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La spectroscopie

écrit en collaboration avec Carey Fuller, Obs. solaire Culgoora (AU)

Trichromie du Soleil en hydrogène alpha (I)

Cet article fut rédigé à la fin des années '90, à une époque où les caméras CCD, les APN et les télescopes solaires n'étaient pas encore aussi répandus qu'aujourd'hui et décrit une technique d'imagerie qui reste passablement méconnue des amateurs. Ce document a été partiellement mis à jour et fait partie des archives du site.

Si nous observons le Soleil au moyen d'un télescope équipé d'un filtre interférentiel ou d'un spectrohélioscope ajusté sur la raie de l'hydrogène alpha à 6562.8 Å avec une bande passante de 0.7 Å par exemple, nous pouvons observer avec beaucoup de détails des structures complexes telles que les filaments, les plages faculaires et peut-être surprendre les éruptions sur le limbe.

Mieux encore, les mouvements des masses poussées par le champ magnétique solaire deviennent apparentes : tout l'hydrogène de la chromosphère est en mouvement et évolue dans la raie, produisant un effet Doppler parmi les différentes structures que nous observons.

Cet effet proportionnel à la vitesse de déplacement des structures solaires a un gros inconvénient. Si nous observons le Soleil au travers d'un filtre interférentiel d'une demi-bande passante de 0.5 Å centré sur l'Hα, nous voyons des détails qui sont stationnaires dans ce rayonnement. Si le filtre est ajusté sur une longueur d'onde légèrement plus longue, nous pouvons observer des détails qui s'éloignent de nous (raie décalée vers le rouge). Si le filtre est ajusté sur une longueur d'onde légèrement plus courte que l'Hα, nous observons des structures se déplaçant dans notre direction (raie décalée vers le bleu). Dans le cas de l'Hα, un décalage Doppler de 1.0 Å correspond au centre de la raie à un mouvement d'environ 45 km/s.

Mais en réalisant une photographie monochromatique les parties en mouvements sont partiellement exclues du champ de vision car ces masses décalées par l'effet Doppler sont en-dehors de la bande passante du filtre et ne peuvent donc pas apparaître sur la photographie. Comment procéder pour obtenir une image de toute la dynamique du phénomène ?

Méthode

Quand nous observons le Soleil au moyen d'un filtre interférentiel, de façon à mettre en évidence toute l'activité d'une région active, nous devons observer les deux "côtés" de la raie, en plus du pic central. Sinon des structures ayant un mouvement très important ne seront pas mises en évidence ou partiellement seulement.

En combinant trois images, réalisées à la fois dans le pic central et de chaque côté de la raie de l'Hα, nous avons l'occasion de faire apparaître la structure complète du mouvement des masses solaires.

La meilleure façon de combiner les trois images consiste à créer un composite positif en utilisant la lumière rouge pour copier l'image Hα décalée vers le rouge, la lumière verte pour l'image prise dans le pic central et la lumière bleue pour l'image Hα décalée vers le bleu.

Ces trois couleurs B, V et R sont les couleurs primaires ou fondamentales. Leur addition donne du noir, ou presque; c'est la fameuse synthèse additive des couleurs. Bien sûr différentes autres images tricolores peuvent être produites, cela dépend de la bande passante du filtre et de la séparation des longueurs d'ondes utilisées pour les trois images noir et blanc de base.

 A gauche, un composite RGB réalisé par Carey Fuller avec un filtre interférentiel Hale biréfringent centré sur la raie de l'hydrogène alpha à 6562.8 Å offrant une demi-bande passante de 0.5 Å. A droite, une image tricolore d'une protubérance en boucle prise par Novaspace en l'an 2000. Ces images contiennent une grande quantité de données. Pour un spécialiste ces couleurs montrent les mouvements du plasma poussés par le champ magnétique à une vitesse qui dépasse 45 km/s.

En fait, les images doivent être séparées d'une longueur d'onde approximativement égale à la demi-bande passante du filtre interférentiel. Cela s'explique facilement. Si votre filtre a une demi-bande passante de 0.5 Å, les images rouge et bleu devront se trouver à 0.5 Å de chaque côté du pic central. C'est de cette façon seulement que le maximum d'effet coloré sera obtenu sans omettre de détails.

L'image composite couleur aura une (demi) bande passante équivalent à environ trois fois la demi-bande passante du filtre, révélant du même coup plus de détails sur le disque du Soleil qu'une simple image monochromatique.

Mais même avec l'expérience, l'interprétation des structures observées en trichromie Hα est souvent difficile.

Interprétation des images

Sur le limbe solaire l'interprétation est simplifiée car nous voyons surtout des structures en émission. Ainsi une protubérance apparaissant rouge sur l'image tricolore indiquera que la lumière de l'hydrogène a subi un décalage vers le rouge (observé en émission). La structure Hα s'éloigne donc de l'observateur.

D'une façon similaire une protubérance bleue est "décalée vers le bleu" et s'approche de nous. De même une protubérance verte n'évolue pas dans la raie analysée. Les autres couleurs sont les résultats de la combinaison de toutes ces vitesses.

Ainsi, conformément aux lois de l'optique, la couleur jaune est produite par la lumière rouge + verte et indique un plus faible décalage vers le rouge que la couleur rouge pure. Mais la teinte rouge sur le limbe peut aussi résulter d'une formation solaire contenant à la fois des masses en émissions stationnaires et décalées vers le rouge dans le pic central. Idem pour les autres couleurs.

Une couleur blanche sur le limbe indique qu'il s'agit d'une émission s'étendant par-delà la raie de l'Hα et indique en général qu'il s'agit d'une zone très chaude où la raie s'élargit, ou encore une région où l'activité est très dynamique.

Par contre, quand nous observons le disque solaire en trichromie Hα, l'interprétation de ce que nous observons devient plus difficile que sur le limbe. Car il se greffe sur le phénomène de pure interprétation le fait que nous observons à travers une épaisseur considérable de la chromosphère, où nous voyons des structures qui sont, les unes en absorption, les autres en émission. Quelquefois des structures sont en même temps en absorption et en émission, ou bien des phénomènes mixtes évoluent d'un même côté de la raie.

A lire : La gestion des couleurs sur ordinateur

La synthèse des couleurs

Additive

Soustractive

Enfin, sachez que les couleurs des détails en absorption sont complémentaires des couleurs des détails en émission qui évoluent à une vitesse identique dans l'espace de fréquences. Prenons un exemple.

Un filament sombre décalé vers le bleu pourra apparaître jaune en trichromie Hα si la lumière bleue a été absorbée. A l'inverse, une structure très brillante comme une flocule, observée en émission présentera des couleurs dépendant de sa vitesse dans l'espace de fréquences.

Néanmoins comme le révèlent les images ci-jointes la trichromie apporte beaucoup plus d'information que les photographies monochromatiques.

L'image tricolore donne une représentation plus complète des structures solaires et révèle la dynamique des régions actives, adjectif qui prend maintenant tout son sens.

Prise de vue

On reconnaît à gauche, en configuration de Newton le filtre Daystar ATM centré sur la raie de l'Ha à 6562.8Å et la caméra CCD de prise de vue fixés sur le porte-oculaire du télescope Takahashi CN212 de Giovanni Dal Lago. Un filtre de réjection d'énergie (ERF) décentré est monté à l'entrée du télescope pour atteindre le rapport f/30 et prévenir tout excès de chaleur et stopper le rayonnement UV qui dégraderait à terme la qualité du filtre interférentiel.

Le télescope d'une ouverture de 105 mm et d'une longueur focal de 1800 mm (f/17) est équipé d'un filtre Hale biréfringent d'une demi-bande passante de 0.5 Å. On peut également utiliser un filtre Daystar, Lunt ou Coronado (Meade) mais ils imposent un rapport focal voisin de f/30 et bien souvent un filtre de réjection d'énergie hors-axe afin de réduire le rayonnement incident et les UV et atteindre le rapport focal désiré.

Ainsi que nous l'avons expliqué à propos de l'étude du Soleil en hydrogène alpha et dans l'article anglais consacré aux télescopes solaires, étant donné la forte turbulence qui règne dans un site exposé au Soleil, une ouverture supérieure à environ 100 mm est peu inutile pour observer le Soleil. Que vous utilisiez un télescope de 100 ou de 400 mm vous serez limité à une résolution d'environ 1" en raison de la turbulence.

La variation des longueurs d'onde du filtre Hale s'effectue par rotation manuelle du filtre, à l'instar du modèle T-Scan de Daystar. Ce dernier est calibré par défaut pour une température extérieure comprise entre 0-30°C. Le contrôle de la bande passante s'effectue manuellement en modifiant l'inclinaison du filtre ce qui provoque une légère modification du trajet de la lumière. 

A toute fin utile dans les modèle Daystar University et ATM le changement de fréquence s'opère en modifiant électriquement la température du four intérieur, processus qui demeure très délicat.

L'image est enregistrée avec une webcam, une caméra CCD ou un APN (jusqu'aux années 1990, on utilisait le film Kodak TP2415 ou Kodalith Pan 2568-SP 417 développés dans du D-19 puis contretypés en couleur). Vous trouverez dans les pages écrites en anglais différentes techniques de compositage LRGB.

L'intervalle de temps entre les 3 clichés doit être réduit au minimum, dans le cas de nos images il fut de 10 secondes. Ce temps dépend du filtre interférentiel et de sa capacité à changer rapidement de fréquence. Les trois images doivent en effet être réalisées dans un minimum de temps car les structures solaires évoluent rapidement, surtout en gros-plan. Des intervalles supérieures à la minute entre chaque image sont beaucoup trop longs, surtout pour les arches et les protubérances. L'idéal serait de réaliser les trois images simultanément mais cela requiert soit trois filtres interférentiels soit un jeu complexe de miroirs, et à ce jour personne n'a essayé l'une de ces méthodes ou une variante.

Deuxième partie

Le compositage RGB

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