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Le Meilleur des Mondes ou les dérives de la société

Une mise en garde (II)

Document http://www.sbi-secureit.com/

Document D.R.

L'impact pervers des réseaux sociaux

Depuis qu'Internet a vu le jour en 1991, des experts nous mettent en garde contre les menaces qui planent sur la démocratie. Ce n'est pas une vue de l'esprit ou un enjeu abstrait et quelques exemples peuvent facilement le démontrer.

Il ne faut pas être expert en psychologie, sociologue ou juriste pour constater que surfer sur Internet, en particulier sur les réseaux sociaux et les webzines à parcourir sans but des pages virtuelles en nombre infini n'est pas très productif, c'est même parfois du temps perdu, un risque pour notre santé (et pas seulement mentale) et cela pose aussi certains problèmes éthiques quand les interactions touchent à nos données personnelles.

L'analyse du comportement des internautes a révélé depuis des années que les plate-formes en ligne manipulent nos comportements, que cela soit inconscient ou pas. Comme le rappellent les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et autre NATU (Netflix, Airbnb, Tesla et Uber) ainsi que les webzines à travers leurs "Like" et leurs cookies qu'il faut accepter ou passer son temps à refuser partenaire par partenaire, l'utilisation des données personnelles et la caractérisation de notre profil d'internaute sont des enjeux financiers pour les gestionnaires de ces sites. A leurs yeux, chacun de nous est réduit à un produit, le véritable client étant le partenaire de la plate-forme qui paye pour avoir accès à ces précieuses données.

En fait, Jaron Z. Lanier, chercheur en informatique et artiste, auteur du livre "STOP aux réseaux sociaux!" (De Boeck Sup, 2020) rectifie cette définition : "C'est le changement progressif, léger et imperceptible dans notre comportement et dans notre point de vue qui est le produit". Dans ce livre où l'auteur révèle l'envers du décor, il invite chacun à reprendre le contrôle de sa vie. En effet, le système des réseaux sociaux et d'Internet en général lui paraît machiavélique et pervers et source d'un conditionnement intentionnel, une idée que partagent de nombreuses personnes.

Dans le film documentaire "The Social Dilemma" diffusé sur Netflix en 2020, le cinéaste américain Jeff Orlowski dénonce cette manipulation face à laquelle le monde entier semble ne pas vouloir réagir.

"The Social Dilemma" évoque toute une série de problèmes découlant de cette manipulation par les GAFAM notamment. Citons pêle-mêle l'augmentation du taux de suicide chez les jeunes (chez les filles de 10-14 ans, le taux de suicide a augmenté de 151% en 10 ans et de 70% chez les 15-19 ans), du nombre de fake news, des théories complotistes sans parler des trafics criminels et des contenus pornographiques.

Plus que jamais les jeunes hyperconnectés sont paradoxalement plus isolés, plus angoissés et plus déprimés. Pour comprendre ces impacts, le film prend l'exemple fictif d'une famille américaine ordinaire où les parents sont déconnectés de la réalité, ne comprennent pas l'addiction de leur plus jeune fille aux réseaux sociaux et où le fils croit stupidement toutes les fakes news et théories conspirationnistes à cause d'une recommandation personnalisée sur Facebook et YouTube ! Pour prendre un exemple concret, savez-vous que des millions d'Internautes ont vu sur YouTube les vidéos sur la Terre plate. Bien sûr, on peut espérer que la majorité des internautes les regarde pour apprécier le degré de connerie de leurs auteurs comme il est aussi vrai que certains internautes croient encore que la Terre est plate et que le Soleil tourne autour de la Terre ! Heureusement, parmi ces vidéos, certains auteurs se moquent de cette théorie.

A voir : The Social Dilemma - Official Trailer

La modernité à la chinoise. A gauche, Guangzhou. Au centre et à droite, Shanghaï (Oriental Pearl Tower, World Financial Center, Shanghaï Tower et le Bund Center dit The Crown dans le district de Puxi. Documents Reddit, Wallpaper Flare et D.R.

De même, les fake news sont plus lues que les véritables informations ! Si on en juge par les mensonges de l'ancien président Trump relayés par Facebook et Twitter notamment, on peut se demander à quoi ressemblerait la société si les dénialistes imposaient leur pensée et si les mensonges se propageaient plus rapidement que la vérité ?

Derrière les "Like" et autres cookies personnalisés, il y a des algorithmes intelligents où l'IA prédomine, dont le seul but vise à diriger nos actions avec pour finalité de polariser la société et faire de chacun des moutons dociles et prévisibles. Cette méthode perverse de "lavage de cerveau" version 2.0 nous force inconsciemment à croire l'idée fausse que tout le monde pense la même chose. Mais en réalité, cela nous conduit tous à ne lire que des informations conformes à la vision du monde qu'on nous impose; nous perdons tout sens critique et adoptons un profil générique sans objectivité.

En résumé, si personne ne contrôle les GAFAM, la société de demain sera sans surprise, monotone, triste et où le libre arbitre et les libertés auront disparu au profit d'une culture standardisée et aseptisée, une population dépourvue de repères, refermée sur elle-même, protectionniste, violente, sans éthique et intolérante, bref la démocratie n'existera plus. C'est d'ailleurs l'un des buts avoués des Républicains américains.

Cela fait des décennies qu'on parle de ces menaces. Que peut-on faire pour y remédier ? Interdire ces plate-formes comme en Chine, imposer un contrôle par l'État et devenir une société policière ? Suffit-il de mettre en place une réglementation basée non plus sur le profit mais sur l'humain ? Il est certain que la société doit changer et que les autorités supranationales doivent agir au risque que nous perdions tous notre liberté d'agir et de penser.

La politique

Grâce ou à cause d'Internet, chacun peut s'exprimer sur les forums et autres pages des réseaux sociaux dont Facebook reste le leader incontesté bien que paradoxalement son image soit égratignée par le public. Les partis politiques et les entrepreneurs ont bien compris le pouvoir d'Internet et tiennent des tribunes en direct sur les réseaux sociaux ainsi que les scientifiques qui profitent de ce média pour décrire leurs activités ou leur nouvelle invention.

Le bâtiment du MIT Media Lab construit à Cambridge, Mass. où les chercheurs étudient en collaboration avec des statups les relations entre technologie et multimédia et inventent notre futur. Document Andy Ryan.

Depuis le début du XXIe siècle, Internet est devenu le seul véritable concurrent de la télévision et des autres médias, au point que la nouvelle génération est accroc à Internet. Ceci dit, rien ne vaut l'audience offerte par la télévision qui, en quelques minutes, peut toucher plusieurs millions de personnes. En revanche, l'information n'est pas disponsible ni à jour en permanence comme sur Internet.

Mais déjà en 1998, la question de l'usage politique d'Internet fut soulevée officiellement au Parlement d'Australie. Bien que ce pays soit quelque peu décentré des grandes routes commerciales et virtuelles, son intérêt pour cette question souligne l'importance qu'elle revête même dans un pays apparemment aux antipodes des problèmes occidentaux. Mais le village global nous rappelle bien vite que les distances sont trompeuses et combien la planète est petite, d'autant plus que l'information numérique circule à la vitesse de la lumière.

A priori dans les pays démocratiques, l'accès à Internet offre à chacun une liberté d'expression totale et bien pratique sans parler de la facilité offerte par le e-commerce. Mais contrairement à ce qu'on pense, cette liberté se paye très chère en terme de respect de la vie privée des internautes et des principes de la démocratie.

Les géants du web connaissent notre profil d'internaute et nos intérêts et veulent nous imposer leur vision du monde en dehors de tous les garde-fous qu'imposent normalement les règles d'une société démocratique. Ces entreprises dont les GAFAM aujourd'hui presque incontournables et côtées en bourse ont même fait de la gestion des données personnelles leur principal business car elle leur permet pour ainsi dire d'influencer les internautes que ce soit en matière d'achats en ligne ou lors des élections en leur envoyant notamment des e-mails et autres SMS ciblés sans aucun contrôle du pouvoir exécutif. Autrement dit, les États perdent progressivement leur capacité à contrôler leur population et les principes démocratiques s'étiolent. Ce ne sont certainement pas les actionnaires de ces entreprises qui vont s'en offusquer quand eux-mêmes tirent profit de ce business.

Aujourd'hui, partout dans le monde des associations politiques s'organisent sur la toile (DAECH, Anonymous, Printemps arabe, etc) sans même parler du Darknet dont c'était la vocation première mais dans un but apolitique. Bien que n'ayant souvent aucune existence légale (mais elles peuvent en avoir), ces organisations virtuelles ont des effets concrets dans notre vie quand les idées de leur leader soulèvent le peuple ou incitent au meurtre ou que les actions malveillantes de leurs membres font tomber des systèmes informatiques et pénalisent des milliers d'utilisateurs. Les gouvernements sont démunis face au pouvoir de ces réseaux virtuels et le seront de plus en plus du fait qu'eux-mêmes à travers leurs services à la population, leurs antennes politiques et l'accès aux données publiques utilisent Internet mais ne maîtrisent plus sa puissance comme un vaisseau fou que plus personne ne peut guider au risque d'entraver sa propre survie.

Document Johnason/GettyImages.

Une tendance se dessine où le concept de nation et de pays devient flou; les individus qui sont également des surfeurs avertis traînant sur tous les sites à travers le monde et d'actifs acheteurs en ligne se reconnaissent plus facilement dans des associations virtuelles dont ils partagent les idées que dans leur commune ou leur pays avec lequel finalement ils interagissent peu et qui ont le sentiment de n'être appréciés que pour payer leurs taxes et comme électeurs.

En résumé, en l'espace d'une génération, le monde politique s'est englué dans la toile et doit aujourd'hui faire face à une société informatisée dont les repères n'ont plus à rien à voir avec ceux du XXe siècle.

Sans s'en rendre compte, les politiciens perdent lentement mais sûrement leur pouvoir face aux géants du web et au pouvoir virtuel des internautes. S'il y a une génération, quelques grandes entreprises industrielles avaient une influence mondiale, aujourd'hui ce rôle appartient aux GAFAM qui sont passés d'une ambition nationale à l'objectif de contrôler la planète !

Sur le plan national, les institutions publiques sont les plus reticentes à changer leurs habitudes et les plus lentes à accepter les changements imposés par les nouvelles technologies. Mais pendant que le secteur public réfléchit à la manière dont il peut évoluer pour mieux s'adapter aux souhaits de sa population, le secteur privé agit et grignote les parts de marché laissées en friche par les politiciens indécis jusqu'au jour où ces derniers constateront amèrement qu'ils n'ont pas vu venir le changement et doivent le subir.

C'est ici par exemple que la Commission européenne a encore un rôle à jouer en imposant des limites aux idées hégémoniques des géants du web américains et asiatiques. Mais ce pari n'est pas gagné d'avance et certainement pas si les acteurs défendent des lobbies ou ne peuvent pas se projeter à long terme et à l'échelle du village global dans laquelle sont aujourd'hui intégrées toutes les économies. C'est dans ce contexte futuriste que les experts de l'Institute for the Future par exemple peuvent judicieusement conseiller les grands chefs d'entreprises quand les meetings ne sont pas fréquentés par des politiciens en quête de solutions.

Les villes (trop) intelligentes ou les exemples à ne pas suivre

Où s'arrête la vie privée et où commence la vie publique ? Dans la rue, dans votre voiture, sur le pas de la porte de votre domicile, dans votre salle de bain ? Où place-t-on la limite de notre intimité ? Et pourquoi est-il nécessaire ou pas de fixer cette limite ?

En Occident et dans toutes les démocraties qui se respectent, chacun exige que l'on respecte sa vie privée et ses libertés, des notions fondamentales pour lesquelles nos aïeux ne sont battus et certains ont perdu la vie. On place des portes, des volets et des tentures pour préserver son intimité et on souhaite pouvoir se promener sans être tracé et s'exprimer librement. Où est la limite ? Comme on dit : ma liberté s'arrête où commence celle de l'autre. Cela signifie également que la vie en communauté exige que chacun restreigne son espace propre et ses libertés, n'abuse pas de ses droits et soit tolérant au risque d'entrer en conflit avec son voisinage. Par prudence, cela implique que certains placeront des barrières pour éviter les excès et les abus de pouvoir au sens large.

De gauche à droite, trois vue aériennes de villes aux allures futuristes : Kuala Lumpur (Malaisie), Dubai (UAE) et une photo étonnante à la verticale des Petronas Towers à Kuala Lumpur. Si ces villes sont agréables à visiter, en revanche, un Occidental aura du mal à s'adapter au régime politique. Bien que dans ces villes les libertés sociales existent, Amnesty International déplore la répression intense contre la liberté d'expression et les droits politiques (droit de vote, etc.). Documents Paul Reiffer, Bachir Moukarzel et Tomasz Kowalski.

Mais certains gouvernements y compris en Europe ne l'entendent pas ainsi et aimeraient par exemple que la notion de données privées n'existe pas et qu'aucune communication ne soit cryptée afin de mieux contrôler la population. Quoiqu'on pense, en Europe cela ne vise pas la population en général, mais en particulier les personnes ayant un casier judiciaire, fichées S (par la sécurité nationale) ou faisant l'objet d'une surveillance.

Si nous comparons le style de vie des Européens à celui de certains Coréens ou Chinois par exemple, on constate que la liberté et le respect de la vie privée ne sont pas partout inscrits dans la constitution et ne sont donc pas donnés à tout le monde. Cependant, certaines personnes s'accomodent très bien des contraintes imposées par l'État. Ainsi, rien que pendant la pandémie de Covid-19, on a constaté que le contrôle des mesures de confinement et de quarantaine était assuré très différemment en Europe et en Corée par exemple.

La ville de Pyongyang où résident 3.2 millions de Nord-Coréens. Document D.R.

Evidemment, si ces lois et décrets sont imposés par la force comme en Corée du Nord, en Chine ou en Russie, il est souvent vain de lutter contre le pouvoir en place au risque de passer dix ans en camp de redressement ou d'y perdre la vie. Comme durant la Seconde guerre mondiale, il existe même une frange de la population et notamment les personnes âgées ou les plus fragiles qui s'en accomodent très bien ou plutôt qui considèrent la situation avec fatalisme. Mais c'est aussi la frange de la population la moins active et politiquement la plus calme. Ces personnes qui préfèrent subir que faire grève et se révolter, ne se rebellent jamais et acceptent toutes les décisions même si elles ne leur font pas plaisir ou leur font tord. Face à des "moutons", il est évident que l'État peut facilement justifier tous les abus.

Si vous visitez la Corée du Nord, certaines villes chinoises ou de Russie, vous serez obligatoirement accompagné par un agent politique très attentionné qui vous demandera bien poliment de visiter certains lieux comme des fermes-témoins, des usines, des musées, de rendre visite à l'un ou l'autre couple exemplaire ou des sanctuaires nationalistes élevés au rang de culte et de ne jamais vous écarter des chemins balisés ou de sortir seul. Si vous échappez à leur surveillance, vous risquez à coup sûr de voir votre visa annulé et devoir rentrer sur le champ en Europe. Les habitants doivent écouter en permanence de la propagande et ne peuvent pas penser librement dans ces pays totalitaires. L'État dirige la nation jusqu'aux intentions des touristes les plus honnêtes.

La Corée du Nord est l'un des rares pays où les faits et gestes de chacun sont surveillés par des gardes et rapportés le cas échéant en haut lieu avec des pénalités éventuellement à la clé allant jusqu'à la perte d'emploi ou des privilèges.

Mais avec les progrès technologiques et notamment l'installation de centres de contrôles gérés par des systèmes experts et l'intelligence artificielle, dans certaines villes cette époque appartient au passé.

Deux villes sont emblématiques de ce futur inattendu : la ville de Songdo en Corée du Sud et Tiangjin Eco City en Chine. Dans ces deux villes futuristes sorties de terre voici quelques années, tout est enregistré au point que Big Brother menace la vie privée.

Songdo, la smart city

Songdo est située dans la zone économique spéciale d'Incheon, à 60 km de Séoul, en Corée du Sud. C'est une ville ultra moderne sortie de terre en 2003, combinant apparemment harmonieusement gratte-ciels et espaces verts sur 650 hectares. Le projet a coûté 35 milliards de dollars à trois sociétés privées, le fond d’investissement immobilier américain Gale International, le groupe coréen Posco (4e producteur d’acier mondial) et la banque américaine Morgan Stanley. Le bureau d'architecte KPF a conçu près de 40% des bâtiments. Ensemble et avec le soutien de la municipalité d'Incheon, ils ont mis sur pied un véritable laboratoire expérimental à l'échelle d'une ville futuriste, un concept exportable dans toute l'Asie depuis 2018.

La ville toute entière est régie par l'informatique afin de mieux servir ses 120000 citoyens et leur rendre la vie plus agréable, c'est du moins le message que veulent faire passer les experts et les gestionnaires de la ville. Les habitants disposent d'une carte magnétique multiusage, un pass grâce auquel ils peuvent tout acheter et contrôler. Il leur sert de carte de crédit, de clé magnétique, de porte-monnaie et d'abonnement. Les plaques d'immatriculation sont scannées à l'entrée des immeubles pour accéder au parking ainsi qu'à la sortie des immeubles afin d'informer les automobilistes de l'arrivée d'un nouveau véhicule sur le réseau routier et de permettre au centre de contrôle routier de prévenir la formation de bouchons. Mais la ville comprend aussi 500 caméras qui viennent assister les forces de l'ordre. En fait tout le mobilier urbain est connecté et transmet des données au système central (densité du trafic, état des feux de signalisation, nombre de bus aux heures de pointe, etc). Enfin, des capteurs sont installés jusqu'au coeur des habitations où la domotique occupe une place de choix.

La "smart city" de Songdo en Corée du Sud où l'intelligence artificielle et la domotique sont rois au détriment de la vie privée. A gauche, une vue générale des 650 ha de la ville autour de Central Park. A droite, de la porte d'entrée à l'intérieur de l'habitation, la domotique veille à la sécurité et au bien-être des résidents. Documents Katharina Peters/Spiegel et Arthur Lecoeur.

Lee Ui-Hwan, responsable de la communication d'IFEZ, où se trouve Songdo, vente la "smart city" comme une "eco city", une ville verte : "99% des stationnements de la ville sont souterrains, les déchets domestiques sont directement captés des logements pour être envoyés via des canalisations, vers l’usine de recyclage [...]. Le système de collecte et de filtration de l’eau de pluie est situé sous le terrain de golf et tous les immeubles sont dotés de panneaux solaires".

Mais visiblement ce type de ville ne plaît pas à tout le monde. Comme on le voit sur les photographies, les rues de la ville sont pratiquement désertes et on ne voit personne se promener dans les parcs ou naviguer sur les canaux. Mais cette photo prise peu après l'ouverture de la ville. En 2014, seulement 20000 personnes habitaient Songdo. En 2020, il y avait plus de 167000 résidents (cf. IFEZ). Mais même sur les photos prises vers 2020, il y a peu de véhicules et très peu de piétons.

En fait le taux d'occupation des immeubles est très faible comme si les Coréens boudaient ce concept futuriste. Pourtant les promoteurs continuent à bâtir des buildings si on en juge par les grues toujours activent dans les terrains en friche.

Selon Kim Hwanyong de l'Université Nationale d'Incheon, si les gens peuvent être réticents à transmettre des données privées, " si ces données peuvent servir leur vie personnelle, leur éviter de rester bloquer dans des bouchons, ou de ne pas avoir à attendre des heures un rendez-vous médical à l’hôpital, l’appréhension se dissipe". En revanche, il estime que catégoriser la ville comme "verte" est discutable. En effet, il a fallu assécher des marais et faire disparaître tout un biotope pour entreprendre la construction de cette ville très artificielle.

Tianjin Eco City

Tianjin Eco City ou la cité écologique de Tianjin fait partie de la région Beijing-Tianjin-Hebei qui est en train de devenir le nouveau moteur de la croissance chinoise. Les dirigeants chinois ont déclaré que les expériences de Tianjin Eco City seraient cruciales pour la création d'un développement plus respectueux de l'environnement.

Le gouvernement chinois a présenté ce projet de ville en accordant une place importante à plusieurs domaines écologiques : à l'eau, aux systèmes de production locale d'énergies renouvelables (solaire, éolien, géothermie), au recyclage des eaux usées, des pneumatiques et la valorisation des déchets et à la gestion intégrée de ces différents réseaux. En complément, il mit en place un système d'indicateurs de performance.

La ville écologique de Tianjin fut créée en 2008 sur un terrain très pollué et présentant de graves problèmes hydriques par manque d’eau. 10 ans après la pose de la première pierre, Tianjin Eco City est devenue une ville moderne et verdoyante qui s'étend sur 30 km2 ou résident 100000 habitants et sont enregistrés plus de 7000 entreprises et institutions, y compris des sociétés européennes dont le groupe Bosch qui contribue à informatiser et domotiser la ville. Mais le développement de la ville n'est pas terminé et deux pôles économiques sont en pleine effervescence, le centre-ville et un nouveau quartier central des affaires.

L'entrée de la ville écologique de Tianjin (Tiajin Eco City) depuis le pont Rainbow vers la nouvelle zone de Tianjin Binhai et son échangeur photographiés en 2017. Documents Comité Administratif de Tianjin Eco City.

Fait remarquable, toute la ville s'est mise à l'heure de l'intelligence artificielle et de la domotique. En échange, il y a un côté sombre : la ville est surveillée en permanence par des centaines de caméras à reconnaissance faciale et les faits et gestes de tous les habitants sont enregistrés. Toute tentative d'effraction ou de violation de la loi est enregistrée et la personne concernée rapidement identifiée et réprimée dans un pays où les droits de l'Homme n'existent pas. Revers de la médaille, le respect de la vie privée est un concept qui n'existe pas non plus.

Si à première vue, les habitants apprécient ce bien-être et cette sécurité tous azimuts, aux yeux d'un étranger occidental épris de liberté, ce type de ville présente de nombreux inconvénients car elles sont artificielles au sens propre. Elles sont aseptisées, froides, homogènes, sous contrôle total. Rien n'est laissé à l'imprévu, au chaos, à la nature et toute anomalie ou déviance est considérée comme un problème qu'il faut éliminer, qu'il concerne les infrastructures ou la population. Jusqu'où peut-on aller trop loin ? Les jeunes Coréens et les jeunes Chinois nous le diront.

Notons que si globalement l'héritage de Mao Tsé-Tung dérange aujourd'hui les dirigeants chinois et la jeune population active, il existe encore en Chine une ville qui vit à l'heure de Mao Tsé-Tung et rend hommage à Léline et Staline. On passe de la propagande dans la ville et tous les habitants reçoivent une prime mensuelle en guise de salaire. Apparemment les habitants écoulent des jours paisibles loin de toute révolution numérique et du chaos urbain mais ils vivent en vase clos et loin de la réalité. Bref, entre les deux extrêmes, la Chine se cherche encore...

A voir, Shanghaï : par Masashi Wakui et Teemu Jarvinen

Shanghaï. Documents Daredevil et Masashi Wakui.

En guise de conclusion

Les quelques villes intelligentes que nous avons décrites ressemblent plus à des laboratoires technologiques aseptisés où l'aléatoire n'existe pas et tout est programmé, calculé et prédit qu'à des villes vivantes profitant de la diversité des cultures de ses citoyens et du hasard des situations. Ces villes trop modernes nous démontrent que la surveillance à la "Big Brother" est une réalité dans certains pays. Même en Europe ou aux Etats-Unis, la surveillance des citoyens devient une priorité sur la vie privée, et certains citoyens encouragent cette politique qu'il trouve même sécurisante et tout à fait normale. A croire que le modèle socio-économique chinois ou coréen et ses contraintes ne les dérange pas. On peut en effet y trouver des avantages mais également beaucoup d'inconvénients. A chacun de faire son choix, à condition d'être libre de choisir (ou de refuser).

Tant que chacun de nous préserve ses droits et libertés et contrôle son environnement, nous pouvons éteindre les ordinateurs, déconnecter les robots, débrancher les caméras, sortir des réseaux, partir vivre près de la nature et même couper le courant. Mais nous en subissons très vite les conséquences ce qui signifie que nous en dépendons et ne sommes plus tout à fait libres ni autonomes. Toutefois on peut s'en accomoder - on vit très bien à la campagne - et utiliser des méthodes dont le rythme est plus en hamonie avec la nature.

Mais un jour sans doute près très lointain - quelques générations - notre conscience sera connectée aux ordinateurs et aux réseaux, et l'éventualité que les machines puissent nous influencer inconsciemment deviendra une question d'actualité voire de survie.

Espérons que les générations futures fixeront des garde-fous au risque de perdre leur humanité et leurs droits au bénéfice des machines. Car dans cet univers artificiel, le jour où le pouvoir de décision passera entre les mains d'un être virtuel au regard et au coeur aussi froids que du silicium, l'humanité aura perdu son âme. En effet, de la Magna Carta (1215) à la charte des Nations Unies sur les Droits de l'Homme (1948) jusqu'aux déclarations ultérieures, nos droits et libertés ont toujours été des questions d'éthique que l'humanité préserve jalousement et compte bien se réserver l'exclusivité conformément aux "trois lois de la robotique" d'Isaac Asimov (1942).

"Tout le monde est heureux à présent", A.Huxley, "Le Meilleur des Mondes".

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La vie sous toutes ses formes (IA et cyborgs)

Autres ressources

Discord is your place for AI with friends, 2023

How AI Image Generators Work (Stable Diffusion / Dall-E), Computerphile, YouTube, 2022

Pour une éthique du numérique, CNPEN, PUF, 2022

Projet de recommandation sur l'éthique de l'intelligence artificielle, SHS/UNESCO, 2021

Aldous Huxley, Le Meilleur des Mondes (version française en ligne, Brave New World)

George Orwell, 1984 (version française en ligne, version originale en ligne)

Autonomous weapons: an open letter from AI & robotics researchers, S.Hawking, E.Musk, S.Wozniak and al., 2015 (lettre signée par 4502 chercheurs)

Législation européenne

Loi sur l'intelligence artificielle: accord sur des règles globales pour une IA digne de confiance, Parlement Européen, 2023

Pacte sur l'IA (AI Act), Commission européenne, 2023

Proposition de règlement établissant des règles harmonisées en matière d’intelligence artificielle, Commission européenne, 2021

Plan coordonné dans le domaine de l’intelligence artificielle, Commission européenne, 2021

Convention 108 - Lignes directrices sur la reconnaissance faciale, Conseil de l'Europe, 2021

Livre Blanc sur l'IA, Commission européenne, 2020

Recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique (2015/2103(INL), Parlement Européen, 2017.

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