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Doc Dreamworks.

L'évènement de la Tunguska

Nature de l'objet (V)

C'est l'interprétation finale des données qui laisse aujourd'hui un goût amer de déception car personne ne sait quel phénomène ou quel objet fut exactement à l'origine de l'évènement de la Tunguska.

Ainsi que nous l'avons dit, en 1930 l'astronome américain Fred Whipple, spécialiste des comètes, suggéra que ce cataclysme fut provoqué par l'explosion d'une petite comète.

En 1978, l'astronome Lubor Kresak précisa cette hypothèse en suggérant qu'il s'agissait d'un morceau de la comète de Encke, mais son hypothèse n'a jamais été vérifiée.

Pour le géochimiste et spécialiste russe des isotopes Yevgeniy Kolesnikov, nous avons probablement assisté à l’impact d’un astéroïde rocheux, une aérolite de la famille des chondrites à enstatite (type E) tandis que S.N. Blazhko et Yu V. FilippovYu ont estimé qu'il s'agirait d'une météorite mixte ou sidérolite. Certains évoquent même une chondrite carbonée mais ses propriétés magnétiques suggèrent plutôt qu'il s'agirait d'une sidérite. En 1996, N.V. Vasilyev évoqua l'impact d'un astéroïde NEO, c'est-à-dire un géocroiseur.

Aucune de ces hypothèses n'a jamais été validée. L'hypothèse la plus vraisemblable est qu'il s'agit effectivement d'un petit astéroïde peu dense qui explosa avant de toucher le sol. Reste à le prouver.

Analyse radiologique

Pour asseoir l'hypothèse de la rentrée atmosphérique d'un objet céleste et d'une éventuelle contamination du sol par des éléments d'origine extraterrestre, l'analyse radiologique peut apporter quelques éléments de réponse, encore faut-il qu'elle soit rigoureuse et basée sur des mesures.

L'un des aspects possible en vol du météoroïde de Tunguska quelques secondes avec son explosion en ce 30 juin 1908 à 7h du matin. Doc T.Lombry.

L'hypothèse radioactive que nous avons évoquée nous fait remonter à l'expédition de 1990. Menotti Galli de l'Université de Bologne trouva un épicéa mort près de l'épicentre et coupa une section de branche de 5 cm d'épaisseur sur laquelle avait coulé de la résine formée avant l'explosion de la Tunguska. Les cernes annuels étaient parfaits, l'échantillon de qualité digne d'être exposé dans un musée. Cette résine était la bienvenue. Non seulement elle protégeait les tissus vivants de toute contamination extérieure mais si la météorite avait déversé des particules particulières sur la forêt, la résine les auraient emprisonnées et parfaitement conservées.

Des résines furent récoltées sur six épicéas ayant survécu dans les 7 km autour de l'épicentre et sur six autres dans la région de Tomsk. Ces échantillons furent analysés au spectromètre à rayons X par Romano Serra. Ses conclusions furent sans équivoque malgré les contraintes posées sur la datation : sur la période allant de 1902 à 1914, un nombre significatif de particules présentent un taux élevé d'éléments lourds (cuivre, or, nickel). Les particules lourdes (Z élevé) sont dix fois plus nombreuses qu'avant ou après l'évènement de la Tunguska, ce qui tente à confirmer que ces éléments sont d'origine extraterrestre.

Guiseppe Longo, mathématicien et ingénieur nucléaire, précise toutefois que le lien n'est pas encore établi avec l'évènement de la Tunguska. Il est tout à fait possible qu'un bolide ait explosé à cet endroit mais que les éléments lourds aient simplement été soulevés du sol sous l'impact.

En fait si on analyse la résine qui coula sur les racines des arbres déracinés, on découvre qu'elle contient une combinaison d'éléments fondamentalement différents de ceux contenus dans la résine présente sur les troncs.

A ces indices s'ajoute celui des sphérules de silicates évoquées précédemment, caractéristiques d'une fusion atmosphérique.

En fait, tant que les chercheurs n'ont pas prospecté toute la région et ne découvrent pas le cratère l'impact, tout laisse à penser que l'objet explosa et se désintégra totalement en altitude, formant une boule de feu.

L'explosion en altitude

Les échelles de masse et de densité de l'objet peuvent être évaluées sur base de simulations et en observant ce qui se passe réellement dans la nature à une échelle réduite lorsqu'un volcan explose ou lorsqu'on teste une bombe ou un missile chargé explosant dans l'atmosphère.

Une sidérite, constituée presque exclusivement de fer, aurait probablement été trop lourde et trop dense. Sous l'impact elle se serait enfoncée sous terre à moins que l'on puisse réduire sa vitesse sous 40 km/s ce qui arrivement rarement dans la nature. On y reviendra.

Scénario de l'explosion atmosphérique de la Tunguska. Consulter le texte pour les explications. Document T.Lombry.

L'idée d'une météorite métallique ou mixte reste toutefois envisageable puisque selon des analyses effectuées à Moscou (cf. page 2), des échantillons récoltés sur le site auraient été classifiés comme des mésosidérites.

D'un autre côté, pour certains chercheurs américains une comète est trop fragile. Elle aurait explosé à plus de 22 km d'altitude, trop haut pour expliquer la disposition des arbres abattus.

Un météoroïde comme une chondrite carbonée pénétrant dans l'atmosphère sous un angle de 45° se serait fragmentée vers 14 km d'altitude, 4 à 6 km trop haut pour expliquer la dévastation. En revanche, si durant le vol atmosphérique la température reste nettement inférieure à 45000 degrés sur la partie frontale de l'objet, moins de chaleur serait transférée au bolide qui se consumerait donc moins vite. En conséquence il pourrait s'approcher plus près du sol jusqu'à ce que le gradient de pression le désintègre.

Simulation du projectile balistique à l'origine de l'évènement de la Tunguska avant sa rentrée dans l'atmosphère. Grille test réalisée par Zlobin en 1998. Document ORC.

Selon les études effectuées par Chris Chyba de l'Université de Princeton, l'explosion de ce bolide pourrait provoquer une dévastation similaire à celle de la Tunguska. Evans Lyne de l'Université du Tennessee à Knoxville pense toutefois qu'une comète pourrait tout aussi bien satisfaire ces conditions. Mais dans ce cas, on devrait retrouver des traces chimiques enfouies dans le sous-sol. Or ce n'est pas le cas.

D'autres météoroïdes massifs peuvent correspondre au profil recherché. En particulier un objet de 50 à 100 m de diamètre tombant sous un angle de 45° exploserait exactement à la hauteur de celle de la Tunguska. Il expliquerait également la clarté nocturne observée en Europe et en Asie septentrionale suite au dégagement de poussières dans la haute atmosphère. Pour d'autres, l'inclinaison est trop importante pour produire un tel effet.

L'hypothèse d'un astéroïde telle que suggérée par Guiseppe Longo n'a pas reçu d'écho favorable côté russe. Longo pense que la plupart des fragments seraient enfouis dans les marais situés au sud du site. Mais cet endroit ne fait qu'un mètre de profondeur et les chercheurs l'ont dragué en vain à plusieurs reprises en quête de météorites. Pour Vitaly Bronshten du Comité des Météorites, des fragments auraient dû être découverts dans ces marais. Dans son esprit, l'absence de cet indice renforce l'hypothèse cométaire.

Mais pour les chercheurs américains, avec toute la glace qu'elle contient, une comète devrait peser un million de tonnes pour produire les effets de la Tunguska. Le gaz émit et la poussière soulevée dans l'explosion auraient obscurci l'éclat du Soleil et peut-être altéré le climat. Selon Zdenek Sekanina du JPL, les conséquences sur la vie sur Terre auraient été horribles, comparables à un hiver nucléaire. L'humanité aurait été balayée et nous ne serions plus là pour en discuter. Il écarte donc la théorie cométaire au profit de celle de l'astéroïde, supportée par la majorité des chercheurs.

Devant toutes ces opinions divergentes, les chercheurs de Tomsk concluent que le problème est loin d'être résolu. Il ne le sera que si on découvre un fragment de l'éventuelle météorite de la Tunguska.

Les scientifiques ne sachant pas avec certitude s'il s'agit d'une comète, d'un astéroïde ou de quelque chose d'autre, ni même si l'objet explosa totalement en altitude ou percuta le sol, des analyses numériques furent réalisées aux Etats-Unis ainsi que par l'équipe de Zlobin afin d'affiner le modèle théorique et qu'il soit plus proche des résultats analysés in situ; c'est l'objet du programme "Tunguska 2000" de l'ORC.

Ce programme permet d'analyser l'influence des effets tridimensionnels qui restent actuellement mal compris. Le premier objectif consiste à définir les propriétés du météoroïde avant sa rentrée dans l'atmosphère. La méthode consiste à utiliser des algorithmes spécifiques permettant de créer des grilles modélisables sous forme mathématique. Ce modèle peut prendre en considération des structures hétérogènes dans le météoroïde ainsi que ses caractéristiques de conduction thermique dans les trois dimensions.

Selon les expertises établies par Chris Chyba, Paul Thomas et Kevin Zahnle du Centre de recherche Ames de la NASA qui s'intéressèrent tant au vol du météoroïde (Chyba et Thomas) qu'à sa désintégration et son impact (Zahnle), l'objet devait avoir une taille comprise entre 3 et 100 m, seule taille permettant à l'objet de ne pas se consumer totalement dans l'atmosphère et de ne pas percuter systématiquement le sol.

A gauche, explosion aérienne (microburst ou airburst) d'un missile de croisière Tomahawk BGM 109 portant une charge de 1000 lbs (450 kg) lancé depuis un sous-marin américain sur un avion-cible RA-5C Vigilante hors service posé au sol. Voici la séquence originale. A sa droite, explosion d'une charge atomique de ~15 kT lors du test Smoky dans le Nevada en 1957. La bombe explosa à ~200 m d'altitude. Dans les deux cas, c'est ce genre de boule de feu (300000°C dans un rayon de 17 m autour de l'hypocentre) qui se transforme au bout de quelques secondes en champignon de chaleur et le souffle qui l'accompagne à plus de 100 km/h qui sont destructeurs. Un petit astéroïde ou un fragment de comète de type Tunguska explosant à quelques kilomètres d'altitude (8-10 km) produirait un effet similaire bien que centuplé et la radioactivité en moins. A droite du centre, représentations artistiques du même phénomène. Documents DOD/FAS, Don Davis et D.R.

Ainsi que nous l'avons expliqué à propos de la dynamique d'une telle explosion, en traversant l'atmosphère un objet de cette taille subit une intense friction sur sa partie frontale, dont la température peut, selon Hills et Goda atteindre 45000°C. Mais en pratique le gaz n'atteint jamais cette température car en s'échappant du corps cette chaleur se dissipe. La roche se déforme toutefois sous la chaleur et prend la forme d'un pain-cake (ou d'un blini chez les Russes). Sous l'effet des turbulences une cavité présentant une forte dépression se crée à l'arrière du bolide. Cette modification structurelle crée une énorme contrainte sur la roche qui finit par se fragmenter, ces fragments subissant à leur tour les mêmes effets dans une réaction en chaîne. En quelques dizièmes de secondes un effet de freinage se produit transformant les fragments en un nuage de débris, comme si l'objet avait été dynamité dans l'air.

Mais de l'avis général, si l'objet était un astéroïde, donc un corps plutôt dense, il aurait provoqué un cratère d'impact et laissé quelques fragments. Or, aux dernières nouvelles aucun cratère ni débris n'a été découvert.

Un possible cratère : le lac Cheko

En 1999, le géologue Luca Gasperini de l'Institut des Sciences Marines (ISMAR) et des chercheurs de l'Université de Bologne ont mené une expédition dans la région de Tunguska et auraient découvert le fameux cratère d'impact, une formation allongée et atypique de 500 m de long et 50 m de profondeur aujourd'hui transformée en lac. Il s'agit du lac Cheko situé à 8 km au nord-nord-ouest de l'épicentre présumé.

A l'heure actuelle aucun fragment n'a été découvert ni aucun autre cratère, ce qui paraît suspect si l'objet principal s'est brisé en plusieurs morceaux. Aussi, pour confirmer (ou infirmer) définitivement l'hypothèse du cratère d'impact caché sous le lac Cheko, les chercheurs italiens organisèrent une nouvelle expédition en 2008 dans le but de creuser sous la formation à la recherche de débris météoritiques. Les résultats de l'expédition de 1999 furent publiés en août 2007 dans la revue "Terra Nova" et une nouvelle expédition fut organisée en 2008 afin de rassembler d'autres indices.

Que nous ont appris ces études ? En théorie, un cratère d’impact mesure 24 fois la taille de la météorite qui lui donna naissance mais certains cratères peuvent atteindre une dimension supérieure à 30 fois le diamètre de la météorite. La structure la plus simple, valable pour tous les cratères d'impact jusque 4 km de diamètre, est une dépression en forme de bol partiellement remplie de brèches entourée d'un rebord ou une zone d'éjecta composée de roches soulevées au moment de l'impact. Le rapport diamètre-profondeur est d'environ 5:1.

Le bassin du lac Cheko n'est pas circulaire, ni profond ni pentu comme un cratère d'impact typique. Celui-ci est allongé et peu profond, présentant un rapport de 10:1. Il ne présente pas non plus de zone d'éjecta comme on en trouve habituellement autour des cratères d'impacts, comme celui du "Meteor Crater" en Arizona.

A gauche, reconstruction du lac Cheko à partir des données topométriques et bathymétriques. Le niveau du lac a été abaissé de 40 mètres pour mettre en évidence la forme en entonnoir atypique de la formation. A droite, reconstruction 3D du lac Cheko à partir de données topographiques et de photos aériennes. Le catamaran est le bateau utilisé par les géologues italiens. Le cercle dans l'insert est une émission sous-marine de gaz. Documents Gasperini et al., U.Bologne.

Selon Gasperini et son équipe, la forme inhabituelle du bassin est le résultat d'un fragment éjecté par l'explosion de la Tunguska et qui s'enfonça dans le sol, laissant une dépression ressemblant à une longue tranchée. "Nous pensons qu'un fragment de 10 mètres de diamètre s'est séparé de l'objet au moment de l'explosion et conserva la même trajectoire. Il était relativement lent, se déplaçant à environ 1 km/s", explique Gasperini.

Le lac est situé le long de l'axe le plus probable de la trajectoire d'entrée de l'astre cosmique, explique l'auteur, l'objet ayant probablement fait un "crash en douceur" dans un terrain marécageux, typique de la taïga. "Il atterrit en douceur, dans un terrain marécageux, faisant fondre la couche inférieure de permafrost, libérant du gaz carbonique, de la vapeur d'eau et du méthane qui ont élargi le cratère, d'où la forme et la dimension du bassin, inhabituels pour un cratère d'impact. [...] Notre hypothèse est la seule qui tienne compte de la morphologie en entonnoir du bassin du lac Cheko", ajoute-t-il.

Au cours d'une précédente expédition dans la région, les chercheurs russes avaient étudié le lac Cheko et conclu qu'il s'était formé avant 1908, et donc antérieurement à l'évènement de la Tunguska. L'équipe avait mesuré l'épaisseur des sédiments présents au fond du lac et avait déterminé que les dépôts s'étaient accumulés à raison d'environ 1 cm par an. Ceci suggérait que le lac Cheko était âgé de plusieurs siècles.

Mais l'équipe de Gasperini prétend que les vieux dépôts trouvés par les Russes existaient déjà lorsque l'explosion s'est produite. "Nous avons trouvé des indices selon lesquels la couche de débris la plus récente et donc la plus élevée, le dernier mètre, provenait des alluvions de la rivière", explique Gasperini. "Les sédiments plus profonds sont antérieurs à 1908. Ils ont été recouverts par ceux de l'impact, si bien que le lac Cheko n'est âgé que d'un siècle."

Astéroïde ou comète ? William Hartmann, chercheur au Planetary Science Institute (PSI) de Tucson, en Arizona, considère les découvertes de l'équipe de Gasperini sont intéressantes mais ne répondent pas à toutes les questions que soulève cet évènement. "C'est un résultat passionnant qui pourrait apporter une nouvelle lumière sur l'explosion de la Tunguska. Il justifie de nouvelles études dans la région. Mais il soulève une question dans mon esprit : si un grand fragment a frappé le sol, nous devrions normalement nous attendre à ce que des milliers de fragments plus petits aient également frappé le sol tout le long de la trajectoire, or de nombreuses recherches n'ont pas permis de découvrir ces fragments de météorites. Pourquoi n'en retrouve-t-on pas ?" En effet, la découverte de fragments ou de brèches résultants de l'explosion serait la clé permettant de déterminer quel genre d'objet est à l'origine de cet impact. En raison de sa densité généralement élevée, un astéroïde aurait probablement laissé quelques traces alors qu'une comète aurait pu être annihiliée dans l'explosion, explique Hartmann. "Notre hypothèse du cratère est compatible avec les deux possibilités", déclare Gasperini. "Si l'impacteur fut un astéroïde, un fragment a pu survivre enterré sous le lac. S'il s'agit d'une comète, sa signature chimique devrait être trouvée dans les couches sédimenaires les plus profondes."

Après l'expédition de 2008 et trois ans d'études, en 2012 Gasperini et son équipe sont arrivés à la conclusion que le lac Cheko est bien un cratère d'impact et estiment que l'objet enterré sous le lac est une météorite. Toutefois, il faudra parvenir à creuser sous le lac pour prouver que le rocher enterré provient bien de l'espace et s'y trouve depuis 1908 si nous voulons résoudre ce mystère. Actuellement la question est toujours ouverte et rien ne prouve que le cratère du lac Checko est en relation avec l'évènement de la Tunguska.

Les chercheurs ne manquant pas d'idées, de nouvelles théories ont été proposées pour expliquer l'absence de cratère et de météorites.

L'énergie de l'explosion serait plus faible que prévue

En 2007, le physicien américain Mark Boslough spécialiste de la modélisation des impacts des corps célestes à l'Université de New Mexico et physicien au Laboratoire National de Los Alamos National (LANL) détermina que l'explosion de la Tunguska, dont l'énergie fut initialement estimée entre 10 et 20 MT, serait en réalité beaucoup plus faible, de l'ordre de 3 à 5 MT, mais tout de même des centaines de fois plus puissante que la bombe qui explosa sur Hiroshima en 1945.

Boslough rejoint les chercheurs prétendant qu'il s'agissait d'un astéroïde. Il pense que l'objet se déplaçait entre 12 et 18 km/s, mais contrairement à toutes les autres hypothèses, à partir des simulations réalisées sur un supercordinateur, il estime que l'objet présentait la même masse qu'un corps solide de la taille de la Maison Blanche (~100 x 50 m).

L'objet aurait totalement explosé en altitude, l'onde de choc et la boule de feu (fireball) ayant provoqué les dégâts observés au sol, laissant quelques arbres debout dans la zone de l'épicentre. Si l'objet avait été plus massif il aurait libéré au moins trois fois plus d'énergie et la boule de feu aurait tout incinéré, même dans l'épicentre. Or les indices ne correspondent pas à cette hypothèse, selon Boslough.

Dans une étude publiée dans la revue "Icarus" en 2019, Darrel K. Robertson et Donovan L. Mathias du centre Ames de la NASA ont publié les résultats de nouvelles simulations réalisées au moyen de l'hydrocode ALE3D appliqué à des explosions aériennes d'astéroïdes et de comètes.

A gauche, des arbres abattus suite à une micro-rafale de vent (cf. les vents locaux en météorologie) survenue en 1999 au Montana, aux Etats-Unis. A l'exception des incendies, les dommages provoquéspar ce "microburst" furent similaires à ceux survenus à Tunguska en 1908 où après l'explosion du volcan du St.Helens en 1980. A droite, résultats de simulations montrant les profils des dépôts d'énergie de météores de 50 et 100 m de diamètre pour une gamme d'angles d'entrée, de vitesses, de densités et de résistances au cisaillement. Les corps de 100 m de diamètre éclatent généralement tous près du sol, les corps à l'incidence les plus élevées et les plus durs impactant généralement le sol avec une fraction importante de l'énergie initiale restante et créent par conséquent des cratères ou des champs de cratères. Les corps de 5 0m de diamètre offrent une gamme d'altitudes d'éclatement qui peuvent avoir un effet significatif sur les dommages au sol. Seuls quelques-uns des météores de 50 m de diamètre les plus raides, les plus durs et les plus denses impactent le sol avec une quantité d'énergie significative, de sorte que la plupart ne devraient pas laisser de cratères, du moins dans l'hypothèse d'une force uniforme. Documents Rod Benson et D.K. Robertson et D.L. Mathias (2019).

Les paramètres (taille, densité, force, angle d'entrée et vitesse du pénétrateur) ont été élargis pour couvrir l'espace paramétrique des évènements qu'on pourrait rencontrer dans le cadre de la défense planétaire (cf. le projet Spacewatch), en incluant l'évènement de la Tunguska. Les simulations visaient à calibrer un modèle analytique simple que l'on pourrait utiliser pour estimer rapidement l'altitude de l'explosion d'un astéroïde ou d'une comète pénétrant dans l'atmosphère.

Selon les chercheurs, "Les simulations montrent que les astéroïdes rocheux et les comètes glacées pourraient être à l'origine de l'évènement de Tunguska sur une large gamme de tailles, de vitesses, d'angles d'entrée, au moins en termes d'énergie délivrée et altitude d'explosion nécessaire pour produire la chute des arbres et l'absence d'un cratère d'impact évident au sol. Cela concorde avec les estimations analytiques précédentes".

"La modélisation de la résistance au vent des arbres prédit que des vitesses de vent de 40 à 50 m/s (moins forts que lors d'une explosion nucléaire) sont nécessaires pour abattre la plupart des arbres. C'est plus lent que les estimations précédentes calculées à partir des données d'essais nucléaires, mais plus rapide que les estimations de la limite inférieure d'une explosion de 3 MT. Cela suggère qu'une énergie de 10 MT est très probable pour Tunguska, mais nécessite des données manquantes sur la distribution de la taille des arbres et la réponse au vent pour mieux réduire la distribution de probabilité des impacteurs potentiels de Tunguska". Ce niveau d'énergie correspond à ~660 fois l'explosion de la bombe d'Hiroshima !

Si on cerne un peu mieux le niveau d'énergie libérée par l'explosion, on ne connait toujours pas la taille ni la nature du météoroïde.

Nouvelle hypothèse : une sidérite aurait frôlé la Terre

Dans une étude publiée dans les "MNRAS" en 2020 (en PDF sur arXiv), Vladimir I. Pariev de l'Institut de Physique Lebedev et ses collègues ont proposé une nouvelle hypothèse inattendue pour expliquer l'évènement de la Tunguska.

Les auteurs estiment que l'idée la plus discutée dans la théorie actuelle est le fait que l'explosion serait le résultat d'un corps glacé, comme celui d'une comète ayant pénétré dans l'atmosphère. La glace s'est ensuite rapidement réchauffée et s'est évaporée de manière explosive dans l'air, mais n'a jamais touché le sol. Une telle explosion aurait pu être assez puissante pour aplatir les arbres sans laisser de cratère. Cela aurait laissé peu de preuves autres que de la vapeur dans l'atmosphère.

En fait ce postulat serait faux car la théorie dominante actuelle considère que l'objet était un astéroïde métallique et non pas un corps glacé.

Selon les chercheurs, la théorie du corps glacé ne correspond pas à certaines autres preuves. Ils rappellent que selon les témoins de l'époque, l'objet parcourut 700 km dans l'atmosphère avant d'exploser.

Les auteurs se basent sur le fait que l'explosion détruisit des millions d'hectares de forêts mais ne laissa aucun cratère. Si l'objet était un fragment de comète ou d'astéroïde et avait explosé avant de toucher le sol, il aurait probablement jonché le sol de débris rocheux. Or, personne n'en a découvert. En comparaison, le météoroïde qui explosa au-dessus de Tchéliabinsk, en Russie, en février 2013 (voir plus bas) se brisa en multiples fragments qui furent découverts dans la semaine qui suivit.

Selon les chercheurs, il n'y a qu'une explication. Un gros météoroïde composé de fer (sidérite) se serait précipité vers la Terre et frôla la surface de si près qu'il engendra une énorme onde de choc. L'objet n'a pas percuté le sol mais poursuivit sa trajectoire sans se briser et quitta l'atmosphère, poursuivant son voyage dans l'espace interplanétaire. Reste la question de savoir sur un objet en fer ou rocheux peut s'affranchir de l'attraction terrestre sans se fragmenter ?

Pour tester cette hypothèse, Pariev et ses collègues ont simulé l'effet de météoroïdes faits de roche, de fer ou de glace, mesurant 200, 100 et 50 m de diamètre, pénétrant sous un angle rasant (entre 5-12°) dans l'atmosphère à une vitesse de 20 km/s jusqu'à 10-15 km d'altitude.

A gauche, la trajectoire schématique (la flèche rouge) d’un météoroïde dans l'atmosphère de la Terre et l'angle d'incidence dans l'atmosphère (β). Re est le rayon de la Terre. Au centre, les trajectoires de l'objet dans l'atmosphère sous des angles d'incidence compris entre 5 et 12°. Le corps est composé de fer, son rayon est de 100 m et sa vitesse initiale est de 25 km/s. A droite, l'une des simulations montrant les changements dans la vitesse d'un corps métallique le long de sa trajectoire lors de son passage dans l'atmosphère pour des rayons R = 100, 50 et 25 m à une altitude minimale de 11 km. Les courbes se terminent lorsque le corps quitte l'atmosphère à une altitude de 160 km. Documents V.I.Pariev et al. (2020).

Etant animé d'une vitesse élevée, la friction atmosphérique chauffa immédiatement l'objet. Mais alors que le fer se vaporise à environ 3000°C, l'eau se vaporise à seulement 100°C. Les météoroïdes glacés ne résistent donc pas longtemps dans ces conditions. Pariev et ses collègues ont calculé qu'un corps glacé suffisamment grand pour provoquer une telle explosion ne parcourerait pas plus de 300 km dans l'atmosphère avant de se vaporiser entièrement. Cela suggère que l'objet de la Tunguska n'aurait pas pu être fait de glace. Selon les auteurs, même un corps rocheux se désintégrerait complètement sous les énormes pressions générées par son passage à travers les couches troposphériques.

A la place, les chercheurs estiment que l'évènement aurait été provoqué par un météoroïde de fer (sidérite) mesurant probablement entre 100 et 200 m de diamètre qui traversa l'atmosphère terrestre à environ 72000 km/h soit 20 km/s. Selon Pariev, "Seuls les astéroïdes de fer de plus de 100 m de diamètre peuvent survivre et ne pas se fissurer et se fragmenter en de nombreux morceaux".

L'onde de choc produite au plus bas de sa trajectoire aurait provoqué une explosion à peu près de la bonne magnitude pour aplatir tous les arbres sur des dizaines de kilomètres carrés et brûler ou détruire les écosystèmes sur plusieurs milliers de kilomètres carrés.

Le météoroïde aurait perdu une partie substantielle de sa masse. L'étude révéla que le fer libéré par un objet se déplaçant à de telles vitesses se vaporiserait sous forme de gaz et de plasma, puis serait oxydé dans l'atmosphère avant de se condenser sous forme de poussière qui retomba au sol, devenant presque impossible à distinguer des oxydes de fer terrestres. Ce scénario explique pourquoi aucun résidu de l'astéroïde n'a été trouvé ni aucun fragment. Selon les auteurs, cela pourrait également expliquer les rapports faisant état de la présence de poussière dans la haute atmosphère au-dessus de l'Europe après l'impact.

Ensuite, en raison de forte densité et de son impulsion, l'objet ne s'est pas brisé mais poursuivit sa course et retourna dans l'espace.

Mais selon Mark Boslough précité, certaines questions demeurent. En effet, si un objet traversait l'atmosphère sans exploser, l'onde de choc résultante serait considérablement plus faible que l'onde de choc d'une explosion.

Selon Boslough, "Un objet qui survécut à un tel transit dans l'atmosphère ne pouvait pas descendre assez près de la surface pour qu'un boum sonique fasse le genre de dégâts qu'on observa à Tunguska". De plus, le motif des arbres abattus sur le site est radial, émanant d'un seul point de libération d'énergie considérable. On ne peut pas s'attendre à observer les mêmes phénomènes lors d'une explosion et lors d'un boum sonore, "même s'il avait été assez puissant pour faire exploser des arbres" et de rappeler que les témoignages-oculaires "sont cohérents avec un objet qui descendait vers la surface avant d'exploser".

Le prochain objectif de Paviel et ses collègues est de simuler l'impact de l'onde de choc produite par un astéroïde composé de fer rasant la Terre.

Tel est en résumé l'état de nos connaissance actuelles de l'évènement de la Tunguska.

Théories alternatives

Nous ne serions pas complet si nous ne citions pas les théories alternatives, ne fut-ce que pour mémoire.

L'interprétation tectonique

Le radiophysicien Andrei Ol'khovatov de l'Institut de Recherche Industrielle de Radio Instrumentation de Moscou est opposé à l'hypothèse du météoroïde. Selon des études qu'il publia dans des revues soviétiques, toutes les trajectoires supposées du bolide coincideraient avec les lignes de failles qui courent dans la région, tandis que l'épicentre serait plaqué au milieu d'un ancien cratère d'origine volcanique. Il est même vraisemblable à ses yeux que les effets lumineux observés par certains témoins soient corrélés à des processus tectoniques (depuis les années '90 nous savons qu'un effet piezo-électrique serait parfois corrélé avec certaines manifestations séismiques et l'observation d'OVNI en forme de boule lumineuse par exemple).

Mais pour de nombreux scientifiques la forme radiale des arbres soufflés ne s'explique que par des ondes de choc provenant du dessus et non pas du sol, comme le ferait un séisme. Ce phénomène ne fut donc qu'un effet secondaire de l'explosion. L'hypothèse tectonique ne tient pas compte non plus des observations de quelque 800 témoins. En fait personne ne croit vraiment en cette théorie séismique.

Les effets génétiques

Il n'existe qu'un seul document écrit par le Russe Krinov et depuis repris par plusieurs auteurs rapportant des effets sur les animaux et la végétation,. Selon Krinov, toute la matière vivante fut affectée génétiquement, les arbres et les plantes ayant accéléré leur taux de croissance. Les graines et les épines d'au moins une espèce de pin présentaient des anomalies génétiques qui auraient été étudiées.

Cet effet aurait été constaté dans l'épicentre et le long de la trajectoire du météoroïde. Certains parmi les animaux brûlés moururent de façon inhabituelle comme s'ils avaient été exposés aux radiations. On rapporte également que les Tungus qui avaient touchés les pierres tombées du ciel devinrent malades.

Le facteur Rhésus de certains groupes d'Evenki était anormal, de même que certaines espèces d'insectes et de plantes. Krinov rapporte même qu'un champignon s'éleva dans l'air et une pluie noire tomba sur la Tunguska. Des recherches ultérieures auraient permis de révéler des signes de radiation, des trinitites similaires à celles trouvées sur le site de Trinity (Arizona), supportant la théorie de l'explosion atomique.

La plupart des scientifiques mettent en doute la véracité de ces propos et peu d'entre eux discutent des anomalies génétiques. Ils pensent que l'hypothèse des radiations ionisantes est peu crédible et que ce rayonnement n'aurait jamais pu contaminer une région de 60 km à la ronde, d'autant qu'aucun isotope n'a été découvert sur le site contrairement à ce que prétend Krinov. Mais nous disposons de trop peu d'information pour porter un jugement sur cette hypothèse qui n'a jamais eu beaucoup d'échos dans la communauté scientifique.

Pour plus d'informations sur les théories alternatives :

- A.A.Jackson et M.P.Ryan (1973) : la théorie du trou noir et sa démystification.

- Dennis Ramsey : revue des interprétations classiques et des hypothétiques explosions d'un astéroïde ou d'une bombe atomique ainsi que le crash d'un OVNI.

2002 : Nouvel impact en Sibérie orientale

Selon Vladimir Polyakov de l'Institut de Physique Solaire et Terrestre de Moscou, durant la nuit du 24 septembre 2002, un objet explosa au-dessus de la Sibérie, dans le district de Bodaibo situé au nord-est d'Irkoutsk et du lac Baïkal (à l'est de la Tunguska), ravageant près de 100 km2 de taïga. En octobre 2002 aucune autre information ne transpirait de cet évènement.

Michael Nazarov du Laboratoire des Météorites de l'Institut Vernadsky de Géochimie et de Chimie analytique notait que "la station [séismique] de Bodaibo avait enregistré un signal qu'on ne pouvait pas aisément interpréter".

Les autres stations séismiques situées plus loin n'avaient rien enregistré, indiquant que si l'objet avait survécu à la rentrée atmosphérique et frappé le sol, l'impact dut être relativement faible.

Comme à l'accoutumée la presse invoqua un impact météoritique, mais sans disposer de la moindre preuve. Par chance, le Département de la Défense américain (DoD) avait suivi la chute de l'objet entre 62 et 30 km d'altitude. Il estima son énergie à 200 tonnes de TNT seulement.

En fait l'information ne fut publiée dans la presse qu'en... juillet 2003 car ce n'est qu'au mois de mai de l'année suivante qu'une équipe scientifique de l'Académie des Sciences de Moscou constituée d'une dizaine de personnes, y compris des médecins, a pu localiser et atteindre l'épicentre de la zone située dans une région semi-montagneuse et boisée.

"Sur une superficie d'environ 100 km2, rapporte le chef d'expédition Vadim Tchernobrov de l'Académie des Sciences de Moscou, les arbres sont cassés d'une manière caractéristique d'effets de souffle très puissants. Pour donner un ordre d'idée, l'explosion de la météorite, qui s'est désintégrée avant de toucher le sol, et dont les fragments n'ont laissé pour cette raison, selon nos observations, qu'une vingtaine de cratères ayant jusqu'à vingt mètres de diamètre, équivalait à la puissance d'une bombe atomique de taille moyenne".

La nature de l'objet ainsi que son origine demeurent inconnus. L'objet, pourrait être un astéroïde de la famille des NEO ou tout simplement un astéroïde isolé un peu plus gros que les bolides ordinaires.

2013 : L'impact de Tchéliabinsk

Décidément dans la taïga, le ciel nous tombe souvent sur la tête se diront certains lecteurs ! Et pour preuve de citer les évènements Tunguska 1908, Sikhote-Alin 1947, Oust-Ilimsk 1976, Bodaibo 2002, sans oublier la météorite de Tchéliabinsk qui tomba avec fracas dans l'Oural le 15 février 2013.

La NASA estima que ce fragment d'astéroïde mesurait environ 20 m et pesait 12 à 13000 tonnes. Il est entré dans l'atmosphère à 19.2 km/s et se désintégra à 23 km d'altitude en libérant une énergie équivalente à environ 440 kT de TNT soit près de 30 fois la bombe d'Hiroshima ! L'onde de choc endommagea 7000 bâtiments à Tchéliabinsk et blessa 1600 personnes mais au total l'explosion affecta plus d'un million de personnes. On retrouva au moins 4 débris importants dont un mesurant 1.5 m et pesant 654 kg et des centaines de petits fragments de quelques dizaines de grammes que certains vendirent via Internet.

Selon Dmitri Badioukov, directeur adjoint du laboratoire météoritique à l'Institut Vernadski qui explora la région de l'impact, les débris sont tombés dans une zone de 100 à 150 km de long et de 20 km de large. Au total, Erik Galimov, directeur de l'Institut de géochimie et de chimie analytique de l'Académie russe des Sciences estime que 1000 tonnes de débris soit 10% de la masse de l'astéroïde sont tombés sur Terre dont seulement 6 tonnes furent récoltés.

Le fait qu'autant de météorites tombent en Sibérie n'a rien d'étrange. La Sibérie s'étend sur 10 millions de kilomètres carrés et la probabilité d'un impact n'y est pas différente d'un autre lieu, Ouf !

A voir : Meteorite Explosion over Russia - HD Compilation

NPP Sees Aftermath of the Chelyabinsk Meteor, NASA, 2013

En guise de conclusion

Nous avons analysé les différents effets associés à l'évènement de la Tunguska et les différentes tentatives d'explications.

Sur le plan médiatique, il semble malheureusement que certains chercheurs russes propagent des rumeurs et aiment se faire passer pour des farfelus. Les chercheurs appartenant au "Fonds du phénomène spatial de Tunguska" par exemple annoncent à travers les médias, avant même toute expertise, qu'ils ont découvert... les débris d'une soucoupe volante, alors qu'ils font expertiser un simple cailloux ! Où est la rigueur scientifique dans cette démarche ? Certainement pas en posant les conclusions avant les hypothèses ni en expertisant un objet dont aucun indice laisserait supposer qu'il est relié à cet évènement. S'il faut analyser des échantillons, encore faut-il le faire sciemment, soit sur base statistique soit en établissant une préanalyse sommaire qui confirmerait une hypothèse.

Document http://www.space.com/

Cet évènement ajouté aux autres de cet acabit, confirme qu'avec ou sans l'Etoile rouge, la Russie ne brille malheureusement plus au firmament. Il est temps que les émules de Leonid Kulik sortent des eaux troubles de la taïga et nettoyent leurs éprouvettes de cette propention atavique leur faisant penser que les légendes et autres rumeurs font partie de l'histoire de la Science !

Sur le plan scientifique, on peut présager que cette énigme ne sera résolue que si les simulations informatiques sont affinées, lorsque nous connaîtrons mieux le passé de la Terre et que les chercheurs auront exploré toute la région et en particulier creusé le sous-sol jusqu'à 10 km de part et d'autre de la trajectoire présumée du météoroïde et récolté des données exploitables.

Depuis 1999, les chercheurs ont affiné leurs modèles et découvert le lac Cheko, mais actuellement aucune théorie ne fait consensus et plusieurs posent même des conlusions contradictoires.

La principale difficulté est le temps. A mesure que les années passent le site de la Tunguska révèle de moins en moins d'indices car leurs traces disparaissent dans la végétation, se métamorphosent ou se décomposent. D'autres évènements, tel l'impact survenu en 2002 (bien que celui-ci soit situé cette fois ci au nord-est plutôt qu'au nord-ouest du lac Baïkal) peuvent également détruire les dernières traces qui auraient subsisté. En fait chaque année les scientifiques doivent travailler toujours plus dur pour tenter d'en savoir un peu plus.

Si la solution de l'énigme de la Tunguska nous apporterait bien des réponses sur la dynamique de l'évènement, ce cataclysme met avant tout en exergue le danger que constitue la collision de la Terre avec une météorite ou un objet de la famille des NEO. On estime que cette météorite devrait avoir une taille dix fois supérieure à celle de la Tunguska pour décimer tout un pays.

Heureusement, si la fréquence d'un évènement similaire à celui de la Tunguska oscille entre 500 et 10000 ans (Zlobin, 1995), un objet de taille dix fois supérieure risque de percuter la Terre qu'une fois tous les cent mille ans, voire tous les millions d'années.

Mais c'est oublier que d'autres accidents de la classe de la Tunguska peuvent nous toucher de beaucoup plus près avec une fréquence bien plus élevée. Le tueur de la taïga était isolé et ne tua, relativement parlant, presque personne (deux chasseurs et quelques centaines d'animaux selon les témoignages). Un accident d'avion, de train ou de bateau fait aussitôt des centaines de morts; les victimes d'accidents de la circulation ou de cancers se comptent par milliers chaque année...

L'évaluation de la fréquence d'un impact météoritique reste malgré tout d'un grand intérêt car il faut déterminer ses retombées s'il venait un jour à percuter une grande ville. Car outre les victimes et les retombées probable sur le climat, s'est tout le tissu industriel et économique d'une région du monde qui serait vraisemblablement touchée. Les retombées financières forceraient les pays développés ayant survécu au cataclysme à débourser jusqu'à leurs derniers deniers. Ce sujet d'actualité mérite de lui consacre un dossier, les Histoires d'impacts dans lequel sont évoqués les différents risques et nos moyens de défense.

Pour plus d'informations

Astéroïdes associés à la Tunguska (sur ce site)

Image satellite de la Tunguska (Google map)

Tunguska Home Page, U.Bologne (TH-BO)

Réserve naturelle de Tunguska (тунгусский-заповедник)

Tunguska and other pictures, A.Ol'khovatov

Podkammenaya Tunguska, S.Karpoukhine

Quasi Three-Dimensional Modeling of Tunguska Comet Impact (1908), Andrei E. Zlobin, 2007 Planetary Defense Conference

Report on the Tunguska International Workshop (1996)

The Tunguska Mystery, Valery Rubtsov, 2009

Planetary Defense Workshop, LLNL

L'Académie des Sciences de Moscou

Université d'Etat de Tomsk

Institut de Calculs Mathématiques et de Géophysique Mathématiques, Russie.

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Sources et remerciements :

Ce dossier consiste en une compilation de documents scientifiques publiés entre 1994 et 2015 par les institutions suivantes (entre parenthèse l'acronyme utilisé dans le texte) :

- L'Académie des Sciences de Moscou.

- Le département de physique de l'Université de Bologne, Italie (TH-BO).

- Le Centre Informatique et de Calcul de Novosibirsk (CCN) aujourd'hui intégré au Siberian SuperComputer Center of the Siberian Branch of the Russian Academy of Science (ICM&MG).

- L'Institut Polytechnique (A.E. Zlobin) ainsi que l'Université de Tomsk, Russie (ORC).

- L'Institut de Calculs Mathématiques et de Géophysique Mathématiques, Laboratoire de Technologie Informatique, Russie (ICMMG).

- Les Proceedings de l'atelier Planetary Defense Workshop américain (LLNL).

- L'ouvrage "Témoignages oculaires de la chute de Tunguska", N.V. Vasilyev, A.F. Kovalevskiy, S.A. Razin et L.E. Epiktetova, Tomsk, 1981.

Je remercie également le professeur Roy A.Gallant, géologue, spécialiste des météorites à l'Université de Southern Maine et ancien directeur du Planétarium de Southworth (USA) pour sa contribution au compte-rendu historique, ainsi que Joachim Otto Habeck, anthropologue à l'Institut Max-Planck, pour ses détails ethnologiques.


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