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La Bible face à la critique historique

Jésus Christ ressuscité en gloire apparaissant à Marie-Madeleine. Document T.Lombry.

La résurrection du Christ

Après les miracles, une autre grande question probablement à jamais ouverte pour la Science est le mystère entourant la disparition du corps de Jésus liée a priori à sa résurrection et la réalisation de la prophétie.

Rappelons que selon les Évangélistes, trois jours après sa mort sur la croix, le Christ serait d'abord apparu à Marie-Madeleine (Marie de Magdala) et l'autre Marie alors qu'elles se rendirent au tombeau et furent choquées en voyant que la pierre ronde avait été roulée sur le côté et que le tombeau était vide : "Elles entrèrent dans le sépulcre, virent un jeune homme assis à droite vêtu d'une robe blanche, et elles furent épouvantées. Il leur dit : Ne vous épouvantez pas; vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié; il est ressuscité, il n'est point ici; voici le lieu où on l'avait mis. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée: c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit. Elles sortirent du sépulcre et s'enfuirent. La peur et le trouble les avaient saisies; et elles ne dirent rien à personne, à cause de leur effroi." (Marc 16:5-8).

Notons que Matthieu n'évoque pas la vision d'un homme assis mais écrit qu'un "ange du Seigneur descendit du ciel" et leur raconta la même histoire (Matthieu 28:2-7) tandis que Luc évoque la présence de deux hommes près du sépulcre (Luc 24:4) et Jean évoque la présence de "deux anges vêtus de blanc assis à la place où avait été couché le corps de Jésus" (Jean 20:12).

Des copies ultérieures de l'Évangile selon Marc comprennent une finale longue (Marc 16:9-20) qui évoque la résurrection de Jésus. On peut facilement imaginer que les premiers prêtres proto-chrétiens ont trouvé la fin de la première version de l'Évangile selon Marc trop brutale et inadéquate et ont rapidement ajouté les versets supplémentaires de 16:9 à 16:20.

Après avoir comparé de nombreux versions rédigées au cours des siècles suivants, on sait aujourd'hui qu'il s'agit d'un ajout tardif probablement composé par un membre de la Grande Église au IIIe ou IVe siècle qui voulait clôturer le récit sur une note optimiste, plus en harmonie avec les fins de Matthieu, Luc et Jean. En effet, la finale longue de Marc était inconnue à l'époque de Clément d'Alexandrie (c.150-250) et d'Origène (c185-253). De plus, comme le confirme le théologien Bruce Metzger, spécialiste du Nouveau Testament, dans son livre "A Textual Commentary on the Greek New Testament" (2005, p123) les Pères de l'Église Eusèbe de Césarée (c.265-340) et Jérôme (347-420) attestent que ces versets étaient absents de presque toutes les copies grecques du texte de Marc qu'ils ont consultées.

Le Christ triomphant de la mort. Documents T.Lombry.

Si on compare cette péricope entre les différents Évangélistes ainsi qu'avec les commentaires de Paul, on en déduit que Marc nous dit probablement la vérité ou en tout cas tout ce qu'il sait des évènements qui suivirent la mort de Jésus. Mais ce que nous dit Marc, il l'a obtenu de Paul ! En effet, Paul ayant écrit le premier sur Jésus, il rapporte dans l'une des ses Épîtres que Jésus apparut à Pierre et aux disciples (Marc 16:7 et 1 Corinthiens 15:5). Dans le récit de Marc, le jeune homme assis dans la tombe appelle aussi Pierre par son nom. Ca ne s'invente pas : Marc a copié ses informations sur Paul, mais tous les deux se fondent sur des informations indirectes qu'ils n'ont pas pu vérifier.

Sachant que le texte de Marc fut ensuite consulté par Matthieu et Luc (cf. la constitution du canon), l'authenticité de la résurrection peut donc se poser. On reviendra sur le sujet.

Que la résurrection ait réellement eu lieu ou soit une légende, à chacun de l'interpréter en fonction de ses convictions. Pour notre part, nous allons analyser cet épisode et voir ce qu'on peut éventuellement en déduire d'objectif.

A gauche, le Christ ressuscité en gloire. A droite, Marie-Madeleine ne reconnait pas directement Jésus dans l'homme présent près du tombeau. Documents T.Lombry.

Que s'est-il réellement passé ?

Cela fait deux mille ans qu'on se pose la question, ce n'est donc pas aujourd'hui et en quelques lignes que nous aurons la prétention de résoudre ce mystère. Tentons néanmoins d'apporter notre contribution en exposant quelques faits et en essayant de les expliquer rationnellement. A défaut, il faudra bien admettre notre incompréhension et que nous n'avons pas la réponse à cette question.

Que savons-nous des faits réels ? Selon Matthieu, par crainte d'une révolte, la crucifixion de Jésus fut étoufée par les autorités juives. En effet, des hommes de la garde présents devant le sépulcre avertirent les principaux sacrificateurs de ce qui s'était passé et ceux-ci ont préféré payer les soldats pour qu'ils propagent la rumeur selon laquelle le corps de Jésus avait été dérobé (Matthieu 28:11-15). Notons que seul Matthieu évoque cet épisode. En aucun cas, les proches de Jésus n'ont averti l'autorité romaine.

Marie-Madeleine face à Jésus Christ ressuscité devant le tombeau. Documents T.Lombry.

Mais dans les 36 heures qui suivirent, une rumeur commença à circuler : le tombeau était vide et Jésus était ressuscité ! Selon la tradition, certains disciples eurent l'occasion de voir Jésus en chair et en os avec ses stigmates, de lui parler et même de manger avec lui.

A cette époque, il est très étonnant que Marc qui rédigea le premier son Évangile fonde l'évènement sur les témoignages de femmes sachant qu'ils étaient juridiquement irrecevables (dans le judaïsme, si le rôle de la femme est complémentaire mais non inférieur à celui de l'homme, encore aujourd'hui la femme n'est pas autorisée à produire des preuves devant les tribunaux rabbiniques). S'il voulait décrédibiliser la résurrection, Marc ne pouvait pas choisir d'autres témoins que des femmes ! D'un autre côté, nous savons que tout au long de son ministère Jésus s'est plus d'un fois opposé aux traditions et mit les femmes en avant.

Ensuite, les trois jours nécessaires à la résurrection du Christ sont contredits dans les textes où certains auteurs ne parlent que d'un seul jour. Et de fait, à bien relire les textes, le Christ est ressucité après deux nuits et un jour.

Il est également curieux que les Évangélistes ne décrivent pas le même nombre d'hommes ou d'anges assis près ou dans le sépulcre ni le même nombre de témoins oculaires et soient incapables de les identifier correctement. En effet, selon Marc, les femmes présentent étaient "Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé" (Marc 16:1). Selon Matthieu il s'agissait de "Marie-Madeleine et l'autre Marie" (Matthieu 28:1). Selon Luc, ces femmes étaient "Marie-Madeleine, Jeanne, Marie, mère de Jacques, et les autres qui étaient avec elles" (Luc 24:10). Selon Jean, il y avait quatre personnes "Marie-Madeleine, Marie, Simon-Pierre et l'autre disciple que Jésus aimait" (peut-être son frère Jacques) mais seule "Marie [...] se baissa pour regarder dans le sépulcre et elle vit deux anges" (Jean 20:11).

On peut également faire le même constat à propos des apparitions de Jésus qui ne sont pas relatées de la même manière par les quatre Évangélistes alors qu'il s'agit d'évènements extraordinaires qu'ils auraient dû consigner avec assez bien de similitudes.

Des disciples incrédules devant le tombeau vide de Jésus. Document T.Lombry.

Concernant les personnes présentes au sépulcre, un enquêteur familier des témoignages de groupes dirait qu'il aurait été anormal que les quatre témoignages soient strictement identiques, ce qui aurait sous-entendu que les témoins s'étaient concertés au préalable pour raconter la même histoire et éviter de se contredire. Or nous savons que les auteurs synoptiques ont puisé à la même source "Q" et qu'aucun des Évangéliste ne fut témoin oculaire. Ils rapportent donc des faits indirects qu'ils n'ont pas vérifiés. Qui peut donc alors affirmer qu'ils se sont vraiment produits ? Personne.

De plus, certains Évangélistes prétendent qu'un ange est descendu du ciel. Mais qui a déjà vu un ange, un concept mystique tout droit issu de la tradition religieuse ? La mention de ce phénomène décrédibilise leur récit. Mais était-ce bien un "ange" que Marie ou les autres femmes ont vu ou ont-elles essayé de décrire au mieux l'apparence de l'être habillé de blanc qu'elles ont vu et qui leur parla ? Nous ne le saurons jamais, mais les probabilités nous disent qu'il s'agit d'une interprétation symbolique.

En conclusion, on ne peut rien affirmer avec certitude si ce n'est que la version de Marc est la plus plausible. Selon cette tradition, les femmes n'ont pas trouvé le corps de Jésus et furent interpelées par une personne non identifiée mais apparemment qui n'était pas un ange, prétendant que Jésus de Nazareth était ressucité et serait visible en Galilée. Certains auteurs en ont déduit un peu hâtivement qu'elles auraient donc assisté à une apparition de Jésus, une théorie validée dans le texte par les chrétiens qu'ils se sont évidemment empressés de colporter pour renforcer leur doctrine. Mais dans ce cas, cet évènement surnaturel laisse peu de place à l'explication rationnelle. Arc-boutés sur leur foi, quelques siècles plus tard, cet évènement constitua le coeur du dogme chrétien.

Pour en savoir plus ou du moins tenter de comprendre ce qui s'est passé, il demeure une question essentielle que se poserait tout enquêteur moderne confronté à la même situation qui est de savoir s'il est crédible que les disciples aient proclamé que Jésus était ressuscité et vivant si eux-mêmes ou ceux à qui ils annonçaient la Bonne Nouvelle savaient que la dépouille de Jésus avait été placée dans une tombe définitive et par la suite que ses ossements furent placés dans un ossuaire déposé au sud de Jérusalem (peut-être à Talpiot) ?

Mais peut-on réellement établir ce lien entre la résurrection et l'absence de corps ou d'ossements ? En effet, cela sous-entend qu'on est capable de prouver qu'il y a résurrection uniquement si les ossements du défunt ont disparu ou plutôt se seraient dématéralisés ou volatilisés sans être volés. Quel expert pourrait prétendre qu'il y a un lien de cause à effet ? Aucun puisque personne n'a jamais assisté ou pu reproduire un tel évènement ! Conclusion : on ne peut pas prouver ce lien entre l'absence de corps ou d'ossements et la résurrection, ce que font malgré tout la plupart des auteurs par manque d'esprit critique ! On reviendra sur ce sujet important souvent mal interprété à propos des concepts de résurrection et de la vie après la mort.

Jésus Christ ressuscité apparaît à deux disciples se rendant à Emmaüs et leur propose de partager un repas au cours duquel ils le reconnaitont enfin. Documents T.Lombry.

Si la dépouille de Jésus fut bien déposée dans un tombeau, quel intérêt pouvaient avoir les disciples ainsi que la famille de Jésus à faire une fausse déclaration ? Non seulement on se moquerait d'eux mais cela ternirait encore un peu plus leur réputation déjà mise à mal après la condamnation de Jésus. Cette hypothèse va donc à l'encontre du bon sens et pénaliserait les disciples plus qu'elle les servirait. En revanche, la plupart des juifs ont un intérêt à propager une telle rumeur, celui d'entretenir la légende de la prophétie. Si cette explication est plausible, malheureusement nous allons voir qu'elle ne colle pas avec la tradition juive du Dieu unique et de leur conception de la mort ni avec la suite des évènements et en particulier avec la réaction des apôtres après les apparitions.

Lors de l'apparition du Christ aux onze apôtres sur une montagne de Galilée, l'évènement dut être suffisamment frappant et révélateur pour que les apôtres respectent à la lettre la parole du Christ jusqu'à Rome et par dela les mers au risque de leur vie : "Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde" (Matthieu 28:16-20).

De plus, comment expliquer qu'un homme comme Paul de Tarse, citoyen romain et juif pharisien qui persécuta avec zèle les premiers disciples de Jésus jusqu'en territoires étrangers (Damas) se soit converti si rapidement, à peine 3 ans seulement après la crucifixion de Jésus (Actes des Apôtres 9 et Galates 1:11-16) ? Si comme les juifs, il était si choqué et scandalisé par leurs affirmations blasphématoires à propos de Jésus (par exemple "Fils de Dieu", "assis à la droite du Père") et leur comportement dévotionnel envers lui, comment expliquer qu'il fonda plusieurs Églises en Turquie dans les années 40 et défendit ensuite la parole de Jésus au risque de sa vie ? Comme les autres témoins, il eut apparemment une révélation ou une hallucination très singulière sept ans après la mort de Jésus qui le marqua à vie. Que sa déclaration soit authentique ou une fabulation ne change rien puisqu'il faut le croire sur parole. Ceci sortant également du cadre rationnel, il faut simplement admettre que Paul fit une expérience qui bouleversa sa vie et nous n'en saurons jamais plus.

Jésus Christ ressuscité partage le pain (Matsah) et le vin avec des disciples dans une auberge à Emmaüs. Documents T.Lombry.

Le problème de la preuve

Avec sa finale courte, Marc n'a pas cherché à convaincre ses lecteurs que Jésus était ressuscité, à l'inverse des autres Évangélistes. En effet, il apparaît clairement dans les récits de Matthieu et de Luc qu'ils ne racontent pas l'histoire réelle survenue après la Pâque mais argumentent contre d'éventuelles accusations portées à leur mouvement par des opposants niant l'idée que Jésus fut ressuscité.

Luc s'inquiète manifestement des allégations selon lesquelles les prétendues "apparitions" de Jésus seraient simplement des apparitions hallucinatoires, autrement dit des histoires de revenants ou de fantômes. Il a de bonnes raisons de s'inquiéter car déjà de son temps les critiques païens du christianisme se moquaient des premiers chrétiens qui croyaient naïvement les fables de femmes et de paysans ignorants. Luc veut démontrer que Jésus, même s'il n'est pas toujours facilement reconnaissable, pourrait néanmoins être touché et qu'il mangeait avec ses disciples, démontrant ainsi son existence charnelle. Luc s'intéresse en fait à ce qu'il appelle des "preuves" et répète son inquiétude dans les Actes 1:3 : "Après qu'il eut souffert, il leur apparut vivant, et leur en donna plusieurs preuves, se montrant à eux pendant quarante jours, et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu."

Marie-Madeleine face à Jésus Christ ressuscité devant le tombeau. Document T.Lombry.

Il est tout aussi important de noter que Marc se concentre sur les apôtres qui verront Jésus en Galilée, tout comme Matthieu. Ils ne savent rien des apparitions de Jésus à Jérusalem. Or, quelques décennies plus tard, Luc insiste pour replacer le récit à Jérusalem, loin de la Galilée où la famille de Jésus est originaire. Cette différence à la fois dans la description et l'interprétation est très sigtnificative et soulève une nouvelle fois la question de l'authenticité de la finale longue. Mais il ne faut pas conclure que cela remet en question la résurrection puisque dans sa finale courte Marc précise que Jésus sera visible en Galilée. Notons que l'apparition est mentionnée dans le futur comme s'il s'agissait d'une prédiction. On ne peut pas certifier sur la seule base de cet texte que l'appatition de Jésus a bien eu lieu.

Matthieu a deux préoccupations. Premièrement, il souhaite que la résurrection soit un évènement majeur, ensuite il souhaite réfuter la rumeur qui se répand dans les cercles juifs selon laquelle les disciples de Jésus sont venus au sépulcre le samedi soir et ont déplacé le corps dans un autre endroit. Pour souligner le côté dramatique de la mort de Jésus et l'accomplissement de la prophétie, Matthieu a déjà ajouté des tremblements de terre, des tombes ouvertes et la ressurection des dacavres de nombreux saints qui entrèrent dans Jérusalem (Mattieu 27:51-53). Au récit de Marc qui décrit la découverte de la tombe vide, Matthieu ajoute un autre tremblement de terre, un ange aussi brillant que la foudre descendant du ciel et déplaçant la lourde pierre formant la tombe. Il raconte également que Pilate avait autorisé des soldats à sceller et à protéger la tombe contre la possibilité que quelqu'un vienne dérober le corps et prétende qu'il avait été élevé au ciel. Selon Matthieu, à la vue de l'ange, ils sont tombés morts de peur. Or, rien de tout cela n'est décrit dans le texte de Marc. Que faut-il en déduire ? Le récit de Matthieu est à l'évidence un embellissement théologique et apologétique (favorable à la révélation chrétienne).

Mais on peut se demander pourquoi Matthieu veut-il absolument donner un sens aussi dramatique au récit de sa source, à savoir le récit de Marc ? Contrairement à Luc, Matthieu ne sait rien des apparitions multiples de Jésus à Jérusalem et il ne connait que l'apparition de Jésus au sommet de la montagne en Galilée où il donne aux apôtres, même à ceux qui sont incrédules (!), la prétendue mission de baptiser des disciples de toutes les nations. Ces versets sont évidemment les plus construits théologiquement de tout son évangile, mais il prend tout de même la peine de préciser que certains des Onze "eurent des doutes" de voir réellement Jésus, un aveu très éloquent (Matthieu 28:16-20) qui ouvre une brèche sur l'authenticité de son récit.

On peut en déduire que contrairement à Luc, il est évident que pour Matthieu les "apparitions" de Jésus ne sont pas encore tout à fait réelles. Ce qui l'inquiète le plus, c'est la réfutation de l'histoire qui est racontée aux juifs selon laquelle des adeptes ont enlevé le corps de Jésus et l'ont réinhumé le samedi soir. Pour ce faire, il a besoin du tremblement de terre et de l'ange descendu du ciel dans une lumière aveuglante ainsi que d'une tombe scellée et gardée par des soldats romains. Mais ces détails très précis ne reposent sur aucun fait historique. Ils sont clairement construits, voire imposés au compte-rendu de Marc dans le but de répondre à cette "histoire juive".

Le chrisme représentant les lettres X (khi majuscule) et P (rho majuscule) de "XRistos" en grec confinées dans un cercle avec l'Alpha et l'Omega, symbole de la résurrection instauré par l'empereur Constantin. Notez les gardiens mentionnés par Matthieu et les deux colombes. Il figure au-dessus du portail de l'église romane Santa Maria de l'Assumpció de Cóll de la vallée de Boí, en Catalogne (E).

Ce que Matthieu fournit comme information à son insu donne à penser que dans certains milieux juifs, une génération après la mort de Jésus on prétendait toujours que le corps de Jésus avait été retiré du tombeau où il avait été placé temporairement par Joseph d'Arimathie et présumé inhumé. Un historien doit se demander si cette "histoire" - cette fable - pour laquelle Matthieu fournit un témoignage aussi éloquent est en réalité basée sur ce qui s'est réellement passé. Cela ne veut pas dire que les disciples ont "volé" le corps de Jésus pour perpétuer un mensonge pendant que Matthieu développe l'histoire contre ses adversaires juifs, mais seulement que l'histoire principale elle-même, à savoir que les disciples ont enlevé le corps le samedi soir, est le meilleur témoignage que la tombe était vide. En effet, comme nous l'avons expliqué à propos de l'inhumation précipitée de Jésus, ce qui rend cette possibilité d'autant plus probable est qu'elle correspond à l'enterrement d'urgence initial et temporaire de Jésus par Joseph d'Arimathie alors que le Séder de Pâque approchait de l'après-midi de la crucifixion. Un déménagement le samedi soir dans un lieu de sépulture permanent est précisément ce à quoi on pourrait s'attendre.

Le texte  apocryphe de l'Évangile de Pierre, en particulier avec sa fin abrupte, soutient fortement le premier récit de Marc. On y apprend que les femmes qui ont visité la tombe ont rencontré un jeune homme - ce n'était pas un ange ni des anges - et qu'il leur dit que Jésus s'était élevé au ciel. Les disciples, y compris Pierre, pleurèrent Jésus à Jérusalem pendant les huit jours de la Pâque. Ce détail est tout à fait compatible avec les apparitions citées par Luc à Jérusalem le jour même de la découverte de la tombe vide (avant que les apôtres retournent à leur entreprise de pêche en Galilée).

Ce qui est assez étonnant, c'est que la fin de l'Évangile selon Jean, le plus tardif, reflète ce récit. Cette version doit être lue indépendamment du récit de Jean décrivant les multiples apparitions de Jésus à Jérusalem le matin de Pâque, y compris la célèbre rencontre avec "Saint Thomas" (Jean 20:27-29) qui constitue la fin originale de l’Évangile de Jean. Dans le chapitre 21, un éditeur de la communauté johannique ajouta ce qu'il prétend être un "témoignage oculaire" récent d'une apparition de Jésus sur les rives du lac de Tibériade lorsque les disciples sont retournés à leurs activités de pêche. D'après le style du récit, on peut dire que ceci est évidemment présenté comme leur première "observation" de Jésus ressuscité.

Pour un lecteur qui lit le Nouveau Testament sans exercer son sens critique et sans comparer les récits, il n'est bien sûr pas évident d'avoir une lecture aussi critique des sources historiques. Mais avec l'habitude et notamment en lisant les critiques publiées par les biblistes (ecclésiastiques, historiens, archéologues, linguistes, etc), une fois qu'on examine de près les textes et qu'on s'attarde sur les éléments clés du dossier, les conclusions sautent presque aux yeux. Ironiquement, pour les chrétiens pratiquants, cette analyse ne menace pas leur foi en la résurrection. Elle leur donne un aperçu de la version originale de cette foi, à savoir que Jésus a quitté son corps, qu’il a été transformé et s'est "élevé" à la droite de Dieu. Pour le scientifique en revanche, reste à prouver que de tels évènements sont possibles et à ce jour la réalité de la résurrection reste une question ouverte même si sa connotation mystique paraît évidente. On y reviendra.

Peut-on démontrer la réalité de la résurrection ?

Si nous voulons comprendre ce qu'est la résurrection afin d'essayer d'authentifier celle de Jésus, la question de sa réalité est au coeur du débat. Rien qu'en forrmulant la question de la réalité de la résurrection, un esprit critique va déjà noter le piège potentiel... En effet, le problème qui se pose est la nature même du phénomène qui laisse les experts dubitatifs depuis deux mille ans.

En principe un chercheur peut étudier un phénomène s'il est tangible et reproductible dans des conditions contrôlées, ce qu'on appelle la méthode ou la démarche scientifique. Soit le phénomène est reproductible et peut-être analysé de manière indépendante et même en double aveugle comme par exemple la formation des nuages ou d'une réaction chimique, soit il concerne un objet physique ou laissant des traces physiques qu'il est également possible d'analyser, de mesurer, de toucher, etc, comme c'est par exemple le cas de n'importe quel objet archéologique. Dans tous les cas, on peut récolter des données scientifiques au moyen d'instruments. Si on ne peut pas toujours expliquer sa nature ou son existence, on peut apporter la preuve qu'il existe ou a existé à un endroit et un instant donné grâce notamment à des enregistrements. En revanche, si le phénomène est fugace et uniquement fondé sur des témoignages, il restera toujours sous caution tant qu'une mesure objective n'aura pas été réalisée. Autrement dit, on peut démontrer l'existence d'un phénomène naturel, d'un objet ou d'un personnage sur base de preuves concrètes ou éventuellement d'un faisceau d'indices concordants. L'archéologie biblique notamment a démontré le succès de cette démarche.

"Le Souper à Emmaus" dans le style de Carl Bloch (gauche) et Le Caravage (droite). Documents T.Lombry.

Qu'en est-il d'un phénomène aussi mystérieux que la résurrection ? D'abord, il est mystérieux parce que personne n'a jamais assisté à une résurrection. Quoiqu'en disent les rares témoins oculaires, leur point de vue restera toujours subjectif, juste qu'il sera plus ou moins crédible en fonction de la qualité du témoin, mais cela ne constituera jamais une preuve. Les scientifiques n'ont donc jamais eu la chance de pouvoir étudier une résurrection, une idée qui les ferait même sourire car le phénomène n'est pas reproductible et semble incompatible avec les lois que nous connaissons, notamment de la biologie, des neurosciences et de la physique. A défaut de données et de preuves, la seule alternative est de l'étudier théoriquement, sur base statistique, l'occurence du phénomène étant égale à sa propre moyenne. On se retrouve avec une problématique similaire à celle tout aussi métaphysique qui consiste à essayer d'étudier l'instant de la création de l'Univers. La différence est que nous savons que l'univers existe alors que nous ignorons si la résurrection est possible.

Mais étant donné qu'il n'existe pas de preuve tangible de la résurrection, les scientifiques peuvent juste estimer sa probabilité non pas intrinsèque puisqu'elle semble nulle mais par rapport à d'autres phénomènes du même acabit, en se demandant par exemple si la résurrection est plus ou moins probable que les miracles ou l'apparition de vie spontanée... Et à ce jeu, nous savons qu'en l'état actuel de nos connaissances, ces phénomènes sont improbables. Cela ne veut pas dire impossible car la science reste un domaine par définition ouvert à la connaissance et régulièrement les magazines scientifiques nous font découvrir de nouveaux phénomènes. Mais jusqu'à preuve du contraire, tous ont une réalité tangible et sont reproductibles. Ceux qui ne le sont pas sont du ressort de la métaphysique et des pseudosciences. Jusqu'à preuve du contraire, la résurrection fait partie des concepts métaphysiques et la religion en fait partie puisqu'elle se fonde sur un principe dogmatique qui par définition ne demande pas une démonstration scientifique.

A gauche, "La Résurrection avec Marie-Madeleine" dont, selon la tradition, elle fut témointe en allant au sépulcre mais où le Christ, qu'elle surnomma Rabbouni, lui dit "Ne me touche pas car je ne suis pas encore monté vers mon Père" (Jean 20:11-18). Fresque réalisée vers 1351-1360 et exposée dans l'Abbaye bénédictine de Pomposa à Codigoro, dans le nord de Italie. Au centre, "L'Ascension du Christ" peinte par Benvenuto Tisio da Garofalo entre 1510-1520. Huile sur bois de 314x204.5 cm exposée à la Galleria Nazionale d'Arte Antica de Rome. A droite, "L'Ascension" du Christ peinte par John Singleton Coley en 1775. Huile sur toile de 81.28x73.02 cm exposée au Museum of Fine Arts de Boston.

En résumé, on croit ou on ne croit pas en la résurrection comme certains croient ou ne croient pas en Dieu car fondamentalement, les deux probabilités sont équivalentes, le reste étant une affaire de convictions personnelles.

Une révélation, pas une rumeur

Que la résurrection soit vraie ou fausse, en quelques années cet évènement unique en son genre dans toute l'Histoire de l'humanité (aucun pharaon, aucun roi ni aucun empereur divinisé ne sont jamais ressuscités) transforma l'admiration dans le guide spirituel qu'était Jésus en adoration du Christ comme le Fils de Dieu et donna naissance au Christianisme. Encouragés par les textes apostoliques dont les lettres de Paul, des groupes de plus en plus importants de disciples ont considéré que l'évènement était si extraordinaire et porteur d'espoir qu'ils ont ressenti le besoin de partager la Bonne Nouvelle avec les peuples de toutes les nations et de suivre l'enseignement du Christ.

S'il ne s'était réellement rien passé d'extraordinaire après la mort de Jésus, comment expliquer cette "conversion" aussi brutale que fanatique de Paul et d'un aussi grand nombre de juifs et de païens dans les années qui suivirent ?

A court d'arguments autant que de preuves, toute personne rationnelle en est réduite à conclure que le mouvement proto-chrétien émergea d'une révélation explosive presque immédiatement après l'annonce de la résurrection de Jésus, tout au plus un ou deux ans après sa mort. Nous avons d'ailleurs d'autres preuves dans les Épîtres de Paul démontrant qu'en l'an 55, il existait déjà des communautés de chrétiens à Corinthe et en l'an 62 en Macédoine orientale, chez les Philippiens, à une époque où Paul était probablement déjà emprisonné à Rome.

Rumeur, croyance et témoignage

A gauche, l'évolution d'une rumeur suit le profil d'une courbe de Gauss selon la loi de Stuart-Dodd : D = a log P avec D la diffusion (proportion des individus touchés par l'information), P la population (nombre total d’individus dans la région où l'information est diffusée) et a un paramètre spécifique lié au contexte. A droite, l'évolution du christianisme qui semble avoir débuté comme une rumeur a ensuite suivi une courbe exponentielle en raison du nombre grandissant de fidèles. Mais depuis 2000 ans, faute de preuves, la science que ce soit la théologie, l'exégèse ou l'archéologie est dans l'impossibilité d'affirmer ou d'infirmer que la résurrection de Jésus et les apparitions correspondraient à une rumeur ou à des faits réels, ce qui n'empêche pas les croyants de considérer les paroles du Christ et des apôtres comme "paroles d'Évangiles", une expression encore souvent synonyme de véridique.

On peut évidemment y voir l'effet d'une rumeur qui explose soudainement sans le moindre fondement, juste à partir du témoignage parfois d'une seule personne qui prétend avoir assisté à un évènement extraordinaire. Ses propos ne doivent même pas être cohérents ou rationnels, que du contraire, pour convaincre et rassurer ses supporters ou ses disciples qu'elle dit la vérité. Nous avons des exemples dans les religions mais également dans diverses pratiques ésotériques ou mouvements sectaires qui attirent encore des adeptes et des fidèles crédules qui le paient parfois de leur vie. 

On peut même voir se comportement à l'oeuvre de nos jours dans la véritable propagande que propagent certains politiciens (cf. Donald Trump) et didacteurs (cf. Vladimir Poutine) pour attirer des sympatisants. On peut même prouver aux électeurs que le politicien qu'ils supportent ment sciemment et se contredit, que cela ne changerait pas leur point de vue car ils retournent la preuve sur leurs adversaires (cf. le dénialisme et les théories du complot).

Mais le profil de ces différents phénomènes sociaux est différent de celui d'une religion au sens strict. Il est aussi différent de celui d'une rumeur. En effet, une rumeur finit par se tasser faute de témoignages ou lorsque la supercherie est démasquée alors que le nombre de fidèles d'une religion augmente ou est stable au cours du temps. Une secte de fanatiques se différencie d'un groupe religieux par la méthode d'enseignement de ses fidèles qui dans le premier cas est un endocrinement qui ne laisse pas la liberté de choisir aux candidats, les isole de toute influence extérieure pour éviter les critiques et procède littéralement à un lavage de cerveau des fidèles jusqu'à ce qu'ils adoptent la nouvelle doctrine et qu'ils prouvent leur allégeance par des actions concrètes qui les engagent personnellement. Dans tous les cas, le mouvement s'éteint avec la mort ou l'emprisonnement de leur gourou. Une religion ou une philosophie apparentée étant impersonnelle et d'ordre spirituelle, elle ne meurt pas, même quand un État interdit sa pratique ou assassine son autorité suprême; elle est juste en sommeil dans les communautés de fidèles dont les membres se font plus discrets qu'auparavant mais qui attendent des conditions propices pour émerger à nouveau et répandre leur doctrine jusqu'à ce qu'elle devienne, idéalement, une religion d'État. C'est bien ainsi que procèdent le christianisme et les autres religions dont les fidèles se sont toujours battus pour défendre leurs croyances, jusqu'à déclencher des guerres de religion sur lesquelles nous reviendrons.

Emergence du concept du fils divin

Quand le concept de "fils divin" et l'adoration de Jésus comme Dieu sont-ils apparus ? Comme nous l'avons expliqué à propos de l'expression "Fils de Dieu" utilisée par certains apôtres pour qualifier Jésus, ce concept typique du christianisme choqua les Romains et choque encore les juifs pour lesquels il n'existe qu'un seul Dieu, YHWH.

Le Christ Pantocrator (Christ en gloire dans l'art byzantin) dans l'abside de la cathédrale de Monreale à Palerme en Sicile.

Pour les juifs de l'époque de Jésus (et certainement encore pour les juifs traditionnalistes et les ultra-orthodoxes d'aujourdhui), personne ni aucun souverain ne peut se prévaloir l'égal de Dieu sous peine de blasphème et d'être condamné à mort ! Jésus s'est donc bien abstenu de se présenter comme tel et même quand il évoqua sa filiation avec Dieu, mis à part sur la croix, il l'a toujours exprimée avec prudence et en laissant planer le doute. D'ailleurs même en s'attribuant le titre de Messie, il fut plus d'une fois rejeté par les juifs.

La plupart des biblistes estiment que l'idée du fils divin serait d'origine juive ancienne et non païenne, une théorie qu'évidemment les juifs réfutent en bloc. Toutefois, dans son livre "Did the First Christians Worship Jesus?" (2010) le théologien protestant James Dunn, professeur émérite de l'Université de Durham prétend que les premiers chrétiens ont adoré Jésus comme Dieu seulement à partir de la fin du Ier siècle. Mais cela semble bien tard.

Le fait est qu'il n'y a pas d'analogie dans l'histoire des religions avec l'histoire de Jésus. Elle n'a donc pas ses racines dans une éventuelle croyance ésotérique juive et de multiples divinités, ce que tenta de démontrer le bibliste protestant Larry Hurtado, professeur émérite de l'Université d'Édimbourg dans son livre "How on Earth Did Jesus Become a God?" (2005). Au contraire, plus d'un spécialiste biblique ont tenté de démontrer que c'est directement à partir des paroles et des actes de Jésus, notamment lors des miracles et des apparitions que les apôtres et les disciples ont réellement cru qu'il était le Messie des Écritures (Luc 24:44-49) et le Fils de Dieu (Matthieu 16:15-18) et c'est après sa résurrection et son ascension à Bethsaïde qu'ils l'ont adoré et loué dans le Temple (Marc 16:19 et Luc 24:52) et crurent qu'il était "assis à la droite de Dieu" (Marc 16:19 et Actes 7:56).

En conclusion, en admettant que les Évangiles relatent des faits survenus dans les années 30, bien qu'ils furent rédigés plusieurs générations plus tard (vers 50 pour l'Épître aux Galates et entre 70-110 pour les Évangiles), les apôtres, les disciples et les premiers chrétiens n'ont donc pas attendu trois générations pour croire en la divinité de Jésus mais probablement à peine un an ou deux, le temps de digérer et de comprendre le sens de son martyre et de sa résurrection. Il fallut bien sûr ensuite patienter quelque temps et même quelques générations pour que les Épîtres, les Actes et les Évangiles soient transmis et recopiés dans les communautés et que la doctrine chrétienne s'affirme. On y reviendra à propos de la querelle paulienne, du rôle de Paul dans la foi chrétienne et du Crédo ainsi que dans l'article consacré à l'émergence de la foi en la résurrection de Jésus.

Du réveil à la vie éternelle

Au sens biblique évoqué dans le Nouveau Testament, la résurrection du Christ est un sujet dogmatique. Au même titre que la nature de Jésus, celui qui ose aborder la question de la résurrection doit s'attendre à un flot de remarques et de critiques tellement le sujet est sensible et pratiquement indiscutable au sein des diverses communautés concernées par le sujet. Nous allons donc aborder la question sous un autre angle avant d'évoquer les interprétations possibles.

La "Tombe du Jardin" (cf. ce site), tombe présumée de Joseph d'Arimathie et prétendu lieu de la résurrection de Jésus située au nord de la ville (près de la route du sultan Soliman et du Musée du Cimetière) et vénérée par les protestants. Mais cette tombe date du Ve siècle avant notre ère. Au IVe siècle de notre ère, une église byzantine fut érigée juste en face. Document Philip Benshmuel.

Etymologiquement parlant, les auteurs grecs ont utilisé le mot "anastatis" pour signifier la résurrection, c'est-à-dire un terme générique qui évoque le fait qu'un être se lève à partir d'une position couchée ou le réveil après le sommeil ou une période de stase. Ce n'est que dans le christianisme qu'apparaît le concept de retour à la vie et la transformation en être spirituel immortel développée par l'apôtre Paul (1 Corinthiens 15:35-44 et 2 Corinthiens 5:17) qui est également un symbole de la foi cher à Jésus (Jean 3-3-13 et 10-10).

Rappelons que trois autres résurrections sont également mentionnées dans l'Ancien Testament (1 Rois 17:17-24, 2 Rois 4:18-37 et 2 Rois 13-21). S'il fallait le rappeler, connaissant l'époque approximative de rédaction de ces textes et le fait que les auteurs étaient tous des théologiens, il va sans dire qu'il s'agit de récits allégoriques sans fondement historique.

Nous verrons à propos des miracles que selon la Bible, Jésus a lui-même ressuscité au moins trois personnes sans parler "de plusieurs saints qui étaient morts" qui ressuscitèrent lorsque Jésus poussa son dernier soupir (Matthieu 27:52) et Pierre ainsi que Paul ont chacun ressuscité un défunt (Actes 9:36-42; 14:8-10 et 20:7-12).

Mais il y a une différence fondamentale entre la résurrection du Christ qui selon la Bible le transforme en être spirituel immortel et les autres résurrections qui ramènent "simplement" une personne à la vie terrestre.

En cherchant bien dans la Bible, il y a trois autres résurrections similaires à celle du Christ qui emportent le personnage dans les cieux : le verset de la Genèse 5:24 qui évoque la "montée au ciel" d'Enoch et deux visions prophétiques (Ezéchiel 37:1-10 et Daniel 12:13).

Déjà à l'époque du Christ, si les Pharisiens croyaient à la résurrection, les Sadducéens et les Grecs ne croyaient pas à la résurrection des morts et plusieurs apôtres dont Matthieu le rappellent sachant bien que cet évènement soulevait des critiques (Matthieu 22:23) dans de nombreuses communautés. Mais étant donné que Jésus fit de cet évènement la clé de voûte de sa doctrine, les thèmes du salut et de la vie éternelle sont devenus les principaux enjeux de prédication des serviteurs de l'Église.

L'Assomption de Marie

Selon la tradition chrétienne, au terme de sa vie Marie est décédée et ressuscita physiquement, ce que l'Église catholique a dénommé la Dormition. Elle fut ensuite glorifiée et "enlevée au ciel" au même titre que Jésus, c'est l'Assomption de la Vierge. Notons toutefois que les Orthodoxes rejètent le concept de Dormition qui sous-entend que Marie était vivante quand elle "monta au ciel". Quoiqu'il en soit, l'évènement n'est pas mentionné dans le Nouveau Testament mais uniquement dans des textes apocryphes et des légendes. En effet, le Nouveau Testament n'évoque pas la mort de Marie. On signale simplement sa présence parmi les disciples lors de certaines apparitions du Christ mais son prénom n'est même plus cité après les Actes 1:14. En fait, l'Assomption ne repose sur aucun fondement biblique.

Historiquement, cette doctrine s'est propagée dans l'Empire byzantin vers le VIe siècle puis est parvenue en Occident. C'est à l'époque médiévale que l'Église décida de commémorer l'évènement le 15 août et ce n'est qu'en 1950 que le pape Pie XII proclama le dogme de l'Assomption de la Vierge.

On peut donc considérer cette doctrine comme une construction de l'Église qui vient renforcer la nature divine de Jésus qui, comme nous l'avons expliqué à propos de sa conception, n'aurait pas l'image du "superhomme" qu'il représente s'il était né d'une mère ordinaire décédée de manière ordinaire.

Pour l'Église, afin d'assurer la cohérence de sa doctrine et péréniser la vénération des Saints, il était indispensable que Marie soit élevée au même rang que Jésus, le Fils de Dieu. Marie ayant été consacrée vierge par les Écritures fut élevée par l'Église au rang de sainte Vierge. Par conséquent, étant la mère de Jésus, par ce stratagème Marie put accéder au rang de divinité et être vénérée à ce titre sans que les fidèles n'aient à craindre l'hérésie.

Cet amalgame soulève toutefois un problème de fond car il étend le Panthéon des divinités. En effet, certaines personnes pilleuses vénèrent la Vierge autant voire parfois plus que le Christ ou Dieu, là où l'Église ne considère que la vénération d'un seul Dieu. On peut résoudre le problème sémantique en jouant sur les mots et en considérant que la sainte Vierge est honorée et non vénérée. Soit.

Bien entendu, tous les chrétiens ne partagent pas cette doctrine, d'autant moins qu'elle apparaît comme une invention pure de l'Église, une sorte de "propagande" doctrinale tardive venant combler une lacune dans les Écritures. Mais à force d'inventer des histoires, certaines personnes au départ croyantes ont fini par ne plus croire en aucune d'elles et sont devenus agnostiques voire athées. Et ce refus de croire en l'impossible s'est accentué avec le concept de résurrection.

L'interprétation chrétienne de la résurrection

Selon la doctrine chrétienne, le fait de croire en la résurrection implique plusieurs conséquences :

- l'existence de Dieu qui seul est capable de ramener un être à la vie

- la nature spirituelle de l'homme avec le vieux cliché suranné de la victoire de la Vie sur la Mort, du Bien sur le Mal

- la nature terrestre de l'âme qui sans la résurrection disparaît avec la mort de la personne

- la résurrection le jour du Jugement Dernier où selon l'Église, certains iront au Paradis, d'autres au Purgatoire ou en Enfer.

On constate ici l'influence des superstitions et des croyances païennes. Mais d'un autre côté, la plupart des croyances païennes considèrent que l'âme est immortelle, c'est le principe de la réincarnation déclinée sous différentes formes dans l'indouisme, le bouddhisme, le judaïsme et plus récemment dans l'ésotérisme notamment.

Mais on peut également être chrétien et mettre en pratique l'enseignement de Jésus tout en ayant l'esprit critique envers le texte biblique et remettre en question le dogme de la résurrection. En effet, bien que beaucoup de chrétiens y croient (surtout dans les pays latins et aux États-Unis), elle ne repose que sur la crédibilité des auteurs apostologiques et la fiabilité historique des récits, deux données très fragiles car les faits évoqués ne reposent pratiquement sur aucune preuve. Cette pensée critique s'est développée au XIXe siècle avec l'émergence du modernisme qui toucha tous les secteurs culturels et la religion n'y a pas échappé à juste titre.

A gauche, vue panoramique depuis le mur oriental du second Temple en direction de l'est, de la vallée du Cédron et du mont des Oliviers. On reconnaît l'église de "Toutes les Nations" à l'avant-plan et l'église orthodoxe russe Sainte-Marie-Madeleine au-dessus à droite. A droite, vue pratiquement dans l'autre direction de la vallée du Cédron vue depuis le mont des Oliviers. Elle se trouve entre le Temple et le mont des Oliviers et s'étend devant le mur sud vers l'ouest (cf. ce panorama pris depuis le cimetière juif situé au sud du Temple). Selon le prophète Joël, c'est dans la vallée de Josaphat (qui signifie "Dieu juge" en hébreu) et que les chrétiens ont associé à la vallée du Cédron qu'aura lieu le Jugement Dernier (Joël 3:2). Documents Custodie en Terre Sainte et Talavan.

En nous basant sur les travaux de l'historien et bibliste Dale C. Allison du Séminaire Théologique de Princeton et nos propres recherches, voyons brièvement quelles sont les hypothèses ayant été émises pour valider ou invalider la résurrection du Christ.

L'explication triviale fondée sur les textes considère que la résurrection du Christ fut réelle et aurait donc emporté son corps. Dans ce cas il s'agit bien d'un miracle, d'une manifestation surnaturelle qu'on attribue à la puissance de Dieu. Le phénomène échappe à la Science ou en tous cas il dépasse actuellement notre entendement. C'est peut-être pour cette raison que le récit des apparitions est rédigé dans un style très différent des quatre Évangiles. En effet, le compte-rendu de la résurrection et des apparitions semble chaotique et surréaliste (forcément) comparé à l'unité et la cohérence qui transpirent dans les Évangiles dont la majorité des faits (à l'exception des miracles et des légendes tardives) peuvent être corrélés avec des lieux ayant existé ou existant encore, des personnages publics comme les membres du Sanhédrin ou de l'autorité romaine et certains évènements réels comme les fêtes religieuses et autres traditions.

En revanche, si on ne croit pas à la réalité de la résurrection, plusieurs hypothèses ont été proposées. L'idée la plus simple est qu'après la résurrection de Jésus et ses apparitions, on a supposé que les disciples ont réellement cru voir Jésus sachant pertinement bien que le tombeau était vide, sous-entendant que le corps de Jésus avait disparu dans d'étranges circonstances. Quelle que soit l'interprétation, sur base de la doctrine juive (les prophéties) mais également de la propre doctrine enseignée par Jésus, ses disciples ont rapidement considéré la disparition du corps de Jésus comme un évènement miraculeux, ce qui n'a jamais pu être prouvé ni démenti.

Certains parapsychologues ont évoqué ce qu'on appelle des visions vérifiques. Les témoins étaient en bonne santé et de bonne foi et ont cru voir le Christ post-mortem alors qu'il s'agissait d'hallucinations. Ce phénomène est similaire aux images produites durant les états de transe ou des effets des drogues qui dans l'esprit des patients donnent vie à des créations imaginaires. Mais cette explication est difficile à défendre quand l'évènement fut observé collectivement et à plusieurs reprises si on en croit le texte biblique et certains apocryphes. Cette théorie n'explique pas non plus comme une "vision" pourait se mettre à table et manger avec les disciples comme le raconte la Bible.

La Bible Segond21 Archéo ouverte sur les versets de Matthieu évoquant le vol du corps de Jésus (Mat. 28:13). Document T.Lombry.

On a bien sûr évoqué la supercherie, qu'il s'agissait d'un canular de mauvais goût orchestré par les autorités qui auraient dérobé le corps de Jésus pour démentir la prophétie et dénoncer ensuite la supercherie. A part le philosophe allemand Hemann Reimarus (1694-1768), cette théorie n'a convaincu personne.

Autre variante, comme à l'époque du messie Menahem, une rumeur juive prétendit que certains disciples avaient fait disparaître le corps de Jésus pour faire croire que la prophétie s'était accomplie. Cela se produisit une fois, cela put se reproduire une deuxième fois. Cette profanation explique peut-être pourquoi l'ossuaire de Talpiot portant le nom de Jésus est pratiquement vide. De plus, selon la rumeur, pour éviter toute sanction les sacrificateurs laissèrent courir le bruit auprès de la garde romaine et des pharisiens que le corps de Jésus avait été dérobé par ses disciples pendant que les sacrificateurs dormaient (Matthieu 28:13). Info ou intox ?

Dans les deux cas, si les exégètes considèrent que le vol du corps de Jésus est une légende, les ossuaires de la tombe de Talpiot gravés au nom de Jésus et de sa famille sont une réalité mais la question de fond restera probablement à jamais irrésolue.

Quoi qu'il en soit, seul Matthieu évoque la présence d'un garde au tombeau de Jésus (Matthieu 27:62-66; 28:11-15). Comme nous l'avons expliqué, ce récit cité dans deux péricopes est typique de Matthieu qui répond ainsi à la légende juive du vol du corps de Jésus, controverse qui est également citée dans l'Évangile de Pierre mais de manière assez différente. Saint Justin évoque également cette rumeur. Mais le compte-rendu de Matthieu est isolé et sa rédaction tardive (~45 ans après les faits) quant au récit de Pierre, c'est celui d'un homonyme du célèbre apôtre, un juif chrétien qui vécut au IIe siècle.

Dernière explication, sachant que les reliques de tous les Saints et même les ossements ou la sépulture des plus grands empereurs ont parfois disparu, on peut imaginer que même dans le cas de Jésus, ses ossements aient disparu. Cette hypothèse est a posteriori peu réaliste vu l'importance qu'a rapidement acquis le personnage, mais en théorie on ne peut pas l'écarter.

Le lecteur intéressé par la question de la résurrection du Christ pourra poursuivre la lecture dans les publications du bibliste Dale Allison[1] qui développe en détails ce sujet.

L'interprétation rationnelle de la résurrection

Un tragique malentendu

Quoiqu'on puisse dire ou spéculer autour de l'attitude de Jésus avant son arrestation et pendant son jugement, qu'il ait planifié ou non son arrestation et risqué sciemment d'être condamné à mort ou qu'il espéra être sauvé in extremis, il fut victime d'un tragique malentendu, les autorités religieuse et romaine pensant que ses actions avaient des motivations blasphématoires pour les uns et politiques pour les autres qui suffirent à le condamner à mort sans appel. Comme le résume Geza Vermès dans son livre "Jésus le Juif" (1978) tout indique que Jésus est mort à cause d'une erreur de jugement : "il est mort sur la croix pour avoir fait ce qu'il ne fallait pas faire (provoquer un tumulte) au mauvais endroit (le Temple) au mauvais moment (juste avant la Pâque)" (Vermes, 1978, ch.X). On peut aussi résumer sa vie comme celle d'un martyr non violent ayant défié l'empire le plus puissant du monde et joué sa vie pour défendre sa doctrine, devenant ainsi le Messie souffrant d'Israël.

Vu sous cet angle, le Fils de Dieu descendu sur Terre ou le surhomme qui pense même que son Père l'a abandonné sur la croix, redevient simple mortel; adepte juif pratiquant ayant des affinités avec les Nazôréens et les Esséniens, convaincu d'être le Messie annoncé par les prophètes. Puisqu'en Palestine, toute action finalement a un sens religieux, Jésus a tenu un discours politique et agit comme le ferait un rabbin insoumis galiléen, un fanatique, pacifiste, radical et apocalyptique. Il n'y a rien en cela qui soit très original et différent de ce que prétendaient les précédents messies. Jésus y a seulement tellement cru qu'il est mort pour sa cause sans avoir la conviction d'avoir convaincu ses amis de son vivant. Bien sûr un chrétien aura un avis opposé en disant que la mort de Jésus n'était qu'une étape indispensable à sa résurrection et que l'avènement du christianisme lui a finalement donné raison. Malheureusement, la première explication peut être rationnellement démontrée alors que la seconde ne repose que sur une théorie dogmatique et un constat posé a posteriori.

Mort pour qui et pourquoi ?

Maintenant, quant à savoir pourquoi Jésus est mort, autrement dit en se fondant sur sa doctrine pourquoi Dieu permit que son Fils soit tué, pratiquement tous les auteurs apostoliques, les biblistes et les auteurs membres du haut clergé ont tenté d'y répondre autour de l'idée que son sacrifice était le "prix à payer" comme le sous-entend Paul (1 Corinthiens 6:19-20). Mais pour qui et pourquoi, c'est toute la question autour d'un acte non pas symbolique mais visiblement suicidaire mais qui eut effectivement une portée plus que symbolique en bouleversant tout l'establishment juif et donnant naissance à une nouvelle religion, le christianisme. Nous avons essayé d'apporter des éléments de réponses ci-dessus et tenterons également d'approndir cette question du pourquoi Jésus est-il mort dans l'article mettant en relation la résurrection et la vie après la mort, c'est-à-dire la vie éternelle.

Bien sûr Paul puis l'Église sont venus au secours des incrédules en affirmant dogmatiquement que Jésus, Christ, fut le seul Messie choisi par Dieu. Qu'il s'est sacrifié pour ses adeptes et est ressuscité, un miracle qui justifie à lui seul de défendre la doctrine du Christ et de reconnaître la bonté et la puissance de Dieu jusqu'à mourir pour sa cause. Mais outre le fait que rien ne prouve la réalité des miracles et de la résurrection, en d'autres temps l'Église a également pris l'excuse du même Dieu pour tuer les infidèles en son nom. Quel que soit le nom que l'homme ait donné à ce Dieu, toutes les religions sont intolérantes et les guerres de religion nous ont prouvé tout au long de l'Histoire que même les serviteurs de Dieu a priori bons et pacifistes ont le sang des infidèles sur leurs mains et parfois les pires crimes à se reprocher. Or il n'y a rien dans le message de Jésus ou ses actes qui incite ses fidèles à tuer en son nom ou à commettre d'autres crimes, que du contraire; en présageant la venue d'autres temps sombres, Jésus comme les prophètes avaient bien compris que la doctrine du Dieu unique et seul véritable souverain créait des tensions et serait toujours mise à l'épreuve.

Enfin, il reste la question des miracles que Jésus aurait réalisé et celle de ses apparitions après sa résurrection qui méritent une attention particulière. C'est l'objet du prochain article.

A lire : Les miracles et les apparitions de Jésus

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[1] Lire Dale C. Allison Jr, " Explaining the Resurrection: Conflicting Convictions", Journal for the Study of the Historical Jesus, 3, 6,‎ 2005, pp.117-133 - "Historical Christ and the Theological Jesus", Dale C. Allison Jr, William B. Eedmans Publ., 2009.


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