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Les amas stellaires

Les amas ouverts (I)

Hormis les régions HI et HII et les étoiles, la Voie Lactée comprend des sujets très jeunes, les amas ouverts, des associations d'étoiles des classes O, B, et A, fierté de la Population I. Citons pour mémoire l'amas M45 des Pléiades et l'amas des Hyades situés dans la constellation du Taureau ainsi que l'amas M44 Praesepe de la constellation du Cancer parmi les plus remarquables. Au total, les astronomes ont identifié plus de 1000 amas ouverts dans la Voie Lactée.

Pour rappel, en astrophysique il existe une différence entre un groupe et un amas. La différence est que dans un groupe le système est parvenu à l'équilibre dynamique, les étoiles présentant des vitesses de dispersion et des vitesses propres relativement faibles. A l'inverse, dans un amas stellaire, le système n'est pas encore en équilibre et est instable; il est en évolution constante, capturant en permanence des étoiles qui sont attirées vers le puits gravitationnel central, perturbant la dynamique de toutes les étoiles sous son influence pendant des centaines voire des milliards d'années.

A lire : Why are there Seven Sisters?, R. & B. Norris, 2020

Les Pléiades, une tradition de plus de 100000 ans

Les amas ouverts, boîtes à bijoux du cosmos

Ci-dessus, deux splendeurs du ciel d'un diamètre apparent aussi vaste que la Lune : l'amas des Pléiades M45 entouré de nébuleuses de réflexion et la nébuleuse de la Rosette NGC 2237 sur laquelle se superpose l'amas ouvert NGC 2244 (c'est l'une des rares photos révélant la couleur de l'amas stellaire). Ci-dessous, le scintillant amas NGC 1818 et M103 alias Trumpler 14. Ce dernier contient plus de 2000 étoiles et ressemble à l'amas stellaire dans lequel est né le Soleil. Documents Chris Hetlage, Evangelos Souglakos, NASA/STScI/HST et KPNO.

Les amas ouverts ne contiennent que des étoiles, sans matière interstellaire (région HI). Seul le très bel et jeune amas des Pléiades s'entoure de nébulosités ionisées par les étoiles bleues proches qu'il a conservées depuis sa formation. Ce magnifique amas situé à 390 années-lumière mérite quelques instants d'attention.

Le spectre des étoiles les plus brillantes des Pléiades est du type B6 à B8, ce sont des étoiles bleues. Toutes présentent une grande vitesse de rotation, oscillant entre 150 et 300 km/s à l'équateur, soit près de 6 fois supérieure à celle du Soleil[6].

En 1938, Otto Struve découvrit que l'étoile Pléione des Pléiades (28 Tauri) tournait si rapidement sur elle-même qu'elle rejetait une bulle d’hydrogène. Il est vraisemblable qu'un processus similaire a formé les nébuleuses de réflexion visibles tout autour de ce magnifique amas d'étoiles.

La compacticité de l'amas des Pléiades est un bon sujet pour tester l’acuité visuelle de chacun. La plupart d'entre nous distinguons 6 étoiles. En 1579, Maestlin recensa 11 étoiles et selon Kepler certains observateurs en notèrent 14. Depuis l'invention du télescope leur nombre n'a cessé de croître et en 1921 l'astronome Trumpler évalua ses membres à 246 étoiles. Mais on retrouve des étoiles appartenant à l'amas des Pléiades sur plus de 3°, si bien que son surnom est tout à fait approprié.

Âge des amas ouverts

L'astrophysicien Dave Latham de l'Université d'Harvard, astronome senior au SAO, spécialiste de la dynamique des étoiles binaires et des galaxies proches nous rappelle qu'il existe suffisamment de preuves aujourd'hui témoignant que les étoiles se forment dans le disque de la Voie Lactée bien que sa durée de vie soit un facteur contraignant[5]. Nous pouvons observer des amas ouverts de tout âge dans le disque, les uns à peine formés, les autres âgés de 80 millions (les Pléaides) à 600 millions d'années (les Hyades) et de très anciens âgés de 5 ou 10 milliards d'années et représentant les étoiles les plus brillantes de la Séquence principale qui ne sont pas encore totalement consumées. Mais les amas ouverts ne contenant que très peu d'étoiles vis-à-vis de leurs cousins globulaires, ils peuvent plus difficilement interagir et un doute subsiste sur leur phase terminale eu égard à l'âge de la Voie Lactée.

Des trous noirs dans les Hyades

Dans le contexte de l'évolution des étoiles massives, nous savons que les trous noirs stellaires sont très nombreux mais en raison de leurs propriétés, il est très difficile de les débusquer, même à quelques dizaines d'années-lumière.

L'amas des Hyades dont voici une vue générale photographié en couleurs LGB par José M. Tanous en 2020. Il utilisa une lunette Takahashi FSQ 106EDX4 portée à f/3 équipée d'une caméra CCD Atik 11000 Monochrome. L'étoile orange est Aldébaran, α Tauri, une géante rouge située à 65 années-lumière.

Dans un article publié dans les "MNRAS" en 2023, une équipe internationale d'astrophysiciens dirigée par le postdoctorant Stefano Torniamenti de l'Université de Padoue, annonça qu'il existerait plusieurs trous noirs dans l'amas des Hyades.

Les auteurs ont réalisé des simulations pour déterminer les mouvements et l'évolution des Hyades situées dans la constellation du Taureau à environ 150 années-lumière du Soleil. Les résultats des simulations ont été comparés aux positions et vitesses réelles des Hyades connues avec précision grâce aux mesures du satellite astrométrique Gaia de l'ESA.

Selon Torniamenti, "nos simulations ne peuvent correspondre simultanément à la masse et à la taille des Hyades que si des trous noirs sont présents de nos jours au centre de l'amas."

Les simulations des Hyades se rapprochent le plus de son évolution actuelle si l'amas contient deux ou trois trous noirs. Cependant, des simulations dans lesquelles tous les trous noirs furent éjectés il y a moins de 150 millions d'années, soit environ le dernier quart de l'âge de l'amas, pourraient encore correspondre à son évolution actuelle, l'amas n'ayant pas encore effacé les traces de sa précédente population de trous noirs.

Ces résultats indiquent que les trous noirs nés parmi les Hyades sont toujours à l'intérieur de l'amas, ou très proches de celui-ci. Cela en fait les trous noirs officieusement les plus proches du Soleil, bien plus proches que le candidat précédent (Gaia BH1 situé à 1565 années-lumière du Soleil). Reste à présent à confirmer cette prédiction en débusquant ces trous noirs stellaires (donc officiellement Gaia BH1 reste le trou noir le plus proche).

Selon Mark Gieles du département de physique quantique et d'astrophysique de l'Université de Barcelone et coauteur de cet article, "cette observation nous aide à comprendre comment la présence de trous noirs affecte l'évolution des amas d'étoiles et comment les ces derniers contribuent à leur tour aux sources d'ondes gravitationnelles. Ces résultats nous donnent également un aperçu de la manière dont ces objets mystérieux sont répartis à travers la Galaxie."

Découverte de trois nouveaux amas ouverts

Grâce aux données de la deuxième publication intérimaire (DR2) du satellite astrométrique Gaia de l'ESA, en 2018 une équipe d'astronomes brésiliens dirigée par Filipe A. Ferreira de l'Université Fédérale du Minas Gerais (UFMG) à Belo Horizonte découvrit trois nouveaux amas ouverts dans la Voie Lactée. Appelés UFMG 1, UFMG 2 et UFMG 3, ils furent identifiés dans le bras du Sagittaire dans le voisinage immédiat de l'amas ouvert NGC 5999 dont on voit des photos ci-dessous. Les détails de cette découverte ont fait l'objet d'un article publié sur le serveur arXiv (non validé).

Ces trois nouveaux amas ouverts sont situés à environ 4900 années-lumière du Soleil et contiennent quelques centaines d'étoiles d'une métallicité similaire à celle du Soleil. L'âge de ces amas est compris entre 0.1 et 1.4 milliard d'années.

A gauche et au centre, localisation des nouveaux amas ouverts UFMG 1, UFMG 2 et UFMG 3 découverts en 2018 grâce à Gaia. Le champ mesure 21.5° x 2.5°. Les lignes indiquent leur mouvement propre en 0.5 milliard d'années. A droite, le champ de marée de UFMG 3 (grand cercle) extrait du catalogue DSS2 et les rayons limites (petits cercles) des petits amas ouverts Majaess 166 (au-dessus) et Teutsch 81 (en dessous) situés à l'arrière-plan. Documents F.A.Ferreira et al.

Les amas UFMG 1, UFMG 2 et UFMG 3 ont des rayons limites (le rayon où la densité stellaire atteint celle du fond du ciel) de respectivement 20.5, 15.6 et 19.5 années-lumière. À titre de comparaison, NGC 5999 présente un rayon limite d'environ 15 années-lumière. UFMG 1 et UFMG 2 ont un noyau plus dense que UFMG 3 qui présente une structure centrale plus clairsemée. En outre, les astronomes ont noté que l'UFMG 3 est situé à proximité de deux autres amas stellaires connus : Majaess 166 et Teutsch 81 qui sont probablement des amas lointains projetés dans la direction d'UFMG 3.

Les chercheurs ont également constaté que les étoiles des trois nouveaux amas ouverts sont bien réparties sur la Séquence principale et contiennent au moins deux géantes, ce qui facilite l'ajustement de la courbe H-R ou isochrone de cet amas. Toutefois, UFMG 2 présente de nombreuses géantes rouges et une Séquence principale plus large dont l'origine n'est pas encore déterminée mais qui évoque les caractéristiques de l'amas ouvert M11.

Dynamique des amas ouverts

Les effets dynamiques qui se développent dans un amas ouvert sont tout différents de ceux d'un amas globulaire. La principale raison est liée à leurs positions respectives, les amas ouverts étant situés au sein même des galaxies. Les étoiles sont liées par la gravitation et chaque individu suit le mouvement général de l'amas. Sur quelques centaines de millions d'années, l'aspect de l'amas ouvert restera sensiblement identique. En étudiant leur mouvement propre nous pouvons localiser un point de convergence à quelques degrés de l'amas, mais il s'agit d'un effet de perspective car en réalité toutes les étoiles d'un amas ouvert voyagent de conserve, sur des trajectoires parallèles.

Tous les amas ouverts n'obéissent pas à cette loi. Il est facile de comprendre que des effets de perspective peuvent provoquer la superposition de plusieurs mas ou groupes d'étoiles indépendants. C'est ainsi que l'amas Praesepe, M44 situé dans le Cancer est constitué en réalité de 4 groupes d'étoiles distincts.

Comment déterminer l'angle d'inclinaison d'une étoile ? Le diagramme de droite présente les variations d’amplitude d’un mode d’oscillation dipolaire (avec 3 composantes) en fonction de l’angle d’inclinaison de l’axe de rotation de l’étoile par rapport à l'observateur. Quand l’étoile est alignée avec la ligne de visé (0°), seule la composante centrale de l’oscillation est décelable. Observée à 90°, comme c’est le cas pour le Soleil vu depuis la Terre, seules les deux composantes de l’extrémité de l’oscillation sont observables. En mesurant les amplitudes relatives de ces trois composantes, il est possible de déduire l’angle d’inclinaison de l’étoile. Cliquer sur l'image pour lancer l'animation (GIF de 13 MB). Document Enrico Corsaro/CEA.

En 2017, une équipe internationale d'astronomes dirigée par Enrico Corsaro du CEA publia dans la revue "Nature" une étude sur l'astérosismologie consacrée aux oscillations d'étoiles géantes rouges des amas ouverts NGC 6791 situé à 13300 années-lumière dans la Lyre et NGC 6819 situé à 7900 années-lumière dans le Cygne, à 4°37' du précédent. Ces deux amas comptent parmi les plus vieux de la Voie Lactée : NGC 6791 est âgé de 8 milliards d'années et NGC 6819 de 2 milliards d'années.

L'analyse des données enregistrées par le satellite Kepler de la NASA a montré que l'axe de rotation d'une cinquantaine d'étoiles présentent le même alignement. On en déduit que durant la phase protostellaire, le moment cinétique des nuages moléculaires, c'est-à-dire leur rotation, fut efficacement transférée aux étoiles massives. En effet, les étoiles peu massives ne présentent pas cette uniformité car au cours de leur formation les nuages protostellaires sont beaucoup plus agités et turbulents.

Ouverts mais globulaires

A gauche, NGC 1850 est un jeune amas ouvert âgé d'environ 100 millions d'années situé dans le Grand Nuage de Magellan, dans la constellation de la Dorade, à 160000 années-lumière. Malgré son apparence extrêmement compacte il est classé parmi les amas ouverts en raison de la dynamique qui anime le groupe mais aussi en raison de la présence de nombreuses étoiles jeunes et bleues (cf. cette étude) auxquelles s'ajoutent quelques étoiles rouges T Tauri. Les filaments bleus ont probablement été créés lors de l'explosion d'une supernova. En 2021, grâce à l'instrument MUSE du VLT, des astronomes y ont découvert un trou noir stellaire d'environ 11 masses solaires autour duquel gravite une étoile de 5 masses solaires dont il perturbe l'orbite. Au centre et à droite, l'amas ouvert HD 97950 situé au coeur de la région HII NGC 3603 dans la nébuleuse de la Carène. Cet amas est dans un processus de transformation en amas globulaire. L'image du centre a été prise en lumière blanche, celle de droite en lumière blanche et en infrarouge et révèle les traces de soufre, d'hydrogène et de fer. Documents NASA/ESA/STScI, NASA/ESA/STScI et NASA/ESA/STScI/AURA.

Si certaines associations stellaires sont vouées à se disperser, les amas ouverts densément peuplés ont toutes les chances de se transformer progressivement en amas globulaire en quelques centaines de millions d'années, à une époque où les étoiles massives auront disparu. C'est notamment le cas de l'amas ouvert HD 97950 situé au coeur de la région HII NGC 3603 dans la nébuleuse de la Carène (NGC 3372) et présenté ci-dessus au centre et à droite. D'abord catalogué comme une simple étoile dans le catalogue de Henry Draper, sa véritable nature est apparue dans les grands télescopes. Situé en pleine Voie Lactée, dans le bras du Sagittaire, c'est l'amas ouvert le plus important de la Galaxie. Mais situé dans une région où l'extinction interstellaire est très forte dans la ligne de visée, il dévoile toute sa splendeur en infrarouge.

Prochain chapitre

Les amas globulaires

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[5] R.Mathieu et T.Mazeh, Astrophysical Journal, 326, 1988, p256.

[6] La vitesse équatoriale du Soleil est de 48 km/s. Il fait une rotation sur lui-même en 25 jours environ.


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