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La Lune, fille de Gaïa
Les visages de Séléné (I) Notre plus proche voisine dans l'espace a longtemps été un objet de mystère et en même temps d'émerveillement. Sa clarté opalescente a auréolé les couples d'amoureux épris de romantisme; pour les astronomes amateurs son curieux visage attirait l'attention et l'évolution des phases lunaires leur permet encore aujourd'hui de se familiariser avec les techniques d'observation; pour les hommes de science sa présence, son origine, ses phases répétées et son aspect les intriguaient. A l'époque d'Aristote, vers 350 avant notre ère, les philosophes se demandaient déjà ce que représentaient les taches sombres qu'ils observaient sur la Lune. En effet, dans le cadre de la perfection du monde supralunaire, elles posaient problème et semblaient indiquer que la Lune avait été en quelque sorte "contaminée par le royaume de la corruption", la Terre. Un peu plus de quatre cents ans plus tard - entre 70 et 100 de notre ère -, le philosophe romain d'origine grec Plutarque exprima un avis différent dans son livre "De la face qui apparaît du disque de la Lune". Il pensait que la Lune présentait des dépressions profondes que ne pouvait atteindre la lumière du Soleil et que les taches n'étaient rien d'autre que les ombres des rivières ou de profondes gorges. Il soutint également l'hypothèse que la Lune était habitée. Son idée sera critiquée par l'écrivain Lucien qui écrivit vers l'an 150 une satire dans laquelle il imagina un voyage vers la Lune, qui était habitée tout comme l'était le Soleil et Vénus. Mais pour sauvegarder la théorie du ciel des Anciens grecs, les philosophes pensaient plutôt que la Lune était une sphère parfaite et inaltérable. Ils imaginaient que la Lune était soit une étendue d'eau ou un miroir parfait qui réfléchissait le paysage terrestre. Mais cette explication était insuffisante car à mesure que la Lune se déplaçait devant la Terre le visage de la Lune, lui, restait inchangé. On imagina alors que les taches devaient être des vapeurs situées quelque part entre la Terre et le Soleil. Ces taches étaient véhiculées par la lumière du Soleil jusqu'à la Terre. Mais une autre explication fut finalement imaginée pour "sauver les phénomènes" : la Lune présentait des variations de densité qui lui donnaient cet aspect irrégulier mais permanent. De cette manière le monde de la Lune restait parfait et la théorie du ciel était préservée. Moralité, il y a déjà 2000 ans une théorie ne devait pas nécessairement être vraie pour être acceptée ! Finalement ce sont les astronomes arabes puis européens qui ont essayé de donner un sens aux taches d'Aristote. Mais lorsque Kepler puis Galilée inventèrent la lunette astronomique, les astronomes se rendirent vite compte que toutes leurs théories étaient farfelues. La surface de la Lune était altérable comme la Terre, visiblement couverte de cratères et de montagnes. C'est leurs découvertes ainsi que celles de leurs émules que nous allons à présent décrire. Voici le sommaire de cet article ventilé sur 6 pages : - Les visages de Séléné, rumeurs et traditions, observation de la Lune au télescope, généralités (cette page-ci) - La formation de la Lune, l'âge de la Lune, structure interne de la Lune, p3 - Y a-t-il de l'eau sur la Lune ?, la Lune a-t-elle un champ magnétique ?, p5 - Evolution géologique, les découvertes récentes, p6. Avant de commencer, rappelons les vérités cachées sous certaines expressions concernant la Lune afin de rappeler la poésie qui entoure la Belle de nuit mais aussi pour de taire certaines rumeurs. A voir : Rotating Moon from LRO Cartographie de la Lune par LRO (Lunaserv) - Moon Trek A télécharger : Atlas Virtuel de la Lune
Rumeurs et traditions On dit beaucoup de choses à propos de la Lune, et notamment de son soi-disant effet sur notre humeur, sur les plantes ou les dates de naissance. On y reviendra lorsque nous discuterons de l'astrologie. Rappelons seulement les qualificatifs qui la concernent et qui font aujourd'hui partie de la tradition et du folklore mais dont l'interprétation laisse parfois à désirer. La "pleine Lune du Loup" La toute première pleine Lune de l'année est connue dans de nombreuses cultures sous le nom de "pleine Lune du Loup", ce qui est approprié compte tenu des liens profonds et anciens entre les loups et la pleine Lune de janvier. Ainsi, le mot gaélique pour janvier, Faoilleach, vient du terme faol-chù désignant les loups, même si les loups n'existent plus en Écosse depuis des siècles. Le mot saxon pour janvier est Wulf-monath, ou Mois du Loup. Au Japon a lieu en janvier un festival en hommage au dieu loup, Ooguchi Magami. Les indiens Sénèque lie si fortement le loup à la Lune qu'ils croient qu'un loup donna naissance à la Lune en hurlant dans la nuit. Pourquoi les loups sont-ils si étroitement associés à la pleine Lune de janvier ? La réponse la plus évidente est que les loups sont beaucoup plus bruyants et visibles en janvier, date à laquelle commence la saison de reproduction. Les loups commencent à hurler plus fréquemment et de manière plus agressive pour établir leur territoire, menaçant voisins et ennemis de rester loin de leurs aires de reproduction. Une petite meute de loups peut même essayer de se faire passer pour une meute plus grande en hurlant ensemble. Alors qu'un loup solitaire peut hurler pendant une seule respiration, une meute entière peut hurler à l'unisson pendant plus de deux minutes pendant la saison de reproduction. S'il est logique que les hurlements obsédants des loups soient plus impressionnants et mémorables en janvier, comment les loups en sont-ils venus à être associés à la pleine Lune elle-même ? Tout le monde connaît l'image emblématique du loup levant la tête et hurlant à la pleine Lune – mais les loups hurlent-ils réellement à la Lune ? Bien que cela ressemble à une idée romantique, il n'existe aucune preuve scientifique reliant les loups au cycle lunaire. Les humains ont peut-être commencé à associer les loups à la Lune simplement parce que ce sont des animaux nocturnes très actifs la nuit. De plus, les loups lèvent la tête vers le ciel afin que leurs hurlements puissent parcourir de longues distances pour atteindre leurs compagnons de meute lorsqu'ils se déplacent. Au lieu de hurler à la Lune, ils hurlent pour leurs amis de meute. En fait, les loups sont si connus pour leurs communautés très unies que les indiens Sioux ont appelé la pleine Lune de janvier "la Lune où les loups courent ensemble". Le loup est souvent considéré comme un symbole de loyauté et de protection dans de nombreuses cultures. On dit que la "Lune du Loup" est le moment idéal pour tendre la main à vos proches et réaffirmer vos liens et les consolider pour relever ensemble de nouveaux défis au cours de l'année à venir. Ceci dit, les loups solitaires sont également tout à fait capables de surmonter seuls des conditions hostiles grâce à leur ingéniosité. Selon la mythologie celtique, le loup est imprégné du pouvoir lunaire, qui fait référence à sa capacité à dénicher des idées ou des connaissances cachées et à détecter des sources de danger inattendues. Dans certaines légendes, le loup avale même le Soleil pour pouvoir profiter de la puissance lunaire débordante de la Lune ! Enfin, on dit également que la "pleine Lune du Loup" est le moment idéal pour planifier intelligemment des tâches afin d'atteindre vos objectifs pour l'année à venir. Autrement dit, faites confiance à votre instinct de loup lorsqu'il s'agit de prendre des décisions, mais soyez également tenace dans la recherche de savoirs utiles qui vous aideront à réaliser vos objectifs. La "super Lune" Le terme "super Lune" est un néologisme inventé par l'astrologue américain Richard Nolle en 1979. il proposa ce nom pour décrire à la fois une nouvelle Lune ou une pleine Lune se produisant au périgée ou à proximité (< 10% de la distance), c'est-à-dire au plus près de la Terre où sa distance moyenne est de 384000 km (mais ce n'est pas sa distance minimale qui varie entre 356000 et ~354000 km qui s'est présentée en 1948, 2016 et la prochaine fois en 2034). C'est ensuite la NASA qui reprit l'expression dans un article de vulgarisation, validant ainsi son usage. Cependant, en théorie la "super Lune" désigne uniquement la pleine Lune qui se produit au périgée où elle peut-être jusqu'à 14% plus grande et 30% plus lumineuse qu'à l'apogée. C'est l'occasion idéale pour l'observer et la photographier au télescope. A consulter : Les dates de "Super Lune" - Perigee-Apogee - Distance de la Lune
La super Lune se décline en plusieurs catégories : la Lune des Moissons, la Lune bleue, la Lune des fraises et la Lune rose. La "Lune des Moissons" La Lune se lève en moyenne 50 minutes plus tard chaque soir, donnant l'impression de reculer progressivement dans le ciel. Les astronomes amateurs doivent le voir comme une opportunité car ils savent ainsi que la Lune qu'ils voyaient très tôt le matin finira par être visible en début de nuit ou si elle si elle se couche trop tôt il suffira d'attendre quelques semaines pour l'observer le matin.
Au cours d'une année, la pleine Lune se lève d'un mois à l'autre avec un retard qui varie entre 70 minutes en janvier et seulement 30 minutes en septembre. Selon la tradition, ce minimum annuel correspond à la pleine Lune la plus proche de l'équinoxe d'automne (qui tombe entre le 20 et le 24 septembre selon les années), c'est-à-dire l'instant où la longitude apparente du Soleil est égale à 180°, et est appelé la "Lune des Moissons". Elle se situe toujours entre le 10 et le 25 septembre. En cette période automnale où les jours raccourcissent à vue d'oeil, avec une magnitude apparente de -12.7, la pleine Lune est tellement brillante qu'elle porte de l'ombre, la "Lune des Moissons" permettant aux fermiers de continuer à travailler jusque tard dans la nuit pour récolter leurs dernières moissons avant de se résoudre à utiliser l'éclairage artificiel. Il est certain qu'à l'ère de la "fée électrique", les fermiers et tous les amateurs de la faune nocturne n'y font plus attention et voient cette dénomination plus comme une figure poétique qu'un rappel utilitaire. Dans un autre domaine, les pilotes civils et militaires profitent également de cette pleine Lune particulièrement brillante pour réaliser des vols de nuit pour ainsi dire à vue si le temps est clément. En pratique, ainsi que le montre bien l'image présentée à gauche, comme toutes les pleines Lune, la "Lune des Moissons" peut prendre une teinte jaune voire rougeâtre lorsque l'astre est très bas sur l'horizon, et cela n'a bien sûr aucune relation avec une éventuelle éclipse lunaire, mais le simple effet de la réfraction et de la diffusion de la lumière dans l'atmosphère (comme dans le cas du Soleil et des étoiles brillantes). La "Lune bleue" L'année civile comprend habituellement 12 lunaisons ou pleine Lune. Mais le cycle lunaire étant un plus court que le cycle mensuel du calendrier civil, il arrive que la pleine Lune soit visible un 13e mois lunaire au cours de l'année civile.
Chaque saison comprend 3 mois et généralement 3 pleine Lune. Quand on observe une 4e pleine Lune, la troisième est appelée la "Lune bleue". Cela s'est notamment produit le 21 août 2013. Ce type de phénomène se produit au moins une fois tous les deux ou trois ans. Certains considèrent que la 2e pleine Lune d'un mois est également appelée "Lune bleue". En fait, il s'agit d'une erreur publiée dans l'édition de Mars 1946 de la revue "Sky & Telescope" qui a été reprise et reprise... De la même manière, le mois de février comptant 28 ou 29 jours et l'intervalle entre deux lunaisons étant d'environ 29.53 jours (mois synodique), il arrive qu'il n'y ait pas de pleine Lune en février (c'est le seul mois civil où cela peut se produire). A cette occasion on parle de "Lune noire". Quand cela se produit, on observe 2 pleine Lune le mois suivant. Un tel phénomène s'est produit en juillet 2015 et en janvier et mars 2018. Il y a également une raison chrétienne derrière cette définition. Dans le calcul ecclésiastique des fêtes du Carême et de Pâques, il a été convenu que le calendrier des fêtes s'alignerait sur des manifestations célestes, en l'occurrence sur les pleines Lune du Carême et de Pâques, si bien que le calendrier a baptisé la troisième pleine Lune de la saison, la "Lune bleue". La couleur bleue suggère que ce phénomène est rare. Elle se manifeste lorsque de la poussière ou des particules de fumée d'une dimension particulière sont en suspension dans l'air. La Lune prend alors une couleur bleue en raison de la diffusion de la lumière bleue. La "Lune des fraises" Cette expression fait référence à la récolte des fraises chez les Amérindiens qui a lieu en juin (comme en Europe), mois durant lequel on peut observer une super Lune. La "Lune rose" Cette expression tire son nom des couleurs du printemps, saison durant laquelle survient généralement ce phénomène. C'est l'époque où on peut observer une super Lune (voir aussi la "Lune rousse" ci-dessous). La "Lune rousse" Selon la tradition, la "Lune rousse" correspond à la phase lunaire qui suit la fête de Pâques (qui tombe le premier dimanche qui suit la première pleine Lune de Printemps et dont la date est variable), une période où, lors de nuits sans nuages, on observe un risque de gelée qui fait roussir les boutures et les jeunes pousses des plantes. En Europe occidentale (France, Benelux, Angleterre), cette période se manifeste en avril, la "Lune rousse" étant "rose" pour les Britanniques (Pink Moon) ! En réalité, il est évident que la Lune n'a rien à voir avec ce phénomène mais vu qu'elle est visible par ciel clair, la rumeur l'a tenue pour responsable des gelées. En fait, il suffit d'observer la Lune sous des latitudes plus chaudes pour se rendre compte qu'en avril, la Lune ne provoque pas de gelée... La "Lune des fleurs" Traditionnellement, la pleine Lune de mai (il y en a parfois deux) est surnommée la "Lune des fleurs" car ce mois est le symbole du printemps et du paroxysme de la floraison dans l'hémisphère nord. Cette "Lune des fleurs" peut être associée à une super Lune (super Lune des fleurs) et à une éclipse de Lune voire même aux deux phénomènes comme le 15-16 mai 2022 qui porte le nom de "super Lune de sang des fleurs". La "Lune de sang" Ce titre qualifie simplement une éclipse de Lune, son passage dans l'ombre de la Terre lui donnant une couleur rouge-orange-cuivrée. Certains l'appellent également à tord la "Lune rousse" (voir ci-dessus). A voir : Eclipse de Lune du 16 mai 2022, Astro & Nature La "Lune de miel" La "Lune de miel" qui fait en principe référence à la nuit qui suit le mariage chrétien, remonte à une coutume qui serait apparue à Babylone, il y a environ 4000 ans. En effet, pendant le mois qui suivait un mariage, le père de la mariée devait offrir à son beau-fils autant de "mead", une boisson à base de miel, qu'il pouvait. Le calendrier civil étant basé sur les cycles lunaires, cette période était appelée le "mois du miel" puis la "Lune de miel". Les Gaulois ont ensuite repris cette coutume avec l'hydromel importé par les Grecs puis les Romains et nous l'ont transmise. Ceci clôture la revue des traditions attachées à la Lune. Venons-en à présent à l'étude proprement dite de la Lune, anciennement appelée la sélénologie (ou sélénographie), terme aujourd"hui désuet. Observation de la Lune au télescope En observant pour la première fois les phases de la Lune évoluer au fil des nuits, on est surpris de constater qu'elle présente toujours la même face à la Terre. Ce phénomène s'explique par un effet de résonance gravitationnelle entre la Lune et la Terre qui entraîna une synchronisation du mouvement des deux astres dont le "face-à-face" est pour ainsi dire bloqué dans sa révolution autour du Soleil pour quelques milliards d'années. On y reviendra à propos des marées (voir page 2). C'est ensuite sa position par rapport à l'observateur et au Soleil qui explique ses différentes phases (cf. les phases de la Lune). Mais la Lune offre quelque chose de bien plus beau : sa surface. Tout un chacun devrait avoir l'occasion, ne fut-ce qu'une fois dans sa vie, d'observer la Lune dans une lunette ou un télescope. Pour l'observation planétaire, ce dernier à l'avantage d'utiliser généralement un objectif de plus grand diamètre et de plus longue focale qu'une lunette astronomique, offrant de ce fait une luminosité et des grossissements plus importants et donc la possibilité d'observer plus de détails dans de meilleures conditions. Observée à l'oculaire d'un télescope, la Lune est fascinante et devient même magique pour un enfant qui en revient avec les yeux éblouis de merveilles ! La première impression que l'on ressent est un dépaysement total; il n'existe aucun paysage pareil sur la Terre, la surface lunaire est en noir et blanc et on peut observer avec une relative facilité et une grande netteté les détails des reliefs lunaires. Lorsque la turbulence terrestre se calme, à fort grossissement vous avez même l'impression de survoler la Lune. La raison est simple. La Lune n'est pas très éloignée de la Terre, sans atmosphère ni érosion, l'éclat du Soleil coupe son relief au couteau rendant l'image par moment très nette et très contrastée, même éblouissante. C'est près du terminateur qui délimite la partie éclairée de celle plongée dans l'obscurité que les reliefs sont les plus apparents. Ne manquez pas cette opportunité. Il y a certainement un observatoire public ou un amateur passionné près de chez vous. A voir : Les phases de la Lune (photo du jour et vidéo à télécharger), NASA Phase actuelle de la Lune, USNO
Observée à l'oculaire d'un télescope, la surface lunaire surprend par sa clarté et son contraste. D'une magnitude de -12.7 (albédo géométrique visuel de 0.12) à la pleine Lune, son observation dans de bonnes conditions nécessite l'usage d'un filtre gris ou polarisant. L'observation de la Lune ne requiert pas d'instruments très sophistiqués. Un petit instrument amateur révèle déjà un paysage extraordinaire, mais un paysage gris et désertique qui n'a rien de commun avec nos reliefs terrestres ou si peu. La surface de la Lune est en effet criblée de cratères, fissurée, érodée, parsemée de montagnes, de bassins, de monticules, de pics et montre des traces de coulées volcaniques et d'éjecta. Mais la netteté des images et la disparition soudaine des étoiles derrière son limbe montrent clairement que la Lune n'a pas d'atmosphère, en tous cas rien de comparable avec la nôtre ou celle de Mars. Ses chaînes de montagnes ne ressemblent pas à notre Himalaya ou à la Cordillère des Andes. Ses pseudos mers sont solides et composées de basalte. Tous ces reliefs sont recouverts de poussière et de débris (régolite) qui s'accumulent à raison d'environ 1 mm tous les 1000 ans. On estime qu'en ~81000 ans, toute la surface de la Lune est recouverte d'une nouvelle couche de débris (cf. NASA). A voir : La surface lunaire - Film 2 - Film 3 - Film 4 La face cachée de la Lune vue par LRO, NASA Kaguya révèle le cratère lunaire Tycho en 3D (2009, sur le blog) Paysage lunaire en 3D (mission Selene de Kaguya) (2008, sur le blog)
Généralités Le diamètre moyen de la Lune est de 3476 km, ce qui représente environ les deux tiers (71%) de la taille de Mercure, le quart (25%) de la taille de la Terre ( 12742 km) mais elle est plus grande que Pluton ( 2368.96 km). Vu sa taille, la Lune forme un couple physique avec la Terre, au sens strict. On y reviendra (voir page 2). Ses dimensions ne peuvent être comparées qu'avec les quatre satellites galiléens de Jupiter dont nous reparlerons. La masse de la Lune n'atteint que 1.23% de celle de la Terre (7.3 x 1022 kg contre 5.97 x 1024 kg pour la Terre) pour un volume ~49 fois plus petit (2.20 x 1010 km3 contre 108.32 x 1010 km3 pour la Terre). Grâce à Newton qui inventa la loi de la gravitation universelle, on en déduit que la pesanteur agit à sa surface avec une force d'accélération de ~1.62 m/s2, environ 6 fois plus faible que celle que nous subissons sur Terre (9.806 m/s2 en moyenne, cf. le recueil d'exercices d'astronomie). Etant donné sa faible masse, la Lune n'a pas pu retenir son atmosphère et son noyau est pratiquement froid. Il dégage juste un peu de chaleur en raison de la présence de roches radioactives. La Lune présence également un champ magnétique résiduel.
Sans érosion atmosphérique et sans activité tectonique décelable, les scientifiques ont longtemps supposé que la Lune avait préservé dans son écorce l'histoire du système solaire jusqu'aux tout premiers jours. Mais nous sommes des observateurs bien trop éloignés - à plus de 354027 km au meilleur périgée de la "super Lune" - pour apprécier et caractériser objectivement son relief et déterminer son évolution. Il fallut attendre l'avènement de l'exploration spatiale et plus de 20 ans d'études pour enfin découvrir la véritable identité de la Lune. Mais malgré toutes les découvertes, aujourd'hui encore, beaucoup de questions restent sans réponses. La forme de la Lune Un géophysicien dirait que la Lune - et c'est vrai pour toutes les planètes rocheuses - à la forme d'un géoïde oblate, c'est-à-dire d'un sphéroïde aplatit aux pôles et présentant des bosses et des creux. Mais comment représenter cette forme géométriquement ? Pour cela il faut la modéliser et donc convertir les mesures dans un système 3D. L'exploration de la Lune par les sondes spatiales (LRO, Chang'E-1, Chang-E-2, SELENE, Chandrayaan-1) a permis d'effectuer des mesures altimétriques très précises par laser. Depuis 2005, ces mesures enregistées en 271610 points ou stations du réseau de contrôle lunaire unidirectionnel (ULCN2005, cf. B.A. Archinaletal et al., 2006) furent utilisées pour cartographier la surface lunaire et étudier sa forme. Ces données ont produit un certain nombre de nouveaux modèles de la géométrie brute de la Lune. Toutes les solutions pour la forme géométrique, les paramètres d'orientation et les paramètres du centre géométrique de la Lune par rapport à son centre de masse montrent une concordance remarquable entre elles à 100 mètres près. Si la sphère est une approximation grossière de premier ordre de sa forme globale, sachant que l'aplatissement aux pôles atteint environ 4 km par rapport à l'équateur (3472 km contre 3476 km), les sphères oblates (aplaties) également appelées ellipsoïdes de révolution (ou de rotation) à deux axes ou mieux encore les ellipsoïdes triaxales se rapprochent de la forme symétrique hydrostatiquement stable de la Lune. Mais les résultats de modélisations toujours plus complexes de la Lune ont offert des informations supplémentaires sur les propriétés régionales de la topographie lunaire. Les solutions statistiques ont suggéré que les formes axiales symétriques de la Lune et les paramètres de leur centre pouvaient être remplacés par une forme équivalente asymétrique centrée sur le centre de masse de la Lune. Ce modèle est plus représentatif de la forme réelle de la Lune tout en restant théorique.
A partir de 2009, Hyseyin Bâki Iz, géophysicien et expert en géomatique (traitement numérique de données) alors à l'Université Polytechnique de Hong Kong, fut le premier à obtenir un calcul complet des paramètres des ellipsoïdes et des sphères à deux et trois axes géométriquement les mieux ajustés à partir des mesures effectuées sur la Lune. Finalement, au terme de quatre années d'études, Iz et ses collègues ont constaté qu'en utilisant seulement trois paramètres de forme et en déplaçant le centre géométrique de la Lune vers la Terre, ils obtenaient une solution assez proche de sa forme réelle. Comme illustré ci-dessus à gauche, on peut représenter la Lune dans un modèle à quatre axes (mais en faisant l'hypothèse qu'il existe des symétries sur les axes |Y'| et |Z')| qui montre clairement la différence de forme entre sa face visible (proche, sur l'axe X) et sa face cachée (éloignée, sur l'axe -X). La Lune a la forme d'un "oeuf" dont la face visible est plus bombée, plus large que la face cachée qui est plus pointue et orientée vers l'extérieur de son orbite, le centre de masse étant légèrement décentré vers la Terre (cf. H.Iz et al., 2012). Doses absorbées dans l'espace et sur la Lune Malgré son aspect calme et serein, la Lune ne possédant ni champ magnétique ni atmosphère ou si peu (voir page 4), sa surface est bombardée en permanence par la totalité des rayonnements solaire et cosmique. La compréhension des composantes solaires est essentielle, non seulement pour préserver la santé des astronautes, mais également pour assurer le bon fonctionnement des satellites et des stations spatiales en orbites terrestre et lunaire. L'équipe de Shenyi Zhang de l'Académie des Sciences Chinoise publia en 2020 un article dans la revue "Science Advances" sur les doses de rayonnement mesurées à la surface de la Lune par la sonde spatiale Chang'e 4 début 2019. Par chance, la sonde d'exploration lunaire LRO (Lunar Reconnaissance Orbiter) de la NASA qui est équipée de l'instrument CRaTER (Cosmic Ray Telescope for the Effects of Radiation) survola le même site et fit les mêmes mesures.
Les chercheurs ont trouvé un facteur de conversion (de qualité) permettant de convertir le débit de dose absorbée (μGy/jour) en équivalent de dose (μSv/jour). Ils ont obtenu un facteur de qualité de 4.3 pour les rayons cosmiques galactiques. On peut donc utiliser ce facteur pour convertir une unité dans l'autre. Une dose de 340 µGy/jour telle que mesurée lors du minimum solaire de 2020 à la fin du Cycle 24 est équivalente à 1462 µSv/jour pour la seule contribution des rayons cosmiques galactiques (pour l'ensemble des rayons cosmiques on peut ajouter ~40%). Par comparaison, la dose atteignit 523 µSv/jour dans la station ISS en 2019 contre seulement ~6 µSv/jour à la surface de la Terre. Si on ajoute les 40% de contributions solaire et surtout extragalactique, en survolant la Lune ou en travaillant sur la Lune, on reçoit donc une dose de rayonnement de ~2047 µSv/jour soit jusqu'à 341 fois plus élevée que la radioactivité naturelle moyenne à la surface de la Terre. Sur la face cachée de la Lune, le débit de dose absorbée de rayonnement ionisant est même 440 fois plus élevé que sur Terre (13.2 ±1 μGy/heure contre 0.03 μGy/heure à Tokyo) selon les relevés de la sonde spatiale Chang'e 4 (cf. S.Zhang et al., 2020) ! Pour les astronautes en mission dans l'espace, le risque sanitaire lié aux radiations est donc loin d'être négligeable et aucun d'eux ne mettra les pieds sur la Lune ou ailleurs tant que ce problème n'est pas réglé. Prochain chapitre
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