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Définition des reliefs lunaires

La vallée des Alpes photographiée par Wes Higgins avec un télescope Starmaster de 457 mm f/4.2 (18"). La vallée s'étend sur 150 km de longueur et 8 km de largeur.

écrit en collaboration avec la Dr Winifred S.Cameron, NASA-GSFC

Les vallées (vallis), IV

Par définition, l'Union Astronomique Internationale considère une vallée comme étant une dépression large et approximativement droite formée par l'effondrement de cratères secondaires. On les appelle également des chaînes secondaires, des chaînes de bassins secondaires ou encore des vallées radiales. Malheureusement, les catenae et autres fractures du sol se retrouvent également dans cette définition qu'il convient dès lors d'associer à la famille générique des "vallées".

La plupart des vallées sont localisées dans les zones accidentées des terrae centrales, entre Mare Cognitum et Mare Tranquillitatis. Quelques-unes se trouvent sur le pourtour de Mare Humorum et près de Mare Australe. Complétées par les nombreuses failles et cratères au plancher fracturé, la plupart de ces cicatrices sont disposées radialement entre 1000 et 2000 km autour du bassin de Mare Imbrium, à l'exception des deux catenae de Davy et Müller sur lesquelles nous reviendrons un peu plus bas. La majorité des chaînes secondaires sont également disposées radialement autour de la plupart des bassins des mers de Mare Imbrium, Nectaris, Serenitatis, Humorum et Orientale.

Curieusement, aucune des vallées disposées radialement autour de Mare Imbrium n'a été baptisée, à l'exception de la vallée des Alpes (un graben) qui est prisonnière des remparts du bassin d'impact. Nous y reviendrons. De la même manière, la vallée de Schröter (voir plus bas) est en réalité une faille et pas du tout une chaîne secondaire.

Si on projète l'image de la Lune sur un globe, on constate autour de Mare Orientale une magnifique collection de vallées radiales alors qu'au télescope les vallées ne montrent aucun signe évident de convergence. Leur origine remonte donc bien à celui du bassin de Mare Orientale.

A télécharger : PlanetWarp

Un logiciel de rectification des projections créé par Mike Tyrrell

Système de projection manuel utilisé pour rectifier l'image de la Mer des Crises sur un globe. Au centre et à droite, respectivement avant et après projection sur le globe. Digitalement, vous pouvez utiliser le logiciel PlanetWarp ou l'option "Spherize" de Photoshop, en choisissant un paramètre de 100% afin de convertir la projection orthogonale en projection équidistante azimutale ou perspective plus "naturelle".

Lorsque la libration ouest est favorable quatre vallées peut-être observées près du limbe : Valles Baade (160 km de longueur), Bouvard (280 km) et Inghirami (140 km) situés au sud de Mare Orientale et Bohr (300 km) située au nord.

Plus à l'est, Montes Taurus contient plusieurs vallées formées par les bassins d'impacts de Mare Serenitatis et Mare Crisium. La plus apparente est la vallée radiale du bassin de Mare Crisium qui se trouve au nord de Macrobius (131°). Les terres situées à l'est et au nord ont également été sculptés par les éjecta issus des bassins d'impacts.

Les fractures (rimae)

Par fracture on entend des dépressions longues et étroites dans l'écorce de la Lune, des fissures, des crevasses et autres failles rectilignes ou sinueuses. Un seul substantif latin les regroupe : rima (pl. rimae). 

Dans un petit télescope il est parfois difficile, même sous une lumière rasante, de faire la distinction entre une crête et une faille, toutes deux offrant un tracé brillant en relief. Seul un fort grossissement permet de les différencier. Dans le doute, consulter votre planisphère !

L'UAI a répertorié 2000 fractures sur la Lune. Elles sont de quatre types :

- linéaires avec un rayon de courbure d'environ 100 km

- arquées avec un rayon de courbure de 100 km

- sinueuse avec un rayon de courbure d'environ 1 km

- cratelées, où la fracture sous-jacente, une fissure du sol ou une vallée, contient de nombreux cratelets.

A voir : Paysage lunaire en 3D (sur le blog)

A gauche, la région des failles d'Hyginus. A droite, le réseau de failles serpentant à travers Oceanus Procellarum. Documents T.Legault et NASA/Apollo XVII/NSSDC.

Les fractures forment une structure en forme de V ou s'étendent simplement sur le sol. La largeur varie entre 0.5 et 25 km, la profondeur de 100 m à 2000 m, pour une longueur de dix à quelques centaines de kilomètres.

Les fractures linéaires et arquées

Les fractures linéaires se concentrent dans les mers, en bordure des remparts des bassins, et sont souvent parallèles les unes aux autres. Elles ont été formées par l'affaissement du bassin intérieur qui a créé des zones de tensions sur l'écorce de la Lune à l'origine de ces fractures.

Si nous prenons l'exemple des fractures de Rimae Sulpicius Gallus (351°, 154°) situées en bordure nord-ouest de Mare Serenitatis, on découvre une faille régulière, d'abord linéaire puis légèrement arquée en forme de Y qui s'étend sur près de 90 km à partir du petit cratère de Sulpicius Gallus (11.9 km) et qui longe les montagnes de Montes Haemus. Ces failles sont entourées de falaises de quelques centaines de mètres d'altitude, dont les parois sont parallèles et tombent à pic sur un fond plat. Ce type de relief est appelé un "graben", une dépression formée par l'affaissement (subsidence) de deux fractures parallèles à l'image, bien qu'à une plus grande échelle, de la Mer Rouge sur Terre. Un autre exemple de graben lunaire est la vallée des Alpes.

Les fractures sinueuses

Les fractures sinueuses ont également un fond plat et des parois parallèles mais elles courent sur la surface lunaire comme les méandres d'une rivière. Elles ressemblent forts aux produits de l'érosion ce qui a été confirmé par la cartographie photogrammétrique durant les missions Apollo; les fractures sinueuses courent du haut des montagnes vers les basses terres. Elles ne contiennent évidemment plus aucune forme de liquide mais la majorité d'entre elles présentent des traces de lave de faible viscosité. En fait, par analogie avec les phénomènes associés au volcanisme terrestre (volcans d'Islande, d'Hawaii, etc) on pense que les failles sinueuses sont problablement constituées d'un mélange de rivières de lave et de tunnels de lave effondrés. Ces zones de fractures sont plus étendues que leurs équivalents terrestres en raison de la plus faible gravité lunaire qui aurait donné plus de fluidité à la lave.

Si on trouve les fractures à la fois dans les mers et les terres, les fractures sinueuses se développent surtout dans la partie peu encaissée des grands bassins d'impacts (les mers) et plutôt dans l'hémisphère ouest de la Lune. Elle sont particulièrement concentrées dans l'Oceanus Procellarum, au nord d'Aristarche, où elles forment un système très imbriqué baptisé le réseau de failles d'Aristarche (Rimae Aristrachus, 48°). La vallée de Schröter (49°) - une fracture - est de toutes ces formations la plus sinueuse. Partant du cratère d'Aristarchus elle s'étend sur 160 km. Elle est large de 11 km et profonde de 1000 m; Hippalus, à la limite de Mare Humorum est un exemple de fracture en arc; Aridaeus (342°) est une fracture linéaire et la faille d'Hyginus (354°) offre une structure en cratelets très connue. La plupart sont très étroites, entre 500 et 1000 m de largeur, et ne peuvent être observées qu'en lumière rasante. 

La vallée de Schröter. A gauche, une image réalisée par Wes Higgins avec un télescope Starmaster de 457 mm f/4.2 porté à f/24 (Barlow 5x) et muni d'une caméra CCD DMK 21F04 Firewire. Compositage de 1000 images exposées chacune 1/125 sec. A droite, une image traitée sur ordinateur faisant ressortir le relief de la vallée.

Nous pouvons aussi classer parmi les fractures quantité de ruisselets linéaires que l'on retrouve sur toute la Lune et qui deviennent difficilement visibles depuis le sol. Ces formations choisissent des orientations NE-SO et SE-NO; peu d'exemples s'orientent au N-S. D'autres fractures s'échappent à partir des mare circulaires, telles que la vallée de Rheita issue de Mare Nectaris (314°). Mais ces vallées peuvent aussi présenter différents autres aspects comme les Alpes (357°), Shiller (39°), les Apennins (5°), les Monts Huygens (4°), les Carpates (20°), les monts Caucases (161°) ou Sinus Iridum (32°).

Liste des principales vallées lunaires

Vallée ou fracture

Long./Lat.(°)

Longueur (km)

Colongitude (°)

Alpes, Vallis

+3

+48

150 x 8

357, 161

Ariadaeus, Rima

+14

+6

-

351, 154

Aristarchus, Rimae

-46

+29

130

48, 213

Baade, Vallis

-76

-46

160

75, 247

Birt, Rima

-9

-22

50

9, 179

Bohr, Vallis

-87

+12

300

Limbe NO

Bouvard, Vallis

-83

-38

280

80, 247

Brayley, Rima

-37

+21

-

40, 205

Bullialdus W, Vallis

-26

-19

-

205

Delisle, Rima

-38

+30

-

36, 201

Diophante, Rima

-34

+38

-

36, 201

Hadley, Rima

+5

+26

-

357, 167

Hesiodus, Rima

-20

-30

-

201

Hippalus, Rima

-30

-25

-

29, 201

Hyginus, Rima

+8

+7

-

357, 161

Hypatia, Rimae

+22

0

-

154

Marius, Rimae

-55

+12

50

61, 225

Palitzsch, Vallis

+64

-26

-

99

Petavius, Rimae

+59

-26

-

105

Ramsden, Rima

-32

-33

-

36, 201

Rheita, Vallis

+52

-42

500

315, 119

Schröteri, Vallis

-51

+26

160 x 10

55

Sirsalis, Rimae

-62

-16

-

67, 233

Snellius, Vallis

+56

-31

500

315

Sulpicius-Gallus, Rimae

+12

+20

90

351, 154

Triesnecker, Rima

+4

+4

-

357, 167

Les chaînes de cratères (catenae)

Selon la définition des vallées adoptée par l'UAI, les catenae sont des vallées. Mais différentes des failles (des fissures de l'écorce lunaire) et des chaînes de cratères secondaires (des cratelets formés par les éjecta), les catenae ou chaînes de cratelets suivent des lignes droites ou légèrement incurvées aux contours bien délimités. 

A ce jour deux théories concurrentes expliqueraient leur formation. Il s'agirait :

- soit de chaînes de cratères volcaniques

- soit de chaînes de cratères secondaires.

Aucune des deux hypothèses n'est toutefois satisfaisante car on trouve des catenae dans des zones sans aucun relief volcanique (Davy, Müller), tandis que d'autres (Sylvester, Humboldt) ne sont pas alignées avec de grands cratères et ne sont pas situées a proximité de chaînes de cratères secondaires.

Ces chaînes cratelées sont récentes et, dans certains cas au moins, semblent être des cratères d'impacts pirmaires. Depuis la collision de la comète Shoemacker-Levy 9 avec Jupiter à laquelle nous avons assistée en 1994, on a découvert qu'une chaîne d'impact pouvait très bien se produire. Cette observation renforce une troisième hypothèse de formation des catenae pour lesquels il n'existe aucun signe de volcanisme proche et qui ne seraient pas des cratères secondaires; il s'agirait des traces de la collision avec des météorites d'origine cométaire ayant subit un stress gravitationnel tel qu'étant donné leur faible densité, par un effet de marée l'objet se serait fractionné en une bonne dizaines de fragments avant de percuter le sol lunaire.

Rien que sur la face visible de la Lune il existe 13 catenae ou chaînes de cratères que j'ai repris dans le tableau suivant :

Catenae identifiées

Chaîne de cratelets

Long./Lat. (°)

Colong (°)

Catena Abulfeda

+14, -14

351, 161

Catena Brigitte

-

-

Catena Davy

-8, -12

9, 179

Catena Dziewulski

-

-

Catena Humboldt

+81, -27

291, 99

Catena Krafft

-73, +17

75, 233

Catena Littrow

+31, +22

334, 131

Catena Pierre

-

-

Catena Sylvester

-82, +83

106, 174

Catena Taruntius

+47, +5

315, 124

Catena Timocharis

-13, +27

18, 183

Catena Yuri

-

-

Catena Müller

+2, -8

3, 174

La plus connue et la plus apparente est sans conteste la Catena Davy située près de Ptolémée dont l'impact aurait eu lieu il y a moins d'un million d'années. La chaîne située au nord-est du cratère David (34.7 km) commence par un petit cratelet de 3.1 km de diamètre, David C, et s'étend sur environ 50 km vers le nord-est. La chaîne est constituée de 25 cratelets. Elle n'est alignée avec aucun cratère, si ce n'est peut-être le grand bassin de Mare Orientale mais il est situé à plus de 2000 km de distance.

Prochain chapitre

Les montagnes lunaires

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