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En hommage à Galilée

Galilée faisant une démonstration de sa lunette astronomique à Leonardo Donato, le Doge de Venise en 1609. Cette fresque de 4.91m x 2.38 m peinte par Guiseppe Bertini en 1858 est exposée dans le Hall d'honneur de la Villa Andrea Ponti à Varèse.

Journal d'un découvreur (II)

Galilée était un praticien avant d'être théoricien et ne se souciait pas des lois de l'optique. Il cherchait simplement à perfectionner le tube optique qu'il avait construit, qu'il voulait polyvalent, adapté à la fois à l'observation terrestre et astronomique.

Bien qu'à grossissement égal la lunette astronomique de Kepler offrait un champ deux fois supérieur à son modèle, près d'un an après Lippershey et après de nombreux tâtonnements, Galilée présenta sa lunette hollandaise en public, offrant son premier modèle grossissant 3 fois aux Altesses Sérénissimes de Venise le 23 août 1609.

Mais son invention reçu un accueil très mitigé, les savants clamant que sa lunette ne créait rien d'autres que des illusions d'optique auxquelles il était vain de prêter attention.

En réalité, si certains intellectuels appréciaient le travail de Galilée, ils étaient peu inclin à remettre en question le dogme et la philosophie naturelle d'Aristote et pour tout dire à devoir éventuellement affronter l'Inquisition s'ils approuvaient les thèses de Galilée... L'époque n'était pas favorable aux libres penseurs, encore moins aux hérétiques.

Début 1610, constatant les faibles performances de son premiers tube optique grossissant 3 fois, Galilée élabora un instrument plus puissante. Les quelques tubes optiques qu'il avait construit jusqu'à présent pour réaliser ces premiers essais utilisaient de très petites lentilles d'environ 35 mm de diamètre et de plus de 880 mm de focale (f/24) et parfois beaucoup plus. Le grossissement ne dépassait 8 fois.

Si le champ réel atteignait en théorie 3°, en pratique il était parfois réduit pour supprimer les aberrations en périphérie et il devenait excessivement en raison de la grandeur du rapport focal. Galilée devait donc à la fois augmenter le diamètre des objectifs, soigner la qualité des lentilles et améliorer la qualité des oculaires pour obtenir des images plus lumineuses. Finalement, il s'avéra que la qualité de la lentille objectif était plus importante que celle de la lentille oculaire, même si toutes les deux étaient essentielles.

C'est à cette époque que Galilée remplaça l'objectif plan convexe de 37 mm f/24 par une lentille biconvexe de 51 mm et 1330 mm de focale (f/26). Il remplaça également l'oculaire divergeant par un oculaire plan convexe de 91 mm de focale et de 26 mm de diamètre et disposait d'un second deux fois plus court.

Fabriqué en carton, papier florentin et décoré avec goût, ce nouveau tube optique de couleur rouge et dorée avec un cachet très bourgeois. Le système procurait un grossissement de 15 et de 30x. Galilée disait à qui voulait l'entendre que son instrument grossissait mille fois plus que la vision naturelle.

Même si le champ réel était 30% plus étroit que celui de l'instrument précédent (1°13' à 30x contre 2°52 à 8x auparavant), il avait gagné en clarté et en grossissement et espérait en tirer profit pour observer le ciel dans de meilleures conditions. Technicien habile, Galilée ne s'y trompait pas.

Ci-dessus, panorama de Florence (depuis la Piazzala Michelangelo) où Galilée vécut une partie de sa vie. Voir également ce panorama au coucher du Soleil photographié depuis le Ponte Santa Trinita. Ci-dessous les différentes maisons de Galilée à Florence. A gauche, la maison Costa San Giorgo sur la rive gauche de l'Arno, près de Forte Belvedere. A sa droite, sa maison d'Arcetri, un petit village situé sur la rive gauche de l'Arno et à l'époque à 2 km au sud de Florence. Les deux dernières photos représentent la Villa il Gioiello (Le Joyau) au N°44 Via del Pian dei Giullari à Arcetri. C'est la maison d'arrêt où Galilée passa la fin de sa vie en résidence. Documents Dreamstime, Suzanne Aigrain, Ann Reavis et Leo.

La première révélation

S'étant volontairement réveillé avant l'aube en ce 16 février 1610, Galillée voulut une dernière fois observer le dernier quartier de Lune avant de signer le bon à tirer de son nouveau livre "Sidereus Nuncius", Le Messager Céleste, afin de confirmer l'exactitude des dessins qu'il avait préparés pour illustrer ce petit livre.

En ce petit matin glacial auquel Galilée avait du mal à s'habituer, la Lune brillait d'un vif éclat au sud-sud-est. L'oeil aguerri de Galilée nota également la présence de Mars un peu plus bas sur l'horizon; sa couleur orange ne laissait planer aucun doute sur sa nature. Mais il en avait déjà fait l'expérience, son tube optique ne révélait rien de particulier car la planète Rouge était trop lointaine et trop petite.

Jusqu'ici Galilée avait rarement observé les phases descendantes de la Lune car ces phases s'observaient uniquement aux petites heures du matin et il lui était difficile d'être matinal quand il se couchait déjà tard après avoir passé ses nuits à observer le ciel. Mais tiraillé par l'envie de comprendre ce qu'étaient les taches qu'il observait depuis plusieurs mois sur la Lune, le ciel étant clair, cette fois il ne pouvait manquer cette opportunité et écourta son sommeil pour l'occasion.

A gauche, Galilée expliquant ses découvertes à deux cardinaux. Peinture de Jean-Leon Huens sur commande de la National Geographic Society pour son édition de Mai 1974. Au centre, premières observations des satellites de Jupiter entre les 7 et 10 janvier 1610 dont Galilée fera une description détaillée dans son livre "Sidereus Nuncius" (Le Message Céleste) publié deux mois plus tard. Document U.Michigan où vous trouverez une explication détaillée de cette lettre. A droite, le ciel d'Arcetri le 16 février 1610 à 5h30h TU. C'est le dernier quartier de Lune. Simlulation réalisée par T.Lombry avec Stellarium.

Galilée prépara son tube optique, pris ses deux oculaires et descendit sur la terrasse. Il était 6h30 locale, la Lune était dans le scorpion et baignait silencieusement les collines d'Arcetri dans un éclat blafard.

Galilée tourna son tube optique vers la Lune et fut heureux de s'être levé tôt. Le visage clair-obscur de la Belle de nuit qu'il avait maintes fois observé le rassurait mais l'étonnait encore. Il reconnaissait ses formes mais au grossissement de 30 fois qu'il utilisait, la Lune se dévoila sous un tout autre aspect.

Grâce au nouvel objectif et un oculaire plus puissant et plus lumineux, il embrassait comme il l'avait calculé l'ensemble du disque lunaire. L'image était particulièrement claire. Imaginez qu'il voyait dans son oculaire une demi-Lune qui devait ressembler à celle simulée à gauche.

L'image était droite et le champ d'environ 1°, révélant les principales structures lunaires. Du fait qu'il utilisait une lentille simple, l'image présentait de fortes aberrations chromatiques, irisée de rouge et de bleu et était légèrement floue du fait que tous les rayons ne focalisaient pas au foyer. Ceci dit, la Lune devait briller d'un bel éclat dans ce matin clair, beaucoup plus fort que sur cette photo.

En ce dernier quartier de Lune, 22e jour de la lunaison, bien qu'illuminée à 46% seulement, son disque était à ce point brillant, que lorsque Galilée détournait le regard, l'oeil qu'il utilisait donnait une image assombrie de la terrasse. Sa luminosité était telle qu'elle portait même de l'ombre. L'éclat de la Lune était vraiment éblouissant ! Sa magnitude était en ce moment voisine de -11.8. De temps en temps Galilée essaya d'utiliser son oeil gauche, mais il revint par habitude à son oeil maître.

En scutant de près la surface lunaire, Galilée découvrit que le globe de la Lune présentait des taches sombres et des échancrures profondes sur le terminateur et au sud. Ailleurs sur le limbe, d'innombrables taches sombres ressemblant à des mers, des pics et des cirques de toutes tailles parsemaient le paysage baignant dans la lumière du Soleil.

Galilée savait que Léonard de Vinci avait observé le croissant de la Lune et peut-être Johann Fabricius mais aucun d'eux n'avait découvert les cratères qui parsemaient sa surface.

Lorsque la turbulence se stabilisait le spectacle devenait enchanteur; brusquement tous les reliefs se figeaient et découvraient leurs moindres détails; il y avait de tout petits cratelets à peine discernables, très brillants, aux contours réguliers et des bassins titanesques, aux parois éboulées au centre desquels on distinguait une sorte de pic central. Galilée dut éprouver un grand plaisir à observer ainsi la surface lunaire, une sensation que nous partageons encore toutes et tous aujourd'hui.

Tout en observant la Lune, Galilée se perdit dans ses réflexions. On pourra dire ce qu'on veut pensa-t-il, mais la philosophie antique est désaccordée... Si le langage est un signe de connaissance comme le disait Platon, ce que je n'ai noté au cours de ces nuits représente l'essence de la réalité, la Vérité. Les rues de Pise et de Venise connaîtront bientôt le véritable visage de la Lune et ni les Pères de Saint Marc à Florence ni ceux de Rome ne pourront refuser mes conclusions.

Le professeur qui se débattait entre la philosophie naturelle d'Aristote et les préceptes de l'Eglise ne reconnaissait pas dans la sphère parfaite de la Lune une existence liée à une cause formelle, le corps achevé dont parlait les Anciens. En ce matin là Galilée avait l'esprit vif, celui d'un homme cultivé curieux des choses de la nature qui voulait de nouvelles réponses à ces questions.

Comme pour se préserver des foudres que son audace allait déclencher mais s'écarter résolument de la philosophe naturelle, il conclut : je suis persuadé que ce savoir cache des richesses et ceux qui l’acquièrent s’attirent l’amitié de Dieu. Mais je ne crois pas Aristote qui considérait l'ordre naturel comme l'ultime recours pour expliquer la nature du système de la Lune. Dieu seul sait si ces reliefs et ses taches claires ne sont pas le résultat d'une action mécanique. Et Galilée continua à réfléchir tout en s'émerveillant devant la réalité qu'il découvrait.

A gauche, dessins de la Lune (dernier et premier quartier) publiés par Galilée dans son "Sidereus Nuncius" en mars 1610. A droite, les photos modernes correspondantes. Quel est ce grand cratère visible dans la partie centrale sud de la Lune ? Il n'existe pas de cratère équivalent de cette taille comme le confirme la carte lunaire du NGS et la photo composite prise par LRO. Il est étonnant que Galilée n'ait pas été très précis cette fois là. A cet endroit il n'y a que Ptolémée et Alphonse ayant une taille imposante. Éclairé sous le même angle, Alphonse paraît plus profond et plus net et correspondrait aux dessins. En second choix, Galilée a peut être dessiné Maginus ou Orontius et Saussure dont les planchers respectifs étaient plongés dans l'obscurité et semblaient fusionnés. Si le dessin du PQ fut réalisé 1 jr après le PQ, il peut s'agir de Tycho mais il est beaucoup plus petit ou Clavius, mais tous deux sont un peu trop au sud même en tenant compte de la libration. Dans tous les cas, Galilée interpréta ce qu'il vit car la position et les dimensions du cratère ne sont pas exactes.

Si la théorie des taches lunaires des Anciens considérait que la Lune était un astre parfait mais de densité inégale, Galilée ne partageait plus vraiment ces idées et commençait à s'éloigner de l'enseignement d'Aristote.

Dans son esprit, sauver la perfection du Monde céleste n'était pas une explication suffisante et réaliste. Il se rappelait que Plutarque avait expliqué la nature des taches sombres, les considérant comme des dépressions profondes, des rivières ou de profondes gorges sur la surface de la Lune et que certaines d'entre elles étaient si profondes que la lumière du Soleil ne pouvait les éclairer. Galilée partagea une idée similaire et son optique lui en apportait des indices supplémentaires. Il considérait que le système de la Lune ne devait, après tout, pas être différent des paysages d'Arcetri ou de Pise; il devait être altérable et soumis aux caprices du temps.

Parfois Galilée détournait le regard pour observer l'astre opalescent à l'oeil nu. Il voulait se rassurer et être certain qu'il observait bien le même objet, que tout cela n'était pas une illusion comme le pensaient certains gentils. Mais Galilée non plus n'en croyait pas encore ses yeux tellement la réalité était extraordinaire.

Portant à nouveau l'oeil à l'oculaire, Galilée constata que de nouvelles montagnes brillantes situées près du terminateur de la Lune disparaissaient dans l'ombre à mesure que l'heure avançait. Le phénomène inverse se produisait au Premier quartier. Galilée se dit que les habitants de la Lune devaient sans doute se coucher avec le Soleil et se lever avec le Premier quartier. Près du limbe à l'inverse, les grands cratères escarpés perdaient tout relief dans la lumière du jour qui les frappait de face et ils devenaient méconnaissables, d'une totale blancheur. Ailleurs quand l'ombre traversait les mers, on pouvait distinguer des centaines de petits cratères pas plus gros qu'un point d'imprimerie et localement de véritables chaînes de montagnes qui devaient être aussi hautes que les Apennins. Mais le plus étonnant étaient les réseaux de rayons qui apparaissaient à la pleine Lune, comme si une force herculéenne avait localement frappé le visage de la Lune éjectant les débris dans toutes les directions. On pouvait suivre les traînées blanches à travers les mers et les reliefs sur la moitié de la surface lunaire.

Les dessins de la Lune réalisés par Galilée.

Galilée se dit alors que si la Lune était bien une sphère, elle n'était décidément pas une sphère parfaite. Non pas qu'il y ait des taches dessus, les Aristotéliciens pouvaient encore invoquer différentes explications, quoique insoutenables devant l'évidence, mais là, sous ses yeux, il avait la preuve évidente que c'était un objet identique à la Terre, avec ses mers, ses montagnes et ses vallées étroites. Seule la couleur et peut-être la végétation différenciait les deux astres. Cette fois Galilée en était certain et il se mit à faire des croquis de ce qu'il observait afin que tous puissent juger sur des faits et partager ses découvertes, pensant en particulier à son ami le Grand-Duc Ferdinand II de Toscane et aux cardinaux de la Curie romaine dont son ami Bellarmin.

L'aube se leva et avec elle une nouvelle journée commençait, riche et aussi claire que ses théoires qui à présent prenaient formes. Galilée fit ses derniers dessins à l'encre et les inséra dans les pages de son "Sidereus Nuncius". Il le dédia à son Altesse Sérénissime Come II de Médicis, le Grand-Duc de Toscane, son fervent supporter et argentier grâce auquel notamment il avait obtenu la chaire de mathématiques de l'Université de Padoue en 1589. L'ouvrage fut publié en latin en mars 1610 et constitua l'une des toutes premières leçons d'astronomie.

A consulter : Sidereus Nuncius, U.Strasbourg

Le livre original de 1610 numérisé

Le "Sidereus Nuncius" dont voici la version numérique moderne (version OCR, PDF en italien et latin et un extrait en français) encore appelé Le Messager Céleste ou Le Messager des Etoiles, est un petit opuscule contenant 24 pages. Galilée y discute des reliefs qu'il avait découvert sur la Lune, des cratères, des montagnes et des vallées; des amas nébuleux et des étoiles inconnues des Anciens; et bien évidemment des lunes de Jupiter auxquelles il consacre l'essentiel du texte.

Après la publication de son livre, Galilée s'attacha aux autres corps célestes, notamment Jupiter et Saturne, ainsi qu'à toutes les questions de mécanique et de statique qui le préoccupaient depuis des années. Il se donnait quelques années pour achever son projet, le temps de réaliser ses expériences, de mettre ses notes à jour et de trouver une explication à toutes les choses qu'il découvrait, notamment à propos du mouvement des corps et de l'orbe des planètes. Vénus en particulier le préoccupait.

Prochain chapitre

Le croissant de Vénus

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