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La Bible face à la critique historique

Le Golgotha et la tombe de Jésus

Après le décès de Jésus, les quatre Évangélistes décrivent qu'en respect de la Loi juive, avec l'accord de Pilate, le corps de Jésus fut descendu de la croix avant la nuit et la Pâque et ensevelit dans une tombe proche au lieu-dit du Golgotha (le "lieu du crâne").

Selon Luc, c'est Joseph d'Arimathie (Joseph Ari Mattathias ben Annan), un "membre respecté du Conseil, homme droit et juste" (Luc 23:50-51), un membre du Sanhédrin, qui fut chargé par la famille de réclamer le corps de Jésus à Ponce Pilate afin de l'inhumer rapidement avant le sabbat conformément aux traditions.

A gauche, Jérusalem photographiée en décembre 2011 en direction de l'ouest et de la vieille ville depuis les tombes du cimetière juif installé sur le versant est du mont des Oliviers. Du temps de Jésus toute la région située hors-les-murs était sauvage (ou non constructible dans la zone de la Cité de David). Voici les principaux repères. A droite, vue dans le sens opposé vers le mont des Oliviers vu depuis le mur oriental du second Temple avec la vallée du Cédron à l'avant-plan, l'église de "Toutes les Nations" et le Jardin des Oliviers attenant. A l'arrière-plan, on reconnaît l'église orthodoxe russe Sainte-Marie-Madeleine avec ses bulbes dorés. Certains indices suggèrent que le flanc occidental du mont des Oliviers serait le lieu du Golgotha où le corps de Jésus fut enseveli avant d'être déposé dans le caveau familial qui pourrait être celui de Talpiot. Documents B.Lamon et D.R.

Historiquement, nous n'avons pas la certitude que Joseph d'Arimathie ait existé, raison pour laquelle certains biblistes pensent qu'il s'agit d'un personnage fictif créé par les premiers chrétiens et la Grande Église pour donner une fin un peu plus honorable à l'épisode du Golgotha. Mais ce n'est qu'une hypothèse tout aussi spéculative et, sauf preuve du contraire, la majorité des spécialistes acceptent par défaut et disons par convention l'historicité de Joseph d'Arimathie.

Si la question de Joseph est apparemment résolue depuis longtemps, la descente de croix de Jésus fait toujours débat.

Des funérailles honorables

Jésus a-t-il été inhumé ? Aussi étonnant que cela soi, la remise du corps de Jésus à sa famille a encore été débattue en ce XXIe siècle. De l'avis général, on sait que dans ses "Antiquités Judaïques", Flavius Josèphe confirme qu'effectivement les Romains faisaient des exceptions et notamment à l'occasion des fêtes juives (voir plus bas). De plus, les archéologues ont découvert les squelettes de trois condamnés à mort ayant été inhumés dont celui de Yehohanan ben Ha'Galqol évoqué précédemment qui fut crucifié et celui du roi hasmonéen Antigone II Mattathiah mort décapité par les Romains en 37 avant notre ère. Il est donc possible que Jésus ait pu être inhumé.

Toutefois, parmi les dizaines de milliers de personnes que les soldats romains ont crucifiées en Palestine, les archéologues n'avons découvert que trois squelettes inhumés. Cela suggère qu'à l'époque de Jésus, c'est l´État qui disposait des cadavres et ne les remettait donc pas à leur famille pour être ensevelis.

L'historien et bibliste John Crossan du groupe de travail Jesus Seminar du Westar Institute et auteur du livre "The Historical Jesus" (1993) et le bibliste Bart Ehrman auteur du livre "How Jesus Became God" (2014) ont soutenu que Jésus n'a pas eu de sépulture ni de funérailles du fait qu'il avait été crucifié. Les deux biblistes proposent en fait chacun la thèse d'un agnostique qui se demande si finalement les écrits apostoliques racontent la vérité ou ne sont qu'un tissu de contes enjolivés. Plus d'un spécialistes ont d'ailleurs critiqué leur méthode de travail.

Ceci dit, Crossan qui fut le premier a développer l'idée que Jésus n'a pas eu de sépulture part du fait que la plupart du temps soit le cadavre des criminels était laissé sur la croix et pourrissait sur place en proie aux charognards, soit s'il y avait un très grand nombre de crucifiés et peu de places pour dresser les croix, les soldats romains accéléraient leur mort en leur brisant les jambes ou en leur transperçant la poitrine. Après leur décès, les cadavres étaient retirés de la croix et déposés sans cérémonie dans un fosse peu profonde réservée aux criminels où ils restaient parfois plusieurs jours à l'air libre et étaient probablement dévorés par des loups et des oiseaux charognards. Les familles endeuillées n'avaient alors aucun moyen de savoir ce que le corps de leur proche était devenu ni même où il avait été déposé.

La descente de croix par Pierre Paul Rubens. Peinture sur bois de 421x311 cm réalisée vers 1612-1614 faisant partie d'un retable exposé dans la cathédrale Notre-Dame d’Anvers.

Bien que les Évangiles l'évoquent, rien n'atteste que l'État romain ait autorisé l'inhumation des criminels crucifiés sur la croix car le but de cette exécution volontairement choquante était justement de décourager les éventuels délinquants de passer à l'acte. De plus, d'après le compte-rendu de Flavius Josèphe ("Antiquités Judaïques", Livre I, XVIII.3), les généraux romains avaient la réputation d'être sévères, intransigeants et indifférents au sort des juifs. Quant à Ponce Pilate, on le dit sévère, rigoureux et il n'a jamais fait d'exception. Mais il n'a pas non plus provoqué les juifs inutilement sauf une seule fois à l'encontre des Samaritains et cela lui coûta son poste.

Plusieurs spécialistes du monde biblique de l'époque du second Temple et néotestamentaire ont critiqué la théorie de Crossan parmi lesquels Craig Evans, Jodi Magness, James Tabor et Daniel Wallace déjà cités. Selon Evans, la violence et l'intransigeance des Romains étaient d'actualité pendant la guerre des Juifs en 68-70 de notre ère mais certainement pas en temps normal et à l'occasion des fêtes juives. En effet, en général quand un envahisseur s'installe à demeure dans un pays, soit il décime toute la population soit il s'arrange pour entretenir des relations harmonieuses avec la population pour préserver la paix et tirer avantage du savoir-faire, du tissu économique et éventuellement de la culture des habitants de la région. 

Les généraux et les procurateurs romains n'ont jamais systématiquement réprimé la population juive à la première violation des lois car en tant qu'armée d'occupation cela risquait de provoquer des violences intempestives inutiles et de dégénérer. L'impopularité du procurateur ou même d'un général romain de province pouvait alors rapidement remonter jusqu'à Rome (sous dénonciation de juifs par exemple) qui a déjà décidé de destituer certains d'entre eux de leur fonction voire même de les exiler comme Ponce Pilate pour préserver la pax romana en province. S'opposer aux traditions juives n'aurait donc pas été à l'ordre du jour des Romains qui acceptèrent de contourner la loi, notamment à l'occasion des fêtes juives et surtout des rites funéraires, les plus sacrés d'entre tous et plus encore pour les juifs orthodoxes qui ont une lecture littérale de la Torah.

Ainsi on apprend par Flavius Josèphe que le général Titus (futur empereur) avait condamné à mort et fait crucifié trois de ses amis. Josèphe supplia le général qui dérogea à la règle et lui permit de les détacher de la croix pour les ensevelir. Il semble que cette pratique ait été commune.

Cette dérogation est confirmée dans les "Pandectes" (ou Digeste), un condensé du code civil romain rédigé en grec à la demande de l'empereur Justinien (527-565). Ce code comprend les oeuvres de près de 40 jurisconsultes romains allant de Quintus Mucius Scaevola (†~82) à Charisius (c.fin IIIe - début IVe siècle) et résulte de la consultation de quelque 1500 livres de droit rédigés au cours de ces trois siècles. Dans le Livre 48, on trouve un article stipulant : "Les corps des condamnés pour crime capital ne doivent pas être refusés à leurs parents ; [...] Aujourd'hui les corps de ceux qui sont punis ne reçoivent la sépulture, qu'autant que cela est demandé et accordé ; et quelquefois on le refuse, surtout pour le crime de lèse-majesté. Les corps même de ceux qui sont condamnés à être brûlés peuvent être redemandés, afin que leurs os et leurs cendres puissent être réunis par la sépulture" (Livre 48, XXIV.1). Cette loi va dans le sens de la décision de Titus et de Ponce Pilate.

Concrètement, et Crossan le reconnaît, personne ne sait exactement ce qu'il est advenu du corps de Jésus. Il a donc pu rester sur la croix pendant plusieurs jours et attirer les animaux charognards ou avoir été descendu de la croix le soir même et remis à sa famille. Mais l'archéologue Jodi Magness et le bibliste Craig Evans[1], spécialistes des coutumes juives antiques sont tous deux d'avis que par respect pour la Loi juive et d'autant plus en cette veille du sabbat et de la Pâque, les Romains ont effectivement autorisé la famille de Jésus à récupérer son corps avant la nuit afin qu'elle puisse rapidement l'ensevelir dans une tombe et lui donner des funérailles honorables. Pour les juifs c'était également une manière de respecter la tradition et d'éviter que la malédiction de Yahvé ne s'abatte sur eux (Deutéronome 21:22-23) en laissant des pendus la nuit sans sépulture, qui plus est face à 250000 pèlerins descendus dans la ville sainte pour fêter la Pâque.

L'hypothétique tombe de Jésus

Selon Matthieu, après le décès de Jésus, Joseph d'Arimathie mit "le corps dans le tombeau neuf qu'il s'était fait tailler dans le roc" (Matthieu 27:59-60). Ce texte sous-entend que Jésus fut inhumé dans la propre tombe de Joseph. Malheureusement c'est un ajout tardif car Luc ni aucun autre auteur apostolique n'y font allusion. Marc précise simplement que Joseph "[acheta] un linceul" et comme Luc, il termine en disant que le corps fut déposé "dans une tombe qui avait été taillée dans le roc" (Marc 15:46, Luc 23:53). On ne peut donc pas interpoler ce passage comme l'écrit Matthieu et conclure que Jésus fut enseveli dans la tombe de Joseph d'Arimathie. D'ailleurs, si cette tombe se trouvait près du lieu de la crucifixion, juste à l'extérieur des portes de la ville, elle n'aurait pas appartenu à Joseph.

Le tombeau de Jésus trouvé vide par Marie Madeleine et l'autre Marie. Document T.Lombry.

En fait, l'idée que cette tombe temporaire appartenait à Joseph fut probablement ajoutée par Matthieu pour des raisons théologiques. En effet, Matthieu décrit la scène comme il en a l'habitude comme une preuve de l'accomplissement de la prophétie. Matthieu croit que le texte du prophète Isaïe se réfère à Jésus car Isaïe avait annoncé que le Messie serait déposé dans "un sépulcre avec les impies et sa tombe est avec le riche" (Isaïe 53:9). Matthieu soutient également l'idée du "serviteur souffrant" dans d'autres versets (Matthieu 1:22, 2:15, 8:17, etc.).

Soulignons que l'Évangile de Pierre, un récit apocryphe rédigé au milieu du IIe siècle cite également la mise en tombe de Jésus. À la fin du 4e paragraphe l'auteur déclare à propos de la descente de croix de Jésus : "Et ils donnèrent son corps à Joseph pour qu'il l'ensevelît, puisqu'il avait vu tout le bien qu'il avait fait. Ayant pris le Seigneur, il le lava et l’enveloppa dans un linceul, et il l'introduisit dans son propre tombeau appelé jardin de Joseph". Mais vu les détails du récit, ce texte fut vraisemblablement écrit par un disciple chrétien d'origine grecque (peut-être d'Antioche) sinon antijuif du moins rancunier envers les juifs d'avoir condamné à mort Jésus. Cet auteur qui n'est évidemment pas l'apôtre Pierre s'est visiblement basé sur les textes apostoliques et voulait affirmer sa foi en relayant les premiers textes évangéliques. L'authenticité de son récit est donc très discutable.

Mais Jean ne dit pas du tout cela et évoque plutôt une tombe vide que la famille de Jésus utilisa précipitamment à cause de la Pâque : "il y avait un jardin, au lieu où il avait été crucifié, et, dans ce jardin, un tombeau neuf, dans lequel personne n'avait encore été mis. A cause de la "Préparation" des juifs, comme le tombeau était proche, c'est là qu'ils déposèrent Jésus" (Jean 19:41-42) puis roulèrent une grosse pierre devant l'entrée pour éviter l'accès aux prédateurs et aux rôdeurs. Et c'est au même endroit qu'au premier jour de la semaine, Marie-Madeleine trouva la pierre roulée sur le côté et le tombeau vide : le corps de Jésus avait disparu ! On y reviendra un peu plus bas.

Le Saint Suaire : un tissu de mensonges ?

Chacun a entendu parlé du Linceul ou Saint Suaire de Turin présenté ci-dessous. Il se caractérise par un drap de lin mesurant 4.42 x 1.13 m présentant l'image fantômatique curieusement imprimée en relief du corps d'un homme barbu blessé au torse, présentant des traces d'entailles dans la peau rappelant celles d'une flagellation et dont les mains sont croisées devant lui. Mentionné pour la première fois en 1357 par l'évêque de Troye qui interdit son ostension, du fait que l'image présente apparemment (?) certaines traces compatibles avec la crucifixion de Jésus, certains ont directement associé le linceul à celui que portait le Christ lorsqu'il fut mis en tombe. Des graphistes ont même essayé de reconstituer son visage (cf. cette photo).

Le linceul du Christ et sa version chrétienne sur laquelle descent le Saint Esprit. Documents T.Lombry.

Ce linceul apparaît pour la première fois non pas à l'époque de Jésus mais au Moyen-Âge, à Lirey, un village situé au sud de Troyes, en France, dans le fief du chevalier Geoffroy Ier de Charny, porte-oriflamme du roi de France Jean II le Bon. Le linceul fut exposé dans la collégiale de Lirey vers 1357 où il devint l'objet d'une ardente dévotion des pèlerins.

Mais déjà à cette époque, l'évêque de Troyes affirma détenir la preuve qu'il s'agissait de l'œuvre d'un peintre. Mais personne ne voulut l'entendre.

En 1429, à l'approche de la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons qui conduisit au siège de Troyes, le linceul fut emporté au château de Montfort, en Bourgogne. Ensuite, après avoir passé 60 ans en Champagne, en pleine guerre de Cent Ans (1337 à 1453), en 1453 le linceul fut cédé au duc Louis Ier de Savoie. Il fut ensuite transféré à Chambéry puis à Turin, au XVIe siècle.

Que nous apprend l'analyse du linceul de Turin ? Une première analyse des pollens trouvés sur le tissu montra qu'ils dataient du XVIe siècle mais les données n'étaient pas suffisamment pertinentes pour que la datation soit fiable.

En 1978, les experts du STURP (Shroud of Turin Research Project) analysèrent des échantillons du linceul de Turin et conclurent que ce dernier contient de la porphyrine, un pigment entrant dans la composition de l'hémoglobine. Ils ont également identifié de la bilirubine, un pigment biliaire, et des protéines, des éléments qui semblent confirmer la présence de sang sur le linceul.

Début 1990, un chercheur italien déclara avoir identifié le groupe sanguin AB dans les taches de sang du linceul de Turin. Sa conclusion fut appuyée par Lorenzo Garza Valdes, microbiologiste à l'Université du Texas qui affirma que "Le sang qui se trouve sur le suaire est de type AB, un groupe sanguin très rare actuellement, mais qui était fréquent chez les Juifs de Babylone et de Galilée il y a deux mille ans. Il appartient à un homme de 1.80 mètre et de 78 kilos".

Soulignons que certains chercheurs ont affirmé que le sang présent sur la tunique de Jésus conservée dans la Basilique de Saint-Denys d'Argenteuil depuis le IXe siècle serait également du groupe sanguin AB, de même que celui de la tunique de Jésus conservée dans la sacristie de la cathédrale d'Oviédo, en Espagne (mais qui n'a pas pu être datée car elle fut trop contaminée au cours des siècles).

Selon les résultats des analyses scientifiques de 1989 et 2002, le Saint Suaire de Turin aurait été fabriqué entre 1262 et 1384.

Toutefois ces conclusions furent critiquées. Walter C. McCrone, un chimiste organique qui travailla pour le STURP en 1978 et analysa 32 échantillons du linceul de Turin, constata qu'un certain nombre d'entre eux contenaient de l'oxyde de fer, de l'ocre rouge, un colorant utilisé depuis la préhistoire comme pigment de peinture. Il affirma également que l'empreinte et les taches sur le linceul étaient trop rouges pour être du vrai sang. Et de fait, les traces rouges contiennent des colorants naturels comme du vermillon et du rose de garance mélangés dans une solution de collagène et de blanc de boeuf, un liant utilisé au Moyen-Âge. Il estima que l'empreinte fut réalisée par détrempe d'un tissu sur un corps masculin auquel on fit subir les mêmes blessures qu'à Jésus.

Ensuite, sur base d'une analyse par spectrométrie de masse d'un petit échantillon du tissu, trois laboratoires indépendants ont démontré en 1989 puis en 2011 (sur base d'une restauration réalisée en 2002, cf. aussi l'article de "Science & Avenir" publié en 2015) que le tissu de lin ne datait pas de l'époque du Christ mais fut probablement fabriqué au Moyen-Âge, entre 1262 et 1312 ou 1353 et 1384 (95% de confiance). Bien entendu, ces résultats furent critiqués par certains experts qui auraient sans doute préféré que la date coïncide avec la crucifixion du Christ...

En 2017, Philippe Boxho, directeur de l'Institut médico-légal de l'Université de Liège se prononça sur le Saint Suaire de Turin (cf. le reportage de RTL-TVI du 10 avril 2017), mais étrangement sans l'avoir analysé concrètement et uniquement sur base de photos, bref de la science en chambre ! Il déclara que ce linceul aurait enveloppé le corps du Christ après sa mort. C'est une véritable "scène de crime" dit-il dont les traces correspondent aux sévices infligés à Jésus. Evitons de commenter ses conclusions hasardeuses et peu scientifiques. En résumé, monsieur Boxho ferait mieux de se cantonner à son métier au risque de passer pour un farfelu. Comme quoi on peut être prof d'unif et ne pas suivre la méthode scientifique ni avoir de sens critique !

Gros-plan sur la reconstruction en trois dimensions du cadavre du Saint Suaire réalisée par l'équipe de Giulio Fanti de l'Université de Padoue en collaboration avec l'Hôpital de Padoue en 2018. Voici la vue générale. Notons que ce visage est de type caucasien... Il ressemble à celui de l'acteur Willem Dafoe dans "La Dernière Tentation du Christ" de Martin Scorses (1988). Il n'a rien de sémite. Pas étonnant, puisque le linceul serait l'oeuvre d'un faussaire européen du Moyen-Âge !

Le 30 juin 2017, l'équipe dirigée par Elvio Carlino de l’Institut de cristallographie (IC-CNR) de Bari en Italie en collaboration avec le Bureau des Matériaux (IOM-CNR) de Trieste et le département d'ingénierie industrielle de l'Université de Padoue publièrent les résultats d'une nouvelle étude dans la revue "PLOS One" dans laquelle les chercheurs apportent de nouvelles données biologiques sur le Saint Suaire à partir d'études de résolution atomique effectuées sur un échantillon du tissu.

En résumé les chercheurs affirment que le Saint Suaire comporte du véritable sang humain, le sang d'un homme mort portant les traces de polytraumatismes et ayant terriblement souffert.

Selon Carlino, "nous avons réalisé des expériences sur les zones de la fibre éloignée des croûtes rouges visibles au microscope optique. Nous avons fait une étude de résolution atomique sur la fibre en vue d’étudier les nanoparticules organiques [...]. L’étude montre que la fibre est entièrement recouverte de nanoparticules de créatinine de 20 à 100 nm dans lesquelles sont incluses des petites nanoparticules de 2 à 6 nm composées de ferrihydrite, typique des noyaux de ferritine biologique."

Concernant les taches a priori de sang, selon Giulio Fanti de l'Université de Padoue, les analyses démontrent que "la structure, la dimension et la distribution particulières des nanoparticules ne peuvent être des artefacts ajoutés au fil des siècles sur le tissu du Linceul. Les nombreuses reconstructions fantaisistes affirmant que le Linceul de Turin est un objet peint se trouvent une nouvelle fois démenties." Et de souligner que "La présence importante de particules de créatinine rattachées à des particules de ferrihydrite ne correspondent pas à la configuration typique du sérum sanguin d’un organisme humain en bonne santé. Au contraire, le taux élevé de créatinine de ferritine est observable chez les patients ayant subi un polytraumatisme important, telle la torture. Par conséquent, la présence de ces nanoparticules biologiques constatées lors de nos expériences témoigne de la mort violente de l’homme enveloppé dans le Linceul de Turin."

Retenons également que dans leurs conclusions, les auteurs ne citent jamais le nom de Jésus de Nazareth et ne proposent aucune datation du linceul.

En résumé, comme dans le cas de la tunique de Jésus ou les reliques de la couronne d'épines décrits précédemment (cf. la condamnation à mort de Jésus), tout indique que le linceul de Turin aurait été fabriqué au Moyen-Âge, une époque bien connue où des faussaires talentueux fabriquèrent de nombreuses reliques en tout genre pour la plus grande joie de l'Eglise et des paroisses.

Aujourd'hui l'Église catholique considère que le Saint Suaire est une icône, et non une relique, qui peut être vénérée comme telle. Mais malgré les résultats scientifiques sans appel, en mai 2010 le pape Benoît XVI s'est recueilli devant le Suaire de Turin (cf. cette vidéo), sous-entendant qu'il représentait plus qu'une simple image. Mais pouvait-on attendre une autre réaction d'un pape très conservateur qui a lui-même validé cinq miracles et qui fut très critiqué durant son ministère ?

Quoiqu'il en soit, en 2015 le site du Saint Suaire publia un commentaire stipulant que tous les prélèvements sont à présent "placés sous scellé, à la totale et exclusive disposition et discrétion du Saint-Siège". Autrement dit, les précédentes analyses ayant été faites dans des conditions contrôlées et validée par le Saint-Siège, il est peu probable que la curie romaine accepte une nouvelle contre-analyse. Mais le débat ne sera jamais clos tant que les scientifiques ne connaissent pas le procédé par lequel l'image fut imprimée sur le tissu.

A propos de la Tombe du Linceul

Schéma de la Tombe du Linceul à Akeldama, à Jérusalem. Document James Tabor.

Si le Linceul de Turin est une contrefaçon très réussie, les scientifiques ont découvert un véritable linceul datant du Ier siècle de notre ère contenant encore quelques traces d'ADN. Il s'agit de la "Tombe du Linceul" découverte à Akeldama, à Jérusalem, en 2000. Plus intéressant, des traces d'ADN mitochondrial relevées sur deux individus trouvés dans la tombe présentent certains similitudes avec celles de deux individus trouvés dans deux ossuaires de la tombe de Talpiot (celle de la famille de Jésus), celui de Jésus (Yeshia) et de Mariamene.

Les résultats des analyses moléculaires de la Tombe du Linceul furent publiés en 2009 par Carney D. Matheson et ses collègues dans la revue "PLOS One". Notons que Douglas Donahue qui testa le Linceul de Turin faisait également partie de l'équipe d'experts qui procéda à la datation au carbone-14 à l'Université d'Arizona.

Les analyses des échantillons ostéologiques ont révélé que le linceul découvert dans un loculus (une cavité mortuaire) scellé en plâtre appartenait à un homme qui souffrait de tuberculose et de lèpre. Plus fascinant encore, le temps a préservé quelques cheveux de cet homme juif. Ils étaient déliés et coupés symétriquement, le signe d'une bonne hygiène et d'une bonne toilette. Leur longueur était courte, variant entre 7-10 cm et étaient de couleur roux.

Notons qu'en 2017 James Tabor publia un article de vulgarisation décrivant sommairement le contexte et le contenu de la Tombe du Linceul.

L'église du Saint-Sépulcre

En supposant que les faits relatés par Marc, Luc et Jean sont authentiques, le tombeau dans lequel Joseph d'Arimathie mis en hâte le cadavre de Jésus était vraisemblablement situé dans la plaine ou le jardin proche du lieu de la crucifixion. C'était une nouvelle tombe qui n'appartenait pas à Joseph mais qu'il utilisa temporairement dans une situation d'urgence en raison du Seder de la Pâque, simple parce qu'elle était à proximité comme le précise Jean. On s'attendrait donc à ce que le corps de Jésus soit déplacé le lendemain soir, juste après la fin du sabbat, afin que les rites funéraires puissent être convenablement terminés. Malheureusement, il est difficile de valider ces faits car Marc ne mentionne pas ces détails.

Aujourd'hui, à cet endroit qui est censé abriter le Golgotha et la tombe de Jésus fut érigée l'église du Saint-Sépulcre (cf. cette photo de l'intérieur prise lors de la cérémonie du "Saint-Feu" le 11 avril 2015), un lieu saint vénéré par les catholiques, les orthodoxes, les coptes et les arméniens. Il s'agit en fait d'un complexe religieux car depuis sa fondation, le lieu a subi de nombreuses transformations.

Extraits du "De Locis Sanctis" (Au sujet des Lieux Saints) de l'abbé Adamnan rédigé en 670 de notre ère présentant les plans schématiques de l'église du Saint-Sépulcre (dont voici une photo de l'intérieur) tels que lui décrivit l'évêque gaulois Arculfe.

Les bâtiments se situent près de la muraille nord-ouest de Jérusalem où aboutit la Via Doloresa à la "XIVe station" du chemin de croix que parcourut Jésus.

Entre 150 et 330, le lieu était occupé par un temple romain à colonnades placé au centre d'une cour entourée d'un péristyle. Le premir dôme fut construit sous l'empereur Constantin vers 330 tandis que l'Église byzantine fut détruite par les Perses en 614. Les Croisés ont ensuite reconstruit au même endroit l'église chrétienne (le cloché au toit orange) vers l'an 1100. Les bâtiments furent restaurés au milieu du XXe siècle, travail qui dura 30 ans en raison des conflits et négociations entre les communautés religieuses. Les travaux furent achevés en 2009. Notez que l'échelle placée sur la façade portant les deux vitraux de l'église Croisé s'y trouve au moins depuis 1860 et les rivalités entre communautés.

A gauche, vue générale de l'église du Saint-Sépulcre (les deux dôme gris) après sa restauration achevée en 2009 (voici l'aspect des bâtiments avant 2009). A droite, schéma des bâtiments lorsque l'empereur Contantin décida de remplacer le temple originel par un dôme et d'intégrer le péristyle dans un bâtiment couvert.

Comme on le voit ci-dessous, dès qu'on franchit le porche de l'église du Saint-Sépulcre, on découvre une pierre de marbre, la "Pierre de l'onction" sur laquelle selon la tradition Joseph d'Arimathie aurait enveloppé le corps de Jésus. Au sous-sol, l'église contient également deux cavités sépulcrales (kokhim) antiques creusées à même la roche dans lesquelles auraient été déposés les corps de Nicodème et de Joseph d’Arimathie.

Selon un article publié en 2017 par la National Geographic Society, une nouvelle analyse du mortier prélevé entre la surface calcaire originale de la tombe et la plaque de marbre qui la recouvre le date d'environ 345 de notre ère, c'est-à-dire de l'époque de l'empereur Constantin. Selon les récits historiques, le tombeau fut découvert par les Romains et enchâssé autour de l'an 326. Or jusqu'à présent, les seules preuves architecturales trouvées dans et autour du complexe de la tombe dataient le site de la période des Croisés, c'est-à-dire d'à peine 1000 ans.

Sur le plan historique, rien n'atteste l'authenticité du Golgotha sur le lieu du Saint-Sépulcre. En revanche, une chose est sûre. Les recherches archéologiques conduites dans les années 1960-1980 par le père Bellarmino Bagatti ont confirmé la réalité des crucifixions sur la colline du site actuel de l'église du Saint-Sépulcre. On a également découvert sur place une carrière de pierre qui fut utilisée du temps des rois de Juda (VIIe siècle avant notre ère) avant d'être abandonnée et de servir de nécropole et de tombeaux.

A voir : L'histoire du Saint-Sépulcre - L’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem

L'église du Saint-Sépulcre, Custodie

A gauche et au centre, gros-plans sur la Pierre de l'onction à l'entrée de l'église du Saint-Sépulcre sur laquelle selon la tradition le corps de Jésus fut lavé et parfumé avant d'être porté au tombeau. A droite, les deux cavités sépulcrales (kokhim) situées sous l'église du Saint-Sépulcre de Jérusalem dans lesquelles auraient été déposés les corps de Nicodème et de Joseph d’Arimathie. Documents Wingo, anonymes et BAS.

Toutefois, pour les protestants, les crucifixions auraient eu lieu sur une autre butte de pierre également appelée Golgotha, située au nord de la porte de Damas, à l'extérieur de la vieille ville. A cet endroit, comme on le voit ci-dessous, à quelques dizaines de mètres de la butte se trouve un massif de pierre blanche à l'aspect tourmenté dont les cavités forment deux orbites rappelant ceux d'un crâne, d'où son sunom. Ce lieu appelé le "Jardin de la Tombe" ou "Mont Calvaire" est vénéré par les protestants qui ont préféré ce lieu saint qui abrite également selon la tradition un caveau appartenant à Joseph d'Arimathie.

Où se situe le véritable Golgotha biblique ? L'existence de deux "lieux du crâne" signifie qu'au moins l'un des deux est faux et si les protestants ne reconnaissent pas celui des autres confessions, on peut en déduire que le premier lieu est peut-être également faux ! En fait, avec le temps nous avons perdu le lieu exact du Golgotha. En effet sur le plan archéologique aucun des deux lieux saints chrétiens ne correspond au récit biblique. La tombe du site protestant du "Jardin de la Tombe" (voir page suivante) remonte au Ve siècle avant notre ère et ne ressemble en rien à un "tombeau neuf taillé dans le roc".

A voir : La Palestine photographiée par Gordon Calgary entre 1898-1939

Deux photos du "Jardin de la Tombe" de Jérusalem ou mont du Calvaire prises entre 1934-39 (gauche) par Gordon Calvary et en 2014 (droite). Ce lieu situé au nord de la vieille ville (et aujourd'hui entouré de bâtiments et d'un parking) serait le fameux Golgotha ou "lieu du crâne" selon les chrétiens protestants. Il est caractérisé par ses pierres blanches dont un rocher aux orbites caverneux rappelant ceux d'un crâne (en dessous à droite du centre).

Quant au site du Saint-Sépulcre, il fut seulement choisi au IVe siècle de notre ère. On en déduit qu'auparavant le lieu était soit inconnu soit banalisé par les chrétiens et donc sans rapport avec le lieu de la crucifixion du Christ. De plus, étant situé près d'une ancienne carrière, ce n'est pas le lieu paisible que l'on choisirait pour y placer des tombes.

Enfin, le site choisi n'est pas un jardin comme le précise Jean mais le lieu d'un ancien temple romain. En effet, après la révolte des Juifs de l'an 70, en 135 l'empereur Hadrien fit raser le site et nivella le terrrain puis éleva un forum sur l'emplacement de la tombe du Christ (dont on prétend qu'il existe des ruines dans les soubassements de l'église du Saint-Sépulcre). Hadrien y fit bâtir un temple appelé "Aelia Capitolina" dédié à la triade Capitoline, c'est-à-dire aux divinités Jupiter, Junon et Minerve. Une statue de Vénus fut érigée à l'emplacement prétendu du calvaire et une statue de Jupiter à l'emplacement prétendu du lieu de la résurrection du Christ. On comprendra que suite à ces chantiers, il ne reste rien du site datant de l'époque du Christ et aucune trace de la croix du Christ. 

A gauche, le prétendu "Tombeau de Jésus" datant du Ier siècle découvert à Emek Yizrael, près de Nazareth, lors de la construction d'une route (non visible à l'avant-plan, cf. cette photo) vers Megiddo. On reconnaît la fameuse pierre de meule roulée pesant plus de 1.5 tonne utilisée à cette époque pour empêcher l'accès aux prédateurs et signifier que la tombe était occupée. Il existe une reproduction de cette tombe à proximité. Selon les experts, ce n'est pas le tombeau de Jésus. Notons qu'il en existe d'autres dont la fameuse tombe de Talpiot bien plus convaincante. A droite, une autre tombe antique découverte à Nazareth. Document D.R. et Rachel's Ruminations.

Selon les dernières analyses, la tombe choisie par l'impératrice Hélène (c.247-c.330, la même qui choisit le Puits de Marie à Nazareth), sur la bonne foi d'un fidèle est en fait celle de Jean Hyrcan, un souverain Hasmonéen ayant vécu au IIe siècle avant notre ère que Flavius Josèphe cite plusieurs fois. Les reliques trouvées par Hélène n'ont donc aucun rapport avec le Christ et viennent juste attirer des pèlerins crédules qui viennent se faire abuser par le miroir aux alouettes du folklore religieux.

En revanche, selon l'archéologue James Tabor déjà cité, il est possible que le véritable Golgotha fut situé sur le mont des Oliviers si on suit les indices de l'Épître aux Hébreux. Dans cette lettre adressée aux Nazôréens, l'auteur ecclésiaste précise que Jésus "a souffert hors de la porte [...] Pour aller à lui sortons en dehors du camp" (Hébreux 13:12-13). Ce n'est pas une simple indication géographique ni une parabole mais une expression technique de l'époque où la Loi juive imposait que les criminels condamnés ainsi que les corps des brûlés ou des crucifiés soient portés hors des murailles de la ville, hors du camp, qui correspondait à une distance d'au moins 2000 coudées depuis le sanctuaire du Temple, soit environ 900 mètres de distance. La seule colline située dans ce rayon est le mont des Oliviers qui domine le Temple à l'est de la ville.

D'autres indices viennent appuyer cette théorie. Le texte chrétien de "l'Évangile de Nicodème" également appelé des "Actes de Pilate" datant du IVe siècle[2], précise que Jésus fut crucifié non loin de son arrestation (dans le Jardin de Gethsémani), sur le flanc du mont des Oliviers. Dans la version hébraïque de l'Évangile selon Matthieu, le Golgotha est décrit comme une montagne ou une colline. Cette caractéristique est également mentionnée dans le récit du pèlerin appelé l'"Anonyme de Bordeau" rédigé en l'an 333 qui évoque un "monticule" à cet endroit. Or le seul endroit élevé présentant un sommet bombé situé à cette distance du Temple est le mont des Oliviers.

A gauche, les tombes de Benei Hezir (à gauche, un membre de la garde sacerdotale du Temple) et de Zacharie (à droite, le fils du grand-prêtre Yéhoyadah) taillées dans la roche sur le versant est du mont des Oliviers, à hauteur de la vallée du Cédron. Elles datent de la fin du IIe ou du début du Ier siècle avant notre ère. Elles sont typiques des tombes des notables juifs. Au centre, une tombe sur le mont des Oliviers. Une nouvelle tombe similaire a pu servir de tombeau temporaire à Jésus. A droite, intérieur d'une tombe juive antique (avec sa pierre ronde fermant l'entrée non visible) à Khirbet Midras, à l'est de la route qui va d'Azekah à Bet Guvrin. L'endroit se trouve dans la région de Nahal Soreq, au sud-ouest de Jérusalem. Documents D.R., Popular Archaeology et Bible Places.

Enfin, et c'est sans doute l'indice qui permet de consolider tous les autres, à l'époque de Jésus, tout le flanc occidental du mont des Oliviers était couvert de jardins, de vergers et de tombes. Cet endroit correspondrait donc mieux à la tombe temporaire décrite dans la Bible tout en confirmant les témoignages des chrétiens évoquant à la fois la distance et la forme de la colline.

En conclusion, aujourd'hui nous ignorons toujours où se trouve la tombe de Jésus ou plus exactement celle de sa famille qui devrait selon la coutume contenir les ossuaires de toute la lignée de Joseph, Marie et probablement Alphée, le frère de Joseph, sur une ou plusieurs générations. Nous avons bien découvert la fameuse tombe de Talpiot, mais la plupart des spécialistes doutent qu'il s'agit de la tombe de la famille de Jésus de Nazareth. On y reviendra en détails.

La Vraie Croix

Selon la tradition chrétienne, la vraie croix du Christ aurait été retrouvée miraculeusement sur le site du Golgotha en 326 par Hélène, mère de l'empereur Constantin Ier. Selon la légende, à l'occasion des travaux pour l'édification de l'église du Saint-Sépulcre, trois croix (comme par hasard celle du Christ et des deux larrons) avaient été découvertes sur le rocher. La vrai croix du Christ ayant le pouvoir de guérir les malades, Hélène proposa qu'elle soit identifiée par une personne malade ou mourante (il existe plusieurs versions). On prétend qu'en touchant la "Vraie Croix" la personne mourante fut guérie, se leva aussitôt et loua Dieu. Depuis cette époque, l'Église qui protège le rocher sur lequel fut a priori érigée la croix du Christ et la tombe du Christ est vénérée comme un lieu saint. On reviendra sur l'église du Saint-Sépulcre à propos de la célébration du miracle du Feu sacré.

Le "Titulus crucis" ou fragment de l'écriteau fixé sur la croix du Christ vénéré dans la basilique Ste-Croix-de-Jérusalem à Rome. Voici une vue générale du reliquaire. Il daterait du 1er siècle selon l'analyse de Michael Heseman.

Selon la tradition, la croix du Christ aurait été divisée en plusieurs fragments qui furent placés dans des reliquaires. Comme on le voit à gauche, un fragment de l'écriteau ou "Titulus crucis" fixé sur la Vraie Croix fut ramené à Rome par l'impératrice Hélène en 329. Il est aujourd'hui vénéré dans un reliquaire présenté dans la basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem bâtie à Rome au IVe siècle.

Selon des analyses paléographiques réalisées en 1997 par l'historien allemand Michael Hesemann, le morceau de bois gravé mesure 25x14x2.6 cm et pèse 687 g. Il daterait du Ier siècle de notre ère, tout comme le style d'écriture latine.

Ce fragment comprend une inscription partielle gravée sur trois lignes. La première est écrite en hébreu, la seconde en grec et la troisième en latin. Les deuxième et troisième lignes, les plus visibles, sont écrites à l'envers à l'image du hébreu : "z´nh BSUNERAZA(H)N.SI RSUNIRAZAN" qui signifie "I. NAZARINUS RE" (J.de Nazareth Roi). On retrouve une partie des mots cités dans l'Évangile selon Jean "Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum", c'est-à-dire "Jésus de Nazareth Roi des Juifs" (Jean 19:19).

Selon les experts, les lettres figurant sur la première ligne sont les caractères hébreu Heh (ה ou H), Nun (ן ou N) et Tzadi (ץ ou Ts, sh) qui pourraient correspondre à l'abréviation "HN'Z" (H'Naser..., de Nazar...) dans la phrase "(YSU´) HN´Z(RY MLK HYHUDIM)". Sachant qu'en hébreu les voyelles ne sont pas transcrites, la phrase serait "(Yeshu) H´Noz(ery Melek H´Yehudim)", ce qui signifie "(Jésus) le Nazar(éen Roi des Juifs)" mais ce n'est qu'une hypothèse puisque toute la partie entre parenthèse est manquante. Mais en recoupant ces mots avec ceux des Évangiles, on en déduit qu'il pourrait bien s'agir de l'écriteau de la croix de Jésus de Nazareth.

Tout ceci reste néamoins au conditionnel puisque nous ne possédons aucune archive décrivant les conditions de la découverte de cet écriteau et aucun historien antique ni aucune annale historique n'évoque la préservation de la croix du Christ ou de son écriteau. De toute évidence, vu les circonstances, la croix fut perdue ou détruite avant ou juste après la révolte des Juifs car si elle existait encore entre le Ier et le IIe siècle, les historiens chrétiens en auraient vraisemblablement parlé. Mais à défaut de certitude, le doute bénéficie aux croyants. En revanche, pour les scientifiques son intérêt est tout relatif puisque l'objet est sorti de son contexte.

Le trafic des reliques

Après les reliques de la tunique de Jésus et les reliques de la couronne d'épines, les deux linceuls décrits plus haut, il faut ajouter les reliques de la sainte Croix dont plusieurs paroisses revendiquent l'authenticité (sans parler des reliques des apôtres et des saints).

Que faut-il penser de ces reliques ? Nous avons expliqué qu'aucune "relique" n'a résisté au crible de l'analyse scientifique; les experts sont certains à 95% sinon davantage que tous ces objets sont des contrefaçons fabriquées au Moyen-Âge. 

Quant au soi-disant saint Prépuce également appelé la sainte Vertu, il semble que Jésus ait été circoncis plusieurs fois car on recense... 14 saint Précuce !

Rappelons que le Moyen-Âge est connu pour son trafic de contrefaçons de reliques en tout genre des accessoires de la passion de Jésus voire de sains (squelette d'un doigt, un crâne, du sang, une tunique, une couronne d'épines, une lance, un fragment de la croix, un voile, une bague, le Mandylion, le Saint Graal, etc).

C'était un commerce florissant car le faussaire habile pouvait transformer un simple bout de bois, un morceau de métal ou un tissu sans valeur, les os ou les dents d'un mort anonyme en une relique sans prix que s'empressèrent d'acquérir à vil prix les monastères, les églises et des nobles crédules. Une paroisse sans attrait touristique revendiquant détenir une relique sacrée était assurée d'attirer des milliers de pèlerins et de se faire beaucoup d'argent sur le dos des croyants naïfs.

Paradoxalement, si Rome interdisait le commerce des reliques, elle acceptait volontier le culte des reliques tout en sachant que la plupart d'entre elles étaient probablement fausses. Comme l'aurait dit Machiavel, si on veut défendre la foi, il faut être efficace et donc seul l'objectif compte.

Depuis 2000 ans, cette pratique mercantile que dénonca Jésus a toujours cours dans les lieux saints et les sites de pèlerinage où la crédulité des pèlerins remplit toujours les caisses des commerçants et des paroisses qui ont flairé le bon client !

Seule règle, le 16 décembre 2017 le Saint-Siège publia une nouvelle instruction de la Congrégation pour la Cause des Saints, l'une des neuf congrégations qui composent la Curie romaine qui régule l'authenticité et la conservation des saintes reliques. Le dicastère souligna notamment la nécessité d'un culte digne, ainsi que l'interdiction du commerce et de la vente de reliques. Mgr Robert Sarno, membre de cette Congrégation précisa à cet effet : "Le trafic de reliques, leur commerce et leur vente, notamment sur e-Bay ou dans des magasins d'antiquités, sont absolument prohibés". Déjà en 2001 et en 2007 la Congrétation s'était inquiétée des dérives du culte parfois excessif des reliques.

Sauf preuve irréfutable, on comprendra que de nos jours la Curie romaine ne se prononce plus sur l'authenticité des reliques qui appartiennent désormais à l'histoire du christianisme, au risque de passer un peu plus pour naïve et crédule. Mais ne l'est-elle déjà pas ?

Pourquoi Jésus est-il mort ?

La réponse dépend autant des auteurs apostoliques et donc du crédit qu'on leur accorde que des convictions personnelles du lecteur. En effet, si une nouvelle fois nous faisons une lecture parallèle des Évangiles sur ce sujet, on constate qu'il y a de nouveau des contradictions à propos de la justification de la mort de Jésus. C'est un comble sachant qu'il s'agit de l'évènement-clé du ministère de Jésus sur lequel les Évangélistes devraient au moins parler d'une seule voix !

Divergence d'opinion entre les Évangélistes

Selon Marc, Jésus est mort pour l'expiation (le rachat) de nos péchés (Marc 10:46) alors que selon Luc la mort de Jésus est une manière de nous convaincre de nous repentir pour être pardonnés (Actes 2:36-38; 3:17-19). Pour Marc, Jésus rachète nos péchés pour nous permettre d'accéder au royaume de Dieu alors que pour Luc, Jésus nous pardonne si on se tourne vers Dieu mais à condition de soi-même pardonner aux autres. Dans le premier cas, Jésus "paie" pour nos fautes alors que dans le second cas, nos péchés sont effacés. C'est une différence fondamentale. Dans ce second cas, nous avons vu précédemment que c'est une révolution sociale car à l'époque si on ne payait pas sa dette à son créancier, la sentence allait de l'esclavage à la peine de mort. Il était impensable de pouvoir l'effacer comme le souhaitait Jésus.

Cette divergence d'opinion entre deux disciples de Jésus révèle la profonde divergence d'idées entre Marc et Luc. En effet, d'habitude Luc puise son inspiration dans les textes de Marc qu'il copie parfois mot-à-mot. Or il a totalement effacé ce passage pour le remplacer par sa propre conviction. Selon l'auteur, Jésus ne meurt donc pas pour la même raison ! Une fois de plus, ces différences entre les auteurs divise un peu plus l'unité apparente du Nouveau Testament.

Mais il existe une autre interprétation qui n'a rien à voir avec la théologie mais avec la psychologie.

De l'élu au martyr

Comme nous l'avons expliqué, en lisant la bible hébraïque et les manuscrits esséniens, tout indique que Jésus avait conscience qu'après Jean le Baptise il avait hérité d'une mission d'intérêt supérieur au point de sacrifier sa vie pour réaliser les prophéties messianiques. Aujourd'hui, on appellerait ce sacrifice, le martyr.

La Bible de Jérusalem ouverte sur une page de de l'Évangile selon Marc décrivant la crucifixion et la mort de Jésus. Document T.Lombry.

Cette volonté allant jusqu'au sacrifice de soi est née avec la chrétienté (cf. l'Apocalypse de Jean à propos de l'Église de Pergame, les Actes des Apôtres et les martyrs massacrés à Rome) et a perduré jusqu'à aujourd'hui sous trois formes : le martyr (la victime), le kamikaze et le djihadiste.

Jésus accepta d'être condamné à mort pour témoigner de sa foi en la réalité divine et d'un monde meilleur. Ce comportement se rapproche de celui d'une personne radicalisée, auto-endocrinée qui serait devenue l'idéologue de sa communauté. Dans le cas de Jésus, c'était un guide spirituel non violent dans lequel même des membres du Sanhédrin et Ponce Pilate ne voyaient rien de mal.

Au cours de sa vie, Jésus a toujours été plongé dans la spiritualité à travers la lecture et le respect de la Torah et peut-être l'enseignement nazôréen et celui des Esséniens. Mais il n'a pas eu besoin de recourir à un endocrinement idéologique forcé comme le subissent la plupart des adeptes des sectes et des terroristes pour se convaincre de mourir en martyre car il était déjà intellectuellement et spirituellement préparé à conduire sa guerre sainte; d'agneau il est devenu le Guide, ce qu'on peut résumer par un autre mot plus approprié : un leader fanatique, ce qu'on appelle préjorativement un "fou de Dieu".

En revanche, il est inhabituel que le leader se sacrifie pour ses adeptes. Généralement, c'est plutôt le leader de la communauté qui ordonne à ses adeptes de prouver leur fidélité et leur foi en commettant des actes que d'autres jugeraient suicidaires. D'ailleurs les apôtres et les martyrs chrétiens n'ont pas échappé à cette règle.

Pour que le Messie lui-même se sacrifie, Jésus devait donc être convaincu que son propre enseignement lui était inspiré par Dieu et qu'il en était l'ambassadeur ou ne faisait qu'un avec lui dès avant Abraham comme il l'affirma à l'occasion. Après tout, c'était le Dieu vivant comme certains apôtres l'ont qualifié. Auto-endocriné et encensé mais entouré d'opposants et d'infidèles, comme d'autres leaders fanatiques ayant tenu un discours révolutionnaire jusqu'au-boutiste et dans ce cas-ci blasphématoire, Jésus ne pouvait plus échapper aux conséquences de ses paroles et de ses actes, ne fut-ce que par respect envers la Loi et les Prophètes.

On peut aussi considérer que Jésus était illuminé, c'est-à-dire dans un état de zèle fanatique, pratiquement de trance spirituelle et qui serait passé à l'acte pour devenir le héros de son propre rêve et bien sûr un héros aux yeux des autres. Mais les autorités politique et religieuse peuvent l'interpréter autrement et certainement de manière plus objective. Soit l'acte est légal ou considéré comme une forme de résistance et l'homme devient un héros, soit l'acte est illégal et l'auteur est condamné. Malheureusement, comme Dieu n'a pas sauvé Jean le Baptiste avant sa condamnation à mort, Dieu n'a pas sauvé Jésus : après avoir souffert le martyre, agonisé et être mort crucifié sur la croix, son cadavre fut on ne peut plus inerte selon ses proches; rien ni personne ne le sauva au grand désarroi de ses fidèles. Dans le cas de Jésus, le superhéros y laissa la vie. Du moins en apparence si on en croit les apôtres.

Mais si un certain nombre de chrétiens sont de l'avis de Luc et sont prêts à mourir ou à se sacrifier avec la conviction de rejoindre le royaume de Dieu et d'avoir la vie éternelle, de nos jours les agnostiques se rallient à l'avis pessimiste de Marc pour lequel Jésus fut abandonné tout en rejetant ses conclusions dogmatiques. En effet, concrètement chaque être humain un minimum compatissant est bien d'avis qu'il est intolérable d'assister à la souffrance humaine tout en se disant qu'il s'agit de la volonté de Dieu. Si certains philosophes ont discuté sur les modalités du "retrait de Dieu" des affaires des hommes pour expliquer notre soi-disant liberté d'agir, l'explication n'est pas satisfaisante que du contraire. Si Dieu est si bon que le prétend Jésus, comment peut-il être aussi insensible et qui gagne quoi puisque finalement tous les hommes meurent apparemment dans l'indifférence de Dieu. On en déduit alors que Marc décrit l'agonie de Jésus comme réellement celle d'un homme ordinaire fataliste mort en martyre. Bien sûr, ce n'est pas le sens que souhaita transmettre Marc qui reste persuadé que Jésus est ressuscité.

La mise en scène des prophéties

Selon la Bible, alors que Jésus agonisait sur la croix, dans les derniers instants de sa vie, "à la neuvième heure, Jésus s'écria d'une voix forte : Eloï, Eloï, lama sabachthani? ce qui signifie : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" (Marc 15:34) puis poussa un cris et expira. Marc est le seul à citer les paroles de Jésus en araméen. Le fait de ne pas traduire l'expression pourrait signifier que Marc rapporte des paroles sacrées que même les chrétiens n'ont pas traduites. On peut imaginer que Marc a repris une expression authentique de Jésus, mais étant le seul à l'évoquer on peut aussi l'interpréter comme une figure de style pour insister sur le désespoir et l'angoisse de Jésus, typique de Marc. En effet, selon Luc, Jésus n'a jamais prononcé ces mots mais on lui donna une éponge vinaigrée pour épancher sa soif. Certains disent qu'il l'a pris, d'autres qu'il la refusa. Selon Luc, Jésus fit une prière à Dieu : "Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu'ils font" (Luc 23:34). Qui dit vrai qui dit faux ? De toute évidence, à part Jacques et les femmes, aucun Évangéliste n'était présent au bas de la croix pour en témoigner.

Le visage du Christ typiquement chrétien (en souffrance pour l'expiation de nos péchés selon Marc et évidemment caucasien). Médaillon d'une croix érigée à Lviv en Ukraine. Document Zwiebackesser/Shutterstock.

Serait-il possible qu'en train d'agoniser, à l'instant de sa mort, Jésus ait encore eu le courage de se détacher de sa personne pour citer une prophétie et notamment ce Psaume 22 du roi David en espérant un miracle de Dieu ? Connaissant le côté mystique de Jésus, c'est bien possible qu'en désespoir de cause il espérait encore un geste de Dieu. Quant à l'idée de l'exprimer, qu'il se soit rappelé justement cette prophétie ressemble à une construction ad hoc de Marc, une manière de nous révéler la présence de Dieu dans la souffrance de son Fils pour l'expiation de nos péchés comme nous l'avons expliqué. Il s'agirait alors d'une mise en scène purement théologique autour d'une crucifixion quant à elle bien réelle. Ce passage serait donc un théologoumène de plus.

Mais on peut aussi prendre la scène pour ce qu'elle est dans toute son abomination et sa souffrance, comme le signe de l'inquiétude et du désespoir que ressentirait un homme de foi victime de ses idées face à la réalité cruelle de la loi des hommes : mourir crucifié devant le Temple de Jérusalem symbole de la puissance divine après avoir été trahi par l'un des siens, renié par trois fois par un ami, rejeté par le peuple juif, injurié par les prêtres, abandonné par ses disciples (sauf par les femmes), condamné par les Romains, bref en ayant le sentiment d'avoir échoué.

S'il est naturel que le Fils de Dieu tienne rancune à son Père de l'avoir abandonné, il est étrange qu'un personnage divin n'ait pas le pouvoir de se libérer de l'emprise des hommes, d'autant que Jésus prétendait qu'il vaincrait la mort. Les croyants diront qu'il faudra attendre quelques jours pour en avoir la preuve lors de la résurrection du Christ. Malheureusement, à part quelques versets dans les Évangiles, rien ne prouve que cet évènement extraordinaire s'est réellement produit alors qu'à l'inverse, la crucifixion et la mort de Jésus sont confirmées par différentes sources. On y reviendra.

Face à la mort de Jésus et la façon dont il conduisit sa vie, une conclusion s'impose sous forme de question ouverte : peut-on envisager que Jésus était un humain ordinaire ayant orchestré son ministère comme une immense mise en scène des prophéties ? Certes, à douze ans, il n'avait sans doute pas conscience de vouloir assumer ni même de ce que représentait réellement le rôle de Messie mais dès qu'il débuta son ministère public, il s'était engagé corps et âme dans cette mission messianique.

Comme nous l'avons évoqué, de nombreux épisodes de la vie de Jésus dont l'opposition des Pharisiens, les guérisons miraculeuses, l'arrivée dans Jérusalem sur un âne et l'annonce de sa trahison sont calquées sur les prophéties. Si les miracles font sans doute partie de ce folklore qui entoure tous les souverains antiques, on y reviendra, les coïncidences entre les épisodes de la vie de Jésus et les prophéties sont trop fréquentes et trop belles pour ne pas susciter le doute dans l'esprit des critiques.

L'hypothèse d'une mise en scène est plus simple à croire que d'imaginer que Jésus serait d'essence divine, qu'ensuite il aurait tout deviné et enfin qu'il aurait utilisé par hasard ou même sciemment les mêmes mots ou les mêmes gestes que ceux prédits dans des dizaines de prophéties. Cela fait une hypothèse vraisemblable et réaliste face à deux conditions invraisemblables en raison de leur caractère surnaturel et une troisième qui confirme la mise en scène, Jésus n'ayant qu'à appliquer scrupuleusement l'une ou l'autre prédiction des prophètes.

L'Apocalypse ou livre de la Révélation de Jean à propos des prophéties. Document T.Lombry.

En complément, il est difficile de croire que des dizaines de prêtres ou de fonctionnaires de hauts rangs avaient le don de prémonition, en particulier qu'ils étaient capables de prédire l'avenir détaillé de Jésus ! Et comme par hasard, le "Maître de Justice" essénien avait le même don ! Un cas de prémonition pour l'ensemble de la Palestine passerait encore à la limite si les prédictions se vérifieraient (mais même à ce jeu les astrologues ressemblent à des amateurs), mais prétendre que des dizaines de personnes au cours de plusieurs siècles auraient été capables de prédire des dizaines d'évènements et parfois identiques concernant uniquement Jésus cela devient hautement improbable. A l'exception d'une mutation génétique chez les prophètes, l'existence d'autant de personnes dotées de telles facultés extrasensorielles (que ce soit dans un même pays ou sur la Terre entière) n'a pratiquement aucune chance de se produire; même pas une sur un milliard de milliards !

La solution la plus simple étant aussi la plus probable, un scientifique n'a pas d'autre choix que d'accepter la première théorie qui va s'avérer toucher Jésus au plus profond de son âme : la mise en scène de sa vie jusqu'à se sacrifier comme l'annonçaient évidemment les prophètes puisque Jésus accepta de "jouer à ce jeu" morbide ! Tout cet enchaînement de faits est finalement très logique sans qu'il faille faire intervenir un Dieu tout puissant, qui de toute évidence n'est jamais intervenu dans les affaires des hommes.

Cette explication vient malheureusement appuyer tous les autres indices qui vont dans le même sens : Jésus ne serait pas doté de pouvoirs divins, mais guidé par un idéal messianique, il aurait agit de manière à ce que les évènements de sa vie collent aux prophéties en espérant qu'elles se réalisent pour lui, persuadé d'être l'élu. Bien sûr, cette théorie se conjugue uniquement au conditionnel. La raison est que Jésus n'a jamais clairement mis cartes sur table pour expliquer sa nature ni laissé de trace de sa divinité autrement qu'à travers les miracles et les apparitions cités par quelques apôtres.

Un vrai Messie combat et ne meurt pas !

Que l'on soit croyant ou pas, en imaginant la Passion de Jésus et les souffrances gratuites qu'il endura, on ne peut éprouver que de la compassion pour cet homme de dieu, pacifiste et qui finalement ne voulait partager que son amour et sa doctrine. Il ne les a jamais imposés ni prétendu vouloir remplacer les rois ou porter le glaive contre leurs armées. Comme le répéta Jésus : "Mon royaume n'est pas de ce monde; si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour que je ne fusse pas livré aux juifs, mais maintenant mon royaume n'est point d'ici-bas" (Jean 18:36). Même si cette réponse n'est sans doute pas celle que prononça Jésus puisque les Évangiles synoptiques ne la mentionnent pas, c'est en tout cas le message que ses disciples ont retenu et transmis à la postérité. La majorité des juifs ne l'ont jamais compris tandis que les Romains, les Perses, les Éthiopiens et même quelques Indiens mirent près de trois siècles pour l'accepter et se convertir.

Document PeakPX.

En revanche, comme nous l'avons expliqué, endocrinés par les préceptes de leur religion, la plupart des juifs et même les proches de Jésus comme Pierre et les païens croyaient que le Messie était venu bouter l'envahisseur romain hors du pays. Lorsque Jésus fut arrêté dans le jardin de Gethsémani, ses disciples ont voulu se battre avec les soldats jusqu'à ce que Jésus leur demande de baisser les armes car les prophéties devaient s'accomplir. Quand ensuite Jésus refusa de se défendre devant Pilate puis rendit son dernier souffle sur la croix, ses proches furent encore plus perplexes et sceptiques quant au sens de ses paroles et de ses actes.

Confronté à la mort inattendue et la plus abjecte de leur héros, les juifs, les disciples de Jésus et les païens avaient de bonnes raisons de douter de ses allégations : sa mort signifiait qu'il ne pouvait pas être le Messie ! De plus, il était l'inverse d'un Messie puisqu'il refusa de se battre ! Et deux mille ans plus tard, l'opinion des juifs et des musulmans sur la question n'a pas changé : Jésus était un prophète voire même un simple prédicateur, un Notsri, mais jamais l'élu.

En revanche, pour les chrétiens ce fut le début d'une nouvelle doctrine, sa résurrection par Dieu étant le signe de sa divinité et de la vérité de ses paroles.

Quoi que pensent les uns et les autres, connaissant le contexte historique et théologique qui forga le judaïsme et permit l'émergence du christianisme, il est difficile de lire les Évangiles naïvement au premier degré en imaginant mot pour mot que Jésus est le "Fils de Dieu" et qu'il "monta au ciel" à une époque où les références aux messies et aux ascendances divines étaient nombreuses et comme nous l'avons dit le miracle était une figure de style au même titre que la parabole, une manière plus commode de frapper les esprits afin de transmettre un message à vocation théologique. On reviendra sur les miracles et les apparitions.

Nous verrons dans le prochain article la résurrection de Jésus qui est au fondement du christianisme et tenteront de répondre aux critiques que soulève cet évènement. Il nous permettra également de revenir sur les questions du pourquoi et pour qui Jésus est-il mort et de quelle manière l'Église l'a compris et ses conséquences.

A lire : La résurrection du Christ

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[1] Lire Jodi Magness, "The burial of Jesus in light of archaeology and the gospels" (et PDF), 2007 - Jodi Magness, "Ossuaries and the Burials of Jesus and James"(PDF), Journal of Biblical Literature, 124, 1, p.121-154, 2005 - Craig Evans, "Jewish Burial Traditions and the Resurrection of Jesus" (et PDF), Journal for the Study of the Historical Jesus, 3, 2, pp.233-248, 2005.

[2] Ce document antique fut élaboré en deux étapes. D'abord, à partir du IIe siècle de notre ère, plusieurs documents appelés les "Actes de Pilate" furent publiés. Le philosophe chrétien et martyr Saint Justin y fait référence (cf. "Apologie", XXXV et XLVIII) ainsi que l'écrivain latin Tertullien (cf. "Apologeticum", V et XXI). Un "rapport de Ponce Pilate à Claude" également très ancien fut incorporé dans les "Actes de Pierre et de Paul" au IIIe siècle. Ensuite, dans une seconde étape, durant la persécution de Maximin Daia (311-312) cité par Eusèbe de Césarée (cf. "Histoire ecclésiastique", IX, V, I), des rédacteurs chrétiens se sont opposés aux "Acta Pilati" délibérémment proromains et rassemblèrent une série de documents plus anciens qui formeront "l'Évangile de Nicodème". Pilate n'en est pas l'auteur et n'intervient que comme un témoin dont on rapporte les actes et les paroles.


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