L'observation
des satellites artificiels
Les
éléments orbitaux d'un satellite (IV)
Pour
déterminer la trajectoire d'un objet il faut disposer d'un cadre de
référence. Nous connaissons le plan équatorial de la Terre et le plan
de l'écliptique mais tous deux subissent un mouvement de précession par
rapport aux étoiles. Pour pouvoir les utiliser sans erreur afin de
localiser un objet céleste, il faut tenir compte du jour de l'observation
et se référer à une époque standard, par exemple J2000.0.
Le
tracé de l'orbite d'un satellite se définit dans les trois dimensions et
requiert donc plusieurs éléments pour la définir dans l'espace. Ils ont été défini au XVIIe
siècle par Johannes Kepler à qui l'on doit les trois lois du mouvement
orbital. Cette théorie décrit le mouvement newtonien entre deux corps
ponctuels, c'est-à-dire l'interaction variant en
fonction inverse du carré de leur distance (1/r2).
Ce mouvement négligeant les interactions avec les autres corps, il
s'applique uniquement à un système isolé non perturbé. Il représente
donc une situation idéale sans déviation, effet relativiste, etc. Mais
en première approximation, ce mouvement de base suffit pour décrire les
mouvements orbitaux entre deux astres et établir des éphémérides qui
n'exigent pas la plus haute précision.
|
Si
le cercle est la seule orbite fermée avec l'ellipse,
pourquoi les planètes et les satellites orbitent-ils sur
des orbites elliptiques et non pas circulaires ?
En
1609, Kepler démontra mathématiquement que les planètes
orbitaient autour du Soleil sur des ellipses. Pourquoi pas
un cercle ? La trajectoire des planètes et des satellites seraient
un cercle s'ils se déplaçaient de façon rigoureusement
orthogonale par rapport à l'axe planète-Soleil ou planète-satellite
sans subir la moindre perturbation. Or tous les corps célestes
sont pratiquement en interactions mutuelles les uns avec les
autres de façon plus ou moins prononcée, les faisant dévier
de leur trajectoire. On fait donc référence à l'ellipse
par abus de langage, en faisant en réalité une grossière
approximation car en toute rigueur aucune de ces trajectoires
n'est vraiment elliptique, mais bien plus complexe. |
Johannes
Kepler |
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L'influence des autres corps peut
toutefois être prise en compte à travers ce qu'on appelle le problème
à trois corps. Rien qu'en ce qui concerne la Lune,
Ernest Brown au XIXe
siècle avait relevé près de 1500 inégalités. A l'époque des
"Principia", Newton avait déjà considéré que ce problème
lui donnait "'mal de tête" et on ne traitait pas encore le cas
général à N corps !
Néanmoins, même dans ce cas, la plupart des
logiciels et des algorithmes de calculs des orbites des satellites
gravitant autour de la Terre par exemple font la main-basse sur les
anomalies secondaires et ne tiennent compte que de l'influence
gravitationnelle de la Terre (on ignore les inégalités produites par la
Lune, le Soleil et les autres planètes).
A
consulter : Types
of orbits, ESA
Les éléments orbitaux |
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Les
éléments orbitaux ou paramètres utilisés pour établir les prévisions sont :
-
la taille de l'orbite (a)
-
l'excentricité orbitale (e)
-
l'inclinaison orbitale (i)
-
la longitude du noeud ascendant de l'orbite (Ω)
-
l'argument du périgée(ω)
-
l'anomalie moyenne (ν)
-
l'époque.
Trois
paramètres conditionnent la visibilité d'un satellite depuis une station
donnée :
-
L'altitude du satellite
-
L'inclinaison de l'orbite sur l'équateur terrestre
-
La latitude du lieu de l'observateur.
Les
passages des satellites sont prédits avec une grande précision
à partir de ces éléments dits Képleriens qui caractérisent
leur orbite. Ce sont les fameux "TLE" ou "Two Line Elements".
Il s'agit de fichiers plats (.txt) constitués de deux
lignes de paramètres commençant soit par un numéro d'ordre
soit directement par l'identificateur WDCRS
ou NORAD du satellite.
A consulter : TLE des satellites (CelesTrak) - TLE de 5000 satellites (2006)
Paramètres
standards des TLE |
TLE
de ISS (ZARYA) téléchargés de CelesTrak
le 15 juin 2022:
1
25544U 98067A 22166.52417639 .00007077 00000+0
13180-3 0 9990
2
25544 51.6445 344.8229 0004279 240.9172 215.6663 15.50012970344927
Détail
(en bleu ciel les données variables dans le temps):
ID
NORAD.......... ID Int'l WDCRS....... Epoque (Année=2022, Jour=166.52)......
25544U
98067A
22166.52417639
1ere
dérivée (vitesse angul.moyenne (rév/jr²)....2e dérivée (révol/jr³)........
.00007077
00000+0
Coef.ballistique...
N°orbite... ID...... Inclinaison (°).. Asc.Dr.Noeud Ascendant (°)
13180-3 0
9990
25544 51.6445
344.8229
Excentricité....
Argument du périgée (°)... Anomalie moyenne.... Révolutions/jour
0.0004279
240.9172
15.6663
15.50012970344927
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Au
cours du temps ces paramètres orbitaux fluctuent, y compris l'inclinaison orbitale.
C'est la raison pour laquelle ces valeurs sont données pour une orbite bien précise,
dans notre exemple pour l'orbite N° 9990 aux alentours du 15 juin 2022 et doivent de
temps en temps être mises à jour. Pour un satellite quelconque en orbite LEO les TLE
ne sont valables et donc précis que durant 5 jours. Une documentation détaillée sur ces
paramètres est disponible sur le site de CelesTrak.
Ces
paramètres sont également disponibles sur le site Spacelink
de la NASA par exemple ou sur demande auprès du Goddard Space Flight Center de la NASA ou encore du GEODSS
américain. Ils sont également disponibles dans la plupart des logiciels de simulation (voir plus bas).
Restrictions
Par
le passé la NASA (GSFC/OIG) publiait également les "Satellite Situation Reports"
qui reprenaient les données de plus de 25000 satellites (le dernier
fichier interim téléchargeable contenant environ 700 TLE date de 1977 !).
Malheureusement pour la communauté des amateurs, depuis mars 2005,
pour des raisons de sécurité nationale (cf. US
Public Law 108-136 section 913), le gouvernement américain a limité l'accès
des TLE aux seules personnes intéressées. Cela signifie que les astronomes amateurs
par exemple n'ont plus accès à la base de données mais bien les radioamateurs qui en
ont besoin dans le cadre de leur activité pour communiquer par satellite (cf. AMSAT).
CelesTrak a suivi cette recommandation émanant des autorités militaires.
Cependant,
pour une période au départ temporaire mais qui est aujourd'hui définitive, le site Space-Track
permet toujours au grand public et moyennant inscription d'obtenir les derniers TLE.
Profitez de cette dernière opportunité car il est possible que cette
"fenêtre" se referme un jour.
Rappelons que la base des TLE contient près de 100 millions de
records (10 millions de records s'ajoutent chaque année), ce qui signifie
que même les débris inférieurs à 1 cm sont enregistrés... !
A
consulter : Graphique
interactif de la position de chaque satellite artificiel actif
Position
Temps-réel des satellites AMSAT au-dessus de l'Europe
A
télécharger : The
Debris Assessment Software, NASA
Prédictions
des passages
Plusieurs
sites Internet vous proposent de consulter en ligne les prédictions de
passage des satellites. Les meilleurs d'entre eux restent bien évidemment ceux de la NASA.
D'autres sites vous permettent de recevoir par e-mail les prévisions pour
les satellites de votre choix, sans oublier les forums de discussions.
Voici quelques sites Internet de référence:
CelesTrak
- Heavens-Above -
Spot The Station - ISS
Tracker - Privateer
Stellarium
web - Space-Track
- In-the-Sky
- JSatTrak
Suivi
des flashes : SatFlare
- ISS
- Iridium -
Starlink 5 train
Localisation
du JWST : The Sky Live
- N2YO
Position des satellites en
temps réel
(Privateer)
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|
Position d'ISS
en temps réel
(Spot
the Station)
|
Position des satellites en
temps réel
(Heavens-Above)
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Cliquez
sur l'image pour accéder aux positions en temps-réel.
Le
site "Spot the Station" de la NASA affiche la position de
la station ISS en temps réel et "Privateer" permet également
d'afficher les satellites en temps différé de quelques heures. La
plupart des autres logiciels dont Celestrak et Heavens-Above vous proposent une
fenêtre de visibilité d'un à dix jours, y compris pour des dates passées ou futures.
Vous
pouvez donc aussi rechercher le passage d'un satellite dans le passé ou le
futur. Mais au-delà de 3 mois dans le passé, l'incertitude sur les TLE
ne permet pas de trouver le satellite avec précision.
Pour
les personnes intéressées, le Dr T.S. Kelso de Celestrak propose une version bêta
"Césium" de Celestrak (2022) présentée ci-dessous qui permet de
localiser les passages passés ou futurs des satellites pour un lieu déterminé. Tous
les points affichés sont des satellites évoluant devant une carte du ciel. Mais pour les
dates très lointaines dans le passé, le résultat n'est pas garanti à 100%. Même chose
pour les prévisions de passage à plus de 5 jours dans le futur qui risquent d'être
erronées pour les satellites en orbite basse. Mais du fait qu'il s'agit d'une version
bêta qui n'est pas totalement financée, l'interface devrait être amélioré.
Notons
qu'il existe également un outil pour localiser les passages passés de la
station ISS, ISS Tracker.
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La
version bêta
"Césium" de Celestrak (2022) permet de localiser les passages passés ou
futurs des satellites pour un lieu déterminé. A gauche, la visualisation en 3D. Tous
les points affichés sont des satellites évoluant devant une carte du ciel. A droite,
la visualisation en 2D. Il suffit d'indiquer le lieu d'observation,
de modifier l'incrément du temps (1 sec, 1 min, 1 hour, 1 day, 1 week, etc) et de
déplacer la ligne du temps pour se placer à la date et l'heure convenue. Dans la
visualisation 3D, on peut sélectionner le secteur du ciel dont les coordonnées
s'affichent en azimut (l'azimut est mesuré depuis le Nord = 0° dans le sens rétrograde
ou celui des aiguilles d'une montre, l'Est = 90°, le Sud = 180°, etc) et en élévation.
On peut également agrandir la zone cible pour tenter de localiser le satellite parmi les
étoiles. Les deux interfaces peuvent encore être améliorés mais ce projet manque de financement.
Avis aux sponsors. |
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Bref,
si vous avez observé un point lumineux mobile suspect et ne parvenez
pas à l'identifier, utilisez les logiciels présentés ci-joints le plus
rapidement possible, idéalement dans les heures oui les jours qui suivent
l'observation pour avoir une chance de l'identifier.
Les
logiciels et applis
La
plupart des programmes vous présentent simplement la trajectoire du
satellite au-dessus de la surface terrestre avec ses coordonnées d'azimut
et d'élévation. Mais pour l'astronome amateur c'est parfois insuffisant et
certainement pour le radioamateur.
Pour
ceux qui préfèrent utiliser les coordonnées équatoriales dans
l'éventualité où le ciel étoilé vous intéresse également, il existe
de nombreux logiciels d'astronomie
dont les versions récentes utilisent entre autres l'algorithme SGP4
pour calculer les perturbations orbitales et établir les prévisions
de visibilité des satellites pour afficher leur trajectoire devant la voûte
céleste. La précision est de l'ordre de quelques minutes d'arc.
Outre
les logiciels précités, vous pouvez également localiser les satellites,
y compris le JWST grâce à Stellarium, The Sky Live
ou N2YO.
Parmi les
applications pour mobiles (tablettes et smartphones), citons Orbitrack,
ISS Detector et Heavens-Above
(qui exige un navigateur html5) présentés ci-dessous. Pour les tablettes,
Celestron propose sur Google Play ou l'AppStore l'appli "SkyPortal",
un logiciel de planétarium gratuit (dont voici une copie
d'écran) qui exploite la puce GPS pour afficher le ciel local en temps réel,
y compris les satellites artificiels.
Puisqu'il
existe un version pour mobile d'Orbitrack, citons également
la version
Orbitrack pour PC ou Mac (dont voici une copie
d'écran). Ce programme tourne sous Windows 7 et supérieure ou Mac OS et exige
l'installation préalable d'un émulateur Android pour PC ou Mac tel que Bluestacks
et un compte Google qui permet d'installer l'application à partir de
Google Play. Toutefois elle facturée 5.49 €.
Citons
également NOVA for Windows
de Northern Lights Software Associates (NLSA) téléchargeable
gratuitement depuis fin 2017 (le S/N à encoder est NLD-8554457)
qui dispose d'un mode "radar" permettant de connaître
les coordonnées équatoriales du satellite que vous surveillez et de
l'attendre à l'affût derrière une étoile. Il fonctionne sur toutes les
plates-formes Windows jusqu'à la version 7.
Bien que "Nova"
soit très utile pour localiser les satellites artificiels visibles
au-dessus de l'horizon, il s'agit avant tout d'un logiciel pour radioamateur
capable de piloter des antennes sur différents satellites de communication
(cf. la revue en anglais de quelques logiciels de simulation).
Les
logiciels WXTrack
et Orbitron ont également acquis une belle réputation
grâce à une interface en haute résolution et en supportant la plupart des rotors
d'antenne.
A
consulter : La
réception des satellites
Notons
qu'à l'heure de l'informatique beaucoup de télescopes sont asservis
électroniquement par ordinateur et disposent des TLE ou peuvent lire ces
fichiers. Ils sont dès lors capables de localiser et suivre les satellites
artificiels en temps réel. Celestron
et Meade parmi d'autres constructeurs proposent
ce type de console pour tous leurs télescopes, y compris sur les petits instruments.
De
même, le logiciel SkyTrack
de Brent Boshart connecté à une interface ASCOM est capable de piloter
la monture de la plupart des télescopes motorisés et/ou GoTo équipés ou non d'un GPS sur
n'importe quel satellite et astre du ciel. Ce logiciel fonctionne sur tous les OS Windows.
SkyTrack est proposé à 9$ et la version démo est valable 30 jours.
A
voir : Tracking Satellites with SkyTrack
Part 1 - Part 2
Des logiciels de planétarium tels
Stellarium (gratuit), SkyMap Pro ou Starry Night Pro
parmi d'autres peuvent également afficher la trajectoire des satellites devant les étoiles pour n'importe quel lieu et
n'importe quelle époque et simultanément piloter une lunette ou un télescope à condition qu'ils disposent des
deux lignes de TLE et de l'interface électronique (ASCOM
ou propriétaire) vers l'ordinateur. Ces mêmes lunettes ou télescopes reliés à des logiciels d'acquistion d'image
comme FireCapture permettent également de suivre en temps réel le déplacement
des satellites dont celui de la station ISS depuis la version 2.7.07 sortie en 2022.
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