|
La physique quantique Le concept de champ Dans le cadre de la physique moderne, le concept de champ occupe une place majeure, toute aussi importante par ses conséquences que le quantum d'action, h (la constante de Planck). Il intervient dans toutes les théories de la physique quantique aussi bien que dans les théories avant-gardistes comme la théorie des supercordes que nous décrirons un peu plus loin, sans oublier la physique classique. La révolution qu'entraîna l'introduction du concept de champ fut telle qu’il est nécessaire de s'y arrêter quelques instants pour en discuter afin d'avoir une idée bien claire de sa nature et de ses propriétés. En quête d'harmonie et de symétrie En 1861, après avoir analysé les travaux de Oersted et de Faraday, Maxwell créa le concept fondamental du "champ", abandonnant celui des fluides électriques dans l'éther. Par champ, il désignait une perturbation de l'espace qui, en chaque point, est un potentiel de force indépendant des corps qui pouvaient s'y trouver. "Le champ disait-il crée une toile à travers tout le ciel". Son effet peut être gravitationnel lorsque cette force est liée à la Terre, électrique autour d'une charge ou magnétique autour d'un courant électrique. Ces champs évoluent dans le temps et sont à l’origine de l’existence des ondes. En dehors des champs, il n’y a pas de force. C'est la raison pour laquelle en dehors du champ électromagnétique d'une station de radiodiffusion, on ne capte plus du tout ses émissions. A télécharger : FEMM Simulation du flux magnétique ou champ B des aimants Gadget : Aimant bipolaire et limaille de fer, Physicsfun
Cette fois, Maxwell oublie définitivement les corps matériels, les particules. Le champ permet de décrire l'espace et de comprendre l'interaction entre les corps. Les "tentacules" localisées de Faraday se transforment dans l'esprit de Maxwell en un champ infini et omniprésent. Maxwell donne une fonction à l'espace. Comme le disait Einstein, "cette théorie était fascinante. Désormais, à l'idée classique de force qui fait jouer un rôle muet à l'espace, le concept de champ consiste en un processus dans lequel les corps en interaction baignent dans l'espace. Cet espace a la propriété d'interagir avec les corps". Mais les scientifiques refusaient cette idée, l'éther ayant déjà un effet en mécanique. Champ scalaire et champ vectoriel Le concept de champ n'était pourtant pas une idée révolutionnaire car il existait déjà à l'époque de Newton mais il était alors considéré comme une commodité mathématique. Le champ servait à retrouver les forces qui agissaient sur une particule mais in fine tout devait s'expliquer en terme d’action à distance entre particules. Maxwell y vit une réalité, les vecteurs orientés dans l'espace représentant des choses réelles, des champs électriques et magnétiques oscillant à diverses fréquences et parfois polarisés. En 1887, le physicien allemand Heinrich Hertz améliora la définition du champ. Les termes "magnétiques" et "électriques" pouvant être échangés - ils produisaient les mêmes effets - il le nomma "champ électromagnétique". Il démontra son indépendance des lois de la mécanique, privant virtuellement l'éther de son principal effet. C'est à ce point de l'histoire que le champ devint synonyme d'énergie. Nous savons qu'en interrompant brusquement un champ électrique (mais aussi magnétique), il se produit une étincelle. Cela signifie que le champ contenait de l'énergie. Cette découverte a des implications fondamentales dans la loi de conservation de l'énergie qu'on retrouve en thermodynamique et même en relativité puisque Einstein nous démontra que la masse est une forme d'énergie (cf. E=mc2). Un champ peut être orienté ou non. Un volume d'un mètre cube d'air par exemple présente une certaine température et une certaine masse. On peut les mesurer respectivement avec un thermomètre et une balance et si rien ne perturbe le milieu, cette température et cette quantité de matière ne varient pas d'un endroit à l'autre, même si on retourne le mètre cube d'air. La température et la masse sont des champs scalaires. La pression est également un champ scalaire. En physique quantique, la fonction d'onde est un champ scalaire complexe. En cosmologie, le champ d'inflaton (cf. le Big Bang inflationnaire) et le champ de Higgs sont des champs scalaires.
A l'inverse, un champ orienté ou vectoriel se définit par une grandeur physique caractérisée par une valeur, une direction et un sens ce qui permet de le représenter par un vecteur. Le vent par exemple est représenté par un champ de force (de pression) dont on voit les effets dans les champs de blé ou les mouvements du feuillage. On peut mesurer la force du vent avec un baromètre, sa vitesse avec un anémomètre et sa direction avec une girouette. Les champs vectoriels permettent de décrire la propagation du vent, des vagues, du son, des électrons, des quarks, des neutrinos, de la gravité et de la lumière parmi de nombreux phénomènes. Enfin, pour mémoire citons le champ tensoriel cher à Einstein. A l'image d'un champ vectoriel mais dans un espace-temps à n dimensions d'espace, sa valeur indique les directions dans l'espace-temps mais également les déformations de l'espace-temps lorsqu'il est soumis à des forces ou tensions (tenseurs de l'énergie, de l'impulsion, de courbure, etc). La dérivée d'un champ scalaire est un gradient, un champ vectoriel. Champ et particule La littérature y compris scientifique abonde de notions censées acquises par le lecteur. Mais quand on questionne ces spécialistes, on s'étonne parfois qu'ils sont incapables d'expliquer clairement certains concepts autrement qu'en écrivant une équation. Nous avons encore en mémoire la découverte du boson de Higgs et les vaines tentatives d'explications de certains physiciens quand les journalistes leur demandaient d'expliquer simplement ce qu'est un champ de Higgs et sa différence avec une particule de Higgs. Si beaucoup ont essayé, très peu avaient les idées claires et une grande partie du public a vite abandonné l'idée de comprendre. On y reviendra en physique quantique. Pour comprendre d'un point de vue physique la différence entre un champ de Higgs et une particule de Higgs ou entre un champ électromagnétique et un photon, on peut prendre l'analogie du champ de neige dans lequel la boule de neige qui représente la particule s'enfonce d'autant plus qu'elle est massive. Dans certaines conditions l'espace joue un rôle physique et influence ce qu'il contient ou ce qui s'y propage. Essayons d'être plus clair et plus concret. En physique, nous avons expliqué que le champ peut être scalaire ou vectoriel. Ce concept s'applique au quotidien à quantité de phénomènes qui relèvent de la mécanique et de la thermodynamique des fluides. C'est aussi vrai en physique quantique. Le champ vectoriel matéralise sa force par exemple l'énergie des ondes électromagnétiques, c'est-à-dire les paquets d'ondes ou quanta d'énergie, les photons. Dans le cas d'un champ électrique créé par une charge négative, ces paquets d'ondes sont les électrons (et les positrons si les charges sont positives). Dans le cas d'un milieu solide comme un cristal, il s'agit des phonons (qui sont des quasi-particules). Où commence le champ et où commence la particule ? Tout dépend de l'excitation des divers modes (des solutions des équations d'ondes) du champ, c'est-à-dire si on lui apporte ou non de l'énergie. Lorsque le champ est excité et passe à un état d'énergie supérieur, il se matérialise par un pic d'énergie, un paquet d'ondes ou quantum d'énergie concentré dans un tout petit espace dont les limites s'estompent, c'est une particule. Le champ reste exité tant qu'il n'est pas perturbé. Ce quantum d'énergie se propage dans l'espace sans support et survivra aussi longtemps que le champ excité reste stable. Ainsi, quand on produit de la lumière, une fois créé, le photon ne disparait plus. En revanche, toutes les particules instables (plus elles sont massives plus leur durée de vie est courte) décroissent rapidement en particules plus légères, y compris en paires virtuelles et même parfois en particules de matière sombre qui se manifestent par une énergie manquante dans le bilan de la réaction. Le boson de Higgs n'échappe pas à cette décroissance. Pour en venir au champ de Higgs, on peut imaginer ce champ scalaire comme une étendue de neige. Ce champ présente une particularité, sa grande inertie, c'est-à-dire sa résistance à le mettre en mouvement. Une particule, un quantum d'énergie qui se déplace dans un champ de Higgs interagit avec lui. Plus le champ scalaire est résistant, plus le quantum d'énergie aura de difficultés pour se propager, comme si sa masse augmentait. C'est exactement ce que fait le champ de Higgs : il donne sa masse aux particules. Conclusion, si le champ scalaire de Higgs interagit avec un quantum d'énergie, un boson de Higgs par exemple, celui-ci acquiert une masse de repos de ~125 GeV et étant instable, il va se désintégrer en deux quarks b ou en deux leptons W de masses plus légères. En revanche, si le champ scalaire de Higgs n'interagit pas avec le quantum d'énergie, celui-ci n'aura pas de masse de repos, à l'image du photon et il vivra éternellement. Ce sont des expériences de ce type que les physiciens du LHC réalisent en faisant entrer en collision des protons pour exciter le champ de Higgs afin qu'il produise des bosons de Higgs qui vont ensuite rapidement se désintégrer. Du théorème de Noether à l'espace de Fock Pour étudier un évènement physique dans l'espace chacun de nous sait que les quantités qu'il mesure, qu'elles soient scalaires (la masse, la température, ...) ou vectorielle (la vitesse, la pression, ...) doivent être objectives, c'est-à-dire indépendantes des conditions de l'expérience. C'est le premier pas d'une démarche scientifique. Le second pas consiste à repérer les grandeurs dans l'espace en fonction d'un référentiel. Dans la mécanique de Newton, les variables dynamiques scalaires sont invariantes par changement de référentiel : sur Terre ou dans un avion en vol, le temps s'écoule de la même façon (ce que contredit la théorie de la relativité d'Einstein). Pour les grandeurs vectorielles, le fait de changer de référentiel modifie ses composantes, c'est par exemple la loi d'addition des vitesses (si je marche à 4 km/h dans un train roulant à 100 km/h, pour un observateur extérieur je marche à 104 km/h). Il faut donc connaître les changements de référentiel qui respectent l'invariance des grandeurs physiques. A condition que le système soit fermé, isolé du monde extérieur, il faut qu'après ce changement de coordonnées certaines grandeurs soient conservées : l'énergie, l'impulsion et le moment cinétique. Certaines quantités sont observables (l'énergie par exemple). En relativité restreinte cependant, certaines mesures absolues (le temps par exemple) ne sont plus observables non plus. Nous avons donc ici un raisonnement cohérent qui nous permet de poser une loi, le théorème de Noether qui sera énoncé en 1918 comme suit : "il existe une relation entre relativité, symétrie et lois de conservation". En d'autres termes, les lois de la nature sont l'expression de symétries. Ce théorème trouve son origine dans la formulation lagrangienne. Pour déterminer la "trajectoire idéale" d'une particule, on évalue l'intégrale des trajectoires possibles (intégrale du lagrangien) au cours du temps, c'est la notion de "classes d'équivalences d'histoires" de Feynman que nous avons déjà entrevue en cosmologie quantique. On obtient ainsi une description parfaite de n'importe quel phénomène mécanique, qu'il soit à l'échelle de l'univers ou de l'atome. Ce caractère covariant joue un rôle fondamental dans la formulation des nouvelles théories. Cet exposé serait incomplet si nous ne mentionnons pas les travaux de Euler, Lagrange, Laplace, Liouville, Poisson, Jacobi, Hamilton, Maxwell, Lorentz et Einstein. Leurs équations nous aideront à aborder les théories de symétrie. Sans entrer dans les détails historiques et mathématiques, chacun de nous connaît le sens du mot “symétrique” et peut l'appliquer à tout système en deux ou trois dimensions. On peut appliquer cette expression mathématique à la biologie, à la botanique et à quantité d'autres domaines. La généralisation de la formulation lagrangienne permet d'appliquer les propriétés de symétrie à de nombreux systèmes dynamiques, en particulier à l'électromagnétisme et à la structure de l'espace-temps. Mais la découverte des constantes universelles c, h et G ainsi que des opérations appropriées sur celles-ci ont bouleversé sa généralisation en permettant de définir les unités fondamentales de la nature. Les résultats de cette troisième quantification étaient en contradiction avec la mécanique classique. Les équations de Hamilton A cet égard, les travaux du mathématicien irlandais William Hamilton sont considérés comme novateurs dans le cadre de la mécanique classique. En 1825, W.Hamilton et J.Fourier publièrent leurs travaux sur les fonctions périodiques après avoir étudié longuement les phénomènes ondulatoires comme la lumière, le son et le courant alternatif. Vingt ans plus tard Hamilton considéra que les théories traditionnelles développées par Euler, Lagrange et Laplace ne permettaient plus de calculer avec précision l’état d’un système. Cette belle théorie fondée sur la connaissance préalable des variables de position et de vitesse des particules ne tenait par exemple pas compte des angles des variables, comme le moment angulaire qui apparaissait dans tous les systèmes dynamiques.
La mécanique d'Hamilton ne fait donc plus usage de telles variables. Elle ne fait intervenir que les quantités de mouvement des particules, c’est-à-dire le produit de la masse par sa vitesse et leurs positions. L’idée d'Hamilton est de considérer que chaque particule obéit à un système de deux équations aux dérivées partielles du 1er ordre de forme remarquable. Les fonctions inconnues sont justement les quantités de mouvement au cours du temps et les variables de position au cours du temps. L’Hamiltonien, H, qui n’est autre que l’énergie totale du système à un instant donné. Ces équations s'étendent à la relativité restreinte et servent encore de base en physique quantique pour décrire la fonction d’onde. L'Hamiltonien permet de calculer le mouvement de n'importe quel vecteur de l'espace des phases à un instant donné. Les solutions des équations d’Hamilton définissent les coordonnées q(t) et p(t) d’un point de l’espace des phases. Joseph Liouville a démontré que le volume élémentaire d’un tube trajectoire reste constant au cours du temps si l’Hamiltonien est constant. Qu’en est-il du champ électromagnétique, lui-même constitué de vecteurs se propageant à travers l’espace ? Grâce à Maxwell nous avons appris que les ondes se propagent à la vitesse de la lumière et que certaines d’entre elles, à certaines fréquences, offrent les propriétés de la lumière (onde du spectre visible). Les équations de Hamilton permettent d'exprimer de la même façon les variations du champ électrique et du champ magnétique au cours du temps, et à travers eux la propagation de l’énergie. Seule différence, les équations de Maxwell sont des équations du champ, c’est-à-dire qu’elles décrivent un système représentant un milieu continu. L’espace des phases prend une dimension infinie. Si l’espace est vide et ne contient ni charges ni courants (r=0 et j=0), les équations de Maxwell se réduisent à l’équation d’onde : Mais les équations de Maxwell ne disent rien sur le comportement des particules elles-mêmes. Elles expriment uniquement le comportement du champ électromagnétique en fonction de particules chargées. Il faudra attendre 1895 et les travaux du physicien hollandais Hendrich A. Lorentz pour établir un nouveau système d’équations désignées sous le nom des équations du mouvement de Lorentz. Le fait de savoir comment se déplaçait une particule chargée dans un champ électromagnétique devait rendre les prédictions très précises. C’est à cette époque que Poincaré et Einstein discuteront d’un “principe de relativité” qui conduira à la relativité restreinte. Entre-temps Planck découvrit le quantum d’action, h, qui allait définitivement renverser les fondements de l’édifice de la physique classique. Aux yeux des jeunes physiciens du début du XXe siècle, il devenait absurde de considérer le monde sous deux aspects différents, l’un constitué de particules et de variables en nombre fini, l’autre constitué de champs et d’un nombre infini de dimensions. De plus, ainsi que nous l’avons expliqué plus tôt, les différents états de la matière ne trouvaient pas d’explication dans le cadre de la physique classique. Bientôt Bohr dut proposer une nouvelle hypothèse concernant la structure de la matière qui finira elle-même par être balayée par le concept ondulatoire de Schrödinger et l’équation relativiste de Dirac. L'espace de Hilbert C’est le mathématicien David Hilbert, antérieurement à la théorie quantique et pour des besoins totalement différents, qui introduisit un nouvel espace dit espace de Hilbert. L'espace de Hilbert est une généralisation de l'espace euclidien. Il s'en différencie par son nombre infini de dimensions. C'est aussi l’espace fonctionnel des fonctions complexes à carré sommable. L'équation d'onde de Schrödinger est liée à la fonction Hamiltonienne H sous la forme :
ou écrite de façon plus concise,
L'espace de Hilbert, comme l'espace euclidien, admet un produit scalaire invariant quelle que soit la base. En d'autres termes, on associe à toute grandeur mécanique observable un opérateur Hilbertien. Si on développe l'équation d’onde, on peut démontrer qu’à toute quantité de mouvement pi correspond l'opérateur (-ih∂/∂qi). D'aucun considèrent cet opérateur comme l'une des plus belles réussites de la physique quantique qui sut intégrer une fonction classique dans son formalisme. Mais l'espace de Hilbert est un cas limite car non relativiste. Comment peut-on représenter l'état d'un champ électromagnétique infini ? Tout comme la question, la solution est très difficile. Nous savons que les équations de Maxwell sont des équations relativistes dans lesquelles les ondes se propagent à la vitesse de la lumière mais où le temps joue un rôle absolu. Les équations de Hamilton n'ont pas ce caractère symétrique des équations de Maxwell et doivent être modifiées pour de grandes vitesses. Une façon de soulever ces difficultés est d'utiliser les transformations de Lorentz, un autre groupe d'équations covariantes qui font jouer à l'espace et au temps un rôle relatif. Bien que l'espace de Hilbert soit une description corpusculaire et ondulatoire de la matière, le champ électromagnétique contient un nombre infini de particules. La superposition d'espaces infinis de Hilbert constitués de particules relativistes aboutit au concept très élaboré d'espace de Fock. Il traite les "ondes de matière" comme des champs discontinus plus ou moins denses. Les opérateurs assurent la création ou l'annihilation des particules, qu'il s'agisse de fermions ou de bosons. Cette généralisation quantique des concepts d'espace-temps est considérée par tous les scientifiques comme une révolution de notre approche de la réalité. Mais c'est avant tout un outil mathématique à ne pas mettre entre les mains de n'importe qui !
Cette théorie a bien sûr été construite sur mesure, mais le concept d'espace de Fock présente un attrait tout particulier : son harmonie vis-à-vis de la physique. La première quantification réalisée par Maxwell limita la vitesse de propagation du champ électromagnétique à la vitesse de la lumière. Grâce au quantum d'action nous pouvons exprimer une seconde quantification, celle de l'opérateur Hamiltonien et bientôt on l'espère la quantification de l'espace de Fock où l'on quantifie l'espace-temps d'Einstein, un sujet pour le moment plus ésotérique que physique ! Quant à la troisième quantification, la maîtrise de la gravitation, elle devrait aboutir à une théorie unifiée de toutes les lois de la physique, la Théorie de Tout ! Ce pari équivaut à rechercher le Sacré Graal car cette théorie doit unir la description quantifiée (discrète) et la continuité des champs. Toutes ces théories ont un point commun intemporel : l'harmonie entre sciences physiques et mathématiques. Nous reviendrons en temps utile sur la Théorie de Tout et en particulier à la fin du dossier consacré à la cosmologie quantique dont le but avoué est d'essayer d'expliquer comment l'Univers a pris naissance. Défi ou utopie, à chacun de juger, mais j'opte pour la première solution. La théorie des groupes Il existe une relation évidente entre les mathématiques et la physique. Depuis plus de deux milles ans, les mathématiciens ont développé des concepts tantôt abstraits, tantôt concrets et adaptés à la description de la réalité. Les idées abstraites peuvent naître du soucis d'un cadre logique, du besoin d'harmoniser les lois ou de la recherche de symétries. C'est ainsi que sont apparues la géométrie non euclidienne, l'espace de Fock, la théorie des groupes et les variétés complexes, pour citer quelques concepts qui sont utilisés en physique quantique. La recherche de l'harmonie et de la symétrie en physique font aujourd'hui référence à la théorie des groupes. En nous replongeant dans nos anciens livres de mathématique, on apprend qu'il s'agit d'une théorie développée au XIXe siècle par le mathématicien Elie-Joseph Cartan qui définit les transformations discrètes et continues. Ces dernières transformations furent définies par le mathématicien norvégien Sophus Lie en 1869. Le père fondateur de cette théorie est le mathématicien français Evariste Galois, né en 1811 et mort précocement à l’âge de 20 ans. Malgré son très jeune âge il avait déjà imaginé la théorie des groupes, jugée à l’époque “incompréhensible” par Simon-Denis Poisson. Plus d’un physicien partagent encore aujourd’hui son point de vue... La tâche de Cartan et Lie consista à recenser tous les objets capables de changement (par translation, par rotation, par torsion, etc.) et d'en extraire des structures que certains essayèrent d'appliquer au monde réel. La théorie des groupes de Lie aboutit à une classification systématique des symétries, unissant de nombreux domaines des mathématiques comme nous allons le découvrir. C'est la raison pour laquelle ce concept est si souvent utilisé. Le concept de groupe de Lie est très abstrait, très complexe et sort du cadre de ce dossier. C'est une théorie qui intéresse en fait uniquement les mathématiciens, je n'en veux pour preuve que l'explication qui suit. En quelques mots et en simplifiant beaucoup la théorie, un groupe possède les propriétés d'un groupe algébrique ordinaire (il comprend une loi de composition interne telle que la commutativité, des axiomes, etc), ainsi que des propriétés géométriques différentielles (qui concernent des courbes et des surfaces de Riemann faisant intervenir le calcul différentiel). Il englobe donc à la fois l'étude des variétés topologiques, y compris dans le plan complexe (fonctions holomorphes) et l'algèbre de Lie qui est une algèbre ordinaire (multiplication, produit vectoriel, etc) mais qui obéit à certaines relations (relation de Jacobi, etc). Un groupe reste un concept simple : c'est un ensemble de transformations qui est caractérisé par 3 propriétés : - une invariance (locale ou globale) - le fait que toute transformation doit permettre de retrouver l'état initial du système - deux transformations consécutives doivent être équivalentes à une transformation unique. Ces propriétés permettent d'imaginer que le changement apparent des choses peut être représenté par des invariances de symétrie. La théorie de Lie nous dit que les groupes sont rassemblés en 7 variétés de A(n) jusque G(n), n étant un nombre entier choisi arbitrairement. Ainsi une sphère obéit à une symétrie O(3), O pour orthogonal car quel le soit l'angle sous lequel on la regarde, la sphère est symétrique par rotation dans les 3 dimensions. A côté du formalisme extrême de la théorie des groupes et de l'algèbre de Lie, sur le plan pratique, les physiciens ont reconnu que ces concepts pouvaient les aider à résoudre les problèmes particuliers de la physique fondamentale et de la cosmologie, et notamment comprendre les phénomènes qui étaient survenus peu de temps après le Big Bang. Ainsi, si les groupes A, B, C, D peuvent être infinis, les groupes E, F et G permettent de décrire les particules élémentaires (quarks et leptons) et leurs symétries. C'est ainsi que les physiciens ont pu interpréter la théorie des groupes de Lie.
Jusqu'à présent, les groupes suivants ont trouvé, avec succès, une interprétation : - U(1) est l'exemple le plus simple de symétrie SU(n) qui intègre les nombres complexes. Elle touche le photon. - SU(2) touche le photon et le neutron. - SU(2) x U(1) conduit à la théorie de Weinberg et Salam - SU(3) concerne l'interaction forte des quarks - SU(5) représente la Théorie de Grande Unification (GUT) la plus simple (électron, neutrino et 3 quarks) - E(6) et SO(10) ont été utilisés pour construire les GUT exceptionnelles et restreintes - E(8) et SO(32) ont été utilisés pour construire la théorie des supercordes à 26 dimensions d’espace. Le groupe E(n) ne trouve pas d'équivalent dans la nature. C’est à l'heure actuelle une construction mathématique pure. Le groupe E(8) est le plus élevé de sa catégorie pour des raisons mathématiques. Dans la théorie des groupes de Lie, une transformation symétrique finie donnée se construit en appliquant de façon répétitive des transformations infinitésimales caractérisées par des générateurs. Le nombre de générateurs linéaires indépendant est appelé la dimension du groupe. Ainsi SU(1), le groupe de rotation à une dimension est généré par une rotation infinitésimale dans un plan décrit par un seul axe; il a donc un seul générateur pour décrire la symétrie de rotation du cercle, c’est le photon. Les séquences unitaire et symplectique ainsi que les groupes exceptionnels G2, F4, E6, E7 et E8 de dimensions respectives 14, 52, 78, 133 et 248 sont appelés les groupes simples de Lie. Nous savons déjà que les symétries en physique sont de plusieurs ordres. Il existe des symétries d'espace telle que la conservation de l'impulsion dans un univers homogène et la symétrie de temps telle que la conservation de l'énergie dans un système isolé. Il existe donc une relation entre symétrie et loi de conservation. Au sens large, une symétrie est donc invariante pour certaines opérations. Si une quantité reste identique à elle-même après une opération, elle révèle une loi de conservation. En appliquant ces principes à la théorie du champ quantique, on conserve le principe du théorème de Noether qui, rappelons-le, lie les propriétés de la relativité à l'invariance par transformation de symétrie et à certaines lois de conservation. Ces lois sous-tendent le modèle Standard et sont regroupées sous le nom de théories de jauge non-abéliennes ou théories de Yang-Mills.
Ainsi en mécanique classique par exemple, la rotation est considérée comme une symétrie autour de l'axe central. La propriété conservée est le mouvement cinétique. Si on applique le théorème de Noether au modèle quantique relativiste, on découvre par exemple que le changement d'un proton en neutron obéit lui aussi à une symétrie : celle du spin isotopique, etc. En principe donc, la théorie des groupes est le meilleur outil de prédiction dont disposent les physiciens pour déterminer les interactions entre particules. Son usage cohérent peut aboutir à l'unification des quatre forces. C'est ce dont nous allons discuter mais sans entrer dans les détails mathématiques qui sortent du cadre de ce dossier. La suite de cette passionnante aventure est décrite dans mon livre :
Retour à la Physique Quantique
|