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SETI et les extraterrestres

Si dans les années 1960 les "petits hommes verts" (LGM) avaient la cote, aujourd'hui les aliens sont gris ! Une histoire de mode sans doute...Seul hic, les scientifiques n'en voient nulle part ! Document Warnerbros/Midway Games West Inc adapté par l'auteur.

Vendre la peau de l'ours

Quelles sont les possibilités de vie en dehors de la Terre ? Grâce à la bioastronomie et en particulier l’exploration spatiale, l’analyse spectrale et la radioastronomie, nous savons aujourd’hui que bien peu de corps célestes renferment les conditions nécessaires au développement d’une chimie organique, le froid intense, la chaleur ou les rayonnements nocifs limitant l’évolution des molécules abiotiques. Nous développerons ce passionnant thème dans l'article consacré à la contamination extraterrestre.

S'il est difficile de réunir toutes les preuves concernant l'existence d'une hypothétique forme de vie dans l'univers, quelquefois les astronomes ont cru avoir localisé des "petits hommes verts" pendant leurs recherches. Si la subordination du raisonnement se tournait vers une certaine inconscience scientifique avouée, ces chercheurs ne souhaitaient toutefois pas le divulguer ouvertement. Mais les médias ayant vendu la mèche au grand désarroi de la communauté scientifique, les annonces ultérieures des scientifiques furent plus prudentes, ce qui n'a pas empêché de mauvais journalistes à vouloir faire le buzz... !

L'affaire CTA102

Point n'est besoin de rappeler ces chers Martiens de Lowell, les Vénusiens d'Adamski où les créatures lunaires de Jules Verne. Plus près de nous l'affaire "CTA102" relança le débat scientifique en 1964.

Un article signé Nikolaï Kardashev, alors radioastronome à l'Université de Moscou parut dans un journal d'astronomie[1] encourageait ses collègues à étudier la source CTA102, pour confirmer une éventuelle émission artificielle - spectre large, forte intensité, etc -. Il imaginait qu'une civilisation comparable à la nôtre (juste sous le seuil de la civilisation de Kardashev de Type I) pouvait maîtriser toute l'énergie de sa planète et diriger ses signaux vers la Terre... Ne riez pas, son idée n'était pas aussi extravagante qu'elle paraissait. Cette énergie correspondait à 4 milliards de kW, près de dix millions de fois la puissance rayonnée par le radiotélescope d’Arecibo lorsqu'il envoya son message vers l'amas globulaire M13 en 1974...

L'année suivante, après avoir observé longuement les variations d'intensité de CTA102, Sholomitskii, le directeur de Kardashev publia dans le même journal d'astronomie un communiqué sensationnel[2] qui sera repris par l'agence Tass : les Soviétiques avaient capté "des signaux radios de période constante, oscillants avec une période de cent jours sur la longueur d'onde de 32 cm....son origine extraterrestre est vérifiée et ne fait aucun doute."

Malheureusement Sholomitskii et ses collègues s'étaient trompés. Ils apprirent à leur dépens que quelques jours plus tôt l'astronome hollandais Maarten Schmidt avait décrit cet évènement dans une revue américaine comme étant l'émission synchrotron d'un banal quasar, une radiosource qu'on situait à l'époque à plus d'un milliard d'années-lumière (et réestimée par la suite à 8 milliards d'années-lumière) !

A gauche, le blazar CTA 102 situé dans Pégase à 8 milliards d'années-lumière (la petite galaxie à peine visible à sa droite est NGC 7305 située à 400 millions d'années-lumière) photographié par Tom Polakis avec un télescope de 200 mm de diamètre. Cet objet émet tellement d'énergie (les émissions gamma dépassent 100 MeV) qu'en 1964 Kardashev crut a voir détecté l'émission d'une civilisation extraterrestre ! Cet objet qui brille normalement à la magnitude apparente d'environ + 16.5 peut atteindre +13.8 lors de sursauts d'éclats comme ce fut le cas en 2012 et 2016 (cf ce graphique de l'AAVSO). En 2015, on découvrit qu'il abrite un trou noir supermassif de plus 851 millions de masses solaires ! C'est probablement le seul quasar situé à distance qu'on puisse observer dans un petit télescope de 15 à 20 cm de diamètre. A droite une image de CTA 102 prise par le VLBA à 15 GHz révélant un jet de plasma qui s'étend sur ~5000 a.l.

LGM, le pulsar du Crabe

Un autre évènement sera aussi toujours associé aux "petits hommes verts" : la découverte des pulsars en 1967 par Jocelyn bell et Anthony Hewish, entouré des chercheurs du laboratoire anglais de Cavendish.

Une nuit de juillet 1967, Jocelyn Bell alors âgée de 24 ans découvrit parmi les enregistrements radioélectriques réalisés à 81.5 MHz (3.7 m), un curieux signal qui réapparut les semaines et les mois suivants. La source fut cataloguée CP1919+21 par référence à ses coordonnées. C'était un signal pulsé très stable et puissant d'une période de 1.337 seconde. Il intrigua les chercheurs car il ne correspondait pas la signature d'une interférence. Le comportement de cette source n'avait rien non plus de comparable avec les variations des étoiles, des galaxies ou de tout autre objet céleste connu à cette époque. La source suivant le mouvement sidéral, elle se situait bien dans l'espace.

Fin 1967, on détermina que la source se trouvait à une distance de 212 années-lumière, loin de notre système solaire mais bien dans notre Galaxie. Le phénomène intrigua d'autant Jocelyn Bell et son professeur Anthony Hewish que la fréquence de 1.337 s se stabilisa totalement dans les semaines qui suivirent. Pour leurs collègues P.Scott et R.Colins ces signaux étaient peut-être envoyés par des êtres intelligents, car leur aspect était vraiment artificiel. Ils décidèrent de surnommé la source LGM-1 (Little Green Men-1). Il va sans dire que des facteurs arbitraires déterminaient leurs réflexions.

Ecouter le pulsar du Crabe (.au de 165 KB)

Enregistrement réalisé à Jodrell Bank

A gauche le pulsar de la nébuleuse du Crabe (en dessous). Image gamma réalisée par le satellite CGRO/EGRET. A droite ses "blips" ou pulses. Documents NASA/STSCI et NGS.

Fin janvier 1968, quatre sources avaient été découvertes dans une fourchette de périodes comprises entre 1.2 et 1.3 s. Comme il était étonnant et très improbable que quatre sortes de "Petits Hommes Verts" aient choisi les mêmes fréquences pour se signaler, les chercheurs se mirent en quête d'autres explications. Certains toutefois étaient convaincus de l'existence d'une autre forme de vie dans l'univers. A leur décharge il y avait CP 0950 (1.25 s), une source tellement puissante qu’elle parvenait à bloquer la plume de l'enregistreur; il était difficile de croire qu'une étoile en était l'instigatrice !

Après de multiples recoupements et analyses, en février 1968 l'équipe d’Anthony Hewish annonça la découverte d'un nouveau type d'étoile compacte pulsante dans la revue "Nature" sous le titre "Observation of a Rapidly Pulsating Radio Source" (version PDF) et organisa peu après une conférence de presse. Pour l'anecdote, les murs de la salle de conférence avaient été couverts d'affiches concernant les "petits hommes verts", mais Anthony Hewish n’alla pas plus loin. C’est dans ce contexte insolite qu’il annonça la découverte... des étoiles neutrons, les pulsars, prédit par la théorie dès 1933 par Baade et Zwicky, mais jamais observés jusqu'alors.

Si dans l'article de février 1968, les scientifiques se sont abstenus de faire toute allusion aux "petits hommes verts", après la conférence de presse les journalistes ont bien entendu évoqué avec ironie l'hypothèse qui avait germé à propos des extraterrestres.

Cette découverte valut le prix Nobel de physique au Pr Hewish en 1974. Jocelyn Bell ne fut pas associée au prix Nobel, ce qui scandalisa Fred Hoyle et la majorité des scientifiques. Le Comité Nobel se justifia en déclarant que le prix fut attribué au Pr Hewish pour l'ensemble de ses travaux en radioastronomie. Toutefois leur décision fut jugée injuste.

Personne n'est à l'abri d'une erreur de jugement[3]...

HD164595

Le 15 mai 2015, grâce au radiotélescope RATAN-600 installé à Zelenchukskaia dans le Caucase, les radioastronomes russes détectèrent un signal puissant (0.75 Jy) dans la bande X (2.7 cm ou 11 GHz) provenant de la direction de l'étoile HD164595 située dans la constellation d'Hercule. Les médias russes notamment ont évoqué une émission extraterrestre et la rumeur fit rapidement le tour de la toile. Mais le signal ne s'est jamais répété et n'a pas été confirmé par les autres observatoires. Devant l'ampleur de la rumeur et sans réaction des chercheurs russes, plus d'un an plus tard les scientifiques russes ont finalement publié un bref commentaire officiel dans lequel ils concluent que le signal était probablement d'origine terrestre. Franchement, ce n'est vraiment pas de la bonne science.

L'étoile de Tabby alias KIC 8462852

En 2015, dans le cadre de la recherche des exoplanètes, les astronomes ont pointé le télescope spatial Kepler vers l'étoile KIC 8462852 de type F3V située dans la constellation du Cygne à environ 1480 années-lumière. Il s'agit d'une étoile sur la Séquence principale présentant une physique proche de celle du Soleil dont une température effective d'environ 6750 K et brillant à la magnitude apparente de +12.

L'étoile KIC 8462852 photographiée en infrarouge. Document 2MASS/Aladin.

Utilisant la méthode du transit pour débusquer les éventuelles exoplanètes, les astronomes ont constaté que la courbe lumineuse de cette étoile était "bizarre" selon les termes du planétologue Jason T. Wright et chutait jusqu'à 22% avec des assombrissements répétés et durant entre 5 et 80 jours comme on le voit sur les courbes photométriques présentées ci-dessous. A partir de ces données, les astronomes ont estimé que l'astre occultant principal mesure au moins 100 km de diamètre mais d'autres mesures effectuées en 2009 indiquent qu'il pourrait être beaucoup plus vaste, atteignant 10 fois la superficie de la Terre ou 1/12e de celle de Jupiter soit plus de 5 milliards de km2.

L'astrophysicienne Tabetha S. Boyajian et son équipe de l'Université de Yale ont publié cette découverte en septembre 2015 sous le titre Where's the Flux? expliquant que si la thèse extraterrestre n'était pas écartée, la cause la plus probable de ces transits était la présence de fragments exocométaires, des "clumps" comme on en voit quelquefois dans la queue des comètes (cf. cette vidéo sur YouTube), tombant sur l'étoile. Etant donné les sous-entendus, aussitôt l'étoile fut surnommée "l'étoile de Tabby" ou "étoile WTF" ou encore LGM-2.

De nombreuses autres hypothèses ont été invoquées pour expliquer ces fluctuations lumineuses : une variabilité intrinsèque par exemple liée à l'émission de matière par l'étoile (étoile de type Be, binaire X avec disque d'accrétion) ou une variabilité extrinsèque liée par exemple à la présence de planétésimaux ou d'astéroïdes. La présence d'un compagnon tout proche (une étoile naine à 1000 UA) aurait également pu perturber les trajectoires de ces petits corps.

D'ores et déjà, l'hypothèse du disque de poussière est rejetée car l'étoile est trop vieille (en théorie) ainsi que l'hypothèse de débris résultant d'une collision. En effet, les images prises en infrarouge entre 2 et 4.5 microns dans le cadre du programme 2MASS, notamment par le télescope spatial Spitzer/IRAC et par le satellite infrarouge WISE n'ont révélé aucun disque circumstellaire en deux années d'observations.

Sans explication claire sur l'origine de ces fluctuations lumineuses, Wright et ses collègues de l'Université d'état de Pennsylvanie ont suggéré d'étudier cette "mégastructure en essaim" dans le cadre de SETI. En effet, en 2005 déjà, l'astronome français Luc Arnold de l'Observatoire de Haute Provence/Aix Marseille Université avait suggéré que le télescope Kepler pourrait détecter des structures artificielles de la taille d'une planète dans la banlieue du Soleil. Dans cette logique, Wright et son équipe n'ont pas hésité à évoquer une mégastructure artificielle comme une sphère de Dyson qui aurait été construite par une civilisation de Kardashev de Type II (rappelons que l'humanité en est toujours au stade de civilisation de Type 0) !

A voir sur TED : Tabetha Boyajian à propos de KIC 8462852, fév 2016

(avec sous-titres FR ou avec transcription)

A consulter : Where's the Flux , T.Boyajian

Les courbes photométriques de l'étoile KIC 8462852 mesurées en 2009 par l'équipe de Tabetha Boyajian de l'Université de Yale grâce au télescope Kepler. Le transit agrandi à gauche dura plus de 10 jours mais la courbe n'est pas symétrique. On en déduit que l'astre occultant est gigantesque (10x la superficie de la Terre ou environ 1/12 de celle de Jupiter) et n'est pas symétrique. De plus, ce profil correspond à celle d'un astre traversant le champ de vision en oblique de haut en bas comme le montrent les schémas ci-dessous basés sur les études de Tabetha Boyajian et de Jason Barnes de l'Université d'Idaho. Documents T.Boyajian adapté par l'auteur, T.Boyajian et al. et T.Boyajian/J.Barnes adapté par l'auteur.

Immédiatement les implications de cette annonce ont fait le tour de tous les sites d'actualité, des chaînes de TV aux sites Internet de vulgarisation scientifique qui se sont faits écho de cette éventualité et ses sous-entendus concernant l'existence d'aliens... La plupart des webzines cherchant probablement "à faire le buzz" et s'attirer de nouveaux lecteurs (CNN, Discovery, Forbes, Science et Avenir, Space.com, Slate, Universe Today, ainsi que beaucoup de journaux francophones) ont mis en tête de page cette hypothèse extraterrestre avant même d'aborder la découverte scientifique, y compris certaines éditions nationales du "National Geographic" (Pologne et Russie notamment, mais cela n'est même pas étonnant connaissant leur propention à supporter les pseudosciences !). Cela s'appelle du mauvais journalisme.

En revanche, le "Time" et le site Futura-Sciences parmi d'autres ont traité le sujet plus sérieusement et subtilement tandis que d'autres n'en ont même pas parlé début octobre (ni "La Recherche" ni "Scientific American", etc). L'Institut SETI ne l'a pas non plus mentionné dans ses actualités ni ses annonces de presse, ce qui était très significatif. En fait, il fallut attendre encore un mois pour que l'Institut SETI évoque le sujet le 15 novembre 2015 (article 1 et article 2). Ensuite, il n'en ont plus parlé

A voir : Michio Kaku on CBS about KIC 8462852, oct 2015

A gauche, les variations lumineuses répétées et irrégulières de KIC 8462852 pourraient s'expliquer par la présence de débris exocométaires ou d'astéroïdes tombant sur l'étoile, deux hypothèses parmi d'autres. A droite, ce à quoi pensent Jason Wright et son équipe de scientifiques en mal de notoriété : la sphère de Dyson. La première explication est certainement plus plausible. Documents NASA/JPL et CapnHack.

Bien entendu, le physicien et futurologue Michio Kaku, passionné de vie extraterrestre et conseillé scientifique de la chaîne CBS a été interviewé en octobre 2015 à propos de cette découverte et de ce qu'il pourrait s'agir. Sa réponse immédiate fut de dire : "nous n'en savons rien". Dans son esprit, pour l'heure toute explication définitive serait pure spéculation et de rappeler les paroles de Carl Sagan : "une explication remarquable requiert une preuve remarquable". Autrement dit, le débat sur la vie extraterrestre est clos jusqu'à nouvel ordre.

Rapidement interviewé par les journalistes, le 13 octobre 2015 Wright a tout de même remis les pendules à l'heure pour éviter d'être considéré comme un farfelu par ses collègues astronomes (ce qui peut rapidement avoir des effets négatifs sur sa carrière) : "Les extraterrestres devraient toujours être la dernière hypothèse à considérer, mais cela ressemble à quelque chose que l’on pourrait attendre d’une civilisation extraterrestre", a-t-il déclaré au journaliste du journal "The Atlantic".

Aux dernières nouvelles, voici l'aspect présumé de KIC 8462852. Illustration NASA/JPL.

Aux dernières nouvelles, après avoir analysé les données enregistrées par les télescopes infrarouge Swift et Spitzer, l'équipe d'astronomes dirigée par Huan Meng de l'Université d' Arizona conclut fin 2017 dans "The Astrophysical Journal" que "l'assombrissement est dû à la présence d'une nuée de poussière d'une période de 700 jours."

Toutefois, cette hypothèse n'explique pas tous les phénomènes d'assombrissements, notamment les petites diminutions survenues durant trois jours en 2017 et la chute d'éclat de 20% observée par le télescope Kepler pendant qu'il étudiait un champ stellaire dans le Cygne. Il est probable qu'un nuage de comètes participe également à son assombrissement irrégulier. Il est également possible que l'étoile de Tabby présente une activité similaire à celle du Soleil. Toutes ces hypothèses doivent encore être vérifiées et feront l'objet de nouvelles études. Le dossier Tabby n'est pas encore clôturé.

Sorry, pas d'émissions délibérées

Fin octobre 2015, l'Institut SETI orienta les antennes du réseau ATA Telescope Array sur l'étoile de Tabby et analysa toutes les fréquences entre 1 et 10 GHz mais ne détecta rien d'origine artificielle. Le 5 novembre 2015, il déclara : "Les observations continuent, mais à ce jour aucune preuve d'émission délibérée de signaux radios ont été trouvés dans la direction de KIC 8462852." En fait, il est plus vraisemblable que la réalité soit une nouvelle fois plus "terre-à-terre" et que ces variations lumineuses s'expliquent par un phénomène naturel. C'est aussi l'explication la plus simple.

Quelques-unes des 42 paraboles du réseau ATA installé à l'Observatoire de Hat Creek situé  à 470 km au nordest de San Francisco. Chaque parabole mesure 6.10 m de diamètre. Le sysème fonctionne en interférométrie et disposera à terme de 350 paraboles.

Mais l'histoire n'était pas terminée. En 2016, Bradley E. Schaefer et son équipe de l'Université d'état de Louisiane consultèrent les archives de l'Université d'Harvard comprenant quelque 500000 plaques photos remontant jusqu'en 1885 dont un tiers a été scannées dans le cadre du projet DASCH. Comme le fit Tabetha Boyajian mais cette fois en utilisant une autre méthode d'analyse, Schaefer et son équipe notèrent que l'éclat de cet étoile avait diminué de 20% au cours du dernier siècle. Mais ils reconnurent que "la raison de ce phénomène n'était pas évidente".

Se greffe sur cette analyse le problème que ces données historiques furent enregistrées par de multiples instruments et systèmes photographiques, rendant l'ensemble incohérent et donc peu fiable. Cela conduisit Keivan Stassun de l'Université Vanderbilt et ses collègues à fixer en mai 2016 des limites à la précision des données. Suite à cette analyse, Stassun déclara "En cherchant des variations de brillance dans un certain nombre d'étoiles de comparaison dans la base de données DASCH, nous avons découvert que beaucoup d'entre elles présentaient une chute similaire d'intensité dans les années 1960. Cela indique que ces "drops" étaient provoqués par des changements instrumentaux et non par la brillance de l'étoile."

Cette conclusion fut annoncée dans la presse scientifique puis par les médias. Le fait qu'il y eut des erreurs dans les données déçut beaucoup d'amateurs d'extraterrestres qui espéraient sans doute la confirmation que nous n'étions pas seuls dans l'univers. Mais ce sera sans doute pour une prochaine fois.

Puis nouveau rebond en décembre 2016. L'astronome Brian D. Metzger de l'Université de Columbia à New York et son équipe ont proposé que les variations d'éclats de l'étoile de Tabby provenaient de l'absorption d'une planète voici 200 à 10000 ans selon sa masse. Suite aux effets de marées, cette planète aurait explosé à proximité de l'étoile en libérant un nuage de débris à l'origine des fluctuations lumineuses. Selon les simulations, au cours de sa vie une telle étoile pourrait attirer jusqu'à 10 planètes de la taille de Jupiter, donnant naissance à un véritable anneau de débris circumstellaire. Malheureusement cet anneau de débris est invisible sur les photos.

Il semble bien que l'hypothèse des extraterrestres soit finalement écartée... Ceci dit, dans tous les cas nous n'avons toujours aucune preuve tangible de la présence ni de l'un ni de l'autre. L'énigme reste entière.

234 signaux extraterrestres ?

En octobre 2016, Ermanno Borra et Eric Trottier de l’Université Laval au Canada publièrent dans les Publications of the Astronomical Society of the Pacific (PASP) le compte-rendu d'une observation qui pourrait être interprétée comme des signaux lumineux provenant de civilisations extraterrestres. Enfin, presque. Car les auteurs ont immédiatement précisé que si cette possibilité n'est pas exclue, les 234 signaux détectés ont plus de chances d'être des parasites instrumentaux même si le pic dans l'analyse de Fourier présentée ci-dessous paraît à priori très suspect.

Mais une fois de plus, étant donné que les auteurs ont évoqué l'hypothèse extraterrestre dans le résumé (abstract) et en introduction de l'article, la rumeur s'est rapidement emparée du sujet au grand désarroi des chercheurs. Leur explication rationnelle fut balayée par celle des extraterrestres qu'ils ont eu la malchance d'évoquer dès le préambule, une théorie beaucoup plus attractive qui fut amplifiée par les médias malgré la temporisation d'autres scientifiques. On peut espérer que Borra et Trottier en tireront la leçon à moins qu'ils préfèrent faire le buzz mais dans ce cas il n'est pas certain que la crédibilité du jeune doctorant Trottier en sorte grandie, ce qui serait un très mauvais départ pour sa carrière scientifique !

Reprenons donc cette affaire à son commencement pour mieux comprendre cette observation. Dans quel contexte et quel type de signaux ont réellement détecté Borra et Trottier ?

Emanno Borra et son étudiant Eric Trottier ont analysé 2.5 millions de spectres réalisés dans le cadre du sondage SDSS DR8 (Sloan Digital Sky Survey Data Release 8) au moyen d'un spectrographe à fibre (chaque étoile tombe sur un trou précalibré dans un masque de l'instrument relié à des fibres optiques), un projet remontant à 2010 motivé par la recherche d'émissions pulsées intenses à courte période.

Entre 2012 et 2013 les deux chercheurs ont réalisé une analyse de Fournier du spectre de ces étoiles qui montra que 234 candidates présentaient des oscillations périodiques et des fluctuations suspectes. Plus étonnant, les signaux suspects apparaissent pratiquement tous à la même fréquence temporelle avec une puissance équivalent à environ 10-5 fois la puissance de l'étoile. Ils furent émis par 0.01% des étoiles sondées et jamais par des galaxies.

Autres faits intéressants qui peuvent mettre les astronomes sur certaines pistes, les signaux furent uniquement émis par des étoiles de classe spectrale F2 à K1, donc assez similaires au Soleil (classe spectrale G). Les signaux proviennent d'endroits différents dans le champ de vue et ont été détectés sur deux bandes de longueurs d'ondes (B et R) du spectrographe.

Ce type de signal peut avoir plusieurs origines. Etant donné sa périodicité et sa relative puissance, il pourrait provenir d'un astre magnétisé compact en rotation très rapide sur lui-même, mais imaginer 234 pulsars au même endroit est improbable. De plus, tous les signaux fluctuent un million de fois plus vite que ceux des pulsars millisecondes les plus rapides. L'autre explication évoquée par les chercheurs est qu'il s'agit d'un émission pulsée artificielle, volontaire ou involontaire.

La Dr. Anne-Marie Weijmans préparant en décembre 2015 la tête de fibres optiques IFS (Integral Field Spectroscopy) de l'unité spectrographique du télescope de 2.5 m d'Apache Point utilisée dans le cadre du sondage SDSS. Document SDSS.

Si l'émission est volontaire, l'appel aux extraterrestres est la plus plausible puisqu'aucun de nos émetteurs terrestres ni aucune sonde spatiale n'émet de signaux lasers offrant ces caractéristiques. Dans ce cas, on peut imaginer comme l'ont proposé Robert Schwartz et Charles Townes en 1961 qu'une civilisation extraterrestre essaye de communiquer au moyen de lasers. En effet, dans ce cas ci le signal est composé de très courtes impulsions séparées d'environ 10-10 s générant des modulations spectrales périodiques, une période tellement courte que l'essentiel apparaît comme un faisceau de lumière blanche. L'émission pulsée étant répétée et rapproché dans le temps, on observerait un motif périodique à travers le spectre. Ce type de signal pourrait facilement être détecté par un petit télescope et par une analyse de Fourier, ce que semble indiquer le graphique ci-dessus, d'où la première hypothèse proposée par les chercheurs.

Toutefois pour soutenir cette hypothèse, l'existence d'extraterrestres exige des preuves irréfutables que nous ne possédons pas.

En revanche, si l'émission est involontaire on peut envisager sereinement une explication plus rationnelle. Dans l'esprit d'un chercheur, l'hypothèse d'une émission involontaire fait de suite penser à des "fuites" électromagnétiques ou des interférences. Si la première explication sous-entend de nouveau que nous avons à faire à des extraterrestres et que nous écartons pour le moment, la seconde explication est plus probable : les astronomes ont détecté des parasites. Encore faut-il le prouver.

Ces parasites présentant une signature typique d'une émission laser, on peut imaginer qu'elle fut émise soit par un observatoire terrestre dont le faisceau laser aurait rebondi volontairement ou par erreur sur la Lune avant d'être capté par le télescope du sondage SDSS. Mais il est peu probable qu'un opérateur d'un instrument laser, optique adaptative ou autre, se trompe à ce point de cible car son orientation aurait de suite été corrigée. De plus il faut vérifier que la Lune étaient présente au-dessus de l'horizon au moment des enregistrements et la probabilité qu'elle ait pu influencer les données. Ce cas particulier reste toutefois très improbable.

Reste une erreur instrumentale comme il y en a souvent. En effet, les premiers spectrographes à fibre présentaient beaucoup de franges d'interférences (speckles). Toutefois, dans ce cas ci leur diamètre élevé (120 mm) permet d'exclure cette possibilité mais il peut encore s'agir d'un défaut de la tête des fibres comme l'a clairement expliqué Yvan Dutil (l'auteur du message SETI du même nom), un problème connu des astronomes.

Il faut également comprendre l'étrangeté du phénomène, en particulier le fait que le signal n'apparaît qu'avec des étoiles de certaines classes spectrales. Pour en avoir le coeur net, les astronomes ont décidé de réenregistrer des spectres de chaque étoile candidate et de vérifier si le signal suspect est toujours présent. La difficulté est que le signal est très faible par rapport au bruit de fond et nécessite donc des instruments puissants. Le télescope Automated Planet Finder de 2.4 m de l'Université de Berkeley équipé d'un spectrographe à fibre similaire à celui du SDSS a déjà été mis à contribution pour éclaircir cette énigme. Affaire à suivre.

 Nous sommes donc loin des aliens qui n'est certainement pas l'explication la plus probable comme certains auteurs peu critiques et en mal de renommée l'ont un peu trop vite écrit.

Les Fast Radio Bursts

Comme nous l'avons expliqué à propos des étoiles compactes, les "Fast Radio Bursts", FRB en abrégé, sont des sursauts radios d'une durée de quelques millisecondes émis par des objets du ciel profond dont on ignore la nature et l'origine.

Identification d'un FRB avec une galaxie elliptique située à environ 6 milliards d'années-lumière dans Canis Major. Doc E.Keane et al. (2016).

En 2016, grâce aux radiotélescopes de Parkes et de l'ATCA (6 paraboles de 22 m de diamètre) ainsi que la confirmation visuelle obtenue par le télescope Subaru de 8.2 m, comme on le voit à droite, une équipe internationale d'astronomes dirigée par Evan Keane de l'organisation SKA (Square Kilometre Array) est parvenue à identifier une source FRB avec une galaxie elliptique située à environ 6 milliards d'années-lumière dans la constellation du Grand Chien (Canis Major). En dire plus est aujourd'hui spéculatif. Mais ce n'est pas ce que pensent tous les astronomes.

"Les Fast Radio Bursts pourraient-ils être produits par des vaisseaux Aliens" ?, telle était le titre provocateur de l'article très sérieux publié le 9 mars 2017 par Megan Watzke et Peter Edmond du Centre d'Astrophysique d'Harvard (CfA). Selon les deux astronomes, "l'étude de ces mystérieux sursauts radios rapides suggère qu'ils pourraient être la preuve d'une technologie extraterrestre avancée. Plus précisément, les sursauts pourraient être des fuites provenant de transmetteurs de taille planétaire alimentant des sondes interstellaires dans des galaxies lointaines", rien que ça !

Selon Abraham (Avi) Loeb du CfA Harvard-Smithsonian qui est à l'origine de cette étude, "les sursauts radios rapides sont extrêmement brillants étant donné leur courte durée et leur localisation à de grandes distances et nous n'avons pas identifié avec suffisamment de précision l'éventuelle source naturelle. Une origine artificielle vaut la peine d'être considérée et vérifiée."

Loeb et son collègue Manasvi Lingam ont examiné la faisabilité de créer un émetteur radio suffisamment puissant pour qu'il soit détectable à de si grandes distances. Ils sont arrivés à la conclusion que si l'émetteur était alimenté par l'énergie solaire, la lumière de l'étoile tombant sur la surface d'une planète deux fois plus grande que la Terre serait suffisante pour générer l'énergie nécessaire. Bien que dépassant de loin les capacités de notre technologie, selon les lois de la physique ce projet est concevable.

llustration du flash émis par une étoile compacte. Document T.Lombry.

Loeb et Lingam ont également examiné la viabilité technologique d'un tel émetteur du point de vue de l'ingénierie, à savoir si par exemple l'intensité de l'énergie produite ferait fondre toute l'infrastructure ? Ils ont découvert qu'un dispositif refroidi par l'eau ayant deux fois la taille de la Terre pourrait résister à la chaleur. Ils se sont ensuite demandés pourquoi construirait-on en priorité un tel appareil ? Les auteurs soutiennent que l'utilisation la plus plausible d'une telle puissance est le pilotage de voiles interstellaires photoniques. La quantité d'énergie nécessaire serait suffisante pour exercer une poussée sur une charge utile d'un million de tonnes, soit environ 20 fois la masse des plus grands navires de croisière sur Terre. "C'est assez grand pour transporter des passagers vivants à travers des distances interstellaires ou même intergalactiques", prétend Lingam.

Selon les auteurs, pour pousser une voile interstellaire, l'émetteur devrait focaliser le faisceau lumineux de manière continue sur la voile. Les observateurs sur Terre verraient un bref flash car la voile et sa planète hôte, ainsi que l'étoile et la galaxie qui l'abritent sont toutes en mouvement par rapport à nous. En conséquence, le faisceau balaie le ciel et ne pointe dans notre direction que pendant un bref instant. Les apparitions répétées du faisceau ne peuvent pas être expliquées par des évènements astrophysiques cataclysmiques et pourraient donc fournir des indices importants sur son origine artificielle.

Loeb admet que ce travail est spéculatif. Lorsque Watzke et Edmond lui demandèrent s'il croyait vraiment que les FRB étaient d'origine alien, il répondit : "La science n'est pas une question de croyance, c'est une question de preuve. Décider d'avance ce qui est probable limite les possibilités. Il vaut la peine d'écarter ces idées et de laisser les données être juge."

A ce jour aucune observation ne confirme que les FRB seraient des émissions artificielles d'origine extraterrestre. En revanche, deux articles publiés en 2017, l'un par l'équipe du doctorant astronome Mitsuru Kokubo, le second par l'équipe du radioastronome Cees G. Bassa ont montré que d'autres sources FRB sont également localisées dans des galaxies distantes dont la source FRB 121102 située à 2.4 milliards d'années-lumière qui est associée à une nurserie d'étoiles, renforçant l'hypothèse qu'il s'agirait de jeunes étoiles neutrons. On y reviendra sur les FRB dans l'article consacré à la diversité des étoiles.

Oumuamua, un vaisseau extraterrestre ?

En 2017, les astronomes ont découvert à 0.2 UA du Soleil un petit corps nommé Oumuamua (1l/2017 U1) ressemblant à un astéroïde qui venait de passer au périhélie à la vitesse de 25 km/s puis accéléra jusqu'à 31.2 km/s. Après de longues analyses, il s'est avéré que cet objet mesurait 260 m de long et était dix fois plus étroit. Son accélération était apparemment liée à une éjection lente de gaz comme le font les comètes.

Illustration de l'astéroïde Oumuamua. Document ESO/M.Kommesser.

Mais du fait cette accélération inhabituelle et son orbite hyperbolique, certains astronomes ont émis une hypothèse plus hardie. Ainsi, Shmuel Bialy et Abraham Loeb de l'Université d'Harvard ont sérieusement évoqué en 2018 la possibilité que "Oumuamua soit un vaisseau spatial extraterrestre" dans les "Astrophysical Journal Letters" (en PDF sur arXiv), l'objet "pourrait être une sonde pleinement opérationnelle, envoyée intentionnellement au voisinage de la Terre par une civilisation extraterrestre."

Heureusement pour leur réputation, les deux chercheurs ne prétendaient pas directement que des extraterrestres ont envoyé Oumuamua nous visiter. Mais après une analyse mathématique minutieuse de la manière dont l'objet interstellaire accéléra près du Soleil, ils ont déclaré : "Oumuamua pourrait être un engin spatial évoluant dans l'espace grâce à la pression de radiation du Soleil sur sa surface", faisant de cet objet ce qu'ils appellent une "Voile de lumière d'origine artificielle" par analogie aux voiles solaires mais dont les études ne sont qu'au stade préliminaire.

Mais qui aurait envoyé un tel vaisseau spatial à notre rencontre et pourquoi ?, ce sont demandés les journalistes de NBC News MACH en 2018. Avi Loeb leur répondit : "Il est impossible de deviner le but de Oumuamua sans plus de données." Si Oumuamua est une voile de lumière, une des possibilités est qu'il flotte dans l'espace interstellaire depuis que notre système solaire le rencontra, "comme un navire heurtant une bouée à la surface de l'océan."

Toutefois, Loeb et son collaborateur reconnaissent que le scénario du vaisseau spatial extraterrestre est "exotique". Et il n'est peut-être pas surprenant que d'autres scientifiques du secteur spatial eurent de sérieux doutes à ce sujet.

Pour ne citer qu'un seul scientifique connu, selon l'astronome Seth Shostak du SETI Institute, "il est certainement ingénieux de montrer qu'un objet de la taille d'Oumuamua pourrait être envoyé par des extraterrestres vers un autre système stellaire avec seulement une voile solaire comme propulseur. Mais il ne faut pas accepter aveuglément cette hypothèse astucieuse lorsqu'il existe également une explication banale (et a priori plus probable), à savoir qu'il s'agit d'une comète ou d'un astéroïde venant de loin." Car où est la preuve qu'il s'agit d'un  vaisseau extraterrestre ? Et pourquoi se serait-il comporté de la sorte ? Bref, la solution la plus simple est la plus probable.

En guise de conclusion

Ces différentes fausses alertes et hypothèses "exotiques" ne doivent pas dénigrer le travail des chercheurs même si dans certains cas, certains ont visiblemenrt fait preuve de peu de discernement et n'ont pas eu la patience d'attendre que leur observation soit corroborée par d'autres observatoires, ce qui ne renforce pas l'image de la Science.

Ceci dit, ces différents cas sont de parfaits exemples de la Science en action : les chercheurs collectent des données, les analysent, font des hypothèses et en tirent des conclusions que d'autres scientifiques vérifient. Finalement, trouver une erreur est une bonne chose car elle permet de progresser en précisant ce qui est réel et ce qui ne l'est pas et indirectement quels sont les instruments devant être améliorés afin de réduire la marge d'erreurs.

Pour plus d'informations

A Word about Those UFO Videos, Kathie Mack, Scientific American, 2020

Non, on n'a pas trouvé de civilisation extraterrestre (prise III), Yvan Dutil, 2016

Interstellar and Interplanetary Communication by Optical Masers, R.N. Schwartz et C.H. Townes, Nature, 190, 1961

Yvan Dutil (sa page web)

SETI Institute.

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[1] N.Kardashev, "Transmission of information by extraterrestrial civilizations", Astronomicheskii Zhurnal, 8, 2, 1964, p217.

[2] Sholomitskii, Astronomicheskii Zhurnal, 12 avril 1965.

[3] Jocelyn Bell-Burnell raconte brièvement sa découverte dans cet article publié sur le site de Big Ear.


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