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Doc Dreamworks.

L'évènement de la Tunguska

Les données instrumentales (III)

En l'espace d'un siècle les chercheurs sont parvenus à rassembler une documentation très importante sur les effets secondaires qui ont directement suivi l'explosion. Ces données proviennent tant de Russie, d'Europe occidentale que des Etats-Unis et forment un tout homogène que l'on peut utiliser dans le cadre d'une modélisation.

Ces études portent essentiellement sur les effets suivants :

- Les effets du souffle

- Les secousses séismiques

- Les fluctuations barométriques

- Les effets atmosphériques

- Les effets magnétiques.

A. Les effets du souffle 

Les relevés in situ et les simulations ballistiques tendent à démontrer qu'un objet pénétra dans l'atmosphère à une vitesse qui n'excédait pas 2-3 km/s. Cette vitesse est déjà suspecte car d'ordinaire un corps céleste pénètre dans l'atmosphère à une vitesse comprise entre 20 et 70 km/s. Seule hypothèse à considérer, l'évènement s'étant produit le matin, la Terre aurait rattrapé le météoroïde sur sa trajectoire de collision.

La friction et la surpression engendrées par son vol hypersonique le firent exploser entre 7.6 et 8.5 km d'altitude où il forma une immense boule de feu aveuglante qui se propagea rapidement. Ici aussi l'altitude de la fragmentation est souvent discutée mais aucune observation ne permet de conclure que le bolide explosa plus haut, vers 10 ou 15 km d'altitude ainsi que les simulations semblent l'indiquer.

L'explosion dispersa l’objet en plusieurs fragments qui explosèrent isolément et se vaporisèrent, l'onde de choc faisant chuter les arbres radialement sur une superficie de 2150 km² et consumant totalement une région centrale sur la moitié de cette étendue. Au total rappelons que l'explosion au-dessus de la Tunguska souffla 60 millions d'arbres.

1. Distribution des arbres abattus

Dans l'ensemble, les chercheurs considèrent que la figure verte en forme de papillon dessinée ci-dessous par W.H. Fast de l'Université de Tomsk représente l'ensemble de la région dévastée par l'onde de choc. Certains auteurs toutefois sont rétissants à inclure la partie nord de l'aile droite, considérant qu'elle n'a rien à voir avec l'évènement de la Tunguska. Il s'agirait d'une région dévastée par un autre facteur, tel que des feux de forêts plus anciens sans rapport avec cet évènement. La plupart des scientifiques attachés à l'Université de Tomsk considèrent cependant que le schéma est conforme à la réalité des faits.

Cette forme en papillon peut s'expliquer par l'interaction de plusieurs facteurs. La première hypothèse fut de supposer qu'il y eut une interaction entre des ondes explosives sphériques et des ondes ballistiques quasi-cylindriques (générées le long de la trajectoire du corps). Cette théorie est aujourd'hui invalidée.

Cette distribution résulte du souffle provoquée par l'onde explosive générée lorsque le météoroïde explosa dans les basses couches de l'atmosphère. On reviendra en dernière page sur cette hypothèse qui est aussi la plus probable.

Distribution des arbres abattus

Ci-dessus à gauche, distribution des arbres soufflés ou brûlés par l'onde de choc autour de l'épicentre. A gauche, le schéma baptisé "papillon" réalisé par W.H. Fast à partir de données recueillies en 1967, 1976 et 1983. Le trait rouge représente l'azimut de 160° à partir du Nord. La trace en fer de cheval (l'étrier noir) représente le cône formé par l'onde de choc ballistique qui suivit l'explosion. Au centre, même représentation réalisée par Zlobin en 1996. Le point central rouge représente l'épicentre où sont tombés 178 arbres, le maximum dans la zone, tous orientés dans un azimut de 160° à partir du Nord. A droite, représentation 3D de la forêt dévastée avec une estimation de l'amplitude de l'onde de choc combinée avec une image du relief. Documents ORC et GIS-SSCC.

A gauche, cartographie des arbres survivants par quart d'hectare (en vert) réalisé par W.H. Fast en 1967 superposée au contour en "papillon" (vert clair) réalisé par K.P. Florenskiy en 1963 et à la topographie de la JAXA AW3D30 (résolution de 30 m). On constate une réduction plus progressive de la fraction d'arbres abattus que dans le contour en papillon. A droite, mêmes superpositions de cartes mais pour les arbres morts sur pied par quart d'hectare (en bleu) et pourcentage d'arbres cassés à la racine (en rouge). La région dite du "poteau télégraphique" (où des arbres sont restés débout) près de l'épicentre est clairement visible, mais coupée en partie par le marais près de l'épicentre où aucun arbre ne pousse. La proportion d'arbres déracinés ou cassés est d'environ 50/50 dans la région des chutes d'arbres. Ces cartes donnent des indices sur la direction et la force du souffle de l'explosion (les experts ont estimé la force du vent à 40-50m/s). Documents D.K. Robertson et D.L. Mathias (2019).

Enfin, il y aurait eu une interaction entre le plasma produit durant l'explosion et le champ magnétique terrestre. En fait il s'agit de la première démonstration naturelle de l'effet magnétohydrodynamique ou MHD sur lequel nous reviendrons à propos des effets magnétiques. Cette hypothèse n'a jamais été démontrée.

2. Les arbres brûlés par le souffle

L'intense chaleur qui accompagna l'explosion de la Tunguska se répandit rapidement jusqu'à 100 km de l'épicentre où la plupart des objets furent brûlés ou réduits en cendres.

En 1989 et 1997, Zlobin effectua des mesures expérimentales sur des pins et d'autres matériaux pour mesurer l'influence de la chaleur sur les cernes des arbres, protégé ou non par leur écorce.

Il s'avère que les arbres situés aux limites du périmètre et dans l'épicentre ont dû supporter une énergie respectivement estimée à 3 et 7 cal/cm², le coeur des arbres atteignant une température de 100°C en l'espace de 140 secondes ! Cette valeur fut déterminée à partir des relevés effectués sur les arbres brûlés et les changements constatés dans la thermoluminescence du quartz.

En complément, Zlobin put observer un homme de Vanavara qui fut brûlé au moment de l'explosion de la Tunguska.

Si l'intensité de chaleur est bien de 3 à 7 cal/cm² cela signifie pour Zlobin que le météoroïde survola bien Vanavara et que sa seule direction possible d'approche fut du sud au nord.

Les arbres brûlés

A gauche, une izba construite dans la réserve naturelle de Tunguska avec des rondins ayant été brûlés suite à l'évènement de 1908. Kulik utilisa une izba similaire en 1927 qui fut restaurée. Au centre, aspect de l'écorce d'un arbre brûlé à 60 km de l'épicentre. A droite, schéma en coupe montrant clairement que la chaleur pénétra jusqu'aucoeur du tronc. Documents Sayan Ring, Andrei Ol'khovatov et ORC.

Par ailleurs, les faibles traces de brûlures découvertes sur les branches des arbres par V.A. Vorobyov et D.V. Djomin indiquent également un angle de propagation allant du sud vers le nord. Il y a donc certaines similitudes entre les zones brûlées et la dynamique de l'objet. S'il fallait encore le démontrer ceci confirme la direction sud-nord suivie par l'objet.

B. Les secousses séismiques

Suite à la chaleur dégagée par son déplacement hypersonique, l'objet qui devait avoir une structure assez fragile n'a pas eu le temps de se mettre en équilibre thermique et explosa à quelques kilomètres d'altitude, engendrant des ondes de pressions qui furent détectées à des milliers de kilomètres de distance par les séismographes. En 1930 l'astronome Fred Whipple, alors directeur de l’observatoire géophysique de Kew en Angleterre, constata que l’onde de choc provoquée par l’explosion de l’objet avait fait deux fois le tour de la Terre !

L'énergie libérée par l'explosion fut estimée aux alentours de 20 MT de TNT à un facteur 2 près, ce qui représente une énergie d'au moins 1017 Joules, l'équivalent d'environ 1600 fois l'explosion de la bombe d'Hiroshima ! A titre de comparaison, l'énergie nécessaire pour former le Meteor Crater en Arizona fut estimée à 3.5 MT de TNT.

Les témoins rapportent que juste après l'effroyable bruit de tonnerre qui suivit l'explosion de la Tunguska le sol se crevasa. A cet instant le séismographe de l'Observatoire d'Irkoutsk enregistra un séisme de magnitude 5 qui durera 51 minutes avec une moindre amplitude. 45 minutes plus tard il enregistrait le passage de l'onde le choc !

Les secousses séismiques

Séismographe avec enregistrement optique (pendule Zollner-Repsold) obtenu à l'observatoire d'Irkoutsk le 30 juin 1908. Le temps s'écoule de droite à gauche.

Fragment de séismogramme obtenu à l'Observatoire d'Irkoutsk. En haut les oscillations E-O, en bas les oscillations N-S, les plus importantes.

Légende de l'enregistrement N-S précédent. 1: Début des oscillations à 0h18.8m TU, 2: Oscillations maximales à 0h20.1m, 3:Début des oscillations secondaires à 1h3.1m, 4: Fin des oscillations secondaires à 1h9.9m. Documents I.P. Pasechnik.

Mais contrairement à l'idée émise par le radiophysicien Andrei Ol'khovatov, ce séisme n'a pas provoqué la chute des arbres de la Tunguska, il n'en est qu'un effet secondaire. La forme en papillon caractéristique et le sens de la chute des arbres tout autour de l'épicentre n'est pas compatible avec une source issue du sol. Nous reviendrons sur cette hypothèse à la fin de cet article.

C. Les fluctuations barométriques

La durée des fluctuations barométriques a été d'autant plus importante et plus longue qu'on s'éloignait de l'épicentre. Ainsi à Irkousk, distant de 977 km de l'épicentre, la variation de pression de quelque 0.17 mb n'a duré que 10 minutes puis revint graduellement à l'état normal en l'espace d'une heure. A Pavlovsk distant de 3739 km, elle dura 20 minutes et à Londres, distant de 5736 km, elle dura 33 minutes.

Les effets barométriques

Barogrammes montrant la chute de la pression enregistrée dans les stations anglaises distantes de 5700 km de l'épicentre. Documents F.J.W.Whipple.

D. Les effets atmosphériques

Le "London Times" sortit quelques jours après l'incident cite la lettre d'un lecteur de Brancaster qui se rappelle les faits : "Monsieur, frappé par l'inhabituelle brillance du ciel, le groupe de golfeurs resta ici sur le terrain jusqu'à 11 heure du soir afin d'observer le phénomène de façon ininterrompue. En regardant du côté nord de la mer, le ciel avait l'apparence d'un couché de Soleil mourant d'une exquise beauté. Non seulement il persista mais il grandit et s'intensifia jusqu'à 2h30 du matin lorsque des nuages cachèrent les splendides couleurs. A 1h15 du matin la clarté du ciel était si forte que je pouvais confortablement lire un livre depuis ma chambre. A 1h45 le ciel entier, du côté Nord et N.E, était délicatement rose saumon tandis que les oiseaux commencaient leurs chants matinaux. Il ne fait aucun doute que d'autres ont remarqué ce phénomène, mais étant donné que Brancaster occupe une place unique en face de la mer du Nord, nous sommes restés sur place pour avoir la meilleure vue possible du phénomène".

Bien que Fred Whipple suggéra que cette luminescence avait été provoquée par la queue d'une petite comète, l'opinion générale pense plutôt que c'est l'effet du souffle provoqué par l'onde de choc qui souleva la poussière du sol jusqu'à la stratosphère, entre 40 et 70 km d'altitude, suffisamment haut pour qu'elle puisse refléter la lumière du Soleil bien longtemps après son coucher. La poussière forma des nuages nacrés et des halos autour du Soleil au point que l'Observatoire Astronomique du Smithsonian et celui du Mont Wilson installé en Californie enregistrèrent une réduction de la transparence de l'air. Une clarté nocturne apparut ainsi au-dessus de l'Asie septentrionale et de l'Europe durant trois jours, le temps que la poussière se dissipe et retombe lentement.

Les effets atmosphériques

A gauche, tracé de l'évolution du halo atmosphérique rougeâtre qui est apparu dans le ciel européen entre le 30 juin et le 1er juillet 1908. A droite, distribution des orages durant l'année qui suivit l'évènement de la Tunguska. Documents I.T.Zotkin et A.L.Tchijevsky, ORC.

Si on s'en tient aux observations, un groupe de chercheurs de St.Petersbourg tenta de démontrer que deux phénomènes ont provoqué des perturbations optiques dans l'atmosphère juste après l'explosion de la Tunguska. D'une part une grande quantité de poussière interplanétaire pénétra dans notre atmosphère. D'autre part le champ magnétique terrestre a été perturbé. Ce serait l'influence conjointe de ces deux facteurs qui ont contribué à créer cette anomalie.

Il est pertinent de noter que le chercheur russe A.L. Tchijevsky réalisa en 1929-1930 une étude sur la distribution des orages à l'époque de la Tunguska, manuscrit qui par ailleurs discute de l'influence d'un facteur extraterrestre sur le développement de la vie sur Terre. Si on superpose la carte de distribution des orages sur celle du tracé du halo atmosphérique qui apparut dans le ciel européen au lendemain de l'explosion, on constate une correspondance parfaite comme en témoigne les deux images présentées ci-dessus.

Prochain chapitre

Les effets magnétiques

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