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La Bible face à la critique historique

Samuel donnant l'onction à David (cf. 1 Samuel 16:12). Peinture sur bois datant du IIe.s. découverte dans les ruines de la synagogue de Dura-Europos en Syrie. Elle est exposée au Musée de Damas (mais aujourd'hui préservée en un lieu tenu secret. Cf. cet article).

Les royaumes de David et de Salomon (I)

Précisons en préambule que la Bible commence à utiliser le terme Israélite à la place de Hébreu à partir de la sortie d'Égypte mais en réalité ce nom fait référence au peuple du royaume d'Israël, c'est-à-dire à la population du royaume fondé par le roi David quatre siècles plus tard et sujet du présent article.

L'émergence du monothéisme et de l'identité Israélite ne sont pas apparues comme par miracle ni même rapidement. Après avoir conquit le pays de Canaan, il fallut que le peuple juif conquiert son indépendance et se trouve un nouveau chef capable de tous les représenter.

Le roi David

Le lecteur familiarisé avec la Bible sait qu'il peut trouver dans le premier livre des Chroniques l'histoire (théologique) et la généalogie exhaustive de la lignée des royautés d'Israël et de Juda jusqu'au roid David. Il est cité comme enfant d'Isaïe en 1 Chroniques 2:13, devint roi au dernier verset de 1 Chroniques 10 et ont fini de parler de lui seulement au dernier chapitre, en 1 Chroniques 29 lorsqu'il transfert le projet de construction du second Temple à son fils Salomon. On y reviendra. Selon les sources, ces textes furent rédigés entre 515 et 190 avant notre ère, c'est-à-dire après le retour d'Exil et l'instauration de la Loi de Moïse comme code de Justice.

La référence au roi David est également mentionnée dans le livre de Samuel et évidemment dans le livre des Rois. On trouve l'origine du premier "roi davidique ou chef des "enfants d'Israël" dans le livre de Samuel qui raconte son rêve de faire des colons hébreux un peuple de purs réunis autour du sanctuaire de Silo. Yahvé se présente à Samuel en lui expliquant qu'"il l'envoie chez Jessé de Bethléem de Juda, car je me suis choisi un roi parmi ses fils" et l'envoie pour lui donner l'onction (1 Samuel 16:1-3). Samuel s'y rendit et passa les fils de Jessie en revue jusqu'à ce que Yahvé lui donne ses instructions. Yahvé choisit le dernier et septième fils de Jessé appelé David, "il était roux, avec un beau regard et une belle tournure. Et Yahvé dit : "Va, donne-lui l'onction : c'est lui" " (1 Samuel 16:12). A l'instant de l'onction, "l'esprit de Yahvé fondit sur David à partir de ce jour-là et dans la suite" (1 Samuel 16:13). David fut donc le premier Messie (Messiah, l'Oint) puisqu'il reçut l'onction, qui plus est de rang royal. Les prophètes s'en souviendront.

Au cours de sa vie, Samuel raconte que David combattit le géant philistin Goliath (on dit qu'il mesurait 3 mètres) qui défiait l'armée israélite. Selon Samuel, le combat eut lieu entre Socoh et Azéka, dans la vallée d'Elah (la vallée des térébinthes) située à 23 km au sud-ouest de Jérusalem. David utilisa une fronde et atteignit Goliath au front. Le géant philistin s'effondra et David lui coupa la tête (1 Samuel 17:1-18:4).

Panorama de la vallée d'Elah entre Socoh et Gath en direction du sud où, selon le premier livre de Samuel, le jeune David combattit le géant Goliath.

Afin de confirmer ce récit, les archéologues ont cherché les villes fortifiées évoquées dans cet épisode. On sait déjà que c'est par la vallée d'Elah que les troupes babyloniennes de Nabuchodonosor II auraient envahie la Judée et Jérusalem. Mais il fallait encore découvrir les autres villes mentionnées dans la Bible et si possible les identifier avec des sites archéologiques ou des endroits comme des tertres susceptibles de contenir des ruines datant de l'époque du roi David.

Les archéologues découvrirent qu'à l'époque du premier Temple, plusieurs villes existaient déjà le long de la vallée d'Elah dont Adullam, Azéka et Socoh. Mais la période concernée couvre largement plus que celle du règne du roi David. Il fallait donc découvrir d'autres preuves pour assigner ces cités à l'un ou l'autre royaume.

En 1887, le site de Gath (Tell es-Safi en arabe) situé à quelques kilomètres au sud-ouest de la vallée d'Elah fut découvert par Frederick J. Bliss. Il fouilla le tertre avec Robert Alexander Stewart Macalister en 1899 et 1900, tous deux ayant déjà exploré de nombreux autres sites de Palestine. Ces fouilles ne furent pas approfondies car un village arabe était installé sur la butte qui ne fut abandonné qu'en 1948. Dans les années 1920, le site fut de nouveau exploré par l'archéologue William F. Albright qui déclara que les ruines n'étaient pas reliées au site biblique de Gath (Geth) qu'il associa plutôt avec la cité de Tell 'Areini (renommée Tel Gat) proche de la ville de Kiryat Gat. Toutefois, les fouilles n'ont pas confirmé son hypothèse. Ensuite, l'archéologue Aren Maeir de l'Université Bar-Ilan près de Tel-Aviv et ses collègues fouillèrent à leur tout le site de Gath. En 2016, ils découvrirent une immense tranchée autour du tertre que l'on voit ci-dessous, suggérant qu'il abrite une cité fortifiée. Cette structure qui entoure Gath au sud et à l'est n'avait jamais été remarquée jusqu'alors car vue du sol elle ressemble aux inégalités du relief. Les fouilles entreprises sur le site ont permis d'excaver les ruines de bâtiments très anciens et de découvrir que la cité fut assiégée et détruite à la fin du IXe siècle avant notre ère.

A gauche, vue aérienne de Gath (Tell es-Safi), un tertre qui correspondrait à l'ancienne cité fortifiée de Gath. On distingue au sud et à l'est (soulignée par un trait d'ombre) une immense tranchée large de plusieurs dizaines de mètres qui encercle le tertre, cf. cette photo. Au centre, une vue du tertre qui fait aujourd'hui l'objet d'intenses fouilles archéologiques, notamment par Aren Maier et son équipe. A droite, une partie des excavations révélant des ruines datant du Xe siècle avant notre ère. Documents Aren Maeir et Ori/Wikimedia.

Tout aussi intéressant, en 2005 Maeir et son équipe découvrirent sur le site un ostracon datant du IXe siècle avant notre ère portant deux inscriptions canaanites : "ALWT" (אלות) et "WLT" (ולת) qui sont assez proches du nom hébreu de Goliath (גלית). Bien que cela ne prouve pas l'existence de Goliath, elle atteste de la présence d'une culture philistine dans cette région et l'utilisation de l'écriture au début de l'Âge du fer II.

Selon la tradition, après sa victoire sur Goliath, David continua sa vie, se maria, devint même vassal des Philistins, combattit divers ennemis avant d'être sacré roi d'Israël à Hébron : "David avait trente ans à son avènement et il régna pendant quarante ans [dont] sept ans et demi sur Juda [et, depuis Jérusalem] trente-trois ans sur tout Israël et sur Juda" (2 Samuel 5:4-5).

Selon la Bible, le roi David, troisième roi d'Israël (le premier étant le légendaire Saül et le deuxième Ishboshet) réunit les 12 tribus d'Israël pour défendre son peuple et étendre son royaume de l'Égypte à la Mésopotamie comme l'avait annoncé Yahvé à Josué, faisant de Jérusalem sa capitale. David conclut à son tour une alliance avec Yahvé afin qu'il protège son peuple, à la fois esclave et sujet de Dieu. Son fils Salomon poursuivit son oeuvre unificatrice. A l'époque des premiers rois d'Israël, la Bible évoque donc un royaume unifié.

Sur les traces du roi David

Le roi David a-t-il existé ? Et son royaume a-t-il existé ? Pour le savoir, les archéologues ont entrepris des campagnes de fouilles en pays de Canaan et dans les régions limitrophes (Nord Sinaï, sud de l'actuel Liban, ouest de la Syrie et de la Jordanie) dans le but de trouver des traces évoquant une éventuelle unité nationale, politique, théologique ou culturelle.

Les 12 tribus d'Israël selon le livre de Josué. Document Wikipédia.

Comme on le voit sur la carte présentée à gauche, vers l'an 1000 avant notre ère, c'est-à-dire durant la première période de l'Âge du fer caractérisée par l'émergence des cités Israélites dans les Hautes Terres et au-delà, trois des douze tribus d'Israël envahirent également les territoires situés sur la rive gauche du Jourdain, la partie ouest de l'actuelle Jordanie.

En 1993, une équipe d'archéologues dirigée par Avraham Biran (voici l'article en PDF) découvrit à Tel Dan, alors situé dans le nord d'Israël et aujourd'hui en Syrie, les fragments d'une stèle que l'on voit ci-dessous remontant à l'an 840 ou 841 avant notre ère écrite en araméen, une langue proche du hébreu.

Fragmentée dès l'Antiquité pour être réutilisés comme matière de construction au milieu du VIIIe siècle avant notre ère, seuls trois fragments furent préservés sur lesquels sont gravés environ 13 lignes de texte. L'artefact fut appelé la "Stèle de la Victoire". Bien que le nom du roi araméen ne soit pas mentionné, le contexte indique qu'il s'agirait du roi Hazael de Damas, roi d'Aram de 841 à 800 avant notre ère qui rivalisait avec le monarche d'Israël comme indiqué dans la Bible (2 Rois 8:7-15).

Le texte présenté ci-dessous mentionne la victoire du roi [Hazael] sur Ben-Hadad. Il mentionne également le roi Ahab (ou Achab), le roi Joram du royaume de Juda, son fils le roi Ahaziah (Ahasyahu) et le roi David du royaume d'Israël : "J'ai tué [Jo]ram fils d'[Achab] roi d'Israël, et [j'ai] tué [Ahas]yahu fils de [Joram] roi de la maison de David".

Le roi David a donc existé. Toutefois, de rares opposant à cette thèse se demandent encore si David était le grand roi qui fonda le royaume d'Israël ou le simple dirigeant d'une chefferie tribale comme le prétend Israel Finkelstein de l'Université de Tel-Aviv dans son livre "Le Royaume Biblique Oublié" (Odile Jacob, 2013). Mais son point de vue est peu supporté par ses collègues.

L'expression "Maison de David" est fréquemment utilisée dans la Bible pour désigner la dynastie davidique (par exemple 1 Rois 12:19, Isaïe 7:2, Psaume 122:5). L'identification du roi araméen et des autres monarches est également indiquée dans la Bible (2 Rois 10:32-33 et 13:3, Amos 1:3-4).

La découverte du nom de David gravé dans la pierre est importante car c'est le premier fait biblique attesté par l'Histoire, tous les récits bibliques antérieurs (le Déluge, l'Exode, la chute de Jéricho, etc.) n'ayant pas été attestés en raison des influences et altérations que ces textes subirent au bénéfice du culte du Dieu unique.

Aspect général et détail de la "Stèle de la Victoire" de Tel Dan découverte en 1993 datée de 840-841 avant notre ère mentionnant en araméen la "maison de David" (surchargé à droite). Document des Autorité des Antiquités d'Israël.

Quand le roi David a-t-il vécu ? A défaut de preuves historiques concernant sa date de naissance et de son décès, notre seule source de datation est la Bible qui permet de situer le règne du roi David entre l'an 1010 et 970 avant notre ère (Âge du fer). Aucune autre donnée archéologique ne permet de préciser ou de valider quoique ce soit qu'il ait pu faire durant son règne. C'est plutôt maigre pour un roi aussi célèbre si on en croit le premier livre des Rois.

Comme nous l'avons évoqué, l'auteur du texte aurait également vécu au Xe siècle avant notre ère et campe son récit près de Jérusalem, du fait qu'il vécut probablement à la cour du roi David, ce qui expliquerait par ailleurs le phrasé élaboré qu'il utilisa.

Le palais du roi David

Si le roi David a bel et bien existé, il doit donc également exister un palais royal et au-delà un royaume avec des fortifications. La Bible ne décrit pas ce palais si ce n'est que le roi "habite une maison de cèdre" (1 Chroniques 17:1, etc.) mais y fait allusion, par exemple : "David [...] se promenant sur la terrasse du palais,..." (2 Samuel 11:2) ou encore "Quand le roi habita sa maison" (2 Samuel 7:1). Il y a des passages similaires d'autres livres bibliques (Néhémie 13:37, 1 Chroniques 17:1 et 2 Chroniques 2:2). Mais nous savons d'expérience que la Bible véhicule aussi des légendes et que les rédacteurs ont la plupart du temps interprété les faits à leur manière.

Où se situe le palais du roi David ? On précise dans le premier livre des Rois, à propos de Salomon et de l'une des filles de Pharaon qu'il "l'introduisit dans la Cité de David, en attendant d'avoir achevé de construire son palais" (1 Rois 3:1), la "Cité de David" étant Jérusalem. Néhémie précise ce qu'on y trouve : "A la porte de la Fontaine, ils montèrent droit devant eux, près des escaliers de la Cité de David, par la crête du rempart, et par la montée du Palais de David, jusqu'à la porte des Eaux, à l'orient" (Néhémie 12:37 qui n'est pas repris dans le livre d'Esdras du canon catholique). Ce palais se situe donc bien dans la vieille ville de Jérusalem.

Certains auteurs ont cru localiser le palais royal à Sion. En effet, selon la Bible : "David s'empara de la forteresse de Sion : c'est la Cité de David" (2 Samuel 5:7). Ailleurs on lit aussi : "le mont Sion, coeur de l'Aquilon, cité du grand roi" (Psaume 48:3). Sion abrite également l'Arche d'alliance que son fils le roi Salomon fit "monter de la Cité de David, qui est Sion" (1 Rois 8:1) jusqu'au temple de Jérusalem. Sion est cité 150 fois dans la Bible et si l'Arche d'alliance s'y trouve, on imagine que le siège du roi s'y trouve également.

Or jamais la Bible ne dit que Sion abrite le palais de David. En fait, Sion est le nom de l'une des collines de Jérusalem (le mont Sion culmine à 765 m et est situé au sud-ouest de la vieille ville). Le mot "Sion" vient du mot hébreu "Sioun" qui désigne "le tombeau de l'homme de Dieu" (2 Rois 23:17), autrement dit le sanctuaire de Dieu ou sa résidence (Psaume 74). Par analogie il désigne le lieu ou réside le Dieu d'Israël. Aujourd'hui, le mont Sion abrite le légendaire "Tombeau de David" (non historique), un site aussi vénéré par les juifs que le Mur des Lamentations, le premier servant de site alternatif quand le site du Mur n'est pas accessible (cf. cette carte de Jérusalem).

Il est très diffficile d'effectuer des fouilles archéologiques à Jérusalem, en particulier sur le mont Sion et le mont du Temple (mont de Moriah) pour des raisons de sensibilités religieuses mais quelques missions ont pu être réalisées sur le mont du Temple, notamment en 1996, 1999 et 2004. A ce jour, on n'y a découvert que des artefacts sans relation évidentes avec le premier Temple ou le palais du roi David. Finalement, faute d'avoir un accès libre et permanent aux sites, les archéologues ont perdu tout espoir de trouver le palais du roi David à Jérusalem mais il est vraisemblable qu'il s'y trouvait.

Toutefois, certains archéologues ont abandonné l'idée de trouver le palais de David à Jérusalem et l'ont donc cherché ailleurs.

Vue aérienne en direction du sud des ruines monumentales mises à jour en 2013 à Khirbet Qeiyafa en Israël par les archéologues de l'Université Hébraïque et de l'Autorité des Antiquités Israéliennes. Après quelques débats, elles furent attribuées au roi païen Omri qui régna un siècle après le roi David. Document HUJI. Voir aussi la photo aérienne plus récente plus bas.

Relisons la Bible. On y apprend que la cité de Shaarayim (signifiant "les deux portes" en hébreu), surnommée la forteresse d'Elah, fut conquise par les fils de Juda (Josué 15:36, 1 Chroniques 4:31) peu après les cités de Socoh et Azéka évouées plus haut (Josué 15:35, 1 Samuel 17:1).

En 2008, les archéologues Saar Ganor et Yosef Garfinkel identifièrent la cité biblique de Shaarayim avec le Tel Khirbet Qeiyafa situé à 2 km de Socoh et à 28 km au sud-ouest de Jérusalem, dont on voit une photo aérienne à gauche prise en 2013. L'emplacement est correct car Tel Azéka est situé à moins de 1 km du village actuel de Zeharya. Il fallut ensuite déblayer les ruines et les dater.

Depuis les premières fouilles réalisées sur le site au XIXe siècle puis interrompues pendant près d'un siècle et oubliées, toutes les techniques archéologiques ont progressé, et notamment la datation au carbone-14 développée à partir des années 1950. En effet, là où l'incertitude atteignait 3% sur le Xe siècle soit plus d'un siècle et était sous-estimée voici quelques décennies, aujourd'hui grâce à une meilleure connaissance des effets correcteurs et des instruments plus sensibles, on parvient à dater les artefacts et les objets organiques de la même époque avec une précision atteignant 25 ans. Quand on cherche à valider la période de règne d'un roi, cette précision est très importante.

Après sept ans de fouilles, comme on le voit à droite, en 2013 les archéologues mirent à jour le gigantesque complexe fortifié qui couvre une superficie de 2.5 ha et de 700 m de circonférence. Par endroit les murailles sont constituées de pierres pesant jusqu'à 8 tonnes. Même en ruine, la forteresse reste impressionnante.

Selon le style des poteries en céramique découvertes sur le site et comparée à d'autres chronologies établies par Albright précité, les ruines datent du Xe siècle avant notre ère et correspondent au règne du roi David. Mais les dernières analyses au carbone-14 de diverses graines et fruits dont des olives découvertes dans les ruines indiquent un âge antérieur de 75 ans aux céramiques, plus précisement entre 920 et 900 avant notre ère. Il y a peu de différences, mais cela correspond non pas au règne du roi David mais au règne du roi Omri qui régna un demi-siècle plus tard sur le royaume d'Israël à la fin du IXe siècle (il vécut entre c.950 et 876 avant notre ère) et qui était adorateur du... dieu cananéen Baal !

La "Grande Structure en pierre" ou le "Millo" découvert par Eilat Mazar en 2005 au sud de la vieille ville de Jérusalem.

Selon Israel Finkelstein, la forteresse d'Elah fut détruite durant la seconde moitié du Xe siècle avant notre ère et n'a donc rien à voir avec l'émergence du royaume d'Israël. S'il ne s'agit donc pas du palais recherché, cette découverte nous prouve tout de même la puissance du roi Omri à cette époque. Cette information est très utile. Retenons là.

Entre-temps, en 2005 l'archéologue israélienne Eilat Mazar du Centre Shalem découvrit ce qu'on appelle la "grande structure en pierre" (Large Stone Structure ou Stepped-Stone Structure au sud de la vieille ville de Jérusalem présentée à gauche après restauration. Egalement appelée le "Millo" ou "Mur de Jebusite", avec ses colonnes et ses chambres, cela pouvait ressembler à un petit palais ou un temple en pierre avec une structure à degré. Les premiers relevés indiquaient que la structure remontait au X-XIe siècle avant notre ère.

En se basant sur les textes bibliques, selon Mazar il pouvait s'agir du palais de David. Mais selon Finkelstein, cette conclusion n'est que pure spéculation car rien ne prouve qu'il s'agit d'un palais, encore moins celui de David.

Plus récemment, après avoir déblayé et fouillé tout le "Millo", de nouvelles analyses ont montré que les murs de pierre remontent bien à 1000-1100 avant notre ère mais les différentes unités de la "Maison d'Ahiel" avec ses chambres et ses colonnes datent de 600 avant notre ère. A ce jour, aucun expert n'a contredit Finkelstein à propos de "Millo".

En conclusion, on cherche toujours le palais du roi David. A moins qu'ici aussi, il s'agisse d'une exagération voire d'un embellissement du récit biblique à des fins théologiques.

Le royaume de Juda

Malgré l'importance du roi David dans la Bible hébraïque, il existe peu de preuves archéologiques datant des premières années du royaume de Juda. Par conséquent certains chercheurs ont conclu que Juda n'est devenu un État développé qu'au IXe ou même au VIIIe siècle avant notre ère.

Cependant, dans un article publié dans le "Jerusalem Journal of Archaeology" en 2021, l'archéologue Yosef Garfinkel de l'Université Hébraïque réfute cette idée sur la base des découvertes archéologiques faites dans les contreforts de Judée, la région même où la Bible dit que le royaume du roi David est né.

Garfinkel et ses collègues ont examiné les découvertes archéologiques de quatre sites distincts dans les contreforts de Judée : Khirbet Qeiyafa, Khirbet el-Ra'i, Socoh et Lakish. Loin de montrer une région dépourvue de population, les preuves ont révélé l'existence d'un royaume, certes petit, mais en expansion rapide pendant la période IIA de l'Âge du Fer (vers 1000–925 avant notre ère). Garfinkel suggère que ce royaume s'est probablement développé à Hébron avant de s'étendre au nord pour inclure Jérusalem et Khirbet Qeiyafa (peut-être le Sha'araim biblique) à l'ouest. Peu de temps après, il s'est encore développé pour inclure Lakish dans la région montagneuse du sud-ouest, Beer Sheva dans le Néguev et plusieurs autres villes qui deviendront de grands centres administratifs au cours des derniers siècles de l'Âge du Fer (vers 925–586). Cette expansion reflète étroitement la description biblique du royaume du roi David commençant à Hébron et ne s'étendant que plus tard à Jérusalem, puis s'étendant encore sous le règne du roi Salomon.

A gauche, localisation des principales villes du royaume de Juda. Au centre, vue aérienne en direction du nord des ruines de la ville fortifiée de Khirbet Qeiyafa dont voici la reconstruction virtuelle. A droite, vue aérienne des ruines de Khirbet al-Ra'i avec les emplacements des zones de fouilles. Documents Y.Garfinkel et al. (2021).

Grâce à la datation au C14, les chercheurs ont pu dater la ville fortifiée de Khirbet Qeiyafa et le petit village de Khirbet el-Ra'i du début du Xe siècle. Après la destruction de Qeiyafa, la ville voisine de Beth-Shemesh est devenue le bastion prédominant de la région. Puis, à la fin du Xe siècle, sous le règne de Roboam, Lakish fut fortifiée comme mentionné dans la Bible (2 Chroniques 11:5-12). Les récentes fouilles de l'Université Hébraïque à Lakish ont mis au jour un mur d'enceinte massif de 3 mètre de large sur le versant nord du site, qu'ils ont daté du règne de Roboam (roi d'Israël vers -932, à la mort de son père Salomon, puis roi de Juda jusqu'en -915). Sur la base de ces découvertes, Garfinkel suggère qu'il existe probablement de nombreux autres sites dans les contreforts de Judée qui datent des premières années du royaume de Juda.

Selon Garfinkel, le manque antérieur de preuves archéologiques pour cette période peut être attribué au fait de ne pas avoir de données sur les couches de destruction excavées (cf. D.Namdara et al., 2011). Les couches de destruction servent en fait à préserver de nombreuses découvertes archéologiques qui auraient autrement été enlevées ou réutilisées par les habitants d'un site. Par conséquent, les périodes de conflit laissent souvent des signes beaucoup plus clairs dans les archives archéologiques. Cela se voit surtout vers la fin de l'Âge du Fer, où les couches de destruction laissées par les armées assyriennes et babyloniennes sont facilement identifiables dans de nombreux sites archéologiques.

Jérusalem

S'il y a royaume, il y a une capitale, et du temps de David c'était Jérusalem connue à l'époque sous le nom de Shalimu (signifiant probablement "la fondation de Shalem") : la "cité du grand roi" (Psaume 48:3) située autour de la colline située en face du mont des Oliviers.

Gravure réalisée par Louis-Joseph Mondhare en 1770 intitulée "Vue de Jérusalem" censée représenter la ville à l'époque de David et Salomon. Il s'agit d'un paysage imaginaire gravé sur une plaque de cuivre de 343x395 mm colorisée à la main. Notez l'inversion du titre par rapport à la légende. Document Bibliothèque Nationale d'Israël

"Shalimu" est mentionnée dans des textes Ougarit datant du XVIIIe siècle avant notre ère comme étant une divinité du crépuscule. Son nom est également cité dans la correspondance d'Amarna gravée dans des tablettes d'argile échangées entre les rois d'Égypte et les souverains des royaumes du Levant. En effet, dans une lettre datant du XVe siècle, l'un des rois locaux appelé Abdi-Cheba se plaint auprès du roi d'Égypte que son village est attaqué poar les Hapiru. Cette ville cananéenne se situait en territoire neutre, elle n'était pas militarisée ce qui explique la facilité avec laquelle le roi David la conquit.

Les archéologues ont voulu savoir quelle était la taille de Jérusalem au Xe siècle, à l'Âge du fer I. Pour cela, il fallut trouver et explorer le cimetière antique de Jérusalem.

Après avoir découvert des sépultures en dehors de la vieille ville qui délimitent clairement son périmètre extérieur à cette époque, les archéologues ont cherché d'autres ruines sous la vieille ville, sous les constructions actuelles à l'exception du mont du Temple difficile à explorer. Ils ont découvert toutes une série de soubassements constitués de roches parfois pesant plus d'une tonne datant du Xe siècle avant notre ère. L'ensemble des constructions s'étend sur environ 4 hectares soit 40000 m2 (les chiffres varient entre 3-6 ha). Par comparaison, à la même époque Ashkelon (Ascalon) s'étendait sur 50-60 ha et Eqron sur 20 ha.

Jérusalem correspond à la surface d'un cercle de 112 m de rayon et de 708 m de circonférence que l'on boucle à pied en 35 minutes. Une surface de 200 x 200 m de côté, telle était l'étendue de Jérusalem du temps de David soit la taille d'un modeste village de campagne qui ne devait pas abriter plus de quelques centaines de familles ou moins d'un millier de personnes. Nous sommes loin des prétentions bibliques ! Toutefois, du temps de David, Jérusalem est déjà fortifiée par une double muraille.

A partir des résulats de ces fouilles, le roi de David apparaît non pas comme un chef de guerre et un grand souverain mais plutôt comme le chef d'une petite tribu locale, certes influente dans la région, mais qui ne possédait certainement pas un royaume aussi vaste que le prétend la Bible. Toutefois, les preuves du carbone-14 trouvées dans les céréales et les fruits ne sont pas suffisantes pour invalider son titre du monarche.

Sur le plan démographique, selon les données archéologiques, on estime qu'en 850 avant notre ère, Jérusalem occupait 9 ha et rassemblait 2000 personnes soit l'étendue d'un petit village, pour un royaume de Juda comptant environ 35000 habitants, soit dix fois moins que celui d'Israël.

A gauche, provenant du Parc Archéologique de la Cité de David, ces fragments d'incrustations en ivoire ont été découverts dans une grande résidence somptueuse qui appartenait à un membre de l'élite de Jérusalem. Le bâtiment, initialement construit au VIIIe siècle avant notre ère, a probablement été détruit par les Babyloniens en 586 avant notre ère. Au centre, une plaque en ivoire ornée d'une fleur de lotus. A droite, l'emplacement probable des plaques en ivoire dans les divans-trônes. Des ivoires similaires ont été trouvés dans les capitales assyriennes de Nimrud et Dur-Sharrukin, ainsi qu'à Samarie, la capitale du royaume du Nord. Plus de 1500 fragments d'ivoire ont été découverts sur le site du parking Givati adjacent à la Cité de David. Chaque plaque mesure environ 5 cm x 5 cm et ~0.6 cm d'épaisseur. L'analyse des ivoires a révélé qu'ils furent fabriqués à partir de défenses d'éléphant. Bien que les éléphants aient parcouru Israël à l'époque préhistorique, ces ivoires n'étaient certainement pas produits localement. Ils furent probablement fabriqués par des artisans assyriens, puis apportés à Juda, peut-être comme cadeau d'un roi assyrien. Documents Eliyahu Yanai pour l'IAA et Shalom Kweller.

Vers 750 avant notre ère, Jérusalem couvrait 60 ha et rassemblait 12000 personnes. Après l'intégration du royaume du Nord à l'Empire assyrien, à partir de 736 avant notre ère, les immigrés juifs se réfugièrent dans le royaume de Juda et notamment dans la capitale qui vit sa population exploser. Sous le règne du roi Sédécias, vers 597 avant notre ère, l'armée de l'Empire néo-babylonien de Nabuchodonosor II envahit Jérusalem et tua 100000 habitants.

Le roi Salomon

Qu'en est-il du règne du roi Salomon, le fameux roi bâtisseur ? Selon la tradition, Salomon est le second fils de David et monta sur le trône à 12 ans. Une nuit, Yahvé lui apparut en rêve et dit :"Que veux-tu que je te donne ?" Salomon lui répondit : "Yahvé, je suis très jeune et ne sais comment gouverner. Donne-moi donc la sagesse nécessaire pour bien gouverner ton peuple." Sa réponse plut à Yahvé qui exhausa son voeu (1 Rois 5-14).

L'image du roi Salomon est enveloppée d'une aura similaire à celle d'un roi légendaire que l'on dit sage (cf. le jugement de Salomon) et tellement célèbre que même la reine de Saba lui rendit visite à Jérusalem (1 Rois 10:1-13). Mais qu'en est-il réellement ?

Pas plus que la reine de Saba dont on ne possède pratiquement aucune donnée historique mais on pense qu'elle serait originaire du Yémen, Salomon n'est cité que dans la bible hébraïque car l'archéologie n'a jamais découvert d'annales ou d'artefacts, pas même une stèle ou une poterie ou un texte étranger mentionnant son nom. C'est plutôt embarrassant pour l'authenticité de la Bible car le nom d'autres petits rois ayant régné sur Jérusalem (par exemple le roi Abdi-Heba) ou sur Sichem (le roi Labayu) sont mentionnés dans des tablettes d'Amarna.

A gauche, un manuscrit daté de ~1320 de notre ère illustrant un épisode de la vie du roi David se battant contre le géant Goliath (au-dessus) et du roi Salomon entouré de plusieurs femmes (en dessous), comportement qui selon la Bible aurait conduit à sa perte. A droite, localisation des "Mines du roi Salomon" au sud d'Israël, à Khirbat en-Nahas, entre Eilat et Pétra. Documents de la Collection Spencer, MS 002 et T.Lombry/Google Maps.

Comme pour le roi David, seule la Bible nous permet de fixer le règne du roi Salomon entre l'an 970 et 931 avant notre ère.

La datation des couches archéologiques dans la vieille ville de Jérusalem a également montré que la ville s'étendait toujours sur 3-6 ha à l'époque de Salomon, vers 950 avant notre ère. Ici non plus, les couches supérieures n'ont pas permis de découvrir les ruines plus récentes d'un palais royal, pas plus que du temple de Salomon cité dans le premier livre des Rois (1 Rois 7 et 8).

En conclusion, à l'époque du roi Salomon Jérusalem était toujours un modeste village avec la même superficie qu'à l'époque de David.

Le roi bâtisseur

Selon la Bible, Salomon était un grand roi bâtisseur : "Le roi Salomon leva des hommes de corvée dans tout Israël ; il y eut 30000 hommes de corvée. Il les envoya au Liban [...] Salomon eut aussi 70000 porteurs et 80000 carriers dans la montagne, sans compter les officiers des préfets qui dirigeaient ses travaux ; ceux-ci étaient 3300 et commandaient au peuple employé aux travaux" (1 Rois 5:27-30).

Grâce à l'argent récolté par son père, Salomon aurait notamment bâtit le premier temple de Jérusalem sur le mont Moriah (1 Rois 6-7, 2 Chroniques 3-5) au coeur de la (vieille) ville qui fut achevé au cours du Xe siècle avant notre ère.

Comme dans les textes a priori plus anciens, à l'époque du roi Salomon, on pouvait payer les matériaux, les chariots et les chevaux en shekels (1 Rois 10:29) mais d'après le contexte la transaction consistait en un troc contre des métaux précieux et non par le paiment d'une monnaie puisqu'elle ne sera inventée que trois siècles plus tard.

Si on en croit la Bible, le temple de Salomon aurait coûté une véritable fortune au roi David qui évoque l'investissement à Salomon : "j'ai pu mettre de côté pour la Maison de Yahvé cent mille talents d'or, un million de talents d'argent, tant de bronze et de fer qu'on ne peut les peser" (1 Chroniques 22:14). 

Que représente cette somme ? Sachant que 1 talent d'or vaut 12 talents d'argent et 1 talent d'argent est équivalent à 3000 shekels et pèse ~45 kg, au prix actuel de l'argent valant 470 €/kg, 1 talent d'argent valait 21150 € et 1 talent d'or valait 253800 €. La somme mise de côté par le roi David représenterait plus de 46 milliards d'euros ! (cf. aussi la valorisation psychologique des monnaies antiques).

Plan général supposé du temple de Salomon. Document Crossway Bibles adapté par l'auteur.

A moins d'une inflation de crise entre-temps, le roi David a sans doute un peu exagéré ou l'auteur est tombé sur un comptable bonimenteur car même de nos jours aucune construction n'atteint un tel montant. A titre de comparaison, la plus haute tour du monde de Burj Khalifa construite à Dubaï coûta 1.5 milliard d'euros et le complexe le plus cher est l'ensemble des bâtiments religieux de la Mecque en Arabie Saoudite estimé à 15 milliards de dollars en 2012. En fait, il est plus vraisemblable que le rédacteur des Chroniques ait proposé ce montant à la volée pour valoriser la valeur symbolique de la "Maison de Yahvé" qui valait évidemment "tout l'or du monde" (la Bible prétend que les murs du Temple étaient décorés d'or) et pour laquelle aucun investissement n'était trop cher.

A titre de comparaison, nous avons un autre exemple de nos jours avec la richesse du Saint-Siège (notamment ses trésors artistiques, sa centaine de bâtiments et sa banque) dont voici un bref descriptif du patrimoine et du budget qui s'ils seraient valorisés seraient tout aussi somptuaires.

En relisant le premier livre des Rois, on déduit que Salomon n'a pas construit le Temple mais a tout au mieux restauré et agrandit un édifice religieux existant à ciel ouvert qu'il transforma en temple fermé. En effet, si les premiers versets donnent les dimensions du Temple (1 Rois 6:2-3), les versets suivants ne parlent que de la construction d'une annexe autour du Temple et du débir, c'est-à-dire le sanctuaire ou saint des saints (1 Rois 6:5-7). De plus, selon le bibliste dominicain Adrian Schenker, professeur émérite de l'Université de Fribourg, le texte original du livre des Rois a été amendé car le texte grec de la Septante (qui soi-dit en passant a mal été traduit) contient une version différente et plus ancienne que celle du texte massorétique hébreu.

A quoi ressemblait le temple de Salomon ? L'aménagement du Temple présenté ci-dessus à gauche est décrit dans plusieurs versets de l'Ancien Testament (1 Chroniques 18:8 et 22:14, 1 Rois 7:15-26, etc.) et obéit à des règles strictes que l'on retrouvera plus tard dans d'autres sanctuaires judéens que ce soit en Palestine ou en Égypte (à Éléphantine).

Mais si le temple de Salomon a existé, les archéologues ne l'ont jamais découvert, pas plus que les autres édifices que Salomon aurait commandité. En fait, aucun ouvrage d'art ne date de son époque et il n'existe aucune annale relative à de tels travaux réalisés sous son règne.

Le temple de Ain Dara

Si rien n'atteste l'existence du temple de Salomon, sa description coïncide curieusement avec celle d'un autre temple cette fois-ci bien réel, découvert à Ain Dara, près de la frontière syrio-turque, à environ 67 km au nord-ouest d'Alep. En découvrant par hasard un lion monuental taillé dans la roche en 1954, les archéologues découvrirent les ruines d'un temple païen s'étendant sur environ 25 ha. Bien que les fouilles débutèrent en 1962, les ruines ne furent totalement excavées qu'après 1972 comme l'explique Ali Abu Assaf dans son livre "Der Tempel von Ain Dãrã" (1990).

Comme on le voit ci-dessous, l'édifice mesure environ 20x30m. Il fut bâti sur une plate-forme surélevée et comprend trois pièces en enfilade, un portique, une antichambre (ou pronaos) et le hall principal (naos ou cella) dont la partie postérieure est surélevée et abrite le sanctuaire. L'ensemble est entouré d'un couloir continu décoré de stèles rendant hommage à la divinité qui rejoint la cour d'entrée.

L'édifice fut construit en basalte et comprend de nombreuses stèles sur lesquelles figurent des hauts-reliefs représentant des lions, des sphinges, le dieu de la montagne et d'autres divinités. Près du portique figurent trois impressionnantes empreintes de pied mesurant environ 1m de longueur gravées dans la pierre dont une empreinte fut gravée sur le parvis qui conduit les croyants vers l'antichambre. Au fond de cette pièce se trouve un escalier sur le seuil duquel se trouve une quatrième empreinte de pied qui conduit à la salle ou hall principal.

A gauche, deux photos du temple de Ain Dara en Syrie. Selon l'OSDH, le site fut détruit à 60% lors des frappes de l'armée turque lors de la bataille d'Afrine le 26 janvier 2018. A droite, comparaison entre les plans du temple de Ain Data (à gauche, dont voici un plan plus précis) et le temple de Salomon (à droite) décrit dans l'Ancien Testament; la ressemblance est frappante. Documents anonymes (Above Top Secret) et plans adaptés par l'auteur.

Le plus étonnant est que le plan du temple de Salomon et sa décoration ressemblent de manière frappante au temple de Ain Dara comme on le voit ci-dessus. Le temple de Salomon qui, selon la Bible fut construit entre 967-959 avant notre ère fut également construit sur une immense plate-forme artificielle située sur le point culminant de la ville. Il mesure 23x40 m sans la cour et comprend également une cour pavée, un escalier monumental, un couloir périphérique et trois salles en enfilade, le portique (ou 'ulam), le hall principal (ou heilhal) et le sanctuaire (ou debir). La seule différence entre les deux édifices est l'inclusion de l'antichambre dans l'enceinte du temple de Ain Dara. Quant aux lions, les spécialistes les comparent aux chérubins du temple de Salomon.

Selon les archéologues, le site fut occupé entre l'époque chalcolithique (IVe millénaire avant notre ère) et l'occupation ottomane (1517-1917). L'édifice fut construit entre 1300-1000 avant notre ère pendant la période néo-hittite et fut un lieu de culte pendant 550 ans, jusqu'en 740 avant notre ère. Le temple était consacré au culte de la déesse Shaushka, la version Hourrite de la déesse mésopotamienne Ishtar ou Inanna (déesse de l'amour parmi d'autres attributs).

Sachant ce que nous a révélé l'archéologie, que peut-on déduire des descriptions bibliques relatives au roi Salomon ? En analysant les deux livres des Rois et ceux de Samuel, on constate que les descriptions de Salomon ne sont pas vraiment à son avantage. Ainsi la naissance de Salomon fruit de l'union de David avec la femme d'Urie est déjà mal vue par Yahvé (2 Samuel 11:26) et l'arrivée de Salomon au pouvoir est marquée par des intrigues et des meurtres (1 Rois 1-2), sans parler du fait que Salomon aimait beaucoup les femmes étrangères inclinant son coeur vers d'autres dieux (1 Rois 11:1-6).

Les archéologues biblistes ont d'abord cru que l'histoire de Salomon avait été écrite au Xe siècle, hypothèse fondée sur les ruines des cites antiques d'Hazor, Megiddo et Gézer sur lesquelles nous reviendrons page suivante. Mais de nouvelles analyses réalisées notamment par l'archéologue Israël Finkelstein et l'historien Niel Silberman, auteurs du livre "Les rois sacrés de la Bible" (2006, p167), montrèrent que les chapitres 3 à 11 du premier livre des Rois sont en fait des projections de l'Empire néo-assyrien sur Israël. Ces passages furent écrits vers le VIIe siècle avant notre ère afin de donner un passé glorieux à la nouvelle nation des Israélites. 

Cette histoire du soi-disant roi bâtisseur étant en totale contradiction avec le récit biblique, nous y reviendrons en détails lorsque nous aborderons la puissance du roi Omri car il s'avère que l'explication se trouve à son époque.

Les mines du roi Salomon

Il y a toutefois une bonne nouvelle. En 2008, une équipe d'archéologues dirigée par Erez Ben Yosef de l'Université de Tel-Aviv annonça dans la revue "PNAS" (cf. aussi le NGS) avoit daté avec précision les résidus de cuivre extraits des mythiques "Mines du roi Salomon" que la Bible situe à Ophir (1 Rois 9:28), au pays d'Edom, à 28 km du port de Ezion-Geber situé dans le Golfe d'Aqaba, sur la mer Rouge. Ces célèbres mines se situent dans le sud de la Jordanie à Khirbat en-Nahas, à 25 km au nord d'Eilat et à 78 km au sud-est de Pétra. Comme on le voit ci-dessous, le site se situe sur la face sud du mont Timna et est reconnaissable à ses monumentaux pilliers de grès rouge surnommés "les pilliers de Salomon" (Shlomo columns).

En 1969, l'archéologue Beno Rothenberg de l'University College de Londres y découvrit les ruines d'un petit temple dédié à la déesse égyptienne Hathor. Selon les dernières datations au carbone-14, ce temple remonte au XII-XIIIe siècle avant notre ère.

En 2008, l'archéologue Eilat Mazar découvrit sur le site la section d'un long mur de 70 m et haut de 6 m datant du Xe siècle ainsi que des jarres dont l'une portait sur l'anse l'inscription "Pour le Roi". L'archéologue Thomas Levy de l'Université de Californie à San Diego et son équipe découvrirent également d'importantes excavations, des buttes de scories et des résidus de fonderie comme on le voit ci-dessous à droite.

Les nouvelles datations au carbone-14 réalisées par le laboratoire de l'Université d'Oxford de noyaux de dattes et d'olives ainsi que d'ossements découverts sur la "Colline des esclaves" située à quelques centaines de mètres des "pilliers de Salomon" indiquent que l'activité du gisement de cuivre (et non pas de diamants comme le prétend la légende) était à son paroxysme il y a près de 3000 ans, au Xe siècle avant notre ère, et ne fut pas en activité avant la fin du XIIe siècle avant notre ère.

A consulter : Salomon's Pillars, Biblewalks

A gauche, les "pilliers de Salomon" sur la face sud du mont Timna dans le sud de la Jordanie à Khirbat en-Nahas, où les archéologues ont découvert un ancien temple égyptien du XII-XIIIe siècle, une jarre portant l'inscription "Pour le Roi" et surtout une mine de cuivre qui fut à l'apogée de son activité au Xe siècle. A droite, un résidu de fonderie. Documents T.Lombry et Thomas Levy et al. (2008).

Comme le précise la Bible, le cuivre (que certaines bibles ont traduit par "bronze") fut utilisé en grande quantité pour recouvrir les murs du temple de Jérusalem. Ces mines n'ont pas été exploitées par les Israélites mais par une tribu locale, probablement les Edomites, le peuple de la vallée d'Edom ("Edom" signifie "rouge" en hébreu) soumis au royaume de Juda après les conquêtes du roi David.

Cette découverte apporte un nouveau regard sur les paroles de Moïse qui disait : le "pays où il y a des pierres de fer et d'où tu extrairas, dans les montagnes, le cuivre" (Deutéronome 8:7-9) et authentifie par la même occasion les nombreux éléments en cuivre décrits dans le temple de Salomon.

L'éclatement du royaume de Salomon

Vers 931 avant notre ère, le royaume de Salomon éclate. Nous assistons au schisme entre le royaume d'Israël et le royaume de Juda. Les Israélites prirent Sichem pour capitale avant que Jéroboam ne choisisse Tirça. Par la suite le roi Omri fonda la ville de Samarie évoquée plus haut qui devint la capitale du royaume jusqu'à sa chute vers l'an 720 avant notre ère. On y reviendra. Le royaume de Juda constitué des tribus de Juda et de Benjamin s'installa sur les terres autour de Jérusalem et d'Hébron.

Rappelons que depuis le IIe millénaire avant notre ère, le sud du pays de Canaan jusqu'au nord de Jérusalem, c'est-à-dire le royaume de Juda alors gouverné par Abdi Khéba passa sous la domination de l'Empire égyptien sur lequel régnait le pharaon Akhénaton (~XIVe siècle avant notre ère). Cette influence égyptienne perdura en Judée jusqu'au IIIe siècle et le roi Ptolémée II. En effet, on a retrouvé un peu partout en Israël des objets en relation avec le culte ou les symboles égyptiens notamment au dieu solaire et au dieu de l'orage. Mais pendant toute cette période les rois du royaume de Juda ont essayé de préserver leur culture et leur religion monothéiste.

C'est également après la mort du roi Salomon que le pays de Canaan fut divisé en trois régions : la Galilée au nord avec ses collines et son lac de Kinneret ou mer de Galilée (lac de Tibériade), la Samarie au centre comprenant la plaine côtière et les Hautes Terres à l'est et la Judée au sud accolée à la mer de la Araba ou mer Morte. Au sud, le royaume d'Edom n'apparaîtra qu'au VIIIe siècle avant notre ère.

Si archéologiquement parlant rien n'atteste la puissance des royaumes de David et de Salomon, nous verrons dans le prochain article qu'une génération plus tard, un véritable royaume prospère et influant se développa dans le nord du pays, celui des Omrides.

A lire : La puissance du roi Omri

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