Contacter l'auteur / Contact the author

Recherche dans ce site / Search in this site

 

L'univers de Stephen Hawking

Hawking, un homme ambivalent, écartelé entre ses espoirs et ses craintes.

Essai d'analyse psychologique (XII)

Nous avons vu que Hawking n'hésite pas à s'investir et essaye de répondre à des questions actuellement hors du champ de la science comme le pourquoi de l'univers ou l'existence de Dieu qui sont du ressort de la métaphysique.

C'est en soi une bonne chose si l'homme de la rue est assez critique pour faire la différence entre science et pseudo-science et espère ainsi que les questions métaphysiques d'hier auront une explication scientifique très bientôt voire demain.

Il est par contre très dangereux tant pour l'intéressé que pour le public ordinaire de mélanger les deux genres. Le premier, Hawking, s'il pense pouvoir mettre ces questions en équations aura tendance à se prendre littéralement pour Dieu ou du moins être son instrument. Quand au public il croira bientôt en la science comme il croit en Dieu et la méthode se transformera graduellement en dogme avec tous les dérapages que l'on peut imaginer, comme nous en avons connu par le passé (heugénisme, etc).

Bien qu'il soit un scientifique, rationnel et systématique dans ses actions, Hawking n'échappe pas à quelques contradictions quant à sa méthode de travail et l'image qu'il en donne au public. Il reste imprégné par sa culture et ne parvient pas à se libérer de quelques démons. Voyons cela en détail.

Un Univers sans Dieu

Il y a tout d'abord les positions de Hawking par rapport à d'autres hommes célèbres comme Einstein pour citer celui avec lequel tous les médias l'on comparé, à juste ou à tord. Pour se différencier de sa philosophie et renforcer la valeur de ses arguments par rapport à ceux d'Einstein, Hawking veut répondre aux questions métaphysiques sur lesquelles son ailleul ne s'est jamais étendu.

L'homme face à son image divine. Crainte ou amour, qui menace le trône de l'autre ? Adapté du roman de Richard Matheson.

Par exemple, en proposant sa théorie "d'univers sans bord", s'il s'avère un jour qu'elle soit correcte, elle permettra à Hawking de répondre à une question soulevée par Einstein : "Combien de choix Dieu disposait-il pour construire l'univers ?" en répondant Dieu "n'a eu aucune liberté pour choisir les conditions initiales" et très peu de libertés pour choisir les lois qui gouvernent l'univers.

Nous avons aussi expliqué que Hawking utilise également cet argument pour s'en sortir avec l'idée du Dieu Créateur. A la fin d'"Une brève histoire...", à la dernière ligne il déclare en effet que "si nous découvrons une théorie complète [de l'univers, alors] ce sera le triomphe ultime de la raison humaine, dès lors nous pourrions connaître la pensée de Dieu". Il met bien sûr sa remarque au conditionnel (bien que la version française l'ait mise au présent !) mais il prononcera des paroles encore plus controversées quand il demanda à ses lecteurs : "Quelle place [reste-t-il] alors, pour un Créateur?"

Cette question de rhétorique étant hautement spéculative et plus controversée encore que l'idée très abstraite d'un univers sans bord évoluant dans un temps imaginaire, la plupart des lecteurs n'ont eu aucun mal à discerner ses implications : puisque le travail de Hawking vise à découvrir l'équation de l'univers en quelque sorte, il en célébrera la découverte, triomphe de l'esprit raisonnant, glorifiant sa propre consécration. Hawking comprend Dieu mieux qu'Einstein parce qu'il représente l'ultime héros : Dieu lui-même.

Cette méthode est la manière logique dont la science doit fonctionner, déplaçant progressivement le trône de la science illuminé du ciel par celui de l'autorité scientifique observant le ciel d'un oeil scrutateur et interrogateur. Comme Hawking s'aligne ostensiblement aux côtés de Galilée contre le dogme catholique et auprès des théoriciens quantiques contre le "théisme" d'Einstein qui soutient l'existence d'un Créateur Suprême, Hawking développe un méta-récit cosmologique le protégeant à la fois de l'intérieur et de l'extérieur de ses ennemis. Si ce cadre philosophique l'expose aux frais des critiques populaires et de celles des intellectuels dont les philosophes et les théologiens, c'est un excellent support de vente qui a fait dire à Hawking qu'il aurait réduit ses ventes de moitié s'il avait supprimé la dernière phrase de son livre. Il veut demeurer du côté scientifique de la ligne de démarcation entre science et religion et c'est pourquoi il continue à promouvoir sa théorie de l'univers sans bord qui évolue dans un temps imaginaire, ayant même annoncé en 1995 qu'il proposait des prédictions testables pour valider ses thèses et définitivement soustraire la cosmologie de l'emprise de la religion.

Mais paradoxalement, tout en cherchant à tout prix à éluder l'intervention divine, Hawking se prend pour l'instrument de Dieu voire Dieu personnifié. Hawking n'est pas à une ambigüïté près et révèle toute l'anxiété et la complexité de son personnage. Son ex-femme Jane Hawking, disait lors d'une interview accordée en 1988 au "Guardian" de Manchester (9 août 1987), que son rôle dans leur mariage avait été de "simplement dire à Stephen qu'il n'était pas Dieu".

L'oracle quantique interprété par l'auteur.

En 1988, dans l'édition du 13 juin du magazine "Newsweek", le physicien Paul Steinhardt se plaignait ouvertement du comportement du professeur Hawking dans un article révélateur intitulé : "En Lisant la pensée de Dieu". Hawking accusa le magazine de plagier "Une brève histoire...", mais en vain. Son ami cosmologiste Kip Thorne, célèbre pour son livre "Trous noirs et distorsions du temps" dans lequel il expose certains éléments de la vie de Hawking, admet également que Hawking a "une tendance à se prendre pour une oracle" et que ses déclarations cryptées conduisent parfois même ses pairs "à se demander s'il... joue à un jeu avec nous". Dans leur biographie, Gribbin et White rappellent que Hawking est connu pour présenter cette attitude lors de ses conférences publiques. Durant les séances de questions-réponses, il laisse parfois le public dans l'attente d'une réponse durant cinq minutes avant de prononcer un sibyllin et monosyllabique "Yes" ou "No" sans commentaire.

Cela participe également à la personnalité de Hawking qui contrôle son "spectacle" de manière à soit se marginaliser soit se glorifier à l'image de Dieu en termes choisis.

L'anxiété du cyborg

Nous avons brièvement évoqué l'idée de cyborg  - à ne pas confondre avec les androïdes (de pures robots à visage humain) - que véhiculait au sens propre comme au figuré l'image de Hawking. Aussi étonnante qu'elle soit, elle apparaît principalement chez les adolescents, fortement influencés par la science fiction. Comme nous l'avons vu, certains journaux satiriques tel "The Onion", vont même jusqu'à le représenter comme une simple tête portée par un exosquelette de métal quelque peu agressif. Je ne suis pas sûr que l'image présentée ci-dessous soit très flatteuse pour l'intéressé, même s'il apprécie la science-fiction.

Entourant le "cyborg Hawking" imaginé par le magazine satirique "The Onion" en 2001 (copie), deux ouvrages qui permettent de mieux comprendre la personnalité des personnes handicapées moteur, "The Cyborg Handbook" publié en 1995 sous la direction de Chris H. Gray et "Extraordinary Bodies" de Rosemarie Thomson publié en 1996.

Quand on connaît un peu la philosophie de Hawking, il est évident qu'il affiche une certaine pudeur voire de l'inconfort à parler de son infirmité et du dispositif qu'il est obligé d'utiliser pour survivre et converser. Dans son livre "The Cyborg Handbook" publié en 1995 sous la direction de Chris H. Gray, Jennifer Gonzales discute de l'évolution des prothèses dans une perspective technologique futuriste. De son côté, Rosemarie G. Thomson a publié "Extraordinary Bodies" en 1996 dans lequel elle discute du statut culturel des personnes handicapées. Dans leurs analyses respectives, les deux auteurs partagent les mêmes réflexions et notent que l'idée que l'on se fait d'un corps invalide par rapport au corps d'un cyborg reflète les anxiétés sociales, nos peurs et nos désirs face à l'image classique du cyborg, le robot doué d'intelligence mais privé de sentiments.

Pour Thomson, toutes les personnes souffrant d'infirmité expriment une "fusion illégitime" entre les catégories culturelles considérées comme "normales" et qui qualifient les gens d'"humains", et les "anormales" qui leur dénient ce statut. Dans le cas d'Hawking cependant, on a l'occasion d'observer que la personne handicapée/cyborg est elle-même et tire profit de cette double identification. L'auteur conclut que dans le cas de Hawking, bien que sa culture résiste à l'associer au cyborg, il participe à cette association en affichant les mêmes anxiétés. Il se présente également lui-même comme un génie handicapé tirant sa volonté de vivre du bénéficie que lui procure son fauteuil roulant, son deuxième corps, sans lequel il ne "vivrait" pratiquement plus.

Ainsi que le prouvent toute la littérature et les films mettant en en vedette l'infirmité physique, le personnage handicapé est invariablement isolé dans la perspective des gens "normaux" et qu'il soit gentil ou méchant, son visage est statique, sans expression. A quelques rares exceptions où le personnage est porté vers la lumière, l'infirmité est considérée comme une curiosité de foire qui renforce l'idée que la plupart des personnes handicapées sont anormales et incapables de fonctionner comme les autres.

La reine des Borgs confrontée à la culture de "Star trek, TNG", une série qu'appréciait tout spécialement Stephen Hawking.

Les cyborgs représentés dans la science-fiction ont également tendance à accentuer cette image. Et quand ils ne sont pas représentés comme des méchants robots avides de sang et de guerre, les cyborgs sont décrits comme des infirmes ayant perdus l'essentiel de leur humanité, la reine des Borgs et autres Dark Vader en étant d'extra-ordinaires représentants.

Quand on analyse le film de Morris, on ne peut pas ignorer le dénominateur commun, le film rouge qui relie toutes les séquences du film, à savoir l'image d'un homme en fauteuil roulant qui, à la requête d'un être supérieur manipulerait les ordinateurs et tout l'attirail associé qui l'entoure, créant le personnage du cerveau privé de corps... Le fauteuil roulant a un caractère déshumanisant dans le sens où l'objet et son utilisateur fusionnent progressivement avec leur environnement technologique. 

Cette impression de fusion entre l'homme et la machine est souvent décrite au cinéma, le personnage central se révélant parfois n'être qu'une... machine très sophistiquée. Heureusement pour nous, Hawking n'est ni une machine, ni un dieu, en tous cas nous en sommes certain bien que lui exprime parfois des doutes quant à ses rapports avec Dieu, comme nous l'avons vu précédemment (à travers les commentaires de Jane Hawking, Dennis Sciama et Kip Thorne). La relation qu'à Hawking face à son infirmité est souvent jugée ambigüe par les critiques.

Comme vous le savez, il n'hésite pas à se manifester contre des causes qu'il estime injuste (manque de charité, guerre, etc). Dans les années '70 il a été franc, particulièrement contre la ville et l'Université à Cambridge, au sujet de la nécessité d'adapter les lieux publics aux handicapés, les condamnant souvent à l'isolement et il s'est battu pour qu'on ne le caractérise pas en ces termes. Grâce à ses efforts il fut nommé "L'Homme de l'Année 1979" par la Royal Association for Disability and Rehabilitation (RADAR). A la même époque il refusait toute réflexion ou de discuter de sa "condition" comme il dit, et disait à qui voulait l'entendre, et en particulier dans la biographie écrite par Gribbin et White combien il menait une vie "normale" avec sa femme et ses enfants, son fauteuil roulant et son système vocal n'étant que de simples "aides" pour l'aider à "surpasser ses déficiences physiques".

De telles attitudes l'ont identifié avec l'idée que la personne handicapée et ses avocats doivent dénoncer cette charité instrumentalisée les considérant comme des êtres inférieurs. Au contraire, Hawking a prouvé qu'on pouvait surmonter son handicap et approcher la pleine humanité. En fait Hawking serait très mal à l'aise s'il lisait la réflexion de Thomson qui dit qu' "une célébration du corps postmoderne implique l'identification du fauteuil roulant avec la personne même".

Cette idée est fortement ancrée chez les éditeurs et les fabricants de jouet qui n'hésitent pas à se servir de l'image de Hawking pour vendre leur magazine. C'est ainsi qu'en Angleterre, Real Robots présente sur un pied d'égalité Stephen Hawking et Terminator comme en témoignent les illustrations présentées ci-dessous.

L'éditeur du magazine anglais Real Robots n'a aucun soucis à comparer Terminator avec Stephen Hawking. Il ne le fait pas exactement mais il traite les deux sujets sur un pied d'égalité. Si le lecteur manque de discernement, dans son esprit l'amalgame se fera naturellement.

Ceci dit, le fauteuil roulant de Hawking est son synthétiseur vocal font aujourd'hui partie intégrante de son identité. Sans ses prothèses, ce ne serait plus le Dr Stephen Hawking sous-entend Sandy Stone dans "The Cyborg Handbook" quand elle écrit "Hawking ne s'arrête pas à Hawking aux extrémités de son corps visible".

Hawking a bel et bien une attitude ambivalente à propos de son identité cyborg. Il se révèle semblable à un "outil high tech" quand il se présente lui-même à la télévision auprès d'androïdes comme Data (Star Trek, TNG) ou dans son rôle de promoteur de la dernière technologie de BT ou d'U.S.Robotics. Et il insiste clairement sur le fait qu'il a dépassé ses limitations physiques, vivant réellement sa vie, physiquement et en esprit, rejoignant l'idée exprimée par feu Christopher Reeves, Superman, qui fit une publicité assez spectaculaire pour la recherche en neurosciences et en cybernétique afin de vaincre son handicap physique. Malheureusement ni l'un ni l'autre ne connaîtront jamais la fin de l'histoire.

Finalement, Hawking est aussi gêné qu'embarrassé par son image de cyborg handicapé par son infirmité. Son insistance à vouloir être considéré comme un être humain à part entière ne fait que résoner encore plus fort cette vibrante et double identité.

Dernier chapitre

L'isolement social et la déshumanisation

Page 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 10 - 11 - 12 - 13 - 14 -


Back to:

HOME

Copyright & FAQ