déjà émettre un bémol en ce qui concerne les maladies dites de civilisation et liées à la vieillesse (cancers, maladies cardio-vasculaires, diabète, Alzheimer, etc.) dont la proportion augmente dans tous les pays développés à mesure que la population vieillit et devient oisive. Bien sûr, on espère beaucoup de la thérapie génique et d'outils comme CRISPR pour supprimer ces maladies, mais cette technologie est encore embryonnaire même si on réalise déjà des tests cliniques mais uniquement sur certaines pathologies graves.

Jusqu'où la Science peut-elle aller trop loin ? On ne peut le dire franchement sans mettre d'obstacles au progrès, n'en conviennent aux plus conservateurs. Mais l'éthique a un rôle certain à jouer dans cette aventure et la question des OGM et des manipulations génétiques ont déjà soulevé bons nombreuses questions éthiques. Notre société doit effectivement avoir des garde-fous et définir clairement les limites entre l'imagination et la folie, la rationnalité et la démagogie, la science et la fiction, le progrès et la décadence. Visiblement certains pays d'Asie n'en on cure et s'engouffrent dans ce flou juridique sans même mesurer les conséquences de leurs actes.

La délégation du pouvoir de décision à l'IA

Depuis que l'informatique est entrée dans les entreprises et les instituts de recherche, dans certains métiers faisant appel à des processus complexes ou de grandes quantités de données (nucléaire, informatique, finance, logistique, transport, sciences et parfois la médecine), l'homme se repose déjà sur l'analyse d'un système expert pour établir un diagnostic ou une cartographie des résultats, mais en théorie car ce n'est pas toujours vrai, c'est toujours l'homme qui finalement décide et valide l'action à prendre. Seuls des processus secondaires, simples ou routiniers sont totalement automatisés pour accélérer le traitement des informations et autres commandes des clients. De nouvelles professions (surtout aux Etats-Unis) ont également tendance à utiliser l'IA comme la police, la justice, et parfois même les ressources humaines, trois secteurs où cela frise la pseudoscience.

Shanghaï. Document D.R.

Si les ouvriers des usines d'assemblages de voitures n'ont jamais beaucoup apprécié les robots-peintres et autres robots-soudeurs qui les épaulaient, en revanche chez Audi ils apprécient le remplacement de ces robots de première génération par des versions à "visage humain", c'est-à-dire dont le haut de la machinerie est équipé d'un écran affichant deux yeux et un sourire. Même si l'aspect reste naïf, ce nouveau type de robot donne l'impression d'avoir des sentiments et de comprendre les ordres de son interlocteur, ce qui renforce le lien entre l'homme et la machine et la bonne volonté du personnel qualifié.

Ceci dit, à part des objets du quotidien comme la tondeuse automatique, le smartphone ou la caméra de surveillance, il n'est pas certain que notre société soit prête à accepter la présence de créatures disposant d'intelligence artificielle parmi nous. En effet, la plupart des chercheurs en IA pensent que si les gens accepteront facilement des implants bioniques, y compris dans le cerveau - et certaines personnes en ont déjà - ils n'accepteront jamais de confier leur conscience à un support artificiel ou d'être commandés par une machine. Mais en sont-ils si certains ?

Il faut nuancer cette affirmation car c'est déjà le cas quand nous écoutons notre GPS et suivons ses indications routières. L'argument disant que c'est sans risque n'est même pas recevable. En effet, d'abord le système GPS peut être piraté et plusieurs constructeurs ont dû rappeler leurs véhicules pour une mise à jour de sécurité.

Ensuite, certains conducteurs écoutent si bien la voix sensuelle de leur GPS qu'ils font demi-tour sur l'autoroute ! Cela signifie que certaines personnes délèguent leur pouvoir de décision à la machine et perdent tout sens critique au point de mettre leur vie en danger ! Et ce n'est que le début des interactions entre l'homme et la machine. Mais cela indique aussi clairement les limites de ces soi-disant "assistants intelligents" comme celles des voitures autonomes qui se crashent ou sèment la mort sur leur passage ! Ce n'est pas très rassurant et dénote une fuite en avant des chercheurs et des autorités civiles tout à fait inconscients des risques réels de leurs inventions ou décisions. Nous reviendrons sur cette délégation du pouvoir de décision à l'IA qui donne le faux sentiment à leur propriétraire de se déresponsabiliser. C'est commode mais totalement faux et irresponsable.

A priori, nous n'accepterions pas non plus d'être influencés inconsciemment par des informations venues de l'extérieur, par exemple si d'aventure notre corps était connecté à des systèmes artificiels. Mais où s'arrête la conscience et commence l'inconscient ? Nous savons tous qu'en étant bien éveillé et l'esprit alerte on peut être influencé inconsciemment par des messages publicitaires qu'ils soient écrits, verbaux, sous forme d'images voire suggérés dans des perceptions gestaltiennes.

Après les abus de la NSA, de certains constructeurs de smartphones et développeurs de logiciels, les appareils mobiles sont au centre du débat sur la protection de la vie privée. Document sitthiphong/stock.adobe.

Contrairement aux fictions qu'on voit au cinéma, en informatique la réalité virtuelle et augmentée est concrète et parfaitement maîtrisée par les ingénieurs, les militaires et les pilotes, y compris les astronautes. Google et de nombreuses startups exploitent déjà cette technologie à travers des interfaces visuelles ou tactiles, y compris dans des jeux de simulations ou de rôles. Il existe même des implants neuronaux ou des lentilles de contact assurant l'interface entre l'homme et la machine. Les utilisateurs concernés sont donc parfois physiquement connectés à un ordinateur, certains handicapés moteur n'ayant pas d'autre alternative pour communiquer avec le monde extérieur. Cette technologie fait donc déjà partie de notre quotidien même si son usage est loin d'être généralisé. Personne ne s'y oppose car la technologie nous semble actuellement inoffensive, offrant plus d'avantages que d'inconvénients.

Plus près de nous, plus d'un internaute est déjà connecté en permanence à Internet via son appareil mobile ou son ordinateur et peut facilement se laisser influencer par les commentaires ou les publicités ciblées qu'il consulte ou qu'on le force presque à consulter, notamment quand il visionne des vidéos sur les réseaux sociaux ou consulte sa messagerie ou ses SMS. On y reviendra.

En e-commerce, certaines personnes disposent déjà d'un implant remplaçant la validation des commandes passées via une interface web ou portent en permanence une bague connectée qui remplace leur smartphone. Ces personnes sont a priori favorables à une interconnection physique avec le monde virtuel sans même imaginer les effets secondaires physiologiques et psychologiques qu'entraînerait une telle activité, sujet qui n'a évidemment encore jamais été étudié.

Mais ce n'est que le début de l'histoire. En effet, si on peut accéder à des données virtuelles d'un clin d'oeil ou d'un signe de la main, on peut tout aussi bien consulter des données confidentielles ou privées si le programme le permet ou si le cyberpirate est suffisamment expérimenté. La violation de la vie privée avec tous les abus potentiels que cela sous-entend n'est pas loin. Ce n'est pas de la fiction puisque certains gouvernements étudient la question (sans parler des risques liés à la cybercriminalité organisée).

Pour éviter de tels abus qu'on peut toujours craindre en ce domaine, il faudra un jour que le législateur réglemente les interactions entre l'homme et la machine, qu'il définisse dans quelles conditions (jusqu'à quel niveau "d'intégration", combien de temps et avec quels risques) l'être humain peut s'interconnecter physiquement avec une machine intelligente sans risquer d'y perdre le sens des réalités et surtout sa santé mentale.

L'impact pervers des réseaux sociaux

Depuis qu'Internet a vu le jour en 1991, des experts nous mettent en garde contre les menaces qui planent sur la démocratie. Ce n'est pas une vue de l'esprit ou un enjeu abstrait et quelques exemples peuvent facilement le démontrer.

Document http://www.sbi-secureit.com/

Document D.R.

Il ne faut pas être expert en psychologie, sociologue ou juriste pour constater que surfer sur Internet, en particulier sur les réseaux sociaux et les webzines à parcourir sans but des pages virtuelles en nombre infini n'est pas très productif, c'est même parfois du temps perdu, un risque pour notre santé (et pas seulement mentale) et cela pose aussi certains problèmes éthiques quand les interactions touchent à nos données personnelles.

L'analyse du comportement des internautes a révélé depuis des années que les plate-formes en ligne manipulent nos comportements, que cela soit inconscient ou pas. Comme le rappellent les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et autre NATU (Netflix, Airbnb, Tesla et Uber) ainsi que les webzines à travers leurs "Like" et leurs cookies qu'il faut accepter ou passer son temps à refuser partenaire par partenaire, l'utilisation des données personnelles et la caractérisation de notre profil d'internaute sont des enjeux financiers pour les gestionnaires de ces sites. A leurs yeux, chacun de nous est réduit à un produit, le véritable client étant le partenaire de la plate-forme qui paye pour avoir accès à ces précieuses données.

En fait, Jaron Z. Lanier, chercheur en informatique et artiste, auteur du livre "STOP aux réseaux sociaux!" (De Boeck Sup, 2020) rectifie cette définition : "C'est le changement progressif, léger et imperceptible dans notre comportement et dans notre point de vue qui est le produit". Dans ce livre où l'auteur révèle l'envers du décor, il invite chacun à reprendre le contrôle de sa vie. En effet, le système des réseaux sociaux et d'Internet en général lui paraît machiavélique et pervers et source d'un conditionnement intentionnel, une idée que partagent de nombreuses personnes.

Dans le film documentaire "The Social Dilemma" diffusé sur Netflix en 2020, le cinéaste américain Jeff Orlowski dénonce cette manipulation face à laquelle le monde entier semble ne pas vouloir réagir.

"The Social Dilemma" évoque toute une série de problèmes découlant de cette manipulation par les GAFAM notamment. Citons pêle-mêle l'augmentation du taux de suicide chez les jeunes (chez les filles de 10-14 ans, le taux de suicide a augmenté de 151% en 10 ans et de 70% chez les 15-19 ans), du nombre de fake news, des théories complotistes sans parler des trafics criminels et des contenus pornographiques.

A voir : The Social Dilemma - Official Trailer

La modernité à la chinoise. A gauche, Guangzhou. A droite, Shanghaï (Oriental Pearl Tower, World Financial Center et Shanghaï Tower). Documents Reddit et Wallpaper Flare.

Plus que jamais les jeunes hyperconnectés sont paradoxalement plus isolés, plus angoissés et plus déprimés. Pour comprendre ces impacts, le film prend l'exemple fictif d'une famille américaine ordinaire où les parents sont déconnectés de la réalité, ne comprennent pas l'addiction de leur plus jeune fille aux réseaux sociaux et où le fils croit stupidement toutes les fakes news et théories conspirationnistes à cause d'une recommandation personnalisée sur Facebook et YouTube ! Pour prendre un exemple concret, savez-vous que des millions d'Internautes ont vu sur YouTube les vidéos sur la Terre plate. Heureusement, parmi celles-ci, certains auteurs se moquent de cette théorie.

De même, les fake news sont plus lues que les véritables informations ! Si on en juge par les mensonges de l'ancien président Trump relayés par Facebook et Twitter notamment, on peut se demander à quoi ressemblerait la société si les dénialistes imposaient leur pensée et si les mensonges se propageaient plus rapidement que la vérité ?

Derrière les "Like" et autres cookies personnalisés, il y a des algorithmes intelligents où l'IA prédomine, dont le seul but vise à diriger nos actions avec pour finalité de polariser la société et faire de chacun des moutons dociles et prévisibles. Cette méthode perverse de "lavage de cerveau" version 2.0 nous force inconsciemment à croire l'idée fausse que tout le monde pense la même chose. Mais en réalité, cela nous conduit tous à ne lire que des informations conformes à la vision du monde qu'on nous impose; nous perdons tout sens critique et adoptons un profil générique sans objectivité.

En résumé, si personne ne contrôle les GAFAM, la société de demain sera sans surprise, monotone, triste et où le libre arbitre et les libertés auront disparu au profit d'une culture standardisée et aseptisée, bref la démocratie n'existera plus. C'est d'ailleurs l'un des buts avoués des Républicains américains.

Cela fait des décennies qu'on parle de ces menaces. Que peut-on faire pour y remédier ? Interdire ces plate-formes comme en Chine, imposer un contrôle par l'État et devenir une société policière ? Suffit-il de mettre en place une réglementation basée non plus sur le profit mais sur l'humain ? Il est certain que la société doit changer et que les autorités supranationales doivent agir au risque que nous perdions tous notre liberté d'agir et de penser.

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La politique

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