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L'astronautique

Le vol inaugural d'Ariane 6 le 9 juillet 2024 depuis du centre spatial de Kourou en Guyane. Document ESA/Flickr.

La fusée Ariane et ses concurrentes (V)

L'Agence Spatiale Européenne (ESA) a gagné son pari. La fusée Ariane est le fer de lance de l'ESA qui confia sa construction à ArianeGroup et ses sous-traitants européens et sa commercialisation à sa filiale Arianespace. Le CNES (Centre National d'Études Spatiales) est le maîtrise d'œuvre du développement des moyens au sol installés en Guyane (portique mobile, pas de tir, etc).

Lancé dans les années 1970, le programme Ariane comprend à ce jour 6 lanceurs. Arianegroup construisit 11 Ariane 1, 6 Ariane 2, 11 Ariane 3 et 116 Ariane 4 parmi lesquels il y eut 7 échecs, soit un taux de réussite supérieur à 95% (sans compter les missions des sondes spatiales). Ariane 1 effectua son vol inaugural depuis le Centre spatial de Kourou en Guyane (CSG) le 24 décembre 1979. Les lanceurs Ariane 2, Ariane 3 et Ariane 4 effectuèrent leur premier vol respectivement en 1986, 1984 et 1988.

En raison de l'augmentation de la masse des satellites, le lanceur fut ensuite complètement refondu, donnant naissance à la version Ariane 5 capable de placer jusqu'à 9.4 tonnes en orbite de transfert géostationnaire (GTO vers 200 km d'altitude). Son premier vol eut lieu en 1996.

A cette époque, Ariane 5 était le leader mondial sur le marché des lancements de satellites de télécommunications. Mais bientôt le marché devint plus concurrentiel et le défi devint plus difficile face à des concurrents comme SpaceX d'Elon Musk. Le modèle technico-économique d'Ariane devait donc s'adapter à une nouvelle donne. En 2014, l'Europe décida donc de lancer le programme Ariane 6. Entre-temps, en 2012 L'Europe décida de construire un lanceur léger appelé Véga.

Véga-C

Le lanceur Véga-C (C pour Consolidée) dont le maître d'oeuvre est l'Agence Spatiale Italienne de l'ESA, est une fusée de 232 tonnes, 36 m de hauteur et 3 m de diamètre capable de placer en orbite basse une charge de 3.3 tonnes et en orbite héliosynchrone une charge de 2.3 tonnes. Elle comprend quatre étages dont les trois premiers sont équipés d'un propulseur à propergol solide (à poudre) P120C. Ce moteur pèse 11 tonnes et génère une poussée maximale de 4650 kN (~474 t) pour une impulsion spécifique de 278.5 secondes. Mais l'ESA ne pourra compter que sur un ou deux lancements par an. L'investissement total atteint 1.19 milliard d'euros.

Après de multiples échecs au décollage (2019, 2020, 2022), finalement Véga-C décolla de Kourou le 13 juillet 2022 emportant 7 satellites. Son prochain vol est prévu le 15 novembre 2024 où elle placera sur orbite le satellite Sentinel-1C à 693 km d'altitude. Ce satellite de 2.3 tonnes a pour mission principale l' observation SAR (Synthetic Aperture Radar) polyvalente en haute résolution des océans et des terres par tous les temps.

Jusqu'en 2023, l'ESA était capable de jouer la carte de la concurrence avec ses rivaux Américains, Russes ou Japonais et son carnet de vol était réservé à plusieurs années d'avance. En tous cas c'était vrai jusqu'au 5 juillet 2023 où Ariane 5 décolla pour sa 117e et dernière mission. Ne souhaitant plus collaborer avec la Russie de Poutine suite à la guerre en Ukraine, pendant un an l'Europe ne posséda plus de lanceur, au grand dam de tout le secteur astronautique européen mais qui fit plaisir à Elon Musk, toujours prêt à signer de nouveaux contrats.

A gauche, la fusée Ariane 5 (3e vol d'essai D503 en 1998). Juste à sa droite, Ariane 6 lors de son vol inaugural le 9 juillet 2024. Au centre et à droite, ses concurrents : la fusée américaine Titan 4B (en 2004, emportant le satellite DSP-22), la fusée russe Proton K (en 2000, emportant le module Zvezda vers la station ISS) et la fusée Falcon Heavy de SpaceX (vol inaugural du 6 février 2018). Documents ESA, ESA/Flickr, Pat Corkery/Lockheed Martin, NASA et Brady Kenninston/Spaceflight.com.

Quant aux autres projets européens (navette, Ariane Next, etc), en 2024 ils étaient toujours au stade du développement. Mais à force de ne rien proposer et d'être l'outsider, à terme l'Europe risquait de perdre de gros contrats, notamment concernant toutes les missions lunaires que s'accaparent actuellement ses concurrents (USA, Japon, Inde, etc). L'ESA devait donc rapidement redorer son image de marque et démontrer la fiabilité de son nouveau lanceur.

Ariane 6

L'architecture d'Ariane 6 fut définie en 2012 et fixée définitivement par ArianeGroup mi-2016. Par rapport à Ariane 5, le nouveau lanceur est plus puissant, modulaire et polyvalent et proposé en 2 versions, A62 et A64 (cf. ce dessin).

La fusée Ariane 6 de l'ESA équipée de ses 2 propulseurs P102C sur son pas de tir ELA4 en juillet 2024 devant son portique mobile. Document ESA/CNES-CSG.

Ariane 6 mesure 56 m (version A62) ou 63 m (version A64) de hauteur pour 5.4 m de diamètre et pèse en charge 530 t (A62) ou 860 t (A64). L'étage principal peut être équipé de 2 ou 4 boosters P120C selon les versions A62 ou A64. Au décollage, la poussée est de 8000 kN (~816 t pour A62) ou 14000 kN (~1428 t pour A64). Par comparaison, la poussée de la Falcon 9 est de 7600 kN (version 1.1 FT) et de 22800 kN pour la Falcon Heavy (contre ~34 MN pour la fusée Saturn V).

Ariane 6 peut placer des satellites en orbite basse (LEO) mais également en orbite géostationnaire, à ~36000 km d'altitude. Pour cela, l'étage supérieur de la fusée dispose de son propre moteur Vinci de 180 kN de poussée (~18.4 t) à mélange d'ergols LH2-LOX. Réallumable en vol, c'est la principale innovation du lanceur.

Le 9 juillet 2024, après 4 années de retard sur le planning initial, on assista finalement avec succès au lancement d'Ariane 6, un vol inaugural de démonstration qui emporta 11 charges utiles dont 7 micro-satellites fabriqués par des universités, 4 expériences ainsi que deux capsules de rentrée atmosphériques.

Tout se déroula bien jusqu'en fin de mission, les satellites furent placés sur orbite, mais la fusée dévia de sa trajectoire. La rentrée dans l'atmosphère de l'étage supérieur qui devait retomber dans le Pacifique ne s'est pas opérée comme prévu (le petit moteur du groupe auxiliaire de puissance (APU) qui ajuste la trajectoire de l'étage supérieur s'est éteint) mais cela reste un incident mineur.

Finalement, le 6 mars 2025, Ariane 6 version A62 (équipée de 2 boosters) s'envola sans échec pour sa première mission commerciale, plaçant sur orbite le satellite d'observation militaire CSO-3. Au moins 32 lancements sont déjà planifiés dont la mise en orbite de la constellation de satellites d'Amazon pour l'Internet à haut débit. Le lancement de la version A64 plus puissante est également planifié, permettant ainsi à l'ESA de disposer de deux lanceurs.

D'un point de vue stratégique, on peut donc se réjouir que l'Europe dispose de nouveaux lanceurs et reste un acteur majeur du secteur spatial.

Avec le programme Ariane 6 dans lequel les partenaires de l'ESA ont investi 8 milliards d'euros sur 10 ans, l'Europe joue son avenir spatial. C'est le concurrent direct du programme américain COTS (acronyme de Commercial Orbital Transportation Services) actuellement développé par la NASA en collaboration avec le secteur privé dont SpaceX et son lanceur Falcon 9 complété par le module cargo Dragon.

A voir : Ariane 6 first flight, ESA, 9 juillet 2024

A voir : Ariane 6 - Les chiffres clés (Infographie du CNES)

Le décollage d'Ariane 6 le 9 juillet 2024 à 19h GMT depuis le pas de tir ELA4 du centre spatial de Kourou en Guyane. A droite, une photo prise 1m16s après le décollage alors que la fusée se trouvait à ~20 km d'altitude et était animée d'une vitesse de ~0.7 km/s. Il faut ~22 minutes pour qu'elle atteigne les 400 km d'altitude et une vitesse dépassant 9 km/s. Voici une autre photo prise par Jody Amiet de l'AFP. Documents ESA via YouTube.

Mais selon le rapport des auditeurs de la Cour des Comptes de France publié en 2019, le programme Ariane 6 ne peut pas concurrencer le secteur privé américain. Concrètement, grâce à des lanceurs partiellement réutilisables, depuis 2015 SpaceX est capable de lancer des satellites 2 fois par semaine alors qu'Ariane 6 ne peut lancer de satellites qu'une fois par mois soit 8 fois moins souvent. D'où l'intérêt de la fusée Véga-C. De plus, il y a l'aspect financier. Un lancement d'Ariane 6 coûte entre 70 et 115 millions d'euros alors que SpaceX propose son lanceur Falcon 9 entre 40 et 60 millions de dollars soit à partir de 37 millions d'euros. En revanche, le lancement d'une Véga-C reviendrait entre 27 et 37 millions d'euros. Enfin, concernant la fiabilité des lanceurs, à ce jour l'ESA comme SpaceX n'ont connu que 2 échecs complets sur l'ensemble de leur programme. Mais, il faut ajouter les autres agences spatiales qui au total disposent d'une dizaine de lanceurs capables de satisfaire les clients les plus exigeants.

Quant au prix de la charge utile, il faut compter 14000 € par kilo sur Ariane 6 A62 et 10000 € par kilo sur Ariane 6 A64 contre 10200 à 7800 $ par kilo sur une Falcon 9 et entre 10100 et 7900 $ par kilo sur une Falcon Heavy, sachant qu'Elon Musk va tout faire pour diviser ses prix par 10 à moyen terme.

A gauche, la fusée Ariane 6 sur son aire de lancement devant son portique mobile. A droite, des vues éclatées et quelques chiffres à propos de la fusée Ariane 6. Documents CNES/ESA, VdN/J.-P. Dervaux, CNES et ESA.

En fait, l'ESA maintient son programme spatial uniquement pour garantir son indépendance vis-à-vis des États-Unis et des autres pays disposant de lanceurs. De toute évidence, comme en matière d'armement, alors qu'elle en a théoriquement les moyens, l'Europe a délibérément choisi de ne pas devenir la première puissance spatiale. On reviendra sur le rôle de l'Europe à propos de la colonisation de la Lune.

Comparé à un lancement depuis le cosmodrome de Baïkonour, la Guyane a l'avantage de se situer à seulement 5° au nord de l'équateur où la vitesse de rotation de la Terre est la plus élevée. Ainsi, à Baïkonour la vitesse de rotation de la Terre est de 1160 km/h alors qu'elle atteint 1670 km/h à Kourou. Cette configuration permet à l'ESA de placer des charges en orbite en utilisant deux fois moins d'énergie que depuis le site de lancement russe. Autrement dit, un Soyouz qui serait lancé depuis Kourou pourrait emporter une charge de 3 tonnes en orbite géostationnaire contre seulement 1.7 tonne à Baïkonour, rendant le site de Kourou très intéressant pour de nombreux clients.

Les navettes spatiales européennes

Hermès

Le projet de navette spatiale européenne "Hermès" proposé en 1975 par le CNES futabandonné en 1992 au bénéfice d'un programme humanitaire. Mais l'ESA n'a pas abandonné son projet de navette spatiale.

L'ATV

Pour conserver son indépendance vis-à-vis des Etats-Unis ou de la Russie et en prévision du déclassement des navettes spatiales, le 9 mars 2008, la fusée européenne Ariane 5 lança avec succès son Véhicule Automatique de Transfert ou ATV (Automated Transport Vehicle) appelé "Jules Verne" (chacun porte un nom différent), le premier vaisseau ravitailleur européen destiné à la station ISS.

Ce vaisseau-cargo est le premier vaisseau non habité capable de s'amarrer automatiquement à la station ISS sans aucune intervention humaine grâce à un téléguidage par GPS et laser.

Ultra-sophistiqué, l'ATV contient des réserves d'eau, des vivres, du carburant et du matériel scientifique pour la station ISS, à laquelle il reste attaché pendant six mois. Selon Jean-Jacques Dordain, le directeur général de l'ESA, l'ATV est le "véhicule le plus lourd et le plus complexe jamais réalisé par l'Europe [...] L'arrimage d'une charge de 20 tonnes avec un complexe orbital de la taille de l'ISS, cela ne s'est encore jamais fait ! ".

Développé à partir de 1995 par le groupe européen EADS-Astrium Space Transportation, l'ATV est un cylindre métallique de 10 m de long et de 4.50 m de diamètre, suffisamment vaste pour contenir un bus londonien à deux étages ! Près de la moitié de son poids soit 9.5 tonnes sont consacrées au fret, ce qui représente trois fois plus que les actuels cargos russes Progress. L'ATV a coûté 1.3 milliard d'euros.

Ci-dessus, respectivement des photos des ATV-1 "Jules Verne" entré en service le 9 mars 2008, de l'ATV-2 "Edoardo Amaldi" en 2012 et de l'ATV-4 "Albert Einstein" sur le point de s'amarrer à l'ISS le 15 juin 2013. Ci-dessous des illustrations artistiques de l'ATV de l'ESA sous différents angles. Documents ESA/European Spaceflight Ltd, ESA, NASA/Arianegroup, CNES et ESA.

Pour assurer ce vol, la fusée Ariane 5 fut spécialement équipée d'un moteur qui s'alluma deux fois pour placer le vaisseau sur l'orbite adéquate à environ 300 km d'altitude.

L'ATV est propulsé par quatre moteurs lui permettant de rejoindre la station ISS en moins de 6 heures (depuis 2012). Une fois amarré au module russe Zvezda situé à l'arrière de la station ISS, l'ATV fait partie intégrante de la station orbitale. Outre la fonction de ravitaillement, grâce à ses moteurs, il peut rehausser l'altitude de la station ISS qui a tendance à décroître avec le temps. Comme l'ancien module russe Progress, au bout de six mois, rempli de tonnes de déchets, l'ATV est largué et se désintègre au-dessus du Pacifique. L'ESA lança quatre autres ATV jusqu'en 2015.

En 2013, un accord fut signé entre l'ESA et la NASA concernant la collaboration de l'agence spatiale européenne au développement du vaisseau Orion qui assurera également les missions de l'AVT jusqu'en 2014 et transportera des astronautes vers la station ISS à partir de 2017, en complément des vols habités vers l'ISS assurés par SpaceX.

Le Space Rider

Plus récemment, l'ESA proposa de construire une navette spatiale automatique sans équipage appelée "Space Rider". De la taille deux deux mini-vans et capable d'emporter une charge utile de 600 kg, elle sera lancée par la fusée Véga-C et resterait en orbite basse (LEO) pendant environ deux mois. Selon l'ESA, les expériences installées à l'intérieur de sa soute permettront de réaliser des démonstrations technologiques qui bénéficieront à la recherche en pharmacie, biomédecine, biologie et sciences physiques. A la fin de sa mission, le "Space Rider" reviendra sur Terre avec ses charges utiles et atterrira sur une piste pour être déchargé et remis à neuf pour un autre vol.

Illustrations de la navette automatique sans équipage "Space Rider" de l'ESA qui sera opérationnelle le jour où la fusée Véga-C sera prête.

Mais sauf évolution des prix, il y a revers à cette technologie, son prix. Selon le CNES, le prix d'une charge utile reviendrait à 37000 € par kilo soit presque 4 fois le prix d'une charge utile sur Ariane 64  ou Falcon 9 (cf. Sénat, 2019).

SpaceX inaugure le vol spatial commercial

En 2005, la société SpaceX d'Elon Musk remporta un contrat avec le NASA pour lui fournir un lanceur cargo et 12 capsules spatiales. SpaceX s'engagea également à placer sur orbite de petites charges utiles.

Alors que devant la presse Elon Musk se donnait 1% de chance de réussir, en réalité le businessman il a toujours été persuadé d'atteindre son objectif. Et de fait, SpaceX a rempli tous ses engagements. Le 30 mai 2020, SpaceX réussit même à lancer une fusée Falcon 9 équipée de la capsule habitée Crew Dragon vers la station ISS, lançant l'ère du vol spatial commercial.

Plus récemment, en 2024 son lanceur Falcon 9 aida même l'ESA à court de fusée pour lancer sa sonde spatiale Hera dédié à la défense planétaire contre les astéroïdes, le rêve pour un concurrent américain en quête de contrats !

A voir : Crew Demo-2, SpaceX, 30 mai 2020

Le lancement de la Fusée Falcon 9 au sommet de laquelle est fixée la capsule habitée Dragon Endeavour embarquant les astronautes Robert Behnken et Douglas Hurley le 30 mai 2020 depuis le pas de tir 39A du KSC pour un vol automatique vers la station ISS. A droite, la capsule s'approchant du dispositif d'amarrage de la station ISS. Documents SpaceX et NASA/ISS/SpaceX.

Mais plus important encore, pour Elon Musk qui lut des romans de science-fiction étant enfant ainsi que les biographies de certains inventeurs qui l'aideront à trouver sa voie (cf. cet article publié sur "Inc." en 2015 et cette biographie publiée sur "Esquire" en 2012), la stratégie au coeur de son business model est de fabriquer des fusées non plus à usage unique et jetables, mais des lanceurs entièrement réutilisables, comme des avions. L'objectif de cette industrialisation du spatial est d'augmenter la cadence des lancements afin de réduire les coûts de production et réaliser des économies d'échelle avec, à terme, la possibilité de pouvoir lancer du matériel plus lourd. On y reviendra à propos des vaisseaux spatiaux Falcon, SLS, Dragon et Orion.

A consulter : Calendrier des lancements spatiaux, Destination orbite

Les projets "X" et les petites navettes de ravitaillement

Si nous voulons que l'exploration de l'espace devienne un jour de la routine et soit aussi simple et fiable que prendre un avion, les ingénieurs ont encore de gros progrès à accomplir.

Nous verrons plus loin que les astronautes ont payé très cher leur soif de conquérir le ciel. La cause de ces accidents tragiques s'explique par la manière dont l'homme explore l'espace : elle est encore très inefficace et très risquée. Non seulement, la méthode de lancement est encore basée sur la force brute avec l'utilisation de pergols très dangereux car explosifs, mais le retour sur Terre en capsule spatiale exploite une technologie primitive. Se greffe sur ces défauts de jeunesse, le coût exhorbitant des missions spatiales du fait que pratiquement aucun lanceur n'est récupérable.

Pour éliminer ou contourner ces risques et ces problèmes, nos experts doivent inventer des systèmes plus fiables, plus rentables et donc plus faciles à construire. A terme, le gros avantage sera de pouvoir fabriquer des lanceurs fiables en grande série, la seule façon de démocratiser l'accès à l'espace.

L'industrie aérospatiale développe autant des avions furtifs que des chasseurs de nouvelle génération, des satellites ou des transporteurs hypersoniques parmi d'autres projets, souvent tenus secret parfois durant plus de dix ans pour des raisons stratégiques ou commerciales.

Parmi les projets d'avions spatiaux, il faut bien entendu citer la défunte navette spatiale américaine. Plus récemment, d'autres projets ont vu le jour autour des avions-fusées mais très peu ont dépassé le stade de la maquette ou des tests pour des raisons à la fois liées au coût et aux difficultées rencontrées. Citons le projet britannique HOTOL (HOrizontal TakeOff and Landing) inventé dans les années 1980 et abandonné dans les années 1990, l'avion spatial Skylon à moteur à réaction SABRE (Synergetic Air-Breathing Rocket Engine) inspiré de l'HOTOL, le projet européen LAPCAT, le projet DC-X Clippergram de McDonnel Douglas abandonné en 1997 ainsi que les fameux projets "X" sur lesquels l'aéronautique comme l'astronautique fondent beaucoup d'espoirs. Décrivons quelques-uns d'entre eux.

A gauche, le X-43A Scramjet hypersonique de la NASA qui réussit son premier vol d'essai en mars 2004, atteignant Mach 9.6 (11250 km/h). A droite, illustration du X-59 dont voici une autre photo. Documents NASA.

Idéalement, l'avion spatial est un transporteur hypersonique pouvant atteindre 80 km d'altitude (contre 22 km pour le X-15) et capable d’effectuer le tour de la Terre en 45 minutes. Projet très ambitieux, très coûteux mais aussi très difficile à mettre en oeuvre compte tenu des problèmes liés à un vol en atmosphère raréfiée, les problèmes aérodynamiques d’un vol hypersonique à plus de Mach 6 et des problèmes liés aux bombardements corpusculaires.

Pour l'heure, le seul projet en développement est l'avion hypersonique de Boeing sur lequel l'avioneur américain travaille depuis les années 2010 avec son prototype d'avion X-51 qui vola pour la première fois en 2010. Mais Boeing étant une entreprise privée et les problèmes complexes, la durée de développement d'un tel projet s'étend sur plusieurs décennies. Boeing ne prévoit pas de vol commercial hypersonique avant 2040 ou 2050.

A ce jour, les projets "X" comme le X-34, le X-59 et autres véhicules réutilisables légers (LRV) se succèdent chez Lockheed Martin Skunk Works, McDonnell Douglas, Boeing, Northrop Grummann et autre Rockwell mais aucune décision n'a encore été arrêtée. Seuls succès, le X-43A alias "Hyper X" a réussi son premier vol d'essai en mars 2004 et en 2006 Lockheed Martin remporta le contrat préliminaire pour la construction du vaisseau Orion.

A lire : Un avion peut-il voler dans toute l'atmosphère ?

A gauche, illustration de la navette X-33 de Lockheed Martin. Au centre, illustration du "Dream Chaser" que l'entreprise Sierra Nevada Corp. proposa à la NASA pour assurer le transport des astronautes et du frêt vers la station ISS. Cette navette utilise les moteurs Vortex d'Orbitec qui fonctionnent au propane et au protoxyde d'azote. Lancer par une fusée, elle s'envolera vers la station ISS probablement en 2025. Documents NASA-DFRC, NASA/KSC et Space.com.

En fait, la NASA a tiré les leçons des tragédies de la navette spatiale et est temporairement revenue à son lanceur classique : une fusée chapeautée soit par une petite navette (par exemple le "Dream Chaser" de Sierra Nevada qui assurera des missions vers la station ISS en principe à partir de 2025 (avec 4 ans de retard sur le planning) soit par une capsule autonome, le CEV Orion, un module de commande hybride. Cette solution tire avantage de la polyvalence de la navette spatiale et de la sécurité de la capsule Apollo, rendant le système beaucoup plus fiable et robuste qu'une navette spatiale tout en étant plus économique.

L'ère des avions-fusées est donc reportée à une date indéterminée et probablement postposée de plusieurs générations. Nous aurons de la chance si nos petits-enfants pourront en profiter vers 2050 ou 2100. On y reviendra à propos du tourisme spatial.

Dernier chapitre

Demain, la Lune et au-delà

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