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L'astronautique

Robert H. Goddard auprès de la première fusée à fuel liquide, le 16 mars 1926. Document NASA restauré et colorisé par l'auteur.

Rappel historique (II)

Rappelons brièvement quelques faits marquants de l'histoire de l'astronautique, sans lesquels nous oublierions vite comment débuta l'exploration de l'espace et ce qu'elle nous apporta.

Les fusées de Tsiolkovski

Il y a plus d'un siècle, en 1903, le père de l'astronautique russe Konstantin Tsiolkovski (ou Tsiolkewski), alors modeste instituteur de province, publia ses premières hypothèses concernant l'exploration de l'espace interplanétaire. Il inventa le "moteur-fusée" à combustion liquide (grâce aux hydrocarbures) et les "trains-fusées cosmiques", c'est-à-dire les fusées à étages, donnant ainsi le coup d'envoi d'une nouvelle science, ce qu'on appelait alors "l'astronautique fuséenne".

Les premières fusées à propergols liquides mises au point par I.Kondratiouk et F.Zander crèveront les nuages le 17 août 1933 et aussitôt tous les savants envisagèrent de passer aux vols cosmiques. Mais il fallait pour cela utiliser l'énergie atomique. On passerait ainsi d'une puissance de quelques milliers de chevaux à "des millions de milliards de chevaux" comme l’écrivirent les journalistes de l'époque (1 gramme d'uranium enrichi libère autant d'énergie que 1.7 tonne d'essence ou encore 2.5 tonnes de charbon et une puissance équivalente à 100 millions de chevaux).

Considéré par la suite comme un remarquable inventeur et ingénieur, Tsiolkovski était 10 ans en avance sur la France, 16 ans sur les Etats-Unis et 20 ans sur l'Allemagne, où l'idée du satellite artificiel en orbite autour de la Terre fut également avancée, respectivement par R.Esnault-Pelterie, R.Goddard et H.Oberth. Tsiolkosvki fournit un gros effort de création et publia 675 ouvrages à caractère technique ou technico-philosophico-idéologique !

Tsiolkovski fut le premier à comprendre l'énorme importance que représentaient les satellites artificiels dans la conquête de l'espace. C'était pour lui la solution aux problèmes du vol interplanétaire.

A lire : A method of reaching extreme altitudes, Robert H. Goddard, 1918 (PDF)

Les romans d'anticipation précurseurs

En 1835, Edgard Allan Poe fut le premier écrivain à imaginer un roman d'anticipation ayant pour thème le voyage vers la Lune et son exploration. Sa nouvelle intitulée "Aventure sans pareille d'un certain Hans Pfaall" (The Unparalleled Adventure of One Hans Pfaall) fut publiée dans le magazine mensuel "Southern Literary Messenger" et fut d'emblée présentée comme un canular journalistique. Dans ce récit présenté comme un carnet de voyage, un homme nommé Hans Pfaall s'envole en ballon depuis Rotterdam dans le but d'atteindre la Lune pour échapper à ses créanciers.

Cette nouvelle aura peu de succès car elle fut éclipsée quatre mois plus tard par la publication dans le journal "The New York Sun" du "Grand Canular Lunaire" (The Great Moon Hoax) comme on le surnomma qui relata dans une série de six articles la découverte d'une vie extraterrestre sur la Lune par l'astronome John Herschel. Malgré les mises en garde d'Allan Poe, la majorité des lecteurs y a cru, préférant être mystifié et rêver que voir la réalité en face.

C'est Jules Verne, en 1865, qui décrivit de manière précise les préparatifs d'une mission habitée vers la Lune dans son fameux roman "De la Terre à la Lune". Trois hommes (Nicholl, Barbicane et Michel Ardan) embarquèrent à bord d'un obus tiré par un immense canon qui les envoya vers notre satellite. L'obus atteignit son objectif et fut satellisé autour de la Lune au terme d'un vol de 97 heures 20 minutes puis il revint se poser sur Terre.

En 1869, Jules Verne proposa la suite de cette aventure dans son roman "Autour de la Lune" dans lequel les trois hommes finissent par toucher le sol lunaire et entament son exploration. Ils revinrent sur Terre grâce au même obus qui retomba dans l'océan.

A part quelques erreurs techniques (en route vers la Lune, l'obus reste soumis à la pesanteur, l'espace est rempli d'un fluide appelé l'éther mais à l'époque les scientifiques ne pensaient pas que l'espace était vide, la Lune possède une atmosphère respirable), ces deux romans étaient prémonitoires car sans le vouloir, on retrouva dans les projets de la NASA les problèmes balistiques similaires, deux principaux centres opérationnels, l'un en Floride l'autre au Texas, et les différentes étapes du vol qu'avait imaginé Jules Verne.

D'autres auteurs exploreront ce thème et publieront quelques chefs-d'oeuvre du genre comme "Les Exilés de la Terre" (1888) d'André Laurie alias Paschal Grousset, "Aventures extraordinaires d'un savant russe" de George Le Faure et Henry de Graffigny (1889–1896), "Un Monde inconnu. Deux ans sur la Lune" de Pierre de Sélènes (1896), "Les Premiers Hommes dans la Lune" (1901) de H.G. Wells et quelques films dont "Le Voyage dans la Lune" (1902) de Georges Méliès, "La Femme sur la Lune" (1929) de Fritz Lang et "Le Voyage cosmique" (1935) de Vassili Zhuravlev, sans oublier les deux célèbres bandes dessinées de Hergé, "Objectif Lune" (1953) et "On a marché sur la Lune" (1954) qui ont éveillé l'intérêt de nombreuses têtes blondes pour l'astronautique et l'astronomie et suscité de nombreuses vocations.

Visionnaire, Tsiolkovski écrivit notamment ceci : "Après les premiers vols concluants des fusées cosmiques sur des orbites circulaires autour de la Terre, d'abord sans équipage, puis avec passagers, après l'élucidation de nombreuses questions étroitement liées à la réalisation de tels vols, il faudra entreprendre la création d'un satellite de grande dimension, de tout un îlot aux abords de la Terre. Il faudra le peupler de spécialistes remplissant diverses fonctions importantes et qui seront remplacés de temps en temps par d'autres, arrivant de la Grande Terre".

Esnault-Pelterie, Goddard, Oberth, Von Braun et leurs confrères ne feront qu'appliquer ses prescriptions.

En 1945, dans un article intitulé "Extra-Terrestrial Relays" (le lien comprend un fichier autoextractible contenant 4 pages GIF), Arthur C. Clarke entrevit la possibilité de créer un système global de communication en orbite géostationnaire (également appelé "orbite de Clarke"). Il pensa en fait à des stations spatiales habitées. Nous y reviendrons lorsque nous discuterons de la colonisation de l'espace.

Récupération des savants allemands par les vainqueurs de la Seconde guerre mondiale

Dès la fin de la Seconde guerre mondiale, tous les vainqueurs se sont empressés de retrouver les savants allemands, en particulier ceux du centre de recherche de Pennemünde pour les persuader de travailler à leur service. C'était une mine d'or inespérée de technologie d'avant-garde qui suscita toutes les convoitises. Rappelons que le même principe s'appliqua en 1918 mais à l'époque les alliés recherchèrent surtout les brevets allemands.

Appelée l'Opération "Paperclip" par les Américains, la question éthique de savoir si ces hommes et ces femmes avaient du sang sur les mains où si leurs parents participèrent directement aux batailles contre les alliés n'a jamais été prise en compte. C'est ainsi que beaucoup de nazis furent engagés par des gouvernements et des entreprises civiles et que des criminels nazis échappèrent à tout jugement[1]. A cette époque la priorité était de reconstruire les pays alliés et redresser leur économie le plus rapidement possible et donc à n'importe quel prix. Les recruteurs américains, russes et anglais ont donc joué des coudes pour s'accaparer un maximum de scientifiques allemands de premier-plan.

A la fin de la guerre, les savants allemands eurent pour consigne de soit cacher soit détruire l'objet de leurs travaux et de disparaître. Des milliers de savants allemands se sont donc mélangés aux réfugiés, dont Wernher von Braun et son équipe qui furent finalement retrouvés en Bavière par les Américains. Ils furent soulagés de sortir de cette guerre du côté ouest plutôt qu'en Russie. Les Américains récupérèrent plus de 300 V-2 allemands ou partie de V-2 (fuselage, moteur, gyroscope, etc.) dont 68% purent être utilisés (cf. les activités de Fort Bliss au Texas).

A gauche, une fusée V-2 érigée devant l'ancienne centrale électrique de institut de recherche militaire de Pennemünde située dans le nord de l'Allemagne photographiée en 2015. Le site abrite aujourd'hui un musée. Document Historisch-Technisches Museum Peenemünde Gmbh. A droite, photo prise le 3 mai 1945 lors de la capture des scientifiques allemands par les troupes américaines à Ruette, en Bavière. De gauche à droite, le général de division Walther Dornberger, commandant du laboratoire des V-2 de Peenemünde, le lieutenant-colonel Herbert Axter, le professeur Wernher von Braun, inventeur de la fusée V-2 et l'ingénieur des fusée Hans Lindenberg. Document National Archives 531328.

Comme on le voit ci-dessous avec le modèle V-2 A-4, le dernier et le plus puissant, il s'agissait d'une fusée balistique de 14 m de longueur et 1.65 m de diamètre pesant 12.5 tonnes capable d'emporter une charge explosive de 920 kg. Le V-2 A-4 pouvait atteindre 88 km d'altitude et parcourir 320 km à la vitesse maximale de 5760 km/h (et 2880 km/h lors de l'impact). Sa propulsion était assurée par un moteur-fusée alimenté par un mélange d'éthanol (alcool et eau), d'oxygène et de peroxyde d'hydrogène liquides. Sa poussée était de 25 tonnes (249 kN). Les Allemands en lancèrent plus de 3000 sur l'Europe entre 1944 et 1945, essentiellement sur la Belgique (Anvers avec 1610 bombardements) et la Grande-Bretagne (Londres avec 1358 bombardements).

Lors des premiers essais de V-2 effectués sur le site de missiles de White Sands, dans le désert du Nouveau Mexique, certains tirs donnèrent des sueurs froides aux militaires américains. Ainsi, un V-2 A-4 fut lancé le 10 mai 1946 (ci-dessus au centre, en couleurs). A la grande surprise des ingénieurs, plutôt que de se diriger vers le nord et le désert, la fusée se dirigea vers le sud. Elle survola El Paso puis erra quelque temps et, à court de carburant, elle finit par s'écraser au Mexique dans un cimetière à Juarez, créant un cratère de 5 m de diamètre. Un peu plus tard, le 29 mai 1947, un missile Hermès B-1 calqué sur le V-2 mais fabriqué par General Electric s'écrasa de nouveau au Mexique. Il fallait absolument régler ce problème. On y reviendra un peu plus bas. Notons que les astronomes américains utilisèrent également quelques V-2 jusqu'à la fin des années 1950.

A voir : V-2 Rocket Films Earth (1946)

Ci-dessus, entre 1946 et le début des années 1950, les Américains aidés par Wernher von Braun testèrent à White Sands, dans le désert du Nouveau Mexique, les derniers V-2 dont ces modèles A-4 capturés aux Allemands. A gauche, préparation d'un V-2. Au centre, le lancement d'un V-2 le 10 mai 1946 qui par erreur s'écrasa à Juarez au Mexique (sans faire de victime). A droite, un V-2 décollant le 24 juillet 1950. Documents Getty/Photoquest. Ci-dessous à gauche et au centre, les premières photos de la Terre prises par le V-2 numéro 13 le 24 octobre 1946 depuis une altitude de 105 km. Le V-2 embarquait une caméra 35 mm réalisant une photo toutes les 1.5 seconde à mesure que la fusée progressait dans l'atmosphère. A droite, l'une des premières photos de la Terre prise par le John Hopkins Applied Physics Laboratory (JHUAPL) en 1946. Rappelons que les premières photos aériennes (prises depuis des ballons) remontent aux années 1860 (cf. le site de W.Takeuchi) tandis que la toute première photographie de la Terre vue depuis la haute atmosphère fut réalisée en mai 1936 par le chef photographe Albert Stevens de l'Army Air Corps de la base de Wright Field, Ohio. Il avait embarqué à bord du ballon stratosphérique Explorer II et prit cette photographie à 22066 m (72395') d'altitude. Elle fut jointe au format poster dans l'édition de Mai 1936 du National Geographic.

Quant à la France, tout d'abord écartée du butin des vainqueurs pour collaboration avec l'ennemi, le général de Gaulle décida de désobéir aux consignes des alliés au motif de la raison d'Etat, dans l'intérêt de la Nation. Grâce au physicien français Yves Rocard, conseiller scientifique du général de Gaulle, la France parvint à recruter quelques centaines de scientifiques et techniciens allemands de grande valeur.

Entre-temps, en juillet 1945 le premier ministre britannique Winston Churchill concéda à la France le contrôle d'un vaste territoire situé au sud-ouest de l'Allemagne comprend la région du lac de Constance où s'étaient réfugiés de nombreux scientifiques allemands. La France en retrouva beaucoup. Ils furent soit invités à poursuivre leurs recherches en France moyennant une très bonne rémunération et des avantages, soit ils seraient amenés de force. Le choix fut vite fait.

Juste avant que les Américains mettent la main sur Willy Messerschmitt, la France eut le temps de le capturer et de l'interroger sur ses fameux avions de chasse à réaction (cf. le Me-163 Komet qui vola en 1944). Peu après, la France ramena pièce par pièce la plus grande soufflerie du monde qu'elle remonta à Modane, en Savoie. Elle est toujours utilisée.

En 1946, les recherches à but militaire furent interdites sur le territoire allemand afin d'empêcher l'Allemagne de reconstruire sa puissance militaire et redevenir une menace. Les alliés ont donc rapatrié sur leur sol tous les scientifiques et techniciens qu'ils avaient captués pour lesquels ce fut l'exode.

Après les Américains, les Russes et les Anglais ont également récupéré secrètement plusieurs centaines de savants allemands en guise de butin de guerre. On estime qu'au total (entre 1946 et 1990) environ 5000 scientifiques allemands furent ainsi recrutés de gré ou de force par les alliés dont 1600 pour les Etats-Unis et le Royaume-Uni ainsi que l'équivalent de 10 milliards de dollars américains en brevets et en processus industriels (contre 258 milliards de dollars de 1948 pour la totalité du plan Marshall)[3].

Au final, cette collaboration inavouée permit aux alliés de gagner des années de recherche et développement, de perfectionner les V-2 et les missiles de moyenne portée et de développer rapidement de nouvelles armes pour les trois forces armées. Ainsi, les Etats-Unis progressèrent rapidement en balistique et aérospatiale notamment tandis que la France résorba son retard technologique, gagnant 15 ans de recherche et développement en balistique et aéronautique.

Dans les années 1950 et 1960, c'est donc en réalité grâce au savoir-faire des ingénieurs allemands que la France mit au point la fusée Véronique, le premier avion à réaction français de Dassault (grâce à l'équipe de Hermann Oestrich, un proche d'Hitler), le premier avion à décollage vertical (mais qui se cracha et mit fin au projet), et les premiers étages de toutes les fusées françaises dont la fusée européenne Ariane jusqu'à en 2003 et le dernier vol d'Ariane 4, parmi d'autres inventions.

Plus tard, l'Allemagne fut en mesure de concurrencer les Etats-Unis et les autres pays, ce qui permit à de nombreux chercheurs allemands de retourner travailler dans leur pays natal.

Que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, l'omerta a toujours regné sur les concepteurs des fusées et des systèmes d'armes élaborés en collaboration avec les allemands, question d'orgeuil national. Ainsi lors des salons internationaux de l'aéronautique et de l'espace ou lors de la présentation des nouvelles fusées, avions, missiles et systèmes électroniques à la presse, personne n'a jamais fait allusion à leurs concepteur allemand, secret d'Etat oblige. Eux-mêmes n'évoquaient jamais leur rôle en public, pas même avec leur famille qui ignorait souvent quel était leur travail. En fait, cela arrangeait bien ces concepteurs dont le passé inavoué restait ainsi dans l'ombre. En revanche, il ne faudra pas plus de 5 ans pour que le passé de Wernher von Braun au service des nazis refasse surface dans la presse américaine. En fait, ces histoires de recrutement et d'exfiltration furent tenues secrètes pour une simple question de fierté nationale qui se ressent encore aujourd'hui[3].

La course à l'espace : États-Unis contre Russie

En 1948, IBM développa le SSEC, Selective Sequence Electronic Calculator qui permit aux scientifiques de calculer les premières tables d'éphémérides de la Lune et qui marqua le développement des premiers véritables ordinateurs du géant américain. Mais il faudra patienter près de dix ans pour voir les premiers ordinateurs totalement transistorisés utilisant des circuits intégrés (NCR 304).

A la fin des années 1940, le Ministère de la Défense américain poursuivit ses recherches en aéronautique (fusées) et sur les sciences de la haute atmosphère pour s'assurer la maîtrise de cette technologie.

Un pas majeur fut franchi lorsque le Naval Research Laboratory de la Navy publia le 5 juillet 1955 un rapport décrivant la manière de lancer une fusée à étages en utilisant du propergol solide ou liquide. Le président Dwight D. Eisenhower (élu entre 1953-1961) approuva le projet le 29 juillet 1955. Ce fut le projet Vanguard (avant-garde) dont le but consistait à mettre en orbite un satellite d'observation de la Terre dans le cadre de l'Année Géophysique Internationale (AGI, alias IGY), entre le 1 juillet 1957 et le 31 décembre 1958. En réaction, l'Union Soviétique prit cette décision au pied de la lettre en annonçant qu'elle planifiait le lancement de son propre satellite. La course à l'espace était lancée !

Spoutnik 1

Une crise politique à grande échelle éclata le 4 octobre 1957 lorsque les Soviétiques lancèrent Spoutnik 1, le premier satellite artificiel dans le cadre du programme AGI. Conçu par l'ingénieur Sergueï Korolev, comme on le voit sur les maquettes présentées ci-dessous, Spoutnik 1 est une petite sphère de 58 cm de diamètre pesant 83 kg équipée de quatre antennes assurant une couverture omnidirectionnelle (consultez cet article en anglais concernant les caractéristiques des antennes). Le satellite fut placé sur une orbite polaire entre 230/950 km d'altitude et y resta environ 98 minutes.

Bien que le vol dura peu de temps, ce lancement retentissant et célébré à la démesure de la propagante soviétique eut l'effet d'un "Pearl Harbor" sur le public américain - imaginez un satellite russe survolant les États-Unis en pleine Guerre Froide ! -, lui faisant imaginer qu'il y avait un précipice technologique entre les deux grandes nations.

Maquettes du Spoutnik 1. Ce satellite fut lancé par les Russes le 4 octobre 1957 par une fusée R-7. Cette petite sphère de 58 cm de diamètre pesant 83 kg révolutionna l'astronautique ! Ses "bip-bip" lourds de sens seront rapidement couverts par ceux d'Explorer I lancé par les Américains le 1er février 1958. Ces deux enregistrements audios ont été réalisés par le radioamateur Roy Welsh, W0SL (W5SLL) en 1957 et 1958 sur 20.007 MHz pour le Spoutnik et sur 108 MHz pour l'Explorer I. L'image du centre est extraite d'un film réalisé après la mission. Documents NSSDC/GSFC/NASA, NASA Archives et Marcia Hoppers.

Vanguard et Explorer I

À l'époque, le président Eisenhower ordonna non pas à une agence civile ni à l'USAF mais à la Navy de s'occuper du projet Vanguard, et donc sans l'aide de Wernher von Braun. Cette fusée du nom de code Vanguard TV-0 était un missile Viking 13 reconditionné mesurant 26.2 m de hauteur et 4.9 m de diamètre. Elle pouvait transporter une charge utile de 49 kg. Cette fusée devait servir de test pour réaliser des vols suborbitaux  La fusée fut fabriquée par la compagnie Glenn L. Martin, connue aujourd'hui sous le nom de Lockheed-Martin. La fusée fut lancée le 8 décembre 1956 depuis le pad de tir 18A de Cape Canaveral et atteignit 203.6 km d'altitude. La mission fut un succès, ainsi que son second vol TV-1 lancé le 1 mai 1957 mais le public n'en fut pas informé.

Malheureusement, le troisième lancement (Vanguard TV-2) qui ne portait toujours pas de satellite mais qui devait être transmis en direct à la télévision le 23 octobre 1957 fut un échec, la fusée s'écroulant au décollage dans un déluge de feu.

Pire, le 3 novembre 1957, les Russes annoncèrent avoir lancé avec succès un deuxième satellite, Spoutnik 2, embarquant cette fois la chienne Laïka. Malheusement, la "Pravda" annonça que Laika mourut environ 7 heures après le lancement. Officiellement, la chienne fut victime d'un dérèglement du système de régulation de la température accompagné par un état de stress. En réalité, en 2002 le docteur Dimitri Malachenkov qui participa à cette mission ainsi qu'à celle du Spoutnik 2, révéla qu'ils avaient donné de la nourriture empoisonnée à la chienne pour éviter qu'elle ne souffre de la chaleur ou meurt asphyxiée lors de la rentrée atmosphérique au cours de laquelle la capsule se consumma totalement.

Une fois de plus, ce vol prouva aux yeux du monde que les États-Unis étaient incapables de lancer des fusées, un double affront après celui des Spoutnik !

A voir : 1957 - The Russians Sent Dogs Into Space to Die

A gauche, le Spoutnik 2 embarquant la chienne Laïka (dans la sphère inférieure équipée d'un hublot) qui fut lancé le 3 novembre 1957. Il s'agit d'une réplique présentée lors de l'Exposition universelle de 1958 à Bruxelles. A droite, le compartiment dans lequel était placée Laïka, face au hublot du satellite. Documents Hulton-Deutsch Collection/Corbis et D.R.

Heureusement, en parallèle depuis 1954 l'USAF et l'US Army travaillaient sur le projet Orbiter de satellite scientifique qui devait être lancé à l'occasion de l'AGI. Dans un premier temps il fut rejeté au profit du projet Vanguard. Mais face au lancement du Spoutnik et à l'échec des premiers tests du Vanguard, le projet Orbiter fut rétabli.

La fusée Jupiter-C (renommée par la suite Juno I) fut fabriquée par le JPL (Jet Propulsion Laboratory) en collaboration avec l'US Army qui avait développé le missile balistique ABMA. Avec l'aide de l'équipe de William H. Pickering du Caltech, le JPL fabriqua le satellite scientifique Explorer I.

Contrairement aux premiers Vanguard, la fusée Jupiter-C fut lancée avec succès le 31 janvier 1958 depuis la base de Cape Canaveral qui appartenait à l'USAF. Le satellite Explorer I pesant 13.97 kg fut placé sur une orbite polaire de 358/2550 km. C'est grâce à Explorer I qu'on découvrit les Ceintures de Van Allen. Le programme Explorer n'a jamais été abandonné et compte à son actif plus d'une centaine de satellites, la NASA prévoyant des lancements jusqu'en 2022.

A gauche, William Pickering, James Van Allen et Wernher von Braun célébrant le succès du premier satellite américain, Explorer I lancé le 31 janvier 1958 en réponse à la gifle russe. Sur la photo prise le 1 février 1958, ils portent une maquette de la fusée Jupiter-C. La fusée mesure 2.05 m de longueur moteur inclu, 16.5 cm de diamètre et pèse 13 kg. Avec Explorer II, ces deux satellites aidèrent les scientifiques à découvrir les Ceintures de radiations de Van Allen. A droite, préparation du satellite Explorer XVII de la NASA qui fut lancé le 3 avril 1963. Il s'agit d'une sphère en acier inoxydable de 89 cm de diamètre et pesant 184 kg.

Fondation de la NASA

Pour laver l'affront et l'humiliation face au succès des "Rouges" et suite au nouvel échec des Vanguard, le 29 juillet 1958 le président Eisenhower décida de réviser entièrement l'organisation du programme spatial américain. Il signa le "National Aeronautics and Space Act" par lequel il fonda l'agence spatiale de la NASA (National Aeronautic and Space Administration), une agence civile, plaçant cette fois à sa direction Wernher von Braun bien décidé à faire mieux que les Russes.

Après la présentation à la presse en juillet 1958, la NASA vit officiellement le jour le 1 octobre 1958. Elle absorba l'ancien National Advisory Committee for Aeronautics. Elle représentait alors une agence comprenant 8000 employés et bénéficiant d'un budget annuel de 89 millions de dollars en 1958 (855 miliards de dollars actualités), ce qui représentait 0.1% du budget fédéral. Elle regroupait trois laboratoires de recherches : Langley Aeronautical Laboratory, Ames Aeronautical Laboratory et Lewis Flight Propulsion Laboratory ainsi que deux petits centres de tests.

Présentation des officiels de la NASA après la signature par le président Eisenhower du "National Aeronautics and Space Act" fondant la NASA le 29 juillet 1958.

Notons que pendant cette période, la Navy continua son projet Vanguard mais la plupart des tirs échouèrent (TV-3 à TV-5 et SLV-1 à SSLV-3) jusqu'au vol de Vanguard SLV-4 surnommé Vanguard 2 qui réussit enfin sa mission. Puis, il y eut deux nouveaux échecs jusqu'à ce que la Navy parvienne à lancer avec succès le 18 septembre 1959 la fusée SLV-7 alias Vanguard 3 portant un satellite d'observation de la Terre (ref. COSPAR 1959-007A). C'est la dernière fois que la Navy fut en charge du lancement des satellites, mission qui incomba dorénavant à la NASA mais avec le support des armées pour certaines phases de tests et opérationnelles.

La NASA intégra rapidement d'autres organisations dans sa nouvelle agence, en particulier le groupe de scientifiques de la Navy du Naval Research Laboratory de Maryland, le Jet Propulsion Laboratory géré par le Caltech pour le compte de l'US Army et l'agence des missiles balistiques d'Huntsville en Alabama appartenant également à l'US Army. C'est dans cette dernière agence que l'équipe d'ingénieurs de Wernher von Braun fut engagée pour développer les fusées.

Finalement la NASA créa d'autres organisations et compte aujourd'hui 10 centres sur le territoire national en plus du QG installé à Washington. L'agence rassemble plus de 17000 employés et plus de 40000 contractants. Elle constitue le 14e employeur du pays. Son budget annuel représentait 24.8 milliards de dollars pour l'année fiscale 2022 soit 0.41% du budget fédéral (6011 milliards de dollars) et est en hausse contre 4.41% en 1966.

Il faut également rappeler que la NASA ne travaille pas seule mais également en partenariat avec l'USAF et près de 60 contractants dans divers secteurs scientifiques, informatiques et de l'aérospatiale américaine, cette dernière étant principalement implantée en Californie, à Los Angeles et Palmdale. Notons qu'une liste des contractants de la NASA et du Ministère de la Défense américain est tenue à jour sur Wikipédia.

De White Sands au Cap Canaveral

Après la création de la NASA, l'Administration Eisenhower dut choisir la future base de lancement de l'agence spatiale. Rappelons que chaque tir de missile ou de fusée a ce qu'on appelle une empreinte, c'est-à-dire une zone en forme de poire sous la trajectoire de vol qui doit être inhabitée en cas d'accident. Pour les fusées tirées dans l'espace, une telle zone n'existe généralement que sur les côtes, et dans le cas des États-Unis le site idéal se trouve sur la côte est de la Floride.

En 1960, le Ministère de la Défense nota dans un rapport que le champ de tir des missiles de l'Atlantique à Cap Canaveral "est considérablement saturé d'installations de lancement de missiles et d'instruments d'essais". L'USAF disposait à cette époque d'une zone de test (test range) pour ses armes "miraculeuses" et ne voulait pas la partager. Ce fut une mauvaise nouvelle pour la nouvelle équipe qui voulait s'installer à Cap Canaveral après avoir tiré les leçons des V-2 tombés au Mexique. Finalement, ces accidents convainquirent les autorités américaines de choisir le Cap Canaveral comme base de lancement de la NASA. Mais assez rapidement, le président Eisenhower fut lassé de dépenser l'argent de l'État de cette façon et décida en 1960 de réduire le budget de la NASA.

Des missions lunaires au vol de Gagarine

De l'autre côté de l'Atlantique, les Russes devançaient toujours les Américains. En 1959, grâce à la sonde Luna 1, les Russes frôlèrent la Lune à 6500 km de distance. Ensuite, en octobre 1959 la sonde Luna 3 retransmit les premières images de la face cachée de la Lune. Malgré leur mauvaise qualité, ces missions démontrèrent au monde que les Russes étaient capables de lancer des vaisseaux automatiques, inaugurant l'ère des sondes spatiales. Toutefois, les Russes devront attendre 1966 pour poser en douceur la sonde automatique Luna 9 sur notre satellite. La même année les Russes mirent en orbite le premier satellite artificiel autour de la Lune, Luna 10.

Ses regards à présents tournés vers le ciel, l’homme voulut bientôt embarquer à bord de ses inventions et se hisser dans l'espace. Mais un défi d'une nature bien plus complexe que la simple mise en orbite, la navigation céleste ou la cartographie d'un autre monde l'attendait : vivre dans l'environnement hostile de l'espace. Pour y parvenir, chacun de leur côté, Russes et Américains développèrent des combinaisons de vols puis des combinaisons spatiales adaptées.

En 1958, le bureau d'études de Korolev développa une fusée Vostok d'une masse de 270 tonnes mesurant 38.4 m de hauteur et 10.7 m de diamètre. Elle était équipée de 4 propulseurs latéraux dérivés du premier missile nucléaire russe R-12 testé un an plus tôt et d'une portée de 5000 km (ce sont les mêmes missiles R-12 qui furent déployés à Cuba fin 1962). La capsule cylindrique habitée de 4725 kg mesurait 2.30 m de diamètre et pouvait juste contenir le siège éjectable et son occupant. Autour de la base de la capsule se trouvaient les réserves d'oxygène et d'azote. Un module contenant les instruments était fixé sous la capsule, le tout étant protégé par un bouclier thermique.

A voir : Soviet Space Program - Luna 3

  1961 - First Man in Space Yuri Gagarin

First Orbit - The movie

Reconstitution du vol de Gagarine

Le 12 avril 1961, grâce à une fusée R-7, le soviétique Yuri Gagarine s'envola pour l'espace depuis le cosmodrome de Baïkonour. À bord de la capsule Vostok 1 et équipé de sa combinaison spatiale SK-1 de couleur orange, il tourna autour de la Terre à environ 250 km d'altitude pendant 108 minutes et devint le 1er cosmonaute de l'Histoire. Documents RIA Novosti et Bisbos/NASA/T.Lombry.

Le 12 avril 1961, les Russes frappèrent de nouveau l'orgueil américain et avec lui celui des Occidentaux. A grand renfort de propagande, Léonid Brejnev (qui dirigea le Kremlin du 7 mai 1960 au 15 juillet 1964) annonça au monde que la Russie allait envoyer le cosmonaute Yuri Gagarine en orbite autour de la Terre.

Et ils réussirent là où les Américains balbutiaient encore avec leur programme Mercury lancé en 1958. Gagarine tourna autour de la Terre durant 108 minutes à bord de la capsule Vostok 1 satellisée à 250 kilomètres d'altitude moyenne (327 km à l'apogée et 180 km au périgée) pour une durée de vol totale de 1h 48m. Il s'agissait d'un vol automatique. La capsule était déjà équipée de deux petites caméras transmettant des images de Gagarine en direct, une prouesse technique permise depuis un peu plus d'un an.

Pour son retour sur Terre qui était une autre phase critique de son vol après celles du décollage et du vol orbital, Gagarine dut attendre que la capsule pénètre dans les basses couches de l'atmosphère et subisse les effets de la friction pour s'éjecter conformément aux procédures. Au cours de la descente, le module de service resta accroché à la capsule par un câble, balançant la capsule dans tous les sens, mais le câble finit heureusement par se rompre sous la chaleur et se détacha, permettant au bouclier de la capsule de s'orienter correctement pour protéger l'habitacle. Pendant sa descente agitée, Gagarine put observer des flammes et une lueur violette autour de la capsule mais il fut d'un calme impassible. Finalement, voyant de loin la Volga et s'approcher la région d'atterrissage proche de la ville de Saratov, il s'éjecta de sa capsule vers 7000 m d'altitude et atterrit en parachute près de Saratov, à environ 400 km du lieu de récupération prévu et 1500 km de Baïkonour. Gagarine devint le 1er cosmonaute de l'Histoire

C'en était trop pour les États-Unis !

Le pari de J.F.K : conquérir la Lune

Devant l'avance technologique prise par les Russes et la crise qui couvait en ces temps de Guerre Froide où les Soviétiques déployaient des missiles dans tous les pays pro-communistes, officieusement l'administration de John F. Kennedy se demandait si Nikita Kroutchev ne préparait pas une nouvelle guerre mondiale, cette fois-ci nucléaire... Un mois après ce vol, le président Kennedy déclara devant les membres du Congrès que ce programme spatial "n'est pas un signe de déclin du bloc soviétique, [...] il va représenter une menace pendant des décennies".

A consulter : NASA History Office

A voir : Photos, dessins et magazines sur les programmes de la NASA, Flickr

"Pour connaître les limites du possible nous devons tenter l'impossible". Arthur C. Clarke

A gauche, le livre du Dr Wernher von Braun publié en 1961 dans lequel il décrit l'entraînement de deux pilotes et leur mission d'exploration de la Lune à grand renfort d'illustrations dont certaines sont reprises dans l'article consacré aux combinaisons spatiales. On y relève une erreur, que von Braun ne pouvait pas connaître à l'époque quand il écrit qu'il n'y a pas de poussière sur la Lune, Au centre, von Braun expliquant le système de fusée Saturn au président John F. Kennedy le 16 novembre 1963 devant le Complex 37. A droite, le président John F. Kennedy déclarant devant le Congrès américain en ce 25 mai 1961 : "Avant la fin de cette décennie nous déposerons un homme sur la Lune et le ramenons en toute sécurité sur Terre". Tel était le pari fou des Américains après le vol réussi de Gagarine cinq semaines plus tôt... Il faudra attendre le 20 février 1962 pour voir John Glenn tourner trois fois autour de la Terre. Documents Collection T.Lombry et HQ NASA.

Mais il était évident que le monde n'était pas préparé à entendre un tel discours. Kennedy devait donc trouver un moyen pour obtenir rapidement la suprématie dans l'espace proche et faire passer dans son opinion publique l'idée de construire des vecteurs puissants, missiles ou fusées capables de riposter à une éventuellement attaque soviétique. Comment leur annoncer ce projet sans en parler et en même temps conquérir l'espace ?

Diplomatiquement évidemment il ne fallait absolument pas proposer ce programme en termes belliqueux. Si le Congrès et le public l'aurait éventuellement accepté à "huit-clos", même si Kennedy avait eut des preuves tangibles pour appuyer ses arguments, l'annonce officielle aux médias d'un si vaste projet à vocation militaire aurait mis le feu aux pondres et certainement déclenché une réaction épidermique de la part de l'Union Soviétique, et peut-être même une troisième guerre mondiale...

Le président américain eut alors une idée géniale pour mener son projet à bien et libérer les fonds nécessaires à la construction de ses fusées : faire appel à la NASA, une agence civile.

A gauche, Wernher von Braun posant devant son coupé Mercedes 220S Ponton (~1960) à Huntsville, en Alabama. En plus d'être un ingénieur es fusée, il était également membre du conseil d'administration de Daimler-Benz of North America (MBNA) qui lui fournit plusieurs modèles de Mercedes-Benz haut de gamme au cours de sa carrière aux États-Unis. Au centre, von Braun dans son bureau au centre spatial Marshall (MSFC) au début des années 1960. A droite, von Braun photographié le 2 février 1970 dans son bureau du MSFC.

Wernher von Braun qui avait émigré aux États-Unis avec toute son équipe déclara plus tard qu'il était passé à l'Ouest pour éviter une troisième guerre mondiale. Comme on dit, le doute bénéficie à l'accusé bien que von Braun n'ait jamais eu à répondre devant la Justice de ses actions commises durant la guerre, l'intérêt du pays passant généralement avant l'éthique.

Du reste, von Braun n'a jamais été un nazi, juste un scientifique allemand au service de son pays mais qui s'est voilé la face, sachant très bien l'usage qu'Hitler faisait de ses V-1 et V-2. Mais von Braun avait prévu la possibilité que l'Allemagne perde la guerre et qu'il soit fait prisonnier avec le risque d'être emprisonné ou condamné à mort. Aussi, pendant qu'il servait la Luftwaffe - l'armée de l'air allemande - il prit la précaution avec quelques amis de cacher des documents secrets. Finalement, lorsqu'il fut capturé par les Américains en 1945, von Braun leur offrit pas moins de 14 tonnes de documents secrets et une équipe d'une centaine de scientifiques en guise de preuve de son désir de vouloir s'engager auprès des Américains dans un programme spatial. Pour les Américains, c'était un chance inestimable à la fois de mettre hors jeu un dangereux adversaire tout en bénéficiant de son expérience des fusées.

Du missile à la fusée Saturn V

Von Braun avait notamment développé le missile Redstone en 1958 quand il travaillait à White Sands. A présent promu à la tête du centre de vol Marshall de la NASA (MSFC), il expliqua au Président qu'il pouvait construire une fusée à étages capable d'emporter des hommes à destination de la Lune vers 1967-1968. Il avait déjà tout planifié dans son livre "First Men To the Moon" publié en 1958 (cf. l'article sur les combinaisons spatiales). Dès cette époque von Braun fut l'homme le plus célèbre de la NASA que tous les ingénieurs voulaient approcher, jusqu'à lui faire signer un autographe sur leurs manuels techniques.

Un mini-ordinateur DEC PDP-1 de 1959. Il est déjà beaucoup plus compact et modulable que ses ancêtres qu'étaient l'ENIAC, le SSEC et autre UNIVAC.

Aussi, ayant retenu les arguments de von Braun, pour calmer son opinion publique et redresser le prestige des États-Unis, le 25 mai 1961 J.F. Kennedy déclara devant le Congrès : "Je crois que cette nation devrait se fixer comme objectif de réussir, avant la fin de cette décennie, à poser un homme sur la Lune et à le ramener sain et sauf sur Terre".

D'abord hébétés, les membres du Congrès ne réalisèrent pas immédiatement la portée de ce discours mais ils saluèrent ce pari fou qui revigora rapidement le patriotisme américain.

Car pour comprendre la portée de cette décision avant tout politique, il faut se remettre dans le contexte de l'époque et se rappeler le niveau technologique des États-Unis qui passaient déjà pour la nation la plus avancée du monde.

Imaginez-vous à la NASA en 1961 dont l'administrateur fut James E. Webb de 1961 à 1968 : les ingénieurs les plus âgés ont connu les ordinateurs à tubes à vide comme le Mark I et Mark II d'IBM, à peine cent fois plus rapides que les machines à calculer modernes.

Ils connurent le SSEC en 1948, l'UNIVAC en 1951 et l'IBM 305 RAMAC en 1956 qui fut le premier ordinateur équipé d'un disque dur (5 MB).

Depuis 1959, ils découvraient le nouveau mini-ordinateur transistorisé IBM 1401 qui effectuait 4000 opérations par seconde et le PDP-1 de Digital Equipment Corp. (DEC) qui effectuait entre 100000 et 200000 opérations par seconde. De nos jours, un smartphone ordinaire effectue plus de 1 milliard d'opérations par seconde !

Ces ordinateurs cadencés à une fraction de mégahertz disposaient de 32 KB ou 64 KB de mémoire et travaillaient le plus souvent avec des lecteurs de cartes perforées et de bandes magnétiques aussi volumineux qu'une armoire ainsi que nous l'expliquerons dans l'article consacré aux origines d'Internet et de la micro-informatique.

Rappelons que dans les années 1960, les ingénieurs travaillaient encore avec des règles à calcul (la NASA en donnera aux astronautes des missions Mercury, Gemini et Apollo).

La mathématicienne Katherine Johnson au début des années 1960, l'une des "ordinateurs humains" d'abord engagée par l'agence de Langley en 1953 puis par la NASA pour analyser et vérifier manuellement des données aérospatiales complexes. Document NASA.

A cette époque, les ingénieurs de la NASA ne faisaient par encore confiance aux ordinateurs si bien que l'agence spatiale engagea des hordes de femmes ingénieures et mathématiciennes pour refaire les calculs à la main ! On les surnommait les "ordinateurs humains" (human computers). A l'époque la NASA ne faisait officiellement aucune discrimination et comptait plusieurs femmes noires américaines parmi ses ingénieures. Mais ces femmes souvent jeunes, habillées en jupes ou en mini-jupe étaient avant tout considérées comme des sex-symbols et des faire-valoir pour la gente masculine gérant le centre de contrôle ! C'est pour cette raison que la plupart d'entre elles sont devenues de ferventes féministes. Le sujet du sexisme à la NASA fit d'ailleurs l'objet d'un livre intitulé "Hidden Figures: The Story of the African-American Women Who Helped Win the Space Race" publié en 2016 par la journaliste Margot Lee Shetterly qui fut adapté au cinéma. La NASA a longtemps ignoré ce personnel dans ces comptes-rendus historiques et ce n'est que suite à la publication du livre de Shetterly qu'elle daigna publier une page web sur ces femmes talentueuses fin 2016, suivie par le site History.

Si les ingénieurs de la NASA savaient depuis longtemps calculer des trajectoires balistiques, les paramètres des planètes et de la Lune, et venaient juste de maîtriser la mise en orbite d'un satellite, ils ne savaient pas lancer des fusées habitées et n'avaient aucune expérience du vol spatial, encore moins d'une mise en orbite autour de la Lune et d'un alunissage !

Pire, à cette époque personne ne sait encore si l'homme est capable de survivre aux conditions d'un vol spatial, c'est-à-dire de survivre dans une capsule spatiale en apesanteur et exposé aux rayonnements ionisants, y compris aux ceinture de Van Allen et le matériel exposé au vide et au froid de l'espace. A l'époque, il existait bien des combinaisons de vol pressurisées mais rien d'adapté à un vol de longue durée dans l'espace. Cet environnement restait mystérieux et tout était à faire. Ensuite, comment gérer les risques ou un accident sur la Lune sachant que les astronautes seront livrés à eux-mêmes ?...

Aussi, quand les ingénieurs regardèrent la Lune et qu'ils se rendirent compte à quelle distance elle se trouve, l'annonce présidentielle leur fit l'effet d'un pari chimérique.

Les ingénieurs en astronautique américains savaient peu de chose sur le lancement d'une fusée vers la Lune. Plusieurs questions se posèrent immédiatement. Fallait-il construire une fusée géante comme la N1 des Russes ? Devait-on utiliser des propergols à poudre ou liquides ? Le rendez-vous orbital (le transfert des astronautes vers et depuis la Lune) devait-il avoir lieu en orbite terrestre ou en orbite lunaire ? Le sol lunaire était-t-il très compact, dur et résistant ou moelleux, friable et spongieux ? Comment allait-on se poser sur la Lune et surtout en revenir ? Jusqu'en 1962, aucun ingénieur de la NASA ne le savait.

En 1959, en pleine Guerre Froide, la NASA essuya plusieurs échecs en essayant de lancer des satellites-espions dans le cadre du programme Corona de satellites photographiques de surveillance (dont faisait partie les fameux satellites Keyhole dont le Télescope Spatial Hubble fut le plus célèbre héritier). Afin de mieux comprendre comment les satellites russes étaient construits, en accord avec la CIA, la NASA décida d'espionner les Russes. Ce fait est largement méconnu du public car encore aujourd'hui le dossier est bien caché dans les archives de la NASA qui préfère oublier cet épisode peu honorable.

La fusée géante russe N1-1M1 à 5 étages et 44 moteurs-fusées au total construite par l'équipe de Korolev en 1960 prévue pour une mission lunaire habitée. A droite, la comparaison avec la fusée Saturn V. Documents NRC/NASA et wblog wiki.

Le 21 novembre 1959 au Mexique, pendant la nuit, l'espion Eduardo Diaz Silveti de la CIA détourna pendant quelques heures un camion transportant a priori la sonde lunaire Lunik 3 (mais en réalité il s'agit probablement de Lunik 2 puisque Lunik 3 fut perdue lors de son retour sur Terre en octobre 1959) que les Soviétiques devaient présenter au public dans le cadre des dernières innovations. Parquant le camion à l'abri des regards dans un hangard, il prit 280 photos de la sonde lunaire, toutes les mesures possibles et préleva 60 échantillons de liquides. Grâce à cet espionnage industriel, la NASA gagna un peu de temps. Elle savait à présent quelle quantité de carburant, quelle poussée et quels matériaux étaient nécessaires pour un vol lunaire.

Après quelques tests dans les marais de Floride et pas mal d'échecs, la NASA comprit qu'il serait plus efficace d'utiliser des moteurs-fusées à propergols liquides plutôt qu'à poudre.

Quant au type de fusée, les Soviétiques était en train de tester leur fameuse fusée géante N1 à 5 étages. Elle mesurait 110 m de haut, pesait 3030 tonnes au décollage et portait une charge utile de 95 tonnes. Equipée de 44 moteurs-fusées au total, sa poussée était de 46 MN (contre 34 MN pour la Saturn V de la NASA qui disposait au total de 11 moteurs-fusées). 4 lancements tests eurent lieu jusqu'en 1972. Seule la première fusée testée en 1969 s'éleva à 14 km d'altitude, les autres dévièrent de leur trajectoire ou explosèrent peu après le décollage. La Russie abandonna le projet en 1974.

A l'origine, comme les Russes, von Braun pensait qu'il serait impossible d'atteindre la Lune sans construire une fusée géante, c'est la solution du vol direct. Puisque les Soviétiques réussissaient là où la NASA tâtonnait encore, entre 1959 et 1962 la NASA construisit et testa trois prototypes de fusée géante NOVA. En parallèle, la société privée Aerojet sous contrat avec l'USAF testa pendant deux ans des moteurs-fusées à poudre et à liquides (LOX). Elle réussit à mettre au point le moteur-fusée Aerojet M-1 d'une poussée de 6.67 MN. A l'époque, il était plus grand (7.72 m de haut, 4.28 m de diamètre et 9068 kg à vide) et déjà plus efficace que le fameux moteur-fusée F-1 (5.6 m de haut, 3.7 m de diamètre, 8400 kg à vide) qui propulsa les fusées Saturn V.

Mais le délai demandé par le président Kennedy rendait la solution de la fusée géante impossible car elle était trop longue à mettre au point et trop chère.

A l'origine, von Braun avait imaginé de faire alunir une fusée géante sur la Lune, c'est-à-dire tout le vecteur hypermassif équipé de ses tonnes de propergols liquides à l'image de la fusée de Tintin ou des fusées dessinées par Chesley Bonestell illustrant les livres éducatifs et les romans d'anticipation publiés à l'époque. Pour les ingénieurs, cette phase de vol était impossible à gérer avec la technologie de l'époque, notamment en raison de la quantité de propergols nécessaire.

Fallait-il construire construire ou non une fusée à étages ? Après beaucoup d'essais et d'erreurs, les ingénieurs démontrèrent qu'une petite fusée de moins de 2 m de longueur équipée de deux étages s'élevait presque deux fois plus haut qu'une fusée de même puissance (poussée) mais ayant un seul étage (3923 m contre 2100 m d'altitude). C'était donc validé, en 1962 von Braun décida que la fusée lunaire serait une fusée à étages. Mais si elle était plus simple à construire, sa mise au point allait être très délicate, notamment le déclenchement dans les temps des moteurs-fusées des étages additionnels.

Enfin, von Braun proposa que le rendez-vous orbital se ferait autour de la Terre. Rappelons qu'en 1952, il avait proposé le concept de station orbitale. A partir de là, les astronautes prendraient place dans une fusée ou dans un module lunaire qui ferait l'aller-retour. Mais en 1962, un ingénieur de la NASA nommé John C. Houbolt, inconnu en dehors de l'agence, rendit un rapport à von Braun dans lequel il démontra qu'un rendez-vous en orbite lunaire serait plus simple et plus rapide. Il proposa également l'idée géniale de placer un module de commande en orbite lunaire et de ne faire alunir qu'un module léger, le fameux module lunaire ou LEM. Après quelques hésitations, von Braun approuva les deux idées. C'est l'ingénieur Joseph Shea qui fut responsable de la logistique du rendez-vous en orbite lunaire.On y reviendra.

L'ingénieur John C. Houbolt du centre Langley décrivant le concept du rendez-vous en orbite lunaire au tableau en juillet 1962. Von Braun l'approuvera. Document NASA.

A présent, non seulement les ingénieurs devaient envoyer et déposer des hommes sur la Lune mais il fallait encore les faire revenir et les récupérer sains et saufs, autant de phases critiques du vol. Sans parler du défi informatique : les ordinateurs étaient encombrants, consommaient beaucoup d'énergie et il fallait trouver un moyen pour les placer dans la capsule habitée et dans le LEM. Tels étaient les défis annoncés à nos jeunes ingénieurs sans expérience. Mais bon, il fallait s'y mettre, et tous ensembles.

Aujourd'hui les mentalités ont changé et il serait impossible de coordonner un tel projet dans les mêmes conditions. Imaginez un consortium gérant de 100000 à 400000 chercheurs et contractants... Seule l'étude du génome humain (HUGO) peut être comparée à ce projet. Mais tout est compartimenté, les scientifiques travaillent par groupes de recherches, par écoles, par pays et sont assez isolés les uns des autres malgré les meetings et autres congrès. Même avec nos technologies sans fil et multimédia, il serait très difficile de dire d'un jour à l'autre à plusieurs centaines de milliers de personnes "on commence tout de suite avec les moyens du bord", ce serait l'échec assuré et l'Europe en sait quelque chose.

Bien sûr, on a fait bien mieux pour le débarquement du 6 juin 1944 où près de 2 millions de soldats ont débarqué en Normandie dans un projet commun. Mais le budget et l'organisation d'une bataille de cette ampleur ne sont pas comparables à un projet civil (rien que le Plan Marshall coûta 16.5 milliards de dollars en 1947 soit environ 227 milliards de dollars actualisés en 2023). Même réussite pour la lutte urgente contre la pandémlie de Covid-19 et la mise au point d'un vaccin pour lequel rien que les Etats-Unis ont mis 14 milliards de dollars sur la table dans le cadre de l'Opération Warp Speed. Par comparaison, tout le programme Apollo coûta 150 milliards de dollars actualisés en 2023 qui furent uniquement financés par les Etats-Unis.

Grâce à son pari fou, Kennedy reçut les fonds nécessaires pour construire ses fusées et ainsi implicitement parer à tout acte de belligérance soviétique sur les terres sous protectorat américain. Car si le but avoué était de débarquer des hommes sur la Lune avant les Russes, le but ultime de cette technologie était bien entendu de pouvoir construire des missiles balistiques intercontinentaux (ICMB) et d'autres moyens de défense. Rappelons qu'en tant qu'agence fédérale civile, la NASA n'est pas financée par le Ministère de la Défense américain mais directement par le Congrès (une institution constituée de deux chambres, le Sénat et la Chambre des Représentants).

Mais au départ, le président Kennedy ne voulait pas que la conquête de la Lune soit considérée comme un signe de puissance ou d'hégémonie des États-Unis sur les autres nations mais au contraire le symbole d'une collaboration de toutes les nations autour du plus ambitieux projet de l'humanité. Il souhaita donc réaliser une mission lunaire en coopération avec les Russes. Il en parla à l'ONU ainsi qu'avec le président Nikita Kroutchev mais dut rapidement se rendre à l'évidence que si le président Kroutchev voulait bien participer au projet, il ne voulait absolument pas que la technologie russe soit rendue publique. Par conséquent, cette coopération échoua et les Américains jouèrent cavalier seul et contre les Russes dans ce qui devint la "course à l'espace" (the space race), au sens propre du terme comme l'homme conquit les pôles ou l'Everest en y plantant le drapeau de son pays.

Une autre idée du président Kennedy était qu'un astronaute afro-américain fasse partie de la première mission débarquant sur la Lune. Bien que le candidat fut présélectionné et qu'on en fit la publicité pendant plus de deux ans, y compris en Afrique, nous verrons que la ségrégation raciale très forte aux États-Unis en décida autrement.

Du missile ICMB à la fusée

Rappelons le contexte politique dans lequel Kennedy prit la décision de poser un homme sur la Lune.

Dans les années 1950, en Chine, le président Mao Tse-Tung était persuadé que le communisme était meilleur que le capitalisme et voulut faire de la Chine la première puissance économique mondiale. A cette époque, la Chine était pratiquement réduite aux travaux manuels.

Face à un parti communiste offrant son soutien indéfectible à son leader, à partir de 1958 Mao mit tout en oeuvre pour réaliser sa politique économique du "Grand Bon en avant" et notamment pour développer sa sidérurgie, l'acier représentant un indice important du progrès d'une société.

Mao était prêt à sacrifier son peuple ainsi que la moitié de la population du monde pour acquérir l'arme nucléaire et asseoir son pouvoir. Rappelons que cela se solda par une famine entre 1958 et 1962 qui provoqua la mort de 30 à 55 millions de Chinois sans même que Mao s'en inquiète, aveuglé par sa folie des grandeurs et sa propagande.

L'ingénieure Karen Leadlay travaillant sur des patch pannels (ou panneaux de brassage utilisés pour connecter et router des circuits) des ordinateurs analogiques dans la division spatiale de General Dynamics en 1964. Document Scott Kerr.

En parallèle, en 1961, les services secrets américains ont soutenu les dissidents anti-castristes à Cuba (cf. le débarquement de la Baie des Cochons) mais échouèrent lamentablement à renverser le président Fidel Castro, au grand dam de la CIA.

Devant les intentions du président Kennedy d'envahir Cuba, bien que Fidel Castro n'était pas officiellement communiste, ayant adopté une Constitution inspirée de celle de l'URSS, en 1962 il demanda au président Kroutchev de protéger son pays de l'invasion américaine.

En mai 1962, Kroutchev envoya 50000 soldats, des missiles nucléaires et des sous-marins à Cuba. Cette action d'intimidation déclencha la crise de Cuba quelques jours plus tard (cf. La crise des missiles sur YouTube).

Ce fut le début de la "Guerre Froide" et d'une surenchère nucléaire, Américains et Soviétiques s'efforçant de mesurer leurs forces au nombre de têtes nucléaires qu'ils détenaient et à la puissance des bombes atomiques qu'ils faisaient exploser pendant leurs essais.

Dans les années 1960, les États-Unis construisirent 72 bases nucléaires abritant chacune au moins un silo capable de lancer sur Moscou un missile nucléaire de la classe Atlas-E ou autre Minuteman ! Cette folie qui pouvait rapidement conduire le monde à l'Armagedon (cf. la liste des accidents nucléaires en temps de paix) ne sera abandonnée que dix ans plus tard.

Heureusement, les échos de la Guerre Froide s'estompèrent. En 1962, J.F. Kennedy parvint à convaincre l'URSS et ses partenaires du Bloc de l'Est de mettre fin à la prolifération des armes nucléaires. Sa décision allait conduire au démantèlement des 72 silos de missiles nucléaires américains. En octobre 1962, Kroutchev retira finalement ses missiles nucléaires et ses troupes de Cuba avant d'être destitué en 1964 par Leonid Brejnev. Ce fut un succès politique retentissant pour J.F. Kennedy qui vit sa popularité littéralement exploser, y compris à l'étranger.

Quant aux intentions de la Chine qui avait envahi le Tibet en 1961, après son échec économique et celui de lancer un cosmonaute vers la Lune en 1962, Mao ne revendiqua plus son intention de détruire la moitié du monde mais continua ses guerres de voisinage et ses intimidations (en Inde, au Pakistan, etc).

Malheureusement le plus sympatique des présidents américains déplut à certains opposants, notamment à la CIA, et il ne connaîtra jamais la fin de l'histoire. John Fitzgerald Kennedy fut assassiné le 22 novembre 1963 à Dallas. Encore aujourd'hui on ignore qui a commandité ce meurtre. C'est Lyndon B. Johnston puis Richard M. Nixon en 1968 qui lui succèderont à la présidence des États-Unis et qui poursuivirent la course à l'espace promise par le président Kennedy.

Prochain chapitre

Les programmes spatiaux

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[1] Parmi les Allemands recrutés à la fin de la guerre, il y avait des techniciens et des assistants de chercheurs membres de la SA ou Sturmabteilung, une organisation paramilitaire du Parti national-socialiste allemand qui participa activement à l'ascension d'Hitler. Aucun d'entre eux ne fut inquiété.

Par exemple, lors de sa sélection par les Français, la jeune ingénieure allemande Ursula Meindl qui était la fille du général Eugen Meindl, qui était un militaire de carrière proche d'Hitler qui organisa l'un des parachutages sur les côtes de Normandie mais qui n'était pas nazi, fut acceptée d'office pour ses compétences sur les ailes aérodynamiques. Elle fit toute sa carrière en France, notamment sur les systèmes d'écoute des sous-marins. Le chimiste allemand Otto Ambros, fonctionnaire nazi et membre de la SS, inventa le gaz Ziclon B qui fut utilisé à Auschwitz. Malgré ce passé abominable, il fut engagé par une entreprise française de produit chimique avant d'être finalement livré aux Américains. En 1947, il fut condamné à 8 ans de prison. Il mourut en 1990.

[2] Sur le plan géopolitique, après la guerre, le communiste devint la bête noire des pays occidentaux. Après le procès de Nuremberg (1945-1946), la question des nazis passa au second-plan. L'Allemagne de l'Ouest (RFA) d'après-guerre n'avait aucune raison de poursuivre ses resortissants au point qu'un lobby très fort demanda l'amnestie pour les anciens combattants et nazis du IIIe Reich. Les anciens fonctionnaires du IIIe Reich sont donc restés à leur poste sous les différents gouvernements de Konrad Adenauer. Les actions en justice furent également entravées par Interpol qui refusa d'extrader les nazis vivant à l'étranger afin de protéger les nombreux policiers ayant participé aux crimes nazis.

Il faut ajouter que plus de 1000 anciens nazis furent recrutés par la CIA pour des missions de renseignement contre l'URSS (cf. The New York Times, 2014). Aucun d'eux n'a jamais été inquiété pour sa collaboration avec le régime nazi.

La Cité du Vatican étant restée neutre durant la guerre, dès 1946 de nombreux criminels nazis ont traversé en douce les Alpes et le Tyrol autrichien (pro allemand) en douce pour se réfugier et Italie, au Collège Pontifical Santa Maria dell'Anima du Vatican afin d'être exfiltrés. Ici non plus, le Pape XII n'a pas voulu qu'on enquête sur leur passé, même en sachant que certains évêques protégeaient des nazis. En fait selon le Pape, le rôle de l'Eglise consistait à protéger les catholiques contre le communisme et à prêter assistance aux réfugiés sans poser de questions. De plus, un procureur italien rappela dans une lettre au Pape que l'Italie comptait de nombreux nazis assurant des fonctions importantes dans la société, les fascites italiens ayant collaboré avec les nazis. Les dénoncer serait néfaste à la reconstruction de l'Italie d'après-guerre. Ces réfugiés nazis reçurent ensuite un visa de la Croix Rouge pour quitter l'Italie. Pour rappel, la Croix Rouge italienne collabora avec le régime nazi et accordait toute confiance au Vatican. Certains nazis ont donc quitté l'Europe en toute discrétion sous une fausse identité et disparurent. On apprit plus tard qu'ils se sont refugiés en Amérique du Sud (selon le Saint-Siège pour préserver leur foi catholique) et au Moyen-Orient, en particulier en Egypte et en Syrie, qui, comme l'Allemagne nazie, sont deux pays qui ont toujours été opposés aux juifs. Dès les années 1950, Egyptiens et Syriens ont donc tiré profit du savoir-faire des nazis pour développer leur économie et leur industrie, y compris pour faire de la propagande contre Israël. Plus tard, certains nazis ont même travaillé comme taupe pour Israël et même pour la RFA. Finalement, au fil des décennies, certains nazis furent retrouvés et jugés.

[3] Encore aujourd'hui, peu de site Internet évoquent ce passé peu glorieux - la plupart des sites le passe sous silence - parlant tout au mieux de "techniciens allemands recrutés par le général de Gaulle" (cf. CNES). Mais même si la presse et le public l'avaient su en son temps, cela n'aurait rien changé. Les scientifiques allemands qui vivaient aux Etats-Unis, en Angleterre ou en France ont subi peu d'ennuis de la part de la population, si ce n'est un peu d'hositilité bien compréhensible dans les villes qui furent détruites sous l'occupation. Ces Allemands furent traités de "Boche" et leur enfant parfois maltraité par des collègues. Mais aucune famille allemande ne porta plainte.


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