CHAPITRE 19

12 000 ANS DE CATACLYSMES COSMIQUES

 

Un avertissement en guise de prologue

En 1982, dans La Terre bombardée, nous avions entrepris la première tentative de reconstitution historique de l'impactisme terrestre et de ses conséquences humaines. Avant nous, dès les années 1950, plusieurs auteurs avaient bien essayé de faire avancer le problème, mais il faut le dire sans réel succès, si ce n'est commercial. Ces auteurs étaient pourtant souvent d'authentiques érudits, bien conscients que l'histoire ancienne des hommes était beaucoup plus complexe que celle qui était enseignée. Aucun n'était astronome malheureusement, c’est ce qui explique en partie leur échec en ce qui concerne les solutions proposées. Seule une approche vraiment nouvelle peut permettre de percer le voile épais qui enveloppe encore l'histoire naturelle des hommes depuis 12 000 ans. Pour progresser il est nécessaire de sortir des sentiers battus.

L'histoire mondiale des différentes civilisations du passé est pourtant assez bien connue maintenant dans son ensemble. Des siècles de recherches et de découvertes ont permis de brosser une synthèse acceptable, bien que les documents écrits ou gravés authentiques remontant avant 2000 avant J.-C. soient rares. On sait que l'incendie des grandes bibliothèques de l'Antiquité et la destruction de plus d'un million de volumes et de papyrus, véritable mémoire écrite des hommes du passé, a été le plus grand fléau intellectuel qu'ait jamais connu l'humanité. C'est toute notre Histoire qui est partie en fumée dans cette démonstration de bêtise humaine.

Ce manque de documents écrits ou gravés fait que l'on connaît très mal l'histoire naturelle des anciennes populations et civilisations. Seule leur histoire domestique est assez bien reconstituée, puisque c'est dans ce domaine que l'on trouve encore des traces indiscutables (villages, outils, bijoux, poteries, etc.). Les catastrophes naturelles qu'ont subi les populations ne sont jamais connues avec précision, mais survivent seulement camouflées sous formes de mythes plus ou moins obscurs. La meilleure preuve à ce sujet est la formidable éruption du Santorin, dont nous avons parlé au chapitre précédent, vers –1500, qui était déjà totalement oubliée dans la Grèce antique, seulement 1000 ans plus tard.

On se rend compte ainsi des difficultés qu'il y a à établir la chronologie et parfois la nature même des différents cataclysmes naturels du passé. Mais en cette fin de siècle, les choses s'éclaircissent quand même singulièrement grâce au travail remarquable de nombreux scientifiques catastrophistes.

Pour écrire ce chapitre, nous avons tenu compte des nombreuses nouveautés notées dans les chapitres précédents, mais le canevas est identique à celui retenu pour La Terre bombardée. En effet, les cataclysmes recensés (au nombre de six seulement) restent les mêmes, explicités pour certains par l'hypothèse HEPHAISTOS qui les éclaire parfois sous un jour vraiment nouveau et qui justifie aussi leur fréquence qui paraissait un peu suspecte autrement.

L'Apocalypse de l'an 10000 avant J.-C. : mythe ou réalité ?

Dans son dictionnaire Les archives de l'insolite, Jean-Louis Bernard, un érudit français, donne la définition suivante pour l'article " Apocalypse de l'an –10000 " :

« Série de catastrophes qui se produisirent vers l'an 9 ou 10000 avant notre ère, en touchant l'ensemble de la planète, et à propos desquelles il y a accord entre la Tradition et la science moderne. Enumérons ces cataclysmes : en Europe, fin de la dernière période glaciaire, peut-être à la suite d'une montée du pôle vers le nord actuel (figure), par compensation, le dessèchement du Sahara préluda ou s'accéléra ; fin probable de l'archipel d'Atlantide ; en Afrique orientale, exhaussement brutal des monts, avec disparition d'une mer intérieure (aux sources du Nil) et d'un archipel (Pount), vers l'océan Indien ; exhaussement possible des Andes, avec disparition d'archipels en océan Pacifique (et isolement de la fameuse île de Pâques)... » 1

Cette définition n'est que très partiellement satisfaisante, car elle tente de regrouper sur une courte période plusieurs catastrophes prouvées, ou purement hypothétiques, d'époques en fait fort différentes, puisqu'elles s'échelonnent sur plusieurs milliers d'années. Nous aurons l'occasion de reparler de certaines d'entre elles. Ce qu’il faut retenir, c'est que cette date de –10000 (chiffre arrondi évidemment) est une date clé de l'histoire récente de la Terre et des hommes.

Mais d'abord, est-on vraiment sûr qu'il y a eu cataclysme ? Les avis ont toujours été et restent très partagés. La fin rapide de la dernière glaciation est une certitude (comme nous l'avons vu au chapitre précédent), avec ses deux conséquences principales : réchauffement du climat et surtout relèvement très important (de 100 à 130 mètres selon les régions) du niveau des eaux océaniques. Celles-ci ont complètement transformé la géographie côtière, en envahissant progressivement les différents talus continentaux.

L'astronomie propose deux solutions pour expliquer cette Apocalypse de l'an –10000, et c'est peut-être l'une ou l'autre qui finira par emporter la décision, de préférence aux hypothèses purement terrestres qui expliquent moins bien la soudaineté du phénomène.

L’hypothèse Sithylemenkat

Nous avons déjà parlé du cratère météoritique de Sithylemenkat, découvert en 1972 par le satellite Landsat 1, dans une région montagneuse et déserte de l'Alaska. Cette découverte a permis d'envisager une corrélation avec la fin de la dernière glaciation, puisque l'on a attribué (approximativement) un âge de 12 000 ans à ce cratère.

Une première étude géologique et géographique de la région eut lieu en 1969, avant même que l'on soupçonne l'origine météoritique du cratère, puisque vu du sol, rien ne semble indiquer son caractère exceptionnel. Il s'agit d'une vaste dépression de 12,4 km de diamètre et de 500 mètres de profondeur. Son nom dans l'idiome local signifie le lac dans les collines, car au fond de la dépression existe un lac de 3 km environ de diamètre.

Des échantillons prélevés à l'intérieur du cratère montrèrent une proportion anormale de nickel qui étonna les chercheurs. D'autant plus que cette forte concentration de nickel fut également mise en évidence dans des échantillons périphériques à la dépression elle-même. En outre, une étude magnétique de la région indiqua une anomalie négative associée avec cette dépression, ce qui signifie une intense fracturation du lit du cratère, en dessous de la zone d'impact. Le corps céleste responsable était probablement une sidérite ou une sidérolithe de 500 ou 600 mètres de diamètre.

S'il n'est pas reconnaissable du sol comme cratère d'impact, par contre Sithylemenkat fut immédiatement repéré par le premier Landsat, comme ce fut aussi le cas pour plusieurs autres formations disséminées dans le monde entier. Des reconnaissances aériennes effectuées en 1976 ont montré la présence de fractures dans les murs du cratère, et son origine cosmique n'est pratiquement plus contestée. L'énergie cinétique libérée lors de l'impact est de l'ordre de 1020 joules. Cette valeur est comparable à l'énergie dégagée par les deux événements les plus cataclysmiques de l'époque historique : l'éruption du Tambora en 1815 et le séisme du Chili en 1960.

Notons deux choses concernant Sithylemenkat. D'abord la présence de nickel à l'intérieur et autour du cratère exclut pratiquement l'impact d'un fragment de HEPHAISTOS, objet d'origine cométaire. Ensuite on peut remarquer que la simple collision d'un EGA de 600 mètres dans une région proche du cercle polaire est capable de faire des dégâts très importants au niveau de la cryosphère. La fantastique chaleur dégagée a pu perturber directement ou indirectement la distribution des glaces sur plusieurs milliers de kilomètres carrés, mais de là à envisager qu'elle ait pu entraîner une déglaciation générale, il y a une marge infranchissable.

Un impact dans l’Atlantique ?

Venons-en maintenant à la seconde hypothèse astronomique plausible pouvant expliquer partiellement cette Apocalypse. Elle a le désavantage de ne pouvoir s'appuyer sur des preuves comme la première (l'existence d'un cratère météoritique de bonne taille), mais par contre elle éclaire d'un jour nouveau certains faits qui n'ont jamais pu être élucidés. Nous pensons notamment à l'extinction simultanée de millions d'animaux dont on a daté les restes au carbone 14 à environ 12 000 ans (vers –10000), et dont la mort fut pratiquement instantanée.

Ce sont surtout les fameux mammouths qui ont défrayé la chronique à ce sujet, puisque l'on sait que certains d’entre eux furent gelés sur place dans plusieurs régions où le climat était alors fort différent de ce qu'il est aujourd'hui. Mais ce fut aussi le cas pour des milliers d'autres espèces d'animaux qui ont payé de leur vie le déclenchement subit d'un cataclysme aussi gigantesque que mystérieux.

Il faut donc revenir à l'idée de Cuvier dont nous avons rapporté les propos au chapitre 3 : cette vague géante qui a inondé les continents. En fait, la meilleure explication est encore la formation d'un tsunami d'origine cosmique, c'est-à-dire consécutif à un important impact océanique. Ce tsunami, qui pourrait avoir dépassé le kilomètre de haut d’après les simulations modernes, s'est transformé en un gigantesque mur d'eau et de boue au fur et à mesure de son avance sur les continents. Il a pu tout balayer sur son passage, et surtout détruire en un instant les frêles esquisses de civilisation des peuplades de l'époque, notamment celles qui vivaient à proximité des côtes, et faire reculer les survivants de ces civilisations dans l'enfance de quelques milliers d'années.

C'est probablement cette catastrophe obscure qui est restée dans la mémoire des hommes comme étant le Chaos ou bien encore l'Apocalypse, la vraie, la première, celle qui a survécu dans le subconscient des hommes à travers les millénaires. Elle a pu se doubler d'une période de recul, durant laquelle l'homme survécut misérablement, conscient de sa faiblesse face aux formidables forces cosmiques, d'où la mise en place d'un incroyable panthéon de divinités protectrices. Mais l'aventure humaine allait vite reprendre son essor irrésistible vers le Néolithique, quand les séquelles de la catastrophe s'estompèrent pour ne plus devenir qu'un souvenir d'apocalypse transmis de génération en génération.

Cette hypothèse de l'impact océanique a déjà été proposée par plusieurs auteurs, notamment par l'ingénieur et érudit allemand Otto Muck (1892-1956) au début des années 1950. Comme Velikovsky, il s'est un peu discrédité en donnant une date trop précise pour l'impact de l'astéroïde responsable : le 5 juin de l'année 8498 avant J.-C. dans le calendrier grégorien, date qui selon lui correspondrait au jour Zéro de la chronologie des Mayas, qui on le sait remonte à plusieurs milliers d'années. Ce serait également d'après Muck, le fameux jour de la disparition de l'Atlantide (celle de Platon). Il donne de multiples raisons et arguments pour justifier son hypothèse, mais il n'a jamais pu convaincre le monde scientifique (très conservateur) de son époque.

Un impact sérieux en Autriche vers –6500

Le village de Köfels se trouve à environ 60 km au sud-ouest de Innsbrück dans le Tyrol autrichien, à 400 mètres d'altitude par rapport au fond de la vallée du massif de l'Ötztal. Il intéresse depuis longtemps les géologues, car sur son territoire se trouve une formation de 5 km de diamètre que l'on soupçonne d'être le plus récent des grands cratères d'impact terrestres. C'est une formation de montagne qui ne présente pas la netteté d'un cratère de plaine et qui pause des problèmes non résolus. Certains géologues modernes anticatastrophistes ne veulent même pas en entendre parler, ne voyant dans le cratère de Köfels qu'un résidu d'éboulement gigantesque. Pour eux, la montagne se serait effondrée pour une raison indéterminée, peut-être un tremblement de terre, peut-être aussi en liaison avec la fonte des glaces.

Il n'empêche que ces géologues sont bien en peine pour expliquer les éléments dont nous allons parler maintenant. On a trouvé, en effet, dans la région de Köfels de nombreux verres ressemblant à des pierres ponces vésiculaires qui ont été étudiées dès le XIXe siècle. Ces verres ont une composition chimique qui peut être expliquée par une courte et incomplète fusion à très haute température des roches préexistantes, suivie d'un très rapide refroidissement.

Les premiers chercheurs qui ont analysé ces verres les ont interprétés comme étant les produits d'un événement volcanique, quoique aucun volcanisme récent ne soit connu dans les Alpes, et que la structure de Köfels n'ait rien d'une bouche volcanique. Conscients de ces anomalies, d'autres chercheurs plus modernes (O. Stutzer en 1936 et surtout F.E. Suess en 1937) ont proposé l'origine cosmique pour le cratère et les verres qui seraient donc bel et bien des impactites.

Depuis 1966, plusieurs géologues les ont étudiés à nouveau et ont confirmé qu'ils ne peuvent être volcaniques. De plus, le cratère a gardé des traces de la collision et on a pu mettre en évidence certains effets de métamorphisme de choc. C'est sûr qu'il y a eu éboulement, mais celui-ci a été la conséquence de l'impact qui a cassé la montagne. On doit donc parler pour l'origine du cratère de Köfels d’impact + éboulement, alors que d'autres géologues veulent s'en tenir à l'éboulement sans impact, ignorant les impactites qui demandent pour être formées une énergie d'une ampleur nettement supérieure à celle résultant d'un éboulement, même si celui-ci est d'envergure, ce qui a été le cas de toute manière.

Ce qui est particulièrement intéressant, c'est l'extrême jeunesse du cratère et des verres, notée dès les premières recherches. Toutes les datations modernes et précises ont confirmé cette jeunesse puisque la collision ne remonte qu'à 8500 ans environ, soit autour de la date historique –6500. A noter donc que ce cataclysme est plus récent de 3500 ans environ que l'Apocalypse de l'an –10000, qui fut une catastrophe d'une tout autre envergure, et plus jeune de 200 ans que la bipartition du glacier scandinave que nous avons étudiée au chapitre 18.

Pour former le cratère de Köfels, il a fallu un petit astéroïde de 250 mètres de diamètre environ, très probablement d'origine planétaire. L'impact, selon les normes classiques, a libéré une énergie de l'ordre de 8 x 1018 joules. Même si la collision de Köfels n'a pu avoir que des incidences régionales au niveau énergétique, il est certain que le volume de débris expédiés dans l'atmosphère a été très important. Il y a eu probablement désintégration complète à l'instant de l'impact, puisqu'on n'a pas retrouvé de météorites dans la région. Comme pour d'autres cataclysmes similaires, les poussières résiduelles se sont dispersées sur pratiquement toute l'Europe (et sans doute au-delà) et ont entraîné un obscurcissement de l'atmosphère, de plusieurs jours ou même plusieurs semaines, le temps que celle-ci se débarrasse de cet aérosol. Bien que la vallée de l'Ötztal n'ait sans doute été qu'assez peu peuplée à cette époque, il est probable que la collision a été observée dans toute l'Europe centrale. La boule de feu avant l'impact a dû être formidablement brillante, aveuglante même, et les populations ont dû croire que le Soleil (ou un soleil) tombait sur la Terre.

On peut donc penser que ce cataclysme a eu, avec d'autres non identifiés encore avec précision, des répercussions sur la mise en place de concepts religieux, sur la croyance en l'effondrement de la voûte céleste, et sur cette peur panique qu'avaient les Anciens que le ciel leur tombe sur la tête. L'impact de Köfels est l'un des jalons les plus reculés qui permettaient aux auteurs de l'Antiquité d'affirmer que la chute du ciel est cyclique. On comprend mieux que la transmission de bouche à oreille d'un tel événement pendant plusieurs milliers d'années ait débouché sur de nombreuses variantes régionales. Plusieurs chutes de météorites moins importantes ont été observées par la suite et ont sans doute servi à entretenir ce mythe de la chute du ciel.

« La Nuit de l'écroulement des mondes » des anciens Égyptiens

Le Livre des Morts des anciens Égyptiens est l'un des plus vieux documents écrits que les hommes du passé nous ont légués. Il existait déjà (tout au moins les chapitres les plus importants) vers 2700 ans avant J.-C., sous le règne de Men-kau-ra, pharaon de la IVe dynastie. Mais il pourrait remonter encore plus loin et dater du IVe millénaire avant notre ère.

L'un des leitmotive de ce Livre des Morts et des autres textes de la même époque est la succession de catastrophes cosmiques qui a prévalu depuis la création des hommes, la fréquence de l'écroulement des mondes. Les cataclysmes cosmiques rappelés sommairement, et sans détails précis malheureusement, sont obligatoirement antérieurs à –2700 et ne peuvent être confondus avec le cataclysme beaucoup plus récent dont nous parlerons plus loin. Tout ce que l'on peut dire c'est que ces anciennes catastrophes cosmiques furent une réalité, même s'il n'est pas facile de savoir à quoi elles correspondent exactement et surtout quelles ont été leurs conséquences. Les anciens textes égyptiens insistent particulièrement sur « la Nuit de l'écroulement des mondes » qui semble avoir été une catastrophe de réelle envergure, tout au moins au niveau de l'Afrique du Nord.

Un impact en Afrique du Nord

De nombreux arguments laissent à penser que l'Afrique du Nord a probablement été victime d'un impact cosmique d'origine cométaire assez important, qui pourrait dater du début du Ve millénaire ou même de la fin du VIe millénaire avant J.-C. (autour de la date historique –5000). Plusieurs auteurs sérieux pensent en effet que l'Égypte archaïque était très différente géographiquement de l'Égypte historique, qui commence pratiquement avec Ménès, le pharaon qui vécut vers –3300 et qui fonda la première dynastie. Certains documents semblent indiquer que les premiers Égyptiens venaient de l'ouest, d'où ils furent chassés par le cataclysme cosmique, et qu'ils s'intégrèrent avec une seconde ethnie venant du sud, à une population beaucoup plus primitive qui vivait déjà sur les bords du Nil.

Cette migration forcée des pré-Égyptiens nous pousse à soupçonner un impact saharien. Car il est certain que cette zone immense, qui est aujourd'hui le plus grand désert du monde (avec environ huit millions de kilomètres carrés) et l'un des plus arides, était un territoire fort accueillant et verdoyant, habité dès la haute préhistoire. L'ancien Sahara était baigné par un grand fleuve, le fleuve des Tritons, qui coulait du sud au nord, parallèlement au Nil, et au bord duquel évidemment devaient vivre principalement les populations de l'époque. Le tracé de cet étonnant fleuve fossile, fort important apparemment, a pu être reconstitué avec précision car il a laissé son empreinte indélébile. Le fleuve des Tritons descendait du Hoggar, et après un cours de 2000 km et la traversée de deux lacs importants (lacs Tritonis et Pallas) se jetait dans le golfe de Gabès, qui avait une géographie sensiblement différente de celle d'aujourd'hui.

La désertification du Sahara a toujours étonné les spécialistes des climats par sa rapidité fulgurante, notamment son début, car ensuite les choses s'enchaînent naturellement selon un processus bien connu. On le voit encore de nos jours avec l'avance catastrophique des sables et le recul parallèle de la vie dans le Sahel. Faire croire que ce sont quelques troupeaux de chèvres et autres animaux domestiques qui ont été la cause de la désertification des huit millions de kilomètres carrés du Sahara est une plaisanterie.

Il est beaucoup plus logique de penser que ce phénomène est dû au départ à un cataclysme naturel. Celui-ci n'a jamais pu être identifié, ni localisé avec précision, car il remonte à plusieurs milliers d'années, mais toutes les mythologies des peuples autochtones et périphériques, que ce soient les Égyptiens, les Marocains, les Berbères, les Touaregs et d'autres, parlent de cataclysme cosmique. Ce n'est pas pour rien. Nous penchons donc pour l'explosion dans la basse atmosphère, comme en 1908 avec le cataclysme de la Toungouska, d'un objet cométaire ou d'origine cométaire. L'hypothèse HEPHAISTOS permet maintenant d'envisager sérieusement l'impact d'un des innombrables fragments générés par la désintégration de cet ancien centaure venu il y a quelques dizaines de milliers d'années dans le Système solaire intérieur.

Cette explosion dans l'atmosphère serait à la base du processus de désertification. Nous avons vu comment une telle explosion peut rayer toute vie sur plusieurs milliers de kilomètres carrés. Des incendies immenses de forêts, l'absence totale de végétation durant plusieurs années dans une région torride ont des conséquences climatiques et écologiques certaines. Les précipitations s'affaiblissent, la sécheresse s'installe, ce qui accélère ensuite l'ensablement, les fleuves et rivières s'assèchent et la désertification peut ainsi gagner très rapidement du terrain.

Des populations traumatisées

Ce scénario explique fort bien que les habitants de la région sinistrée aient été obligés d'émigrer vers les régions périphériques. Ce fut le cas pour les pré-Égyptiens, mais aussi pour d'autres peuples martyrs, ancêtres des populations actuelles d'Afrique du Nord. D'autre part, cette explosion dans l'atmosphère a pu entraîner une augmentation de la radioactivité (comme dans la région sinistrée de la Toungouska) et des radiations anormales et dangereuses. Le taux de radioactivité locale et régionale a pu dépasser les seuils supportables pour l'organisme humain. De nombreux textes du passé, qui ont été raillés un peu à la légère par des savants ignorant tout de l'impactisme terrestre, parlent de pollution biologique et même psychique.

Cette pollution biologique a pu déboucher à la fois sur une dégénérescence des cellules (du fait de brûlures et de cancers, notamment de la peau) et à la limite sur une dégénérescence de certaines espèces dans leur ensemble, et sur un gigantisme (noté également dans la région sinistrée de la Toungouska) probablement sans avenir durable. Or de nombreuses légendes parlent d'êtres dégénérés et de géants existant à l'époque protohistorique. Sont-elles tout à fait dénuées de fondement ? Ce n'est pas si sûr. Hésiode et Homère qui vivaient au premier millénaire avant J.-C. parlent encore de géants dégénérés, de Titans, de Cyclopes et autres créatures suspectes. On raconte même que ces géants auraient survécu jusque vers l'an 1000 avant J.-C. dans le Haut-Atlas marocain, où la tradition populaire les prétendait cannibales.

On sait depuis l'événement de la Toungouska (même si certains chercheurs occidentaux, qui n'ont pas eu accès au site avant les années 1980, le nient avec véhémence), qu'une explosion dans l'atmosphère peut déboucher sur des mutations dans la faune et la flore par suite de radiations. Ce souvenir d'une population de géants, ou même de monstres, qui étonnaient tant les auteurs du monde antique, au point qu'ils ont consigné leur existence dans leurs chroniques et leurs légendes, était peut-être bien basé sur des faits et des observations réels.

L'avenir pourra peut-être confirmer cet impact saharien, le dater avec précision quand on connaîtra mieux le passé des fragments de HEPHAISTOS, et aussi localiser la région de l'impact d'une manière plus précise. En tout cas, cette hypothèse saharienne présente de multiples avantages, car elle explique d'une manière fort plausible à la fois le début ou l'accélération de la désertification du Sahara, l'exode des pré-Egyptiens et leurs innombrables allusions à cette Nuit de l'écroulement des mondes qui, apparemment, les avait sérieusement traumatisés. Bien que sa datation soit délicate, nous penchons pour moins de 2000 ans avant Ménès, disons vers –5000. Mais, comme nous l'avons dit, les astronomes du XXIe siècle devraient pouvoir sensiblement améliorer la précision de cette datation, très approximative pour le moment.

Un impact dans le Pacifique vers –2350

Dans toutes les régions du monde, les peuples anciens ont laissé pour la postérité des histoires concernant des déluges plus ou moins importants, conséquences de cataclysmes assez divers mais toujours meurtriers (crues exceptionnelles, pluies torrentielles durant plusieurs jours ou même plusieurs semaines, raz de marée, ouragans, déglaciation, rupture de digues naturelles, etc.). Le plus connu en Occident est bien sûr le Déluge biblique qui aurait eu lieu vers –4000, d'après certaines sources archéologiques et non plus d'après la Bible (qui le situe plus tard dans le temps), et qui aurait été causé soit par une crue exceptionnelle de l'Euphrate, soit par un raz de marée sismique venu du golfe Persique, peut-être en rapport avec la montée irréversible des eaux océaniques.

Parmi ces récits de déluges, plusieurs semblent concerner un même événement important qui pourrait avoir été consécutif à l'impact d'un astéroïde ou d'une comète dans l'océan Pacifique autour de –2350, époque à laquelle plusieurs civilisations anciennes étaient en place et rayonnaient autour d'elles. Certains peuples anciens du Pacifique parlent dans leurs légendes et traditions d'une étoile tombée du ciel ou d'une énorme boule de feu qui serait tombée dans l'océan ou même sur d'anciennes terres émergées, englouties depuis la catastrophe. Comme nous l'avons rappelé au chapitre 1, en Chine c'est le dragon Kong-Kong qui aurait fait écrouler l'une des colonnes du ciel un jour de colère en lui donnant un coup de tête et qui aurait provoqué le déluge. Toutes ces histoires ont un point commun : c'est l'origine astronomique du cataclysme, un objet cosmique est entré en collision avec la Terre. Événement qui n'étonnera pas les lecteurs puisqu'il se produit régulièrement depuis que notre planète existe. Les océans occupent 71 % de la surface terrestre et il est donc logique qu'ils soient concernés par des collisions qui ont laissé leur empreinte, sinon physique, du moins historique et mythologique, dans l'histoire des peuples du passé.

La thèse du continent perdu dans le Pacifique a toujours passionné les amateurs de mystère et d'insolite, mais elle n'a jamais été confirmée par la science, notamment par les recherches océanographiques. Les fonds océaniques sont bien connus de nos jours, et leur formation et leur renouvellement constant à l'échelle géologique parfaitement explicités. Il est vrai cependant que les énigmes concernant le région restent nombreuses et que des surprises restent possibles. Ce qui est fort plausible pour le moment, c'est l'impact d'un objet cosmique qui remonterait à 4350 ans et ses diverses conséquences que nous allons examiner.

La collision a pu se produire à l'époque de Yao, l'un des empereurs légendaires de la Chine qui aurait vécu vers 2350 avant notre ère. A son époque, on signale plusieurs catastrophes qui ne seraient en fait que des sous-produits de l'impact. D'abord, un tsunami terrible qui aurait ravagé, outre les îles du Pacifique, l'Asie du Sud-est et notamment la Chine. La vague de plusieurs dizaines ou centaines de mètres (elle montait jusqu'au ciel racontent les légendes) aurait provoqué des inondations terribles. Ces inondations auraient été à la fois d'origine maritime, mais dues également d'autre part à des crues gigantesques, consécutives à des pluies torrentielles.

Nous avons vu au chapitre 13 que les collisions océaniques peuvent faire bouillir la mer, du fait de la chaleur engendrée (plusieurs milliers de degrés) et entraîner des quantités énormes de vapeur d'eau dans l'atmosphère. Cette vapeur d'eau se condense en nuages opaques et provoque par la suite des pluies exceptionnelles que l'on peut assimiler à des déluges et de très importantes perturbations atmosphériques, notamment des périodes de "ténèbres". Ainsi l'inondation se produit de trois côtés à la fois : de la mer, du ciel et des fleuves gonflés par les pluies diluviennes et qui quittent rapidement leur lit habituel. L'eau ne peut plus s'écouler pendant plusieurs semaines.

Ce cataclysme pourrait être lié au Déluge biblique dont nous avons parlé au chapitre 2. Rappelons l'hypothèse (fausse) de Whiston et de sa comète de 575 ans, qui était contemporaine du Déluge, daté par les théologiens à 2349 ans avant l'ère chrétienne et aussi le fait que Noé aurait pu vivre en Chine à la même époque. Coïncidence ou relation de cause à effet ? Les astronomes du XVIIIe siècle se posaient déjà la question, et certains n’étaient pas loin de répondre positivement.

Si les légendes chinoises de l’époque ont un fond de vraisemblance, il n’est pas exclu que cette partie de l’Asie ait été victime de l’impact de plusieurs fragments mineurs d’un objet plus volumineux, ayant peut-être un rapport avec la désintégration de HEPHAISTOS.

Ironie de l’histoire, la dendrochronologie vient de confirmer une période anormalement froide centrée sur 2350 avant J.-C., en liaison quasi certaine avec les cataclysmes climatiques de l’époque de Yao et du Déluge biblique (celui des textes originaux, et non celui des glaciologues, vers –6700 et celui des archéologues, vers –4000). Conclusion : une relecture scientifique des mythes s’impose.

La collision qui a bouleversé l'ordre du monde au XIIIe siècle avant J.-C.

Deux questions essentielles : quel objet et pourquoi cette période ?

Avec cette collision nous arrivons à la dernière grande catastrophe d'origine cosmique qu'a subie la Terre. D'autres événements ont été postérieurs, comme la collision de l'époque de Josué, plus récente d’une quarantaine d'années, mais aucune n'a pu atteindre l'ampleur de celle-ci qui a eu des répercussions sur trois continents, l'Afrique, l'Asie (dans sa partie occidentale) et l'Europe.

Au chapitre 18, nous avons évoqué les cataclysmes terrestres qui ont eu lieu au IIe millénaire dans le Bassin méditerranéen, pour bien les différencier. L'éruption volcanique du Santorin, notamment, a toujours plus ou moins interféré avec le cataclysme cosmique et de nombreux auteurs l'associent encore aux Plaies d'Égypte et à l'Exode, bien que les époques diffèrent de trois siècles. Il est exclu que le début de cet Exode des Hébreux se soit passé à un siècle autre que le XIIIe avant J.-C., même si le problème du Pharaon incriminé dans cette histoire, et c'est un élément vraiment important, n'a été définitivement élucidé que durant le dernier quart du XXe siècle.

Certains égyptologues penchent encore pour Ramsès II (1301-1235 avant J.-C. selon la chronologie haute et 1279-1213 selon la chronologie basse), mais le pharaon de l'Exode est très probablement son fils Merenptah (1235-1225 ou 1213-1203 avant J.-C.) qui lui a succédé et qui a régné au moins cinq ans et au plus dix ans. Les dates de règne de ces pharaons varient, suivant les auteurs selon qu'ils utilisent la chronologie haute ou la chronologie basse, d'une bonne vingtaine d'années. C'est la chronologie basse qui semble s'imposer aujourd’hui pour des raisons astronomiques et historiques, mais rien n’est définitif et surtout pas la précision des dates de règne.

Les choses ayant sérieusement évolué depuis 1982, nous allons d'abord rappeler ce que nous écrivions dans La Terre bombardée pour répondre aux deux questions de base qui se posaient alors à nous : quel type d'objet et pourquoi retenir cette période comme étant celle du cataclysme ?

« Certains auteurs croient à une comète très importante, mais en fait c'est peu probable pour plusieurs raisons, dont la principale est que les impacts de comètes actives sur la Terre sont des événements extrêmement rares, puisqu'il ne s'en produit pas un seul en moyenne par million d'années. Nous penchons plutôt pour un cataclysme "courant" : l'impact d'un EGA cométaire qui s'est fragmenté en plusieurs morceaux et qui a eu tendance à se désagréger et à s'émietter tout au long de sa trajectoire intra-atmosphérique. Nous aurons l'occasion de voir pourquoi.

La date de –1225 résulte principalement de l'examen des textes égyptiens, notamment ceux découverts à Médinet Habou (partie sud de l'ancienne Thèbes occidentale) au XXe siècle seulement. Ces textes très importants ont été gravés sous le règne de Ramsès III, quelques dizaines d'années seulement après la catastrophe. Ce sont eux qui, seuls, permettent de dater avec précision (à quelques années près, ce qui est fantastique quand on sait le flou des datations anciennes) le cataclysme auquel il font allusion. Ces textes ont permis de cerner la période incriminée, qui ne peut être que celle de Merenptah, ou moins probablement l'un de ses deux successeurs directs. » 2

Sekhmet, Phaéton, Absinthe, Surt et les autres

Depuis l'écriture de ce texte, il y a eu en effet deux nouveautés essentielles : la découverte des centaures et celle de HEPHAISTOS. Nous croyons aujourd'hui que l'objet céleste du XIIIe siècle était mixte, à la fois cométaire et astéroïdal, qu’il avait plusieurs kilomètres de diamètre, qu’il s’est progressivement disloqué dans l'atmosphère et qu’il n'a touché le sol que d’une manière partielle, certains fragments ayant pu résister à la traversée de l’atmosphère, d’autres non.

Pour ce qui est de la période incriminée, le mérite en revient essentiellement au théologien et archéologue allemand Jürgen Spanuth (1907-1998) qui a étudié cette période troublée avec beaucoup de pertinence. Cet auteur, à la recherche après beaucoup d'autres de l'Atlantide, a cherché à démontrer que les fameux Peuples de la Mer, dont il est longuement question dans les textes gravés de Médinet Habou, ont été chassés de leur région d'origine (un ancien empire de la côte occidentale du Schleswig-Holstein en Allemagne du Nord, partiellement englouti aujourd'hui dans la mer du Nord) à la suite du cataclysme cosmique dont nous parlons. Spanuth, en se basant sur des calculs de l’astronome allemand Mario Zanot, imputait ce cataclysme à un passage très rapproché de la comète P/Halley en –1226 et à un impact d'un fragment de cette comète qu'il pensait être Phaéton (rebaptisé Surt dans la mythologie germanique et nordique), dont la légende transmise par Ovide (voir le texte au chapitre 1) est parvenue jusqu'à nous.

Disons tout de suite que cette quasi-collision entre la Terre et P/Halley supputée par Zanot et retenue par Spanuth est exclue. Par contre, Phaéton est l'un des noms associés à la catastrophe cosmique, avec de nombreux autres dont les plus connus sont Typhon en Grèce, Anat en Syrie, l'étoile de Baal en Canaan (Palestine et Phénicie), Absinthe (l'étoile de l'Apocalypse) chez les Hébreux, Surt dans les pays du nord et surtout Sekhmet en Égypte. Nous garderons ce dernier nom, pour continuer l'histoire, car ce sont les textes égyptiens qui, grâce surtout à un passage capital des fresques de Médinet Habou, permettent de démontrer que c'est un même cataclysme qui a concerné l'Égypte et les pays du Nord.

« Le feu de Sekhmet a brûlé les pays du neuvième cercle. » 3

Il faut savoir pour comprendre l'intérêt et l'importance de cette citation que, dans l'Antiquité, la Terre était divisée en neuf cercles parallèles (un dixième concernait l’axe du monde lui-même) et que le neuvième cercle concernait les pays de l'extrême nord de la Terre connus à cette époque (en gros la Suède, la Norvège, le Danemark, l'Allemagne du Nord et aussi l'Islande actuelles). (figure)

Spanuth explique dans son livre, en citant de nombreuses sources de différentes époques, les raisons qui lui permettent de dater (approximativement) la collision et sa relation avec la comète Phaéton.

« Il est possible de dater les catastrophes naturelles rapportées par cette légende car il y est dit, par exemple, que "la Libye devint un désert" et que, parmi de nombreux autres fleuves, "le Nil fut mis à sec".

Ces deux événements ne sont rapportés qu'une seule fois dans les textes de l'ancienne Égypte. Dans l'inscription de Karnark on trouve, pour la cinquième année du règne de Merenptah (1232-1222 avant J.-C.) : "La Libye est devenue un désert infertile, les Libyens viennent en Egypte pour chercher la nourriture de leur corps" (Hölscher, 1937).

Ramsès III rapporte, dans les textes de Médinet Habou : "La Libye est devenue un désert, une redoutable torche lança les flammes du ciel pour détruire leurs armes et pour ravager leur pays... Leurs os brûlent et grillent dans leurs membres".

Il est dit également dans les textes de Médinet Habou que le Nil aurait été asséché. On y lit entre autres : "Le Nil était asséché et le pays était livré à la sécheresse" (tableau 105)...

Dans les textes de Séti II (vers 1215-1210 avant J.-C.), on trouve : "Sekhmet était une étoile qui tournait en lançant des flammes, une gerbe de feu tempétueuse" (Breasted, Ancient Records of Egypt, 1906-07).

Dans une inscription de Ougarit (Ras Shamra) datée de l'époque qui précéda de peu la destruction de la ville au cours du derniers tiers du XIIIe siècle avant J.-C., on trouve "L'étoile Anat est tombée du ciel, elle a massacré la population du pays syrien et elle a inverti le crépuscule ainsi que la position des étoiles" (Bellamy, 1938). » 4

Ce passage contient une information capitale : la collision aurait eu lieu lors de la cinquième année du règne de Merenptah. Selon les Égyptologues modernes, il aurait eu pour successeurs directs Amenmès et Séthi II. Or ce dernier a laissé le texte rappelé ci-dessus et est donc obligatoirement postérieur au cataclysme. On voit que maintenant la fourchette est étroite et l'impact, comme tout le laisse à penser, a bien eu lieu dans le dernier tiers du XIIIe siècle avant J.-C. Nous préciserons cette date plus loin.

La trajectoire de Sekhmet et les conséquences du cataclysme

Peut-on essayer de reconstituer l'orbite intra-atmosphérique de Sekhmet, qui était considéré par les auteurs de l'Antiquité soit comme une comète (le plus souvent), une étoile, une boule de feu, un nœud de flammes, un deuxième soleil, un serpent ou un dragon ? A notre avis, c'est très possible, car les traces de son passage sont nombreuses dans les textes des Anciens (figure). Sekhmet venait de l'océan Indien et suivait une trajectoire sud-est/nord-ouest. Première chose quasi certaine : la collision a eu lieu de jour.

On signale d'abord son passage en Éthiopie et en Arabie. Apparemment, l’objet cosmique, qui a probablement subi une première fragmentation partielle en traversant les hautes couches de l’atmosphère, continue de se disloquer, de s'émietter et perd une partie substantielle de sa matière, probablement de couleur rouge, puisque c'est à cette époque que l'Érythrée et la mer Rouge vont recevoir leur nom. Les morceaux de Sekhmet, qui a déjà la forme d'un dragon du fait qu'il est suivi d'une épaisse et longue traînée de poussières, s'écartent un peu les uns des autres grâce à l'effet fusée. L'un de ceux-ci explose au-dessus de la Libye (qui devient définitivement désertique seulement à cette époque) et un autre au-dessus de la Syrie (qui est victime d'incendies gigantesques). Un troisième fragment tombe peut-être dans la Méditerranée (c'est l'épisode biblique du puits de l'abîme, un l’impact suivi d’une éruption) et cause des séismes et un tsunami.

Mais le corps principal continue sa route vers le nord-ouest, passe au-dessus de la Grèce, brûlant plusieurs régions et entraînant en définitive la disparition de la culture mycénienne. On perd alors sa trace, mais en fait Sekhmet survole l'Europe centrale (où les Celtes et d'autres peuples sont des témoins effrayés qui conserveront une peur panique, quasi maladive, des dangers venant du cosmos), puis l'Allemagne du Nord et le sud de la Scandinavie (c'est l’épisode du Ragnarök rappelé au chapitre 1, avec Surt arrivant du sud avec les Géants du feu), avant d'exploser ou de heurter l'océan Atlantique ou la mer du Nord. Cet impact final pourrait avoir été multiple, si les Géants du feu de la légende constituaient de nouveaux fragments de l’objet principal.

On ne peut savoir avec exactitude si finalement il y a eu explosion dans l'atmosphère ou impact océanique. Si Sekhmet, probablement issu de HEPHAISTOS et autonome depuis seulement quelques milliers d'années, était un fragment cométaire (genre P/Encke), nous ne croyons pas qu'il y ait pu avoir un impact terrestre (ou océanique bien sûr). Par contre, il reste possible que le dernier fragment qui a survolé l'Europe du nord pouvait être partiellement rocheux, et donc avoir une densité supérieure (de l'ordre de 3,0 g/cm3 peut-être), dans quel cas ce bloc, ou seulement une partie de celui-ci, aurait pu percuter l'océan.

Quoi qu'il en soit, et même s'il y a eu seulement désintégration dans l'atmosphère au stade final, il est quasiment sûr qu'un gigantesque tsunami se forme et revient vers l'Europe. C'est lui qui balaie l'empire englouti de la mer du Nord cher à Spanuth, peut-être à la suite d'un bouleversement isostatique post-impact (la région se serait enfoncée soudainement de dix mètres d'après certains géologues) et qui pousse les Peuples du Nord (qui deviendront bientôt une composante des Peuples de la Mer) (figure) à un exil forcé vers le sud de l'Europe, comme le racontent les prisonniers de Ramsès III sur les fresques de Médinet Habou. L'épopée du Ragnarök a conservé tous ces divers stades du drame cosmique (et surtout humain), qui ont été transmis par la suite de génération en génération.

Le fait que cette orbite intra-atmosphérique soit possible, et il suffit de regarder un atlas pour s'en persuader, est très important, car une mauvaise répartition des zones géographiques sinistrées exclurait une catastrophe unique. Pourtant, une telle catastrophe unique est probable, car les récits de catastrophes transmis par les Anciens se rapportent à une même époque.

L'hypothèse de la comète active, du noyau de comète, ou de l’objet mixte permet d'expliquer assez bien les diverses conséquences associées à Sekhmet. L'extrême chaleur constatée serait due à l'échauffement progressif du corps céleste (qui aurait atteint plusieurs milliers de degrés) et aussi à la formidable onde de choc qui l'accompagnait et qui aurait créé des désordres atmosphériques sérieux (ouragans, etc.). Le bruit infernal, les séismes, les explosions, les ténèbres, les incendies gigantesques, les tsunamis, le tarissement et l'empoisonnement des fleuves (le Nil fut asséché d'après Ovide) s'expliquent fort bien, de même que le monde rouge qui a tant étonné les Anciens.

Les multiples mouvements de populations constatés en cette fin de XIIIe siècle avant J.-C. s'expliquent également. Ces peuples furent conduits à l'exil parce que leurs ressources naturelles habituelles étaient détruites ou empoisonnées, la géographie chamboulée. Pour survivre, il fallait partir ailleurs, quitter sa région, souvent sans espoir de retour, et automatiquement se frotter aux autochtones qui voyaient d'un bien mauvais œil des étrangers émigrer sur leurs terres. De tels exodes massifs débouchent obligatoirement sur la guerre et sur une refonte des sociétés humaines. Tout cela est observé à la fin de XIIIe siècle. En une seule génération souvent, on note des transformations inexplicables si on ne prend pas en compte les conséquences du drame cosmique. Comme l'ont si bien dit les Égyptiens du temps de Ramsès III, une trentaine d'années seulement après le cataclysme, et dont beaucoup avaient été les témoins oculaires :

« Sekhmet a bouleversé l'ordre du monde. » 5

Après le passage de l’objet cosmique et les conséquences terrestres et humaines qu'il a engendrées, aucune des anciennes civilisations sinistrées ne survécut sans des remaniements profonds. Cet événement est pourtant totalement passé sous silence dans les livres sur l’Antiquité, car les historiens n’ont jamais pris en compte le cataclysme dans leurs travaux, faute de documents suffisamment explicites laissés par les Anciens. C’est pourquoi l’histoire ancienne devra être réécrite à la lumière des cataclysmes mis en évidence par les chercheurs actuels. Cela ne pourra se faire que par une nouvelle génération d’historiens.

Peut-on dater la collision avec précision ?

Il est aujourd’hui possible de proposer quelques dates pour le cataclysme cosmique, bien que la double chronologie pour les pharaons complique singulièrement le problème, puisque les dates varient dans une fourchette de 22 ans pour la mort de Ramsès II (1235 et 1213 avant J.-C.) et pour celle de Merenptah (1225 et 1203 avant J.-C.). Le tableau 19-1 donne toutes les dates possibles entre 1230 et 1201 avant J.-C., sachant que certains textes égyptiens précisent que le cataclysme a eu lieu un 12 Tybi, ce qui correspond à des dates de fin octobre et début novembre de notre calendrier moderne.

La légende de Phaéton, version Ovide, et le passage de l’Apocalypse traitant du puits de l’abîme permettent d’obtenir la date dite volcanologique. Ovide nous apprend que suite à la chute de Phaéton, l'Etna eut une éruption très importante. Le passage de l'Apocalypse précise que suite à la chute d’une étoile sur la Terre (Il lui fut donné la clé de l’abîme), il y eut une éruption (Elle ouvrit le puits de l’abîme). Les volcanologues modernes sont précis : la première grande éruption de l’Etna, encore décelable malgré que ses dépôts soient recouverts par ceux de multiples éruptions ultérieures, date de 1227 avant J.-C. (à quelques années près). Nous proposons donc une première date : 5 novembre 1227 avant J.-C.

Deux dates peuvent être proposées concernant Merenptah, puisque les textes égyptiens disent que le cataclysme eut lieu la cinquième année de son règne. Dans la chronologie haute, la date est le 5 novembre 1230 avant J.-C. et dans la basse le 31 octobre 1208. Notons que d’autres auteurs donnent 1232-1222 pour le règne de Merenptah, la cinquième année tombe alors en parfait accord avec la date volcanologique.

Sekhmet et l'Exode

Il faut dire quelques mots sur l'Exode des Hébreux qui se situe probablement à la même époque, peut-être au printemps suivant, soit en mars ou avril 1226 ou 1207 avant J.-C. La majorité des théologiens et des spécialistes de la Bible actuels sont d'accord, en effet, pour considérer que Merenptah était le pharaon de triste mémoire qui persécuta les Juifs et les poussa à la rébellion et à l'Exode.

Certaines des dix plaies étalées sur cinq mois trouvent naturellement leur place suite à la catastrophe cosmique. Particulièrement, les plaies 1 (l'eau changée en sang du fait de la pigmentation rouge des poussières issues du corps céleste), 5 (la peste du bétail), 6 (les ulcères), 7 (le tonnerre et la grêle) et 9 (les ténèbres) sont des conséquences normales de l'explosion d'une comète ou d'un astéroïde d'origine cométaire. On sait qu'il y a eu probablement un nombre accru de cancers de la peau et de brûlures à cette époque (« Leurs os brûlent et grillent dans leurs membres », rappellent les textes), ils s'expliquent fort bien par les radiations associées à l'explosion et à l'augmentation de la radioactivité au niveau régional.

L'intervalle de quatre ou cinq mois entre le drame cosmique et l’Exode, confirmé par le fameux épisode du puits de l’abîmeLes hommes furent tourmentés pendant cinq mois »), pourrait avoir été marqué par ces dix plaies qui ont d'abord agacé, puis fait peur aux Égyptiens (surtout la dixième, particulièrement inquiétante puisque concernant les nouveau-nés) et les ont décidés à laisser partir les Hébreux sous la direction de Moïse. Cette mort des nouveau-nés (qui a toujours paru inexplicable et qui a donc été considérée comme une fable) serait en fait la conséquence d'un empoisonnement des fœtus dû à une radioactivité résiduelle mais bien réelle dont nous avons parlé plus haut, et qui aurait ainsi entraîné la non-viabilité ou l'anormalité de ces nouveau-nés post-catastrophe ou des accouchements prématurés ou des avortements suspects. Rappelons que Tchernobyl, pour d'autres raisons, a montré qu'une forte radioactivité n'avait rien de bon pour les femmes enceintes et surtout pour leur descendance.

Quel était le pharaon de l'Exode qui permet de dater l'épisode du Passage ? On a la réponse aujourd'hui d'une manière quasi certaine : c'était bel et bien Merenptah, comme l'a montré brillamment Maurice Bucaille. Cet érudit, chirurgien de profession et spécialiste des Écritures saintes, s'est demandé dans les années 1970 si l'on ne pourrait pas tenter d'obtenir des signes directs de la participation d’un pharaon à l'Exode. Il a eu l'idée (qui rappelle celle de Luis Alvarez pour l’iridium) d’autopsier les momies de différents pharaons de l’époque qui sont conservées en Égypte depuis plus de 3000 ans et aussi la chance de pouvoir effectuer ces examens extraordinaires. Le résultat est sans appel : Ramsès II est exclu, c'était un vieillard invalide à la fin de sa vie. Par contre, Merenptah est décédé de mort violente, avec notamment un sérieux traumatisme crânien. Tout porte à croire qu'il est mort durant l'Exode et que son corps a été récupéré et aussitôt embaumé. La momie de Merenptah fut retrouvée en 1898 et identifiée comme étant la sienne en 1907 seulement. C'est le fait même qu'on l'ait retrouvée qui fit croire à une majorité d'Égyptologues et de théologiens du XXe siècle que Merenptah ne pouvait pas être le pharaon de l'Exode, supposé mort noyé durant le Passage. Noyé peut-être, mais récupéré sûrement !

L'impact cosmique de l'époque de Josué

Nous avons déjà parlé de ce cataclysme au chapitre 2 concernant les textes et les légendes bibliques. Nous l'abordons ici d'une manière historique, puisqu'il trouve normalement sa place dans la liste des collisions cosmiques ayant affecté la Terre depuis 12 000 ans.

Cet événement est intéressant, bien, semble-t-il, qu'il n'ait pas eu l'importance des catastrophes plus anciennes que nous avons déjà passées en revue. Les textes bibliques associent (involontairement en fait, car les compilateurs du texte qui nous est parvenu n'ont jamais fait la liaison génétique entre les deux événements) le pseudo-miracle de Josué (l'arrêt du Soleil) et la chute de pierres qui décima les ennemis d'Israël. Cet impact cosmique qui a eu lieu, d'après la Bible, 40 ans après le précédent qui datait de l'époque de Moïse, s'explique beaucoup mieux aujourd'hui à la lumière de l'hypothèse HEPHAISTOS. En effet, cette succession de deux cataclysmes quasiment dans la même région à 40 ans d'intervalle paraissait pour le moins suspecte (et même invraisemblable) aux spécialistes de l'impactisme et semblait fort difficile à expliquer.

Rappelons d'abord sommairement ce que cache le Complexe des Taurides, comme l'appellent les astronomes, pour bien comprendre cet événement. Il s'agit de multiples essaims d'objets astéroïdaux et cométaires, de météoroïdes et de poussières qui circulent sur des orbites relativement similaires et qui sont les débris d'un objet unique, l'ancien centaure HEPHAISTOS, qui a été introduit dans le Système solaire intérieur, il y a quelques dizaines de milliers d'années, à la suite de perturbations planétaires.

Ce gros objet a été ensuite brisé en d'innombrables fragments, en plusieurs épisodes successifs, ce qui a entraîné une dispersion importante de la matière originelle. Toute cette matière hétéroclite partage la même route (une route assez large quand même du fait de l'accumulation des diverses perturbations), et parfois certains fragments entrent en collision avec une planète, quand ils se retrouvent au même moment à un point de croisement commun. Pour l'essaim des Taurides, qui est plus spécialement lié à la comète P/Encke, dont la période de révolution est de 3,3 ans, la rencontre avec la Terre peut se produire toutes les trois révolutions : 3,3 ans x 3 = 10 ans. Tous les dix ans (aux perturbations près), la Terre est donc davantage menacée par un impact qui peut être d’importance très variable.

Cela s'est produit avec Sekhmet en 1230, 1227 ou 1208 et aurait pu se reproduire avec un décalage de dix ans. La rencontre s'est apparemment reproduite au quatrième croisement (en 1190, 1187 ou 1168 avant J.-C.) et cet événement ne peut pas choquer les astronomes, s'il s'agit d'un fragment réellement originaire du Complexe des Taurides. La collision de la Toungouska a été probablement une catastrophe du même type, peut-être même avec la même matière originelle, mais différente quand même dans la mesure où en 1908 il n'y a pas eu de chute de pierres, mais désintégration totale dans l'atmosphère de l'objet cosmique.

Pour en revenir à l'époque de Josué, il y a eu donc explosion dans l'atmosphère d'un fragment cométaire (peut-être de taille hectométrique). La diffusion des poussières issues de la désintégration a permis une prolongation inhabituelle du jour (tout à fait anormale et donc miraculeuse pour les témoins oculaires), comme nous l'avons raconté au chapitre 2. Par une chance inouïe (et sans doute un peu arrangée par les auteurs du texte original), une chute de pierres a pulvérisé les ennemis d'Israël. Cela montre que le fragment en question était partiellement rocheux et non constitué en totalité de glace et de poussières agglomérées. Mais comme nous l'avons signalé à plusieurs reprises, il n'y a rien là d'anormal, vu l'hétérogénéité du corps céleste originel.

Seule l'existence du texte biblique a permis de recenser cet événement, probablement secondaire sur le plan énergétique et au niveau des dégâts réels engendrés par l'explosion. Quelques vies humaines peut-être, qui se sont transformées pour les besoins de la cause en une armée sélectionnée par Dieu, et en un fait d’armes à transmettre aux générations futures pour bien montrer la puissance du Créateur. Plus scientifiquement, en résumé, un événement d'origine cosmique ordinaire, comme la Terre dans sa totalité a dû en compter plusieurs dizaines depuis 20 000 ans, mais qui restent, eux, inconnus faute de témoignages humains et de textes les ayant relatés et datés avec précision.

 

1. J.-L. Bernard, Les archives de l'insolite (Livre de Poche, 1978), p. 31.

2. M.-A. Combes, La Terre bombardée, p. 236-237.

3. J. Spanuth, Le secret de l'Atlantide. L'empire englouti de la mer du Nord (Copernic, 1977), p. 175.

4. J. Spanuth, op. cit., p. 170-171, d’après : W. Hölscher, Libyer und Aegypter, in "Beiträge zur Ethnologie und Geschichte libyscher Völkerschaften nach a altägyptischen Quellen" (1937) ; J.H. Breasted, Ancient Records of Egypt (1906-1907) ; H. Bellamy, Moons, myths and man (1938).

5. J. Spanuth, ibid.

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