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L'eau, l'or bleu

L'hiver près du mont Assiniboine Lodge, BC, Canada. Doc Don Paulson.

Le cycle de l'eau (I)

On entend par "cycle de l'eau" les mécanismes relatifs aux phénomènes hydrologiques concernant les mouvements et le renouvellement des eaux sur Terre. Il existe en fait différents cycles de l'eau. On parle de cycle car ils sont perpétuels à l'échelle des hommes, ne présentant ni commencement ni fin.

Le cycle de l'eau au sens large obéit à des mécanismes très complexes, à la fois internes et externes, qui sont influencés par de nombreuses variables d'ordre physique et parfois chimique touchant les phénomènes météorologiques, géologiques, hydrologiques, etc.

C'est un sujet passionnant mais qui peut rapidement s'étendre sur des considérations très précises qui n'intéressent que les experts. Comme toute les sciences, l'étude de l'hydrologie et en particulier du cycle de l'eau doit se faire par étape, allant du général au particulier.

Nous insisterons donc progressivement sur des notions de plus en plus précises et détaillées afin de ne pas noyer d'emblée le sujet dans un flot de données disparates. Nous reviendrons donc parfois sur certaines notions mais ce sera pour préciser le sujet et non pas pour répéter ce qui a déjà été décrit.

D'expérience, nous savons que sous forme liquide l'eau s'évapore au Soleil, elle ruisselle sur la terre, érode les reliefs et façonne les vallées. Elle s'écoule vers la mer où elle s'évapore pour former des nuages qui à leur tour donneront des précipitations qui viendront lessiver les terres, alimenter les rivières et ainsi de suite. Ca c'est la version poétique et caricaturée du cycle de l'eau.

L'eau est également bénéfique aux organismes vivants. Sans insister sur son action biologique, sous forme de vapeur elle forme un écran protecteur contre les rayons UV et empêche la chaleur de s'échapper dans l'espace. Elle joue également un important rôle thermorégulateur entre les océans, la terre et l'atmosphère et participe aux mouvements des marées.

L'eau peut être douce ou salée, provenir des profondeur de la terre, stagner à sa surface ou rester en suspension dans l'air.

Voyons tout ceci en détails en commençant par le cycle interne de l'eau, celui qui se développe en surface et que nous connaissons tous pour subir sa loi. Nous verrons ensuite le cycle externe de l'eau, celui caractérisant les interactions entre les différents réservoirs d'eau.

A gauche, le schéma simplifié du cycle de l'eau reprenant le cycle interne (évaporation, condensation et précipitation) et le cycle externe (échange entre les océans et les mers, les eaux continentales de surface et souterraines ainsi qu'avec l'atmosphère et la biosphère). A droite, le cycle d'exploitation de l'eau tenant compte des différents circuits : production, distribution et épuration. Documents Aviso/CLS et CILE.

1. Le cycle interne de l'eau

Le cycle de l'eau est régis par trois mécanismes :

- l'évaporation

- la condensation

- la précipitation.

Puisqu'il s'agit d'un cycle sans fin, nous pourrions le prendre à n'importe quel étape du processus mais il est plus logique de l'expliquer à partir de l'étape où le rayonnement solaire déclenche l'évaporation.

A. L'évaporation

Il s'agit du passage de l'eau de l'état liquide à l'état gazeux (vapeur). Dans certaines circonstances on peut observer une sublimation, l'eau sous forme de glace passant directement à l'état de vapeur. L'évaporation est donc un phénomène physique régis par l'intensité du rayonnement solaire. Cette évaporation est d'autant plus élevé que le climat est chaud et sec, l'atmosphère jouant alors le rôle de véritable absorbeur d'humidité.

Ce phénomène est particulièrement frappant dans la mer Morte située à la frontière de la Jordanie, d'Israël et de la Cisjordanie dont une photographie est présentée ci-dessous.

Concrétions de sel (évaporites) sur les berges de la mer Morte provoquée par la forte évaporation du lac qui est aujourd'hui 8 à 10 fois plus salé que l'océan ! Document Chouvy.

Alimentée par le Jourdain, la mer Morte est située à 417 m sous le niveau moyen de la mer. Depuis environ 40000 ans, le régime des pluies a diminué, provoquant une forte évaporation du lac. Aujourd'hui la mer Morte contient environ 25% de sel soit ~275 g/l ! L'eau est tellement dense qu'on y flotte sans effort ! La densité de l'eau atteint même 1.33 à 350 m de profondeur avec 325 g de sel par kilo d'eau, ce qui représente une salinité de 325, alors que la salinité de l'océan n'est que de 35 en moyenne.

Les eaux de la mer Morte sont ainsi stratifiées, celles des profondeurs sursalées étant anoxiques (privées d'oxygène).

Depuis 1983, le sel (halite) précipite comme l'explique cet article. C'est ainsi que des dépôts salins (évaporites) s'accumulent sur toutes les berges et jusqu'à quelques mètres du rivage comme en témoigne cette autre photographie.

De manière générale, l'évaporation de l'eau se manifeste sur toutes les surfaces, sur les terres comme sur les océans et s'accumule sous forme de vapeur dans l'atmosphère. Les étendues liquides sont les principales sources d'humidité, suivies par la couverture végétale des forêts.

On parle d'évapotranspiration lorsque cela concerne l'évaporation de l'eau du sol et la transpiration des plantes (forêts, prairies, gazon, etc). Ce mécanisme est divisé en deux composantes : l'évapotranspiration réelle (somme des quantités de vapeur d'eau évaporées par le sol et par les plantes) et l'évapotranspiration de référence (quantité maximale d'eau susceptible d'être perdue en phase vapeur) par une couverture végétale spécifique).

L'étude de l'évaporation se base généralement sur l'analyse du bilan et de la gestion de l'eau par les plantes, sauf dans le cas de projets d'aménagement où l'eau est avant tout considérée sous son aspect de vecteur dynamique.

B. La condensation

Il s'agit du phénomène inverse de l'évaporation par lequel la vapeur passe à l'état liquide. Nous verrons en météorologie que poussées par des phénomènes d'instabilité, les particules d'air humide se refroidissent en s'élevant dans l'atmosphère. A une certaine altitude, fonction des paramètres météorologiques, elles arrivent à saturation et se condensent sur les noyaux de condensation (de fines particules de sel, de poussière, etc) pour former des gouttelettes d'eau ou de glace. Cette condensation est visible sous forme de nuages et est restituée aux sols et aux océans par le biais des précipitations.

C. Les précipitations

Il s'agit de la chute d'un ensemble de particules solides ou liquides. Les précipitations sont des effet associés à un changement de température ou de pression et leur fréquence comme leur ampleur varient en fonction des conditions climatiques.

Les précipitations dépendent du phénomène de coalescence des gouttes d'eau qui leur confère une masse plus ou moins élevée favorisant leur chute par gravité. Nous y reviendrons en détail en météorologie.

On parle de virga lorsque les précipitations n'atteignent pas le sol, s'évaporant au cours de leur chute. Les précipitations sont exprimées en litres ou mm/h ou encore en mm/m2 quand on considère la quantité d'eau précipitée.

Les précipitations sous forme liquide sont partiellement interceptées par le couvert végétal qui les restituent à l'atmosphère sous forme de vapeur à travers l'évapotranspiration. Les précipitations résiduelles atteignent le sol (terres ou océans).

A lire : L'eau dans l'atmosphère (météorologie)

Diagramme des différents changements d'état. En pratique, si nous analysons le bilan énergétique de la Terre, on découvre que chaque année à peu près 400000 km3 de l'eau des océans passent dans l'atmosphère sous forme de vapeur. A l'altitude et au lieu où les nuages se condensent, chaque gramme de cette vapeur libère 537 calories. On comprend mieux ainsi comment l'immense réservoir thermodynamique de l'atmosphère commande le climat. Document adapté d'une illustration du MNHN.

Mécanismes annexes

Plusieurs mécanismes annexes très complexes interviennent pour boucler le cycle de l'eau. Selon les conditions, l'eau parvenue jusqu'au sol peut s'évaporer à son contact, ruisseler sur la surface ou s'infiltrer sous terre.

L'eau qui ne stagne pas ou ne s'écoule pas en surface peut plonger dans les entrailles de la terre par percolation, formant localement des nappes souterraines. L'eau peut également être absorbée par certaines roches. Elle peut enfin s'accumuler dans le sous-sol, servant de source d'humidité aux végétaux et à la microfaune.

Si l'humidité est trop abondante, l'eau souterraine peut s'écouler à travers le sous-sol ou les cavernes et occasionnellement rejoindre la surface au niveau des sources ou des cours d'eau.

L'évaporation de cette eau contenue dans le sol, les cours d'eau et le couvert végétal ainsi que celle rejoignant les océans terminent le cycle de l'eau.

A. Interception et rétention de l'eau

Une bonne partie des précipitations, qu'il s'agisse de pluie ou de neige, n'atteignent pas le sol. Mais ne s'évaporent pas non plus. Il s'agit de l'eau interceptée et stockée au-dessus du sol par les végétaux et les bassins de rétention et autre dépression On estime que jusqu'à 30% des précipitations sont absorbées par les forêts, 25% par les prairies et 15% par les zones agricoles. L'effet induit par l'accumulation des précipitations dans les dépressions est très variable et difficile à quantifier. On sait seulement qu'il participe à un effet retard sur le démarrage des phénomènes hydrologiques au départ des bassins de rétention. Cet effet est marginal sous nos latitudes tempérées mais il peut représenter une variable importante dans les pays tropicaux à la végétation et la pluviosité abondantes.

B. Infiltration souterraine et percolation

Le "lake cave" dans la région de Margaret River dans l'Ouest de l'Australie.

Nous avons évoqué précédemment qu'une fraction relative importante de l'eau de surface s'infiltre sous la terre et s'écoule bon gré mal gré dans le sous-sol sous l'effet de la gravité et de la pression.

On parle de percolation quand l'infiltration se produit à grande profondeur et généralement en direction d'une nappe phréatique. 

Il ne faut pas imaginer une nappe phréatique à l'image d'une poche d'eau souterraine. Il s'agit généralement de roches poreuses dans les interstices desquels s'infiltre l'eau. Dans certains endroits de France notamment, un mètre cube de roche sédimentaire peut contenir jusqu'à 200 litres d'eau.

La capacité d'infiltration représente la quantité d'eau maximale qui peut s'infiltrer par unité de temps dans le sol et dans des conditions spécifiques.

L'infiltration est indispensable pour renouveler les réserves d'eau souterraines mais elle dépend de la fréquence et de l'intensité des précipitations. Cette infiltration peut également réduire les débits de ruissellement.

De l'eau dans le manteau

Plus étonnant, on sait aujourd'hui qu'il existe de l'eau dans la partie supérieure du manteau de la Terre, jusqu'à plus de 300 km de profondeur. Cette eau forme des nappes souterraines ou est prisonnière des roches. Dans le premier cas l'eau est exploitable, dans le second cas il faut broyer les minéraux pour l'extraire et cela n'en vaut pas la peine.

C'est à la jonction des plaques tectoniques, dans les zones de subduction, que l'eau est absorbée dans les entrailles de la Terre. Document Visdia/Getty.

Des études géologiques indiquent que de l'eau existe encore entre 400 et 660 km de profondeur, où certaines roches pourraient se comporter comme de véritables éponges (cf. la ringwoodite). Certains experts avancent même l'hypothèse que cette eau pourrait contenir des micro-organismes primitifs mais rien ne le prouve à ce jour.

Selon les spécialistes, cette eau cachée dans les entrailles de la Terre renfermerait une quantité d'eau équivalente à 3 fois celle de tous les océans ! Cette eau est dispersée dans la zone de transition et dans le manteau supérieur et sans doute de manière hétérogène. Son extraction est pour ainsi dire impossible vu les efforts et le coût financier que cela représenterait. Cette eau souterraine pourrait en revanche remonter en surface au cours des éruptions volcaniques. Inversement, sur le plancher océanique, au niveau des zones de subduction, les eaux disparaissent sous les plaque tectoniques et alimentent ce réservoir dans un cycle ininterrompu.

Selon une étude publiée dans la revue "Nature" en 2019, l'équipe de Chen Cai de l'Université Washington à Saint Louis a découvert que les zones de subduction et en particulier dans la Fosse des Mariannes, 3 fois plus d'eau que prévu est absorbé par le manteau par rapport aux quantités émises par les roches.

Selon les chercheurs, cette découverte bouleverse nos connaissances actuelles des océans. En effet, cela signifie qu'au cours des temps géologiques, la quantité d'eau contenue à l’intérieur de la Terre augmenterait au détriment de celle présente en surface. Or les observations montrent qu'à peu de choses près, les océans ont présenté la même forme depuis au moins 550 millions d’années. Selon Douglas Wiens qui participa à cette étude, soit le niveau des océans baisse effectivement en surface et l’eau est progressivement absorbée dans le manteau terrestre, soit les chercheurs ont sous-estimé les quantités d’eau rejetées en profondeur et leur extrapolation à toute la Terre doit être réévaluée. Bref les recherches continuent.

Deuxième partie

C. Ruissellement et écoulements

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