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Du satellite espion à Echelon

Le RESTORE Act (III)

La loi surnommée RESTORE Act (Responsible Electronic Surveillance That is Overseen Reviewed and Effective) introduite par la Chambre des Démocrates américains est entrée en vigueur le 15 octobre 2007.

Cette loi permet à la NSA d'intercepter légalement les milliards de communications internationales entre étrangers passant sur le territoire américain, ainsi que les communications au départ du territoire américain, y compris les terabytes d'informations du trafic Internet en transit vers d'autres destinations.

Les Etats-Unis, plaque tournante des télécommunications

Seuls les services de renseignements connaissent le volume exact des communications transitant sur leur territoire, mais si on en juge par la carte suivante dressée en 2005 par les experts de TeleGeography, une société experte en télécommunication, à l'échelle globale, les Etats-Unis sont devenus la plaque tournante et le point de chute de la majorité des communications téléphoniques internationales, devançant de loin tout le trafic pouvant transiter par voie terrestre, y compris par fibre optique.

Ainsi, la côte Ouest des Etats-Unis reçoit tout le trafic venant d'Asie du Sud-Est, de l'Inde, des Caraïbes et de la côte Est de l'Australie (Canberra-Sydney), tandis que la côte Est des Etats-Unis se partage non seulement tout le trafic trans-Atlantique avec l'Europe, mais est également destinataire du trafic venant d'Amérique du Sud, du Moyen-Orient (Israël, Arabie), de l'Europe de l'Est ainsi que de la CEI (région de Moscou).

Si la carte semble indiquer que les pays sous-développés ou en voie de développement sont totalement exclus du réseau global, l'image est trompeuse. Le trafic existe puisque tout le monde peu appeler de partout et utiliser Internet y compris dans les archipels de Polynésie, mais le trafic est relativement faible, même s'ils disposent de plus en plus de réseaux à haut débit.

La raison du rôle central des Etats-Unis est lié au prix des communications imposées par l'Union Internationale des Télécommunications (UIT) : plus le pays est petit et en développant, plus les communications internationales sont cher alors qu'en passant par un opérateur basé aux Etats-Unis, cela coûte moins cher que d'appeler directement un pays limitrophe.

Les routes alternatives

L'administration Bush estime que le volume des télécommunications augmente sur son territoire, d'où l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, alors que les experts en télécommunications de TeleGeography soutiennent au contraire que le trafic diminue.

Tout indique en effet que l'administration Bush se trompe une fois de plus et n'a aucune vision à long terme. La création de routes alternatives a commencé pour faire de la concurrence à la position dominante des Etats-Unis sur le marché. On peut s'attendre à ce que ce changement ne soit pas le bienvenu auprès des services de renseignements américains.

Carte des câbles sous-marins opérationnels en 2007. Document TeleGeography.

Partout dans le monde, se créent des noeuds de télécommunications locaux et régionaux. Parmi les plus grands, citons les échanges "locaux" d'informations entre Londres et Hong Kong qui représentent un réseau émergeant entre l'Europe et l'Asie, duquel sont exclus les Etats-Unis.

De même, de nouveaux câbles de fibre optique ont été tirés entre tout le pourtour de l'Europe et le nord comme le sud du Japon afin de divertir le trafic des routes trans-Amériques. Même la France va probablement tirer un câble transpacifique.

En parallèle, d'autres nations sont en train de construire leur propre réseau d'échanges par Internet, tel l'Afrique du Sud qui passe de moins en moins par les Etats-Unis ou l'Europe.

Il fallait s'attendre à cette réaction, d'une part du fait que les nations développées en ont marre de l'hégémonie américaine et dans la mesure où le secteur privé va toujours choisir la solution la moins cher, et dans ce cas-ci c'est la fibre optique. Si elle en a les moyens financiers, elle peut même au besoin créer une société multinationale aux seules fins d'étendre son réseau privé et payer ses investissements à prix coûtant plutôt qu'au prix du marché de détail, comme l'envisage actuellement GoogleNET par exemple.

Légaliser les écoutes

Avec le RESTORE Act, qui n'est qu'un effet de plus des attentats du 11 septembre 2001, la NSA a dorénavant tout pouvoir pour surveiller légalement les télécommunications entre les citoyens américains et le reste du monde dans le cadre du "Terrorist Surveillance Program".

Jusqu'à présent les écoutes de la NSA restaient sous le contrôle d'une Cour de justice discrète dédiée à l'espionnage mais les activités de la NSA étaient toujours considérées comme illégales dans le cadre de la loi. 

Aussi, en août 2007, le Congrès avait temporairement vôté une mesure d'urgence mais elle expire en février 2008. Le RESTORE Act des Démocrates étend dont cette mesure indéfiniment tout en comportant quelques gardes-fous contre les abus. C'est du moins l'esprit de la loi. 

Selon Stephan Beckert, directeur de recherche chez TeleGeography, la NSA dispose d'au moins trois buildings à partir desquels elle peut surveiller le trafic international : il y a 1 Wilshire à Los Angeles, 60 Hudson à New York et le NAP of the Americas à Miami.

La NSA peut bien essayer de contrer le terrorisme, elle en a les moyens avec son réseau Echelon, mais il n'empêche que sa tâche va devenir de plus en plus difficile à l'heure des réseaux privés virtuels sécurisés (VPN) qui peuvent mélanger des technologies comme l'encryption, la fibre optique, les proxies serveurs et les réseaux hertziens ondes-courtes pour échanger leurs informations en passant littéralement entre les mailles du filet. Mais bon, comme l'on dit, à choisir entre deux mals, choisissons le projet de la NSA s'il peut nous aider, sinon à éradiquer du moins à contrôler les organisations terroristes.

Quand renseignement est synonyme de pouvoir

Si les Etats-Unis ont légalisé les écoutes du trafic téléphonique au sens large pour lutter contre le terrorisme (et, soi dit entre-nous, pour surveiller d'un plus près les organisations dites subversives), de manière générale, les activités des agences de renseignements entrent en violation avec les Droits de l'Homme et la liberté d'expression. Cela soulève la question que nous avons soulevée au début de cet article de savoir pourquoi un Etat accepte-t-il ainsi de se laisser espionner et quel pouvoir a-t-il pour empêcher ces agissements ?

Le E3-Sentry AWACS (Airborne Warning and Control System) de l'US Air Force a pour mission d'assurer une surveillance tout-temps de l'espace aérien. Il assure le commandement, le contrôle et les communications nécessaires aux Etats-Unis ainsi qu'aux forces Alliées dans le cadre des missions de l'OTAN. Document AFRL.

Les outils électroniques mis à la disposition des agences de renseignements sont de puissantes caméras, des télescopes ou des antennes dont les performances sont égales à celles utilisées par la NASA. Nous avons vu que les télescopes Keyhole sont par exemple capables de distinguer des détails de 10 cm au sol depuis un poste d'observation situé à 300 km d'altitude et les antennes alliées à de puissants systèmes DSP sont capables de détecter les communications émises avec quelques milliwatts par votre GSM, même lorsque le signal est noyé dans le bruit de fond. Mais si les satellites sont capables de voir un objet jusqu'au boulon de serrage d'un container, ils sont incapables de déterminer ce qu'il contient.

C'est ici que l'électronique trouve ses limites et doit s'appuyer sur un réseau d'espions qui, comme jadis, travaillent sur le terrain en quête d'information.

Les services de renseignements sont des soldats soumis au pouvoir politique. Si un petit pays comme la France, riche en l'occurrence, a maintenu une position forte à travers le monde tout au long du XXe siècle, c'est parce qu'elle dispose d'un service de contre-espionnage efficace, et naturellement de services d'écoute. Et tous les pays du monde aujourd'hui, agissent de même, du Mossad israélien au BND allemand.

Selon Duncan Campbell, il y aurait 50 pays dans le monde qui disposeraient d'un forme de réseau structuré d'écoute intégré à leur défense et à leur service de renseignement. Les plus importants pays sont l'Angleterre et les Etats-Unis, ainsi que la Chine, la Russie, l'Allemagne, la France et Israël. La Belgique, l'Espagne ou l'Italie ne sont pas en reste et disposent chacun d'un service de sécurité intérieur en liaison avec le Ministère des affaires étrangères dont les activités sont plus que discrètes. On découvre parfois leurs actions lorsqu'un avion militaire atterrit à l'improviste sur un aérodrome avec les valises diplomatiques d'un chef d'état étranger ou lorsqu'une série de voitures plus ou moins banalisées passent sur l'autoroute à grande vitesse escortées par quelques gyrophares. A ce moment là, on se dit que tout le monde n'est pas soumis aux mêmes lois.

Des systèmes d'interceptions électromagnétiques à des fins militaires ou civiles sont vendus dans bien d'autres pays d'Asie du Sud, d'Amérique du Sud, etc. L'Inde et le Pakistan utilisent par exemple ce type de système dans le conflit qui les oppose. Par ses actions délictueuses, plus d'un fois le Pakistan a été exclu du Commonwealth. Depuis les attentats du 11 septembre 2001 et la pression des grandes nations occidentales, il est revenu à une attitude politique plus raisonnable.

En matière d'espionnage, il n'y a pas d'ami ou d'ennemi car cette notion est variable dans le temps. On est donc obligé de se tenir prêt à intercepter des messages de pays dits amis car ils peuvent engager des opérations qui, même en tant qu'amis, peuvent nuirent à vos intérêts.

Le Département américain de la Défense exige que les antennes tactiques soient légères, sécurisées, capables de fonctionner en réseau, multi-bandes, versatiles (multi-missions), équipées de moyens anti-brouillage et offrant la possibilité de transmettre la voix, les images et des données. A gauche, l'installation d'une antenne satellite SHF USC-60A dans le cadre des opérations JMAST (Joint Mobile Ashore Support Terminal) de l'OTAN à Tbilisi. Reliée à l'infrastructure située à l'arrière-plan, ce système est autonome et mobile. Il assure sur le terrain les fonctions de contrôle, de communication, informatique et de renseignement centralisés (C4I). Il assure également de manière sécurisée tout le traffic par Internet, téléphone, radio, télévision et les visioconférences ainsi que l'exige le DoD. Au centre, un soldat du 22eme corps des Marines équipé de moyens de communications VHF portables communiquant les mouvements au sol au Control Point durant les opérations en Iraq en 2003. Plusieurs parmi ces militaires étaient également radioamateurs et ont établi durant leurs loisirs des liaisons HF avec l'Europe et les autres continents. A droite, l'installation d'une parabole SHF légère durant l'exercice ACOM qui s'est tenu à Barbers Point Coast Guard Base. Documents U.S.Navy et A.F. Link.

Nous avons vu qu'à travers le réseau Echelon, les Etats ne fixent aucune limite à l'extension de leur système d'interception des télécommunications. Que l'information transite sous la mer, par voie terrestre ou par les airs, à dix kilomètres de distance ou aux antipodes il existe un moyen de les intercepter. Ces méthodes qui peuvent faire appel à des paraboles satellite tout autant qu'à des réseaux d'antennes VLF ou HF sont un moyen d'accéder à l'information, au renseignement, et finalement, au pouvoir.

Aussi, les différentes enquêtes parlementaires et plaintes de particuliers ne pourront vraisemblablement pas aboutir ou partiellement seulement. Tout le monde s'écoute, donc personne ne peut réellement dénoncer son voisin au risque de se voir soi-même montré du doigt ! Mais nous verrons que le législateur européen a malgré tout prévu des outils légaux pour protéger les citoyens même s'il ne s'oppose pas à la création d'un Echelon européen.

Prochain chapitre

Procédure de traitement et d'analyse de l'information

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