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Doc Dreamworks.

L'évènement de la Tunguska

E. Les effets magnétiques (IV)

Aujourd'hui la plupart des scientifiques acceptent l'idée que les bolides d'envergure peuvent induire des effets magnétiques. Des perturbations magnétiques ont en effet été enregistrées pratiquement dans l'instant qui suivit l'explosion de la Tunguska ainsi qu'en témoignent les relevés présentés ci-dessous. La perturbation a duré plus de 6 heures.

Le professeur Weber de l'Université de Kiel rapporta en 1908 une autre observation étrange. Il déclara dans la revue allemande "Astronomische Nachrichten" (178, p239-240) avoir observé des déviations périodiques et inhabituelles de l'aiguille d'une boussole tous les soirs du 27 au 30 juin 1908, chaque occurrence durant 7 heures. L'effet disparut après l'explosion de la Tunguska.

Relevé des fluctuations magnétiques à l'Observatoire d'Irkoutsk le 30 juin 1908 entre l'instant de l'impact (T=0) et 6 heures après l'explosion (T=6). Documents V.K.Zhuravlyov et F.Yu Zigel.

La tempête magnétique fut si intense que les boussoles de l'Observatoire d'Irkoutsk furent inutilisables à 977 km de l'épicentre. Les anomalies électromagnétiques (EMP) furent enregistrées jusqu'aux antipodes ! Des aurores inhabituelles furent observées en Antarctique avant et après l'explosion de la Tunguska. Les rapports de cette tempête géomagnétique furent publiés dans les années 1960 par Plekhanov, Kovalevsky, Ivanov, Zhuravlyov et Zolotov.

Pour Kovalevsky et Zolotov, ces tempêtes magnétiques furent similaires à celles produites par des explosions atomiques réalisées dans la stratosphère depuis le Pacifique, raison pour laquelle certains auteurs furent tentés d'attribuer cet accident à une explosion nucléaire. Toutefois, tous les effets secondaires d'une telle explosion n'ont pas été réunis (isotopes, etc).

Comment peut-on expliquer une perturbation magnétique aussi longue ? Deux hypothèses de travail ont été proposées. La première par Zolotov, la seconde par Zlobin. Toutes deux partent des mêmes faits mais conduisent à des conclusions pour le moins étonnantes et que les physiciens ont du mal à croire.

Selon Zolotov les effets géomagnétiques et ceux liés à une explosion nucléaire se déroulent en plusieurs phases. La première est provoquée par l'onde magnétohydrodynamique. Son énergie dépend du volume et de la température du plasma explosant. Mais la principale phase est provoquée par la dispersion des électrons secondaires maintenus dans l'enceinte magnétique de l'objet. Des électrons primaires et des ions sont générés par les isotopes radioactifs contenus dans le plasma au moment de l'explosion. C'est de cette réserve d'isotopes radioactifs dont dépend la durée de la tempête géomagnétique, car la seule recombinaison des électrons et des ions ne permet pas à une telle tempête de durer plus d'une heure (c'est la raison pour laquelle une perturbation magnétique générée par une explosion chimique ne dure jamais plus de 10 minutes). C'est le principal problème à résoudre dans l'explosion de la Tunguska car il faut expliquer la durée anormale de la perturbation géomagnétique.

En 1969, une anomalie paléomagnétique fut découverte dans la région de la Tunguska par Boyarkina et Sidoras. Des simulations informatiques suggérèrent que cette anomalie fut le résultat de la première phase de la tempête magnétique (l'onde MHD) du 30 juin 1908. La phase de paroxysme de la tempête aurait été provoquée par une migration d'électrons rapides le long des lignes de force du champ magnétique autour d'Irkoutsk. Ici une analyse régionale de la tempête géomagnétique serait très instructive pour comprendre l'évènement de la Tunguska.

L'analyse publiée en 1974 conduit à une conclusion paradoxale : la première explosion atomique se serait déroulée, non pas au Nouveau-Mexique en 1945, mais... en 1908 à Tunguska ! Cette idée "folle" comme la qualifie Victor Zhuravlev qui assista en 1996 à l'atelier Tunguska qui se déroula à Bologne, sera publiée par Kazantsev en 1946. Aujourd'hui encore les modèles théoriques assumant une origine cométaire ignorent cet effet. Sans doute le juge-t-on peu réaliste.

Pour Victor Zhuravlev la conclusion est claire : soit les comètes contiennent une source inconnue de plasma de très haute densité, soit le météoroïde de la Tunguska n'est pas une comète, mais un objet dont la composition et la structure sont inconnues des astronomes et des physiciens. Il préconise par ailleurs que toutes les informations concernant la tempête géomagnétique du 30 juin 1908 soient distribuées aux ingénieurs du projet Spacewatch qui développent les missiles et autres projets visant à détruire les comètes et autre NEO s'aventurant un peu trop près de la Terre. A l'heure actuelle la théorie de Zhuravlev reste spéculative.

Voyons à présent la théorie de Zlobin. Selon des études préliminaires réalisées en 1988 et 1989 fondées sur des études de A.D. Sakharov et S.S. Grigoryan, sachant que le coeur du météoroïde peut rester à une température de 4 K tout au long de sa trajectoire orbitale, il est possible que seule une fine couche de la surface de l'objet ait été portée à haute température pendant la rentrée atmosphérique. Le noyau conserverait la singulière propriété d'être supraconducteur, entraînant des effets inattendus. Faut-il croire à cette théorie ?

A gauche, l'objet à l'origine de l'impact tel qu'il aurait été observé par T.N. Naumenko depuis la ville de Kejma. On peut toutefois douter qu'il ait réellement vu la forme de l'objet en vol alors qu'il subissait la friction atmosphérique. A droite, selon une étude de A.D. Sakharov, S.S. Grigoryan et A.E. Zlobin, au cours de sa fragmentation à basse température (4.2 K) la sidérite à l'origine de la Tunguska aurait eu des propriétés supraconductrices capables de générer un champ magnétique intense par accumulation magnétique. Les effets secondaires de ce phénomène MHD seraient la formation d'une queue magnétique derrière le bolide, la forme incurvée de sa trajectoire et, au moment de l'impact, une extension plus marquée vers la région est du site, ainsi que les témoins l'ont constaté. Cette théorie n'a toutefois jamais pu être vérifiée. Avis aux experts... Documents A.Yu Ol'khovatov, ORC.

Andrei Zlobin cite notamment le fait que le météoroïde serait capable d'entretenir un mécanisme complexe "d'accumulation magnétique" à mesure qu'il se fragmenta, phénomène qui, au moment de l'explosion, aurait modifié le champ magnétique terrestre durant une longue période. La chaîne de processus aurait été la suivante :

- L'astre suit une orbite de collision avec la Terre

- Fragmentation du météoroïde

- Génération de courant électrique

- Accumulation d'énergie électromagnétique dans le volume confiné du bolide

- Explosion électromagnétique du noyau cométaire

- Effets MHD en présence du champ géomagnétique, etc.

Ce mécanisme de destruction et les propriétés citées ne sont évidemment pas les seules possibles, d'autant moins que cette théorie a trouvé peu d'écho dans le monde scientifique. Edwards Teller pose toutefois la question de savoir s'il n'existerait pas une corrélation entre les impacts météoritiques et les changements successifs de l'orientation du champ magnétique terrestre. Bien que l'hypothèse de Zlobin nous semble farfelue, la question posée par Teller reste ouverte.

L'improbable queue ionique

En 1988, Zlobin suggéra également que l'angle formé entre la direction du mouvement du bolide et l'axe du "papillon" fut la conséquence de l'action générée par une puissante force électromagnétique de Lorentz. Son hypothèse trouva un certain écho car la présence de cet angle fut notée par un témoin qui vit l'objet en vol. S.Leonov de Bodaybo aurait vu l'objet suivre une trajectoire incurvée, ce qui semble confirmé sur le terrain, et il aurait observé une deuxième queue inclinée par rapport à l'axe du bolide. Ces deux effets associés à la chute d'une météorite sont relatés pour la première fois. Toutefois un seul témoignage ne permet pas de confirmer l'hypothèse électromagnétique.

Quant à dire que la deuxième queue était constituée de plasma, bien qu'elle aurait été orientée sur le côté de l'objet (constituée de matière ionisée, elle est orientée par rapport au pôle magnétique), sa nature est plus que douteuse quand on sait que cet évènement s'est déroulé dans une atmosphère dense et non pas dans le vide. En effet, une traînée ionisée ne peut pas se maintenir dans une atmosphère et va rapidement être neutralisée.

Les propos très controversés de S.Leonov furent publiés en 1976 par L.E. Epiktetova mais n'ont jamais été corroborés par aucune autre observation. Cette théorie n'a donc jamais été validée et cette observation reste très suspecte.

Pour être complet, mentionnons que le seul effet magnétique associé aux bolides est le fait que ceux volant à des vitesses hypersoniques et explosant en très haute altitude peuvent générer des impulsions magnétiques (EMP) dans les couches D ou E de l'ionosphère (80-120 km d'altitude).

Autre source possible, les rayonnements électromagnétiques (UV, rayons X, etc) et les éjections corpusculaires (CME, protons, etc) du Soleil peuvent perturber le champ magnétique terrestre et créer des tempêtes géomagnétiques ainsi que des aurores. Cette énergie peut se coupler à divers flots d'électrons ambiants (Ceinture de Van Allen, lignes à haute tension, pylones de radiodiffusion, etc). Mais ces modèles ne s'appliquent pas à un évènement comme celui de la Tunguska dont le météoroïde explosa dans la basse atmosphère.

S.Leonov aurait noté qu'il y avait bien un angle entre la trajectoire suivie par l'objet et la deuxième queue. Si nous obtenons un jour la confirmation de cet évènement, la présence de cet effet confirmerait qu'il existait une interaction très importante entre le champ géomagnétique et la queue ionique des comètes.

Prochain chapitre

Nature de l'objet

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