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Définition des reliefs lunaires

écrit en collaboration avec la Dr Winifred S.Cameron, NASA-GSFC

Nomenclature et description (II)

Galilée, Hévelius, Antoniadi puis des géologues lunaires contemporains - des sélénologues - comme Winifred S.Cameron (1918-2016) du Centre Spatial Goddard de la NASA ont longuement étudié la surface lunaire pour tenter de comprendre la formation et l'évolution géologique de notre satellite.

A ma requête, la Dr W.S. Cameron se propose de nous définir les différentes formations que l'on observe à la surface de la Lune. Ses commentaires sont complétés par des observations du Pr John Westfall, géographe et spécialiste en science de l'environnement à l'Université d'Etat de San Francisco et ancien directeur de l'ALPO. La colongitude ou angle de phase au terminateur est repris entre parenthèses pour faciliter la localisation des sites discutés.

La mer (maria)

Les mers lunaires ont rarement été étudiées en tant que telles. La raison vient peut-être du fait qu'elles sont tellement évidentes et étendues qu'elles représentent plus l'arrière-plan devant lequel se dessinent les reliefs que des sujets d'observation à part entière. Les missions spatiales ont heureusement redonné leurs lettres de noblesses à ces régions.

A voir : Planisphère de la Lune, USGS/LRO

Ci-dessus, quatre visages familiers de la Lune : la tête de femme, la fourmi, le crabe et le lion; tout dépend de la latitude où on l'observe. Ci-dessous, la planisphère globale de la Lune révélant l'expansion des mers sur la face visible comparée au relief très accidenté du restant du globe. Cette planisphère fut assemblée à partir de 15000 images prises par la sonde LRO entre novembre 2009 et février 2011. Sur le document original de 6 GB la résolution est de 100m/pixel à hauteur de l'équateur. Document USGS/LRO.

Les mers représentent les immenses plaines sombres de la Lune, de plusieurs centaines de kilomètres de diamètre (600 km en moyenne). Les premiers observateurs ont trouvé que ces mers dessinaient des images connues comme la tête de femme, une fourmi, un crabe ou un lion en fonction de la latitude où ils se trouvaient et de la position de la Lune. Ces ressemblances ont subsisté jusqu'à aujourd'hui bien que la "tête de femme" soit devenue le modèle de référence pour des raisons purement géométriques (Pôle Nord au-dessus de la tête).

Contrairement à ce qu'imaginaient les premiers observateurs au XVIIe siècle, les mers ne sont pas des étendues liquides; il s'agit en fait d'anciens bassins d'impacts comblés de lave et pour la plupart solidifiés depuis au moins 3 milliards d'années.

Les mers se divisent en deux catégories : les mers circulaires et les mers irrégulières. Parmi les mers circulaires nous pouvons citer : Mare Crisium (303°, 99°), Mare Serenitatis (334°, 135°), Mare Imbrium (257°, 161°), etc. Les mers irrégulières sont très nombreuses : Mare Tranquillitatis (323°, 131°), Mare Nubium (9°, 179°), Mare Frigoris (323°, 106°), Oceanus Procellarum (36°, 201°), etc. Les plus petites mers reçoivent les noms de Palus (marais), Lacus (lac) et Sinus (Baie). La plupart des mers se trouvent sur la face visible de la Lune alors qu'il n'y en a que deux petites sur la face cachée. 

Les zones sombres de la Lune sont très âgées, souvent d'origine volcanique (recouvrement de lave ou fluidification de l'écorce lunaire sur à l'impact), et composées de basalte. Leur albedo varie entre 0.05 et 0.06. Les mers s'étendent sur environ 40% de la surface visible, ou un peu moins de 25% de toute la surface de la Lune.

Eclairées sous une lumière rasante, la surface des mers n'est visiblement pas planes; dans Mare Imbrium par exemple (257°, 161°) on découvre des pentes douces, des plateaux situés sur plusieurs niveaux, des pics, des promontoirs et des cratères de toutes tailles dont la densité au kilomètre carré est très variable. Enfin, les mers contiennent également des reliefs peu élevés comme des fronts de laves, des lignes de crête et des dômes. Suivant le principe de superposition, les couches d'éjecta les plus élevées sont les plus récentes, ce qui est confirmé par la faible quantité de cratères que l'on y trouve.

A gauche, la mer des Crises (118°) photographiée par Aldo Baràn avec un télescope newtonien de 306 mm de diamètre équipé de moyens CCD. Au centre, Mare Imbrium (30°, le nord est en bas) photographiée par Apollo XVI. On reconnaît le cratère Pytheas à l'avant-plan et Copernic près de l'horizon, séparés l'un de l'autre par la chaîne des Carpates qui s'étend sur environ 100 km et présente une élévation supérieure à 2000 m. A droite, la mer de la Tranquillité photographiée par Apollo XI le 20 juillet 1969 peu avant l'alunissage. Doc NASA/GSFC.

Activités pour amateur

Selon une étude réalisée par Rene A. DeHon en 1974, depuis la Terre il est possible d'évaluer l'épaisseur des flots de lave qui ont recouvert les mers. En effet, leur profondeur peut être estimée par comparaison avec la profondeur des cratères à moitié submergés par la lave. Eclairés sous une lumière rasante, des "cratères fantômes" permettent d'estimer l'épaisseur de ces flots de lave à moins de 500 m bien que certaines coulées dépassent localement 1500 m d'épaisseur.

Une autre activité possible consiste à étudier les anciens fronts de lave en lumière rasante. Les plus apparents sont situés dans Mare Imbrium (357°, 161°), Mare Nubium (9°, 179°), Oceanus Procellarum (36°, 201°), Mare Cognitum (24°, 201°), Mare Vaporum (351°, 167°), Sinus Medii (3°, 167°) ainsi que dans les cratères Lettrone (48°, 213°) et Lambert R (24°). A partir des photographies de la Lune prises par les équipages Apollo, l'épaisseur des flots individuels a été estimée entre 1-96 m, la plupart mesurant moins de 15 m d'épaisseur. S'il est situé sur le terminateur, un escarpement de 15 m peut porter une ombre de 7.2 km de longueur, tandis qu'un relief de 96 m de hauteur portera une ombre de 18 km de longueur. Ainsi délimités par de belles ombres, ces flots de lave sont visibles dans des télescopes d'au moins 100 mm d'ouverture.

Les cratères

Le cratère Bürg (Ø 39.6 km, prof. 3 km) photographié par K.C.Pau (T.250 f/6).

La littérature classique faisait une distinction entre de nombreuses dépressions plus ou moins circulaires en fonction de leur dimension. On parlait de cratère, de bassin, de cirque, d'excavation, de méplat, etc. Aujourd'hui ces termes sont un peu désuets et tous ont été rassemblés sous le nom générique de cratère. Seuls les termes de cirque et bassin sont encore parfois utilisés pour caractériser des cratères dont le diamètre est supérieur à respectivement 100 et 300 km.

Les plus communs sont des dépressions quasi circulaires dans la surface, entourés de murs élevés. Vis-à-vis du niveau moyen zéro de référence de la Lune, le fond des cratères forme une dépression sous le niveau 0. Les cratères peuvent avoir une forme conique, circulaire, présenter des parois très peu élevées ou un fond plat, avoir un pic ou un cratère central. Leur taille varie de quelques millimètres à 300 km. Les murs peuvent être des parois douces ou des terrasses (glacis). Ils peuvent être d'origine volcanique ou formés suite à un impact, ou la combinaison des deux phénomènes.

La majorité des cratères ont été formés suite à des impacts météoritiques mais une bonne partie d'entre eux peuvent avoir une origine volcanique. Seul un faible pourcentage des cratères sont certifiés d'origine volcanique.

A mesure que le diamètre des cratères augmente, leur structure devient plus complexe; les plus petits présentent des parois bien lisses et régulières tandis que les plus vastes, parfois appelées des "plaines ceinturées" présentent des murs effondrés, un plancher sur plusieurs niveaux, un ou plusieurs monticules centraux quand ils ne sont pas à moitié engloutis sous la lave ou criblés de cratères.

Selon des études menées par Keith Howard en 1974, Richard Pike en 1980 et Paul Spudis (1988, 1994) les cratères accusent les premières déformations et accidents vers 20 km de diamètre : le fond commence à s'aplanir et perd sa forme sphérique caractéristique des cratelets tandis que le sommet de la paroi extérieure (la ligne d'horizon du cratère) formant au préalable un simple arc devient crêtelée. Au-delà de 30 km de diamètre on commence à observer des pics centraux et des murs en terrasses. Formé entre 1 et 3 milliards d'années d'ici durant la période "Eratosthénienne" comme le disent les sélénologues, la région de Bullialdus (Bullialdus, Bullialdus A, Bullialdus B, König, 24°, 191°) représente cette transition. Il s'agit de quatre cratères de respectivement 59, 26.2, 20.9 et 22.2 km de diamètre. Bullialdus est profond de 3510 m et présente plusieurs pics centraux de 590 m d'altitude, des murs localement en terrasses partiellement effondrés et une paroi extérieure qui s'élève à 580 m au-dessus de la plaine.

Documents/lune-ptolemee.jpg

A gauche, Ptolémée (Ø 153.2 km) photographié avec un télescope RC de 300 mm à f/20 sous filtre IR de 680 nm. Empilement de 5000 images. Au centre, Théophile (Ø 100 km). A droite, Tycho ( Ø 84.7 km). Documents Polo0258 et NASA/GSFC/Apollo XVI.

Certains petits cratères tel Euler (27 km, 29°) ou Timocharis (33.5 km, 27°) sont entourés d'éjecta dont le relief très brillant et parfois bombardé de minuscules cratelets apparaît très clairement en lumière rasante. Ces zones d'éjecta forment souvent des monticules qui s'étendent d'ordinaire sur une à deux fois le diamètre du cratère parent de manière plus ou moins symétrique autour du centre, avec parfois des structures concentriques ou des crêtes disposées radialement dans les zones plus éloignées.

A partir de la plus ou moins forte réflectivité de leur surface, on peut estimer l'ancienneté des éjecta. Contrairement à ce qui se produit sur Terre, ce ne sont pas les intempéries qui érodent le sol ou salissent les objets sur la Lune. Les matériaux déposés récemment (quelques centaines de millions d'années) sur les pentes raides des cratères lunaires sont beaucoup plus brillants que les éjecta plus anciens; apparemment, un mécanisme extérieur tel que le bombardement micrométéoritique de la surface lunaire, le vent solaire ou un effet combiné pourrait graduellement assombrir les matériaux de surface.

A gauche et au centre, les magnifiques remparts de Copernic, un cratère de 93 km de diamètre et de 6 km de profondeur. Le Luxembourg tiendrait à l'aise à l'intérieur et ses collines ne dépasseraient pas les pics centraux ! Au centre, un gros-plan des remparts pris par la sonde spatiale LRO. A droite, le cratère Firmicus de 56 km de diamètre avec son double pic central photographié en 2018 à l'oculaire du télescope de 100" (2.50 m) de l'observatoire du mont Wilson (image brute non traitée). Documents NASA et Mt Wilson Observatory.

La structure des "plaines ceinturées" ou des cratères complexes (Gauss, Hausen, Humboldt, etc) ne change pas jusqu'à ce qu'ils atteignent 180 à 200 km de diamètre. Ils présentent toujours des murs en terrasses, un fond plat et des pics centraux. Quantitativement, leur profondeur ainsi que la hauteur de leurs parois augmentent plus lentement que leur diamètre. Toutefois, l'étendue de leur plancher augmente en fonction du diamètre de l'anneau extérieure. Deux cratères de ce type sont particulièrement représentatifs, Moretus (3°, 161°) et Théophile (334°, 135°).

Clavius (225.3 km de diamètre, 4900 m de profondeur, 22°, 190°) et les cirques de son acabit tel Bailly (283.8 km, 4130 m de profondeur, 65°, 233°) ont un plancher plat tellement vaste que leurs parois sont relativement étroites et ne présentent plus de terrasses bien définies qui sont souvent effondrées ou criblées d'impacts.Ces grands cirques commencent à présenter en leur centre un anneau grossièrement circulaire constitué de pics. On les appelle parfois des bassins à pics centraux.

Prochain chapitre

Les autres morphologies de cratères et les bassins

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