Le cadran analemmatique inverse

Sur une idée d'Odile Guérin

Au mois de juillet 2011 avait été inauguré sur la promenade de la plage de Tresmeur à Trébeurden (Côtes-d'Armor) un ensemble basé sur une rose des vents : le Géosolmar. Il entend à l'origine mettre en valeur la richesse géologique de Trébeurden, puisque les pierres qui le composent sont toutes présentes sur la commune. D'autres aspects sont mis en valeur et matérialisés sur la surface de la rose : géographie, géodésie, géomagnétisme, astronomie et les marées.

L'entourage de la rose des vents est formé de 24 pierres. Odile Guérin souhaitait utiliser ces pierres pour réaliser un cadran solaire grâce auquel les passants auraient pu indiquer l'heure avec leur ombre. Seul un cadran analemmatique classique pouvait convenir. Mais l'entourage de la rose est circulaire. Il ne peut en être autrement, une rose elliptique n'a pas grand sens. Il fallait donc adapter cette couronne circulaire à l'ellipse du cadran, .....et inversement. De plus la numérotation retenue pour les pierres périphériques amenait le 12 (midi) au sud. Odile souhaitait assez logiquement que ce nombre 12 soit face au soleil à midi solaire. Mais dans un analemmatique classique le 12 est au nord. Il fallait donc que le cadran final, de structure analemmatique, fonctionnât à l'inverse.

Le principe a été récemment repris sur un modèle statique.

 

I -LE CADRAN ANALEMMATIQUE INVERSE [3]

Il fallait d'abord s'assurer que le cadran qui serait mis en place pouvait fonctionner à l'inverse.

L'usage du cadran analemmatique classique "à style humain" est bien connu. L'heure est indiquée sur une couronne elliptique, de 3 à 5 m de grand axe, et graduée sous nos latitudes de 4h du matin à 20h le soir pour couvrir toutes les heures le jour du solstice d'été. Cette couronne est ouverte en direction du sud. Une échelle centrale le long du petit axe est graduée en mois ou semaines. La personne y repère la date du jour, s'y place, tourne le dos au Soleil et le point où le centre de son ombre coupe la couronne elliptique lui indique l'heure solaire. Ce type de cadran a connu un renouveau dans les années 80.

Mais un tel cadran dans son dessin général peut fonctionner à l'inverse. Supposons une personne debout sur l'échelle des dates (Figure a), son ombre intercepte l'ellipse à une certaine heure. Demandons- lui de se déplacer sur l'échelle à la position symétrique par rapport au centre. Par exemple si elle est sur la marque "Mai-Juillet" elle va se placer sur la marque "Janvier-Novembre" (Figure b). Son ombre garde la même direction.

NORD
SUD

Ensuite elle va se déplacer à reculons dans la direction de son ombre; il suffit pour cela de veiller à maintenir cette ombre sur la marque d'où elle part (Figure c). Une fois arrivée sur la couronne elliptique, elle s'arrête. Elle est à la position symétrique de l'endroit où son ombre coupait initialement l'ellipse. Ses pieds indiquent alors une heure identique (à 12 h près) à celle que son ombre indiquait à sa position initiale : si son ombre indiquait 10h 30, ses pieds indiquent aussi 10h30 (Figure d).

NORD
SUD

Pour compléter il suffit alors d'inverser les graduations de l'échelle centrale : le solstice de juin vient à l'extrémité sud et le solstice de décembre à l'extrémité nord. On passe à un usage plus dynamique du cadran. Les instructions deviennent : "Repérez le point de la date du jour sur l'échelle des dates, déplacez vous sur la couronne elliptique; quand votre ombre passe par la date du jour, vos pieds indiquent l'heure".

De plus, et c'est ce qu'Odile trouvait plus logique, le "style humain" accompagne le Soleil dans son déplacement quotidien : il se trouve à l'Est quand le Soleil y est, il est au sud quand le Soleil est au méridien. Naturellement on peut aussi utiliser une tige verticale qu'on déplacera sur la couronne; l'indication sera plus précise (photo ci-dessus)

La justification mathématique se trouve ici

Cadran classique : démarche statique Cadran inverse : démarche dynamique
NORD
SUD
On passe du classique à l'inverse par une rotation de l'ellipse de 180° autour de son centre

Le cadran inverse est-il "analemmatique" au sens des définitions données dans [1] ou [2]. Oui de façon limite, s'il s'agit de la première définition :

« Cadran à style mobile dont l’ombre marque l’heure par son intersection avec une ellipse ».

dans la mesure où l'ombre du style coupe l'ellipse au pied du style. Par contre il ne satisfait pas du tout la définition plus générale :

« Cadran plan dans lequel l’heure se lit à l’intersection d’une ellipse et de l’ombre d’un style rectiligne qui, en fonction de la déclinaison du Soleil,
est déplacé parallèlement à lui-même sur un diamètre de l’ellipse sans cesser de s’appuyer sur l’axe du monde ».

puisqu'ici le style se déplace sur l'ellipse et ne s'appuie pas sur l'axe du monde.

Mais, à défaut d'un autre nom, nous le qualifierons quand même d'"analemmatique".

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Une réalisation récente, due à C. Gahon, membre de la Commission des Cadrans Solaires, reprend le principe en remplaçant le déplacement d'une personne par un ensemble de colonnes fixes, une pour chaque heure.

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Bien sûr un tel cadran peut être installé en tant que tel, combiné par exemple avec un cadran classique comme sur la photo d'accueil. Rien n'oblige à le mettre en oeuvre pour qu'il devienne ....

II - LE CADRAN INVERSE CIRCULAIRE

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[1] R. SAGOT : Le cadran analemmatique. Cadran-Info N°22, Octobre 2010, pp. 77-89.
[2] D. SAVOIE : La Gnomonique. Ed. Les Belles-Lettres, 2007, p. 173.
[3]J.-P. CORNEC, O. GUÉRIN : Cadran analemmatique circulaire inverse, Cadran-Info N°24, Octobre 2011, pp. 26-32.