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La Bible face à la critique historique

Moïse durant l'Exode. Document T.Lombry

Moïse, de la sortie d'Égypte au mont Nébo (I)

La libération des Hébreux

Selon la Bible, avec l'appui de Yahvé et des fameuses "Dix plaies d'Égypte", Moïse redevenu humble esclave négocia avec Pharaon la sortie du peuple Hébreu d'Égypte et les conduisit vers le pays de Canaan. Moïse serait sorti d'Égypte avec "environ 600000 hommes [...] sans compter leur famille" (Exode 12:37). En ajoutant les familles, on arriverait à environ deux millions de personnes mais il n'est mentionné nulle part que tous avaient été réduits en esclavage.

Sur le plan historique, ces évènements ne sont pas relatés sous cette forme. A propos des "Dix plaies d'Égypte", nous avons expliqué que de nombreuses théories ont été émises pour chacun des phénomènes mais de manière générale, on ne peut pas trouver de correspondance précises dans les annales.

De plus, la Bible ne situe pas les évènements de l'Exode dans le temps. Aussi, les dates des différentes périodes (entrée en Égypte, période d'esclavage et sortie d'Égypte) font toujours l'objet de controverses car l'identité des pharaons n'est pas précisée. En revanche, on peut fixer une période dans le temps, par exemple au XVe ou XVIe siècle avant notre ère, mais toute la difficulté est de la déterrminer avec précision (10 à 20 ans) pour coller aux faits historiques. D'après les analyses et les recoupements effectués par les historiens à partir du premier livre des Rois (1 Rois 6:1) et du livre des Juges (Juges 11:26), on en déduit que Moïse et son peuple auraient quitté l'Égypte vers 1446 ou 1440 avant notre ère. Mais c'est plus d'un siècle après l'expulsion des Hyksos d'Égypte, ce qui pose un problème de datation.

Pour mieux cerner ces différentes dates de transitions, la Bible précise également que les enfants d'Israël furent condamnés aux travaux forcés et travaillèrent à la construction de la ville de Ramsès (Exode 1:11). Or au XVe siècle avant notre ère, ce nom n'existait pas et le premier pharaon à porter ce nom ne monta sur le trône qu'en 1350 avant notre ère, c'est-à-dire plus de cent ans après la date traditionnelle. Mais on ne retrouve les premières cités Israélites dans les Hautes Terres de Canaan que vers 1150 avant notre ère. Ce qui veut dire qu'entre 1350-1150, il y a deux siècles durant lesquels les Hébreux n'étaient pas en pays de Canaan mais probablement plus au sud voire même en Égypte.

Selon une majorité de chercheurs, si la ville de Ramsès est citée c'est qu'elle constitua un repère temporel pour l'auteur. On en déduit que le début de l'Exode relate des évènements survenus au XIIIe siècle avant notre ère. On sait par ailleurs que la ville de Pi-Ramsès située dans le delta fut construire sous le règne de Ramsès II qui régna entre 1279 et 1213 avant notre ère grâce notamment à de la main d'oeuvre étrangère.

Certains auteurs ont prétendu qu'il s'agissait d'esclaves sémites originaires du pays de Canaan. En effet, il existerait un indice dans le papyrus de Leiden 348 rédigé par un scribe de Ramsès II qui évoque une main-d'oeuvre étrangère travaillait sur les chantiers de Pi-Ramsès. Ce scribe appelle les esclaves qui traînent les pierre de taille "hapirou" (ou apirou) que certains spécialistes associent à "hébreu". Mais sans preuve tangible, cet indice est insuffisant pour affirmer qu'il s'agit d'esclaves hébreux.

A gauche, une statue en granit du pharaon Ramsès II (c.1304 à 1213 avant notre ère) qui régna durant 67 ans. Il est assis et porte le Khepresh ou casque de guerre. Cette statue est exposée au Musée égyptologique de Turin. Au centre, un papyrus décrivant la ville de Pi-Ramsès fondée vers 1279 avant notre ère par le pharaon Ramsès II. A droite, une fresque égyptienne de la tombe (TT100) du vizir Rekhmire ayant vécu à la même époque que le pharaon Thoutmôsis III (XVIIIe dynastie, ~1446 avant notre ère) montrant des esclaves non égyptiens fabriquant des briques en terre pour Thèbes (Luxor). Selon Champollion, les hommes à la peau claire seraient des Sémites mais faute de preuve tangible, cela reste une hypothèse.

De son côté, lorsque l'égyptologue Jean-François Champollion explora les temples et les tombes égyptiennes au début du XIXe siècle, comme on le voit ci-dessus à gauche, il découvrit dans la tombe (TT100) du vizir Rekhmire ayant vécu à la même époque que le pharaon Thoutmôsis III, une fresque montrant des esclaves étrangers fabriquant des briques en terre. Etant donné que leur peau est plus claire que celle des Égyptiens pour lesquels ils travaillent, selon Champollion il s'agit d'esclaves sémites. Bien que cette hypothèse ait été reprise par plusieurs archéologues, à ce jour aucun d'eux n'a pu apporter la preuve que ces esclaves étaient hébreux.

Nous verrons qu'il existe bien une preuve de la présence des Israélites gravée sur une stèle du XIIIe siècle avant notre ère commémorant la victoire du pharaon Mérenptah sur le peuple d'Israël, mais cela se déroula en terre de Canaan (voir plus bas).

En résumé il n'existe aucune preuve de la présence des Hébreux en terre d'Égypte avant la fin du XIIIe siècle. De plus, c'est à cette époque qu'une identité Israélite émergea en pays de Canaan.

Quant au nombre de Hébreux sortis d'Égypte, un tel mouvement de masse aurait été repéré et l'évènement connu dans tout le Moyen-Orient. Or selon les experts ce récit n'est relaté que dans la Torah. Il est donc plus probable que soit cette fuite n'a pas eu lieu soit qu'elle fut organisée par un nombre réduit de Hébreux et n'a pas inquiété les soldats impériaux. Qui plus est, comme le rappelle Finkelstein, à cette époque l'Égypte comptait entre 3 et 4 millions d'habitants. Il est impossible que 2 millions de personnes fuient le pays sans mettre à genoux son économie. Or les scribes égyptiens dont on connaît le zèle avec lequel ils notèrent tous les évènements, y compris à des fins de propagande, n'ont jamais relaté de problème économique majeur ou une crise sociale à l'époque prétendue de l'Exode.

Après l'expulsion des Hyksos en 1570 avant notre ère, les preuves archéologiques montrent que pendant le Nouvel Empire, les Égyptiens ont redouté de nouvelles invasions venues d'Orient et érigèrent des forteresses équipées de garnisons le long de la frontière orientale du delta afin de contrôler le flux d'immigrants provenant de Canaan. Les vestiges de ces forteresses furent exhumés dans les années 1970 au cours de fouilles entreprises au nord du Sinaï par Eliezer Oren de l'Université Ben-Gourion.

Pendant le Nouvel Empire, la voie la plus rapide mais très difficile pour rejoindre l'Égypte consistait à passer par le désert du Nord-Sinaï, une "route internationale" qui longe le littoral méditerranéen appelée "la voie d'Horus" ou "la route de la terre des Philistins". Il était impossible à quiconque allant de Gaza au delta du Nil de ne pas rencontrer une garnison égyptienne. En effet, installées à des intervalles correspondant à une journée de marche et dotés de puits et de réserves de vivres, l'armée impériale pouvait facilement traverser la péninsule en cas d'alerte.

Une page du livre des Psaumes en version français-hébreu.

A ce sujet, les annales de Thoutmôsis III  (XVe siècle avant notre ère) relatent qu'il parcourut la distance séparant le delta oriental de Gaza, soit 250 km en seulement 10 jours. Ces forteresses étaient toujours occupées sous Séti Ier vers 1300 avant notre ère comme le montre un bas-relief gravé dans un mur du temple d'Amon à Karnak.

La surveillance militaire du territoire fut tellement étroite qu'un papyrus datant de la fin du XIIIe siècle rédigé par un commandant de garnison relate les mouvements des bédoins déplaçant leurs troupeaux de moutons vers les étangs situés à l'est du delta du Nil : "nous avons complété l'entrée [du document] des tribus des Edomites-Shosou, [allant de] la forteresse de Mernepath qui est à Tjkw, aux étangs de Pr-Itm qui [sont] à Tjkw, pour assurer la survie de leurs troupeaux".

Notons que la Bible fait aussi référence à ces deux lieux. Pr-Itm se traduit en hébreu par Pitom qui est cité dans l'Exode (Exode 1:11) comme étant une ville-entrepôt tandis que Tjkw se traduit en hébreu par Sukkot, qui est cité dans l'Exode (verset 12:37) et le livre des Nombres (verset 33:5). Ces noms apparaissent à partir de la XIXe dynastie sous Ramsès II et la Bible les situe à l'est du bras oriental du Nil.

En résumé, à part les travailleurs immigrés, il n'existe aucune trace en Égypte attestant de la présence d'un groupe ethnique étranger qui selon la Bible se serait installé "dans la terre de Goshèn" (Genèse 47:27), c'est-à-dire sur le bras oriental du Nil. Les enquêtes historiques ne confirment donc pas les écrits bibliques qui sont probablement des légendes babyloniennes et des faits divers inspirés du quotidien des Égyptiens et des migrations séculaires que les rédacteurs hébreux ont intégré dans leur tradition orale et que les scribes israélites ont ensuite retranscrits dans leurs premiers livres sacrés.

Selon les exégètes, le récit complet aurait été composé par plusieurs rédacteurs et comprendrait des récits relevant du mythe et de la métaphore (comme c'est souvent le cas des miracles) dont on retrouve certaines similitudes dans les Psaumes (verset 8:44-51 et 105:23-386) et le livre de la Sagesse (versets 11:5-15).

Le passage de la mer Rouge

Selon le livre de l'Exode, sachant que la route du littoral et du pays des Philistins (la bande du litoral situé entre le sud de Jaffa et le sud de Gaza) était dangereuse car surveillée par l'armée de Pharaon, Moïse et son peuple firent "un détour par la route du désert de la mer des Roseaux" (Exode 13:17-18).

Notons qu'ici également la Septante et plus tard la Bible protestante ont remplacé "mer des Roseaux" par "mer Rouge", une erreur de traduction car elle est sans rapport avec l'expression originale en hébreu et dénote une méconnaissance de cette région du Sinaï par les traducteurs grecs. Nous allons expliquer pourquoi un peu plus bas.

Après avoir quitté Goshèn, les Hébreux établirent leur troisième campement provisoire devant Pi-Hahiroth juste avant de traverser la "mer Rouge" sachant que Pharaon et son armée les poursuivaient : "Les Égyptiens se lancèrent à leur poursuite [les Israélites] et les rejoignirent alors qu'ils campaient au bord de la mer, - tous les chevaux de Pharaon, ses chars, ses cavaliers et son armée - près de Pi-Hahiroth, devant Baal-Cephôn" (Exode 14:8-9).

La légendaire séparation des eaux biblique revue par Ridney Scott dans "Exodus" (2014). Des effets spéciaux bluffants pour un récit biblique extraordinaire et donc peu réaliste.

Ensuite, armé de la puissance de Yahvé, Moïse aurait ouvert les eaux, permettant aux Hébreux de passer la mer à sec : "Moïse étendit la main sur la mer, et Yahvé refoula la mer toute la nuit par un fort vent d'est; il la mit à sec et toutes les eaux se fendirent. Les Israélites pénétrèrent à pied sec au milieu de la mer, et les eaux leur formaient une muraille à droite et à gauche", le temps d'échapper aux soldats de Pharaon qui périrent corps et biens (Exode 14:21-29, Nombres 33:8).

Enfin, les Hébreux aurait campé pendant plus de 40 ans en divers endroits du désert du Sinaï avant de rejoindre le pays de Canaan. On y reviendra.

D'abord concernant le camp de Pi-Hahiroth ("פִּי הַחִירֹת" en hébreu qu'on écrit également Pi-Hachiroth ou Pi ha-Chiyroth), il existe malheureusement plusieurs traductions possibles contrairement à ce que prétend Jean-Marc Berthoud par exemple dans son livre "Création, Bible et Science" (2008) qui n'évoque que le campement de "Pi-Kharoti [comme étant] le Pi-Kiroth du texte hébreu. C'est le même endroit", un phrase que quelques amateurs peu critiques ont simplement copié et repris à leur compte.

Le lieu étant "historique", la tradition juive de la Haggadah (enseignements rabbiniques) et donc les fidèles au texte biblique sont convaincus qu'il s'agit d'une autre cité égyptienne proche du delta comme Pi-Atom (la "Maison d'Atum") qu'on écrit également Pi-Tum, Pi-Thom ou Pitom. Or, l'Exode dit bien que Pitom (et Ramsès) sont les cités que Pharaon fit construire avec la main d'oeuvre d'"Israël" (Exode 1:11). Il ne peut donc pas s'agir du campement de Moïse. De plus, cette cité n'a jamais été découverte, aucune annale ou livre ne permettant de la localiser précisément (il pourrait s'agir de Faiuym située à 100 km au sud-ouest du Caire, de Arsinoë située près de Suez, de Tell El Maskhuta ou Tell El Retaba situées au sud-ouest d'Ismaïlia, etc.).

Une fresque de l'ancienne synagogue de la ville hellénistique de Doura Europos en Syrie montrant les Hébreux traversant la mer Rouge et poursuivis par Pharaon. Document D.R.

En réalité, pour les linguistes et les biblistes, le toponyme hébreu Pi-Hahiroth peut se traduire par "Bouche du Hiroth" qui se réfère à un canal ou un bras du Nil ou encore à un lac. Pour sa part, dans son livre "Voyages dans plusieurs provinces de la Barbarie et du Levant" (1743), le théologien britannique Thomas Shaw considère "plutôt Hiroth peut-être pris dans un sens plus vague, soit pour une vallée, ou plutôt pour toute cette étendue de terrain depuis les bords du Désert jusque à la mer Rouge". Il peut aussi s'agir d'un lieu situé au nord d'Ismaïlia, aujourd'hui situé sur la rive gauche (ouest) du canal de Suez.

Si ignore où se trouve Pi-Hahiroth, on peut malgré tout proposer quelques hypothèses. Connaissant la topologie du nord-ouest du Sinaï, il est plus vraisembable que la traduction exacte soit "lieu où poussent les roseaux", ce qui permet de localiser plusieurs campements possibles entre le bras oriental du Nil et le nord-ouest du Sinaï. Deux autres indices vont dans ce sens.

Sur le plan linguistique, comme nous l'avons souligné, la Bible de Jérusalem évoque le lieu appelé "la mer des Roseaux" qui est également celui que la Torah utilise, à savoir le mot hébreu יַם-סוּף ("yam-suph", cf. 1 Rois 9:26 en hébreu car en français il est de nouveau traduit par "mer Rouge", d'où l'intérêt de lire les textes originaux) d'origine égyptienne qui signifie "la mer des Roseaux" ou "mer des Joncs". De nos jours, il n'existe aucune "mer des Roseaux" ni aucune grande surface humide couverte de roseaux entre le Nil et le Sinaï. Il existe juste quelques marécages au nord du Golfe de Suez, dans la région des lacs Timsah et Amer (et jadis des roseaux sur les rives du Nil) situés plus au sud.

Sachant que le climat s'est asséché en 3500 ans, de toute évidence les Hébreux n'auraient jamais pu traverser la mer Rouge à pied. Que ce soit sur le plan botanique, géologique, géographique ou archéologique, aucun indice ne permet d'identifier cette éventuelle mer ni le point de passage précis de Moïse et de son peuple vers le pays de Canaan. En revanche, il est possible que les Hébreux aient fuit l'Égypte par un retrait temporaire des eaux de la mer Rouge ou de la péninsule orientale du lac de Tanis comme illustré ci-dessous, parmi d'autres hypothèses.

A propos de la séparation des eaux, la Bible évoque "un fort vent d'est" qui mit la mer à sec et la refoula toute la nuit (Exode 14:21-29). De mémoire d'Égyptien, on sait que sous l'effet combiné d'un vent violent et de la marée, l'eau peut se retirer pendant quelques heures, découvrant des bancs de sable ou des bras de mer peu profonds qu'il est possible de traverser à pied.

Au moins trois lieux de passage potentiel ont été identifiés :

- le Nil au nord de Louxor dont un segment coule d'est en ouest

- la mer située au nord du Golfe de Suez

- le lac de Tanis situé à l'est du Delta du Nil

- l'ancien lac proche du fort de Migdol.

Examinons ces trois hypothèses.

L'hypothèse du passage du Nil est peu connue mais pourtant réaliste. De nos jours, malgré le courant très fort du Nil au nord de Louxor, entre Nag Hammadi et Qena, par endroit il n'y a que 3 ou 4 mètres d'eau et localement les fonds sont couverts de cailloux ou de bancs de sable situés à seulement 2.5 m de profondeur qui faut régulièrement extraire pour permettre le passage des bateaux. Les berges sont couvertes de joncs. Outre les variations de pression qui peuvent affecter la hauteur du Nil, par vent très fort, le niveau du fleuve peut descendre à moins de 1 mètre d'eau. Depuis environ l'an 2000, des navigateurs égyptiens ont déjà vu l'eau se retirer à cet endroit.

Autre lieu plus plausible, dans une étude publiée dans le Bulletin of the American Meteorological Society en 1992, l'océanographe Doron Nof et le géophysicien Nathan Paldor proposent que le passage emprunté par Moïse et les Hébreux se situe au nord-est de la mer Rouge, à l'extrémité nord du Golfe de Suez où les eaux sont très peu profondes et le fond marin remonte très doucement jusqu'à la côte. Par vent fort vent de nord-ouest, le niveau de la mer peut descendre de 2 mètres. Les chercheurs ont calculé q'un vent soufflant à 20 m/s durant 10 heures réduit le niveau de la mer d'envion 2.5 m et la fait reculer d'environ 1.2 km, exposant des terres faiblement immergées comme décrit dans l'Exode 14. Selon les chercheurs, il suffit ensuite que le vent change brutalement de direction et souffle à 5 m/s pour que l'eau remonte à son niveau normal.

A gauche, au nord-est de la mer Rouge, à l'extrémité nord du Golfe de Suez, la hauteur de la mer diminue progressivement pour atteindre localement environ 2 mètres. A droite, sous l'action d'un vent violent (~100 km/h) soufflant du nord-ouest, l'eau peut durant quelques heures découvrir des bancs de sable, permettant à Moïse et son peuple de "traverser la mer". Ce phénomène éolien était connu des Égyptiens et se produit encore de nos jours. Documents D.Nof et N.Paldor (1992) adaptés par l'auteur.

Les biblistes Kenneth Kitchen et James Hoffmeier ont également examiné la question et ont conclu que la région marécageuse le long du Canal de Suez pourrait tout aussi être l'endroit désigné par "yam suph" maisd les chercheurs restentg pruduents. Selon Hoffmeier,"Les tentatives de comprendre les évènement décrits dans la Bible à travers des considérations géographiques et climatiques sont les bienvenues. Mais les chercheurs doivent doubler ces explications d'une lecture attentive et contextualisée du texte biblique."

Dans une autre étude publiée en 2010, Carl Drews et Weiqing Han du National Center for Atmospheric Research estiment que le passage emprunté par Moïse et les Hébreux se situe plus au nord, dans le Delta du Nil, dans la région de Kedua située près de l'ancien lac de Tanis. Sous certaines conditions, lorsque le vent d'est est très fort, il peut exposer des terres immergées comme illustré ci-dessous à droite.

Des simulations sur ordinateur montrent qu'aux endroits où l'eau de dépasse pas 3 m de profondeur, lorsqu'un vent d'est d'au moins 100 km/h (le maximum qu'un enfant pourrait affronter) souffle pendant douze heures, il peut former une zone à sec d'environ trois kilomètres de long et d'environ cinq kilomètres de large (avec localement des eaux de 2 m de profondeur). Ce passage pourrait se maintenir ouvert durant environ quatre heures.

L'action d'un vent violent soufflant d'est sur la péninsule orientale du lac de Tanis aurait pu permettre à Moïse "d'ouvrir les eaux" et de "traverser la mer". Ce phénomène éolien était connu des Égyptiens. Document Carl Drews et Weiqing Han (2008). 

Enfin,  des relevés radars des zones aujourd'hui recouverte par le désert situées au nord-est de l'ancien fort de Migdol (VIIe siècle avant notre ère, cf. les flux migratoires vers l'Égypte) montrent également qu'il existait un vaste lac près du rivage qui était tellement étendu qu'il ressemblait à une mer. Il peut aussi correspondre à "la mer des Roseaux". A l'époque sa profondeur ne devait pas dépasser 20 à 30 cm et un vent fort d'est pouvait facilement repousser les eaux sur plusieurs kilomètres.

La noyade de l'armée de Pharaon

Reste à expliquer la noyade de l'armée de Pharaon. De toute évidence, si les Hébreux ont traversé la mer des Roseaux à sec voire même avec 30 cm d'eau, il n'y a pas de quoi noyer une armée même équipée de matériel lourd. Dans ce cas, à quel évènement se réfère la Bible ?

Dans le tombeau de Thoutmôsis III (1484-1450 avant notre ère) enterré dans la vallée des Rois, il existe un indice intéressant. Le tombeau dont le plafond est couvert d'étoiles contient une fresque en couleurs de plusieurs mètres de long montrant des Égyptiens noyés. L'ouvrage date d'environ 300 ans avant la date présumée de l'Exode. Mais de quelle noyade s'agit-il au point qu'un pharaon s'en souvienne et lui rende hommage ?

Malheureusement, à ce jour il n'existe aucune autre archive faisant référence à ce drame. Si on cherche une catastrophe qui serait survenue dans la région, il faut remonter vers 1650-1610 avant notre ère et la fameuse éruption colossale (VEI 6) du Théra à Santorin que nous avons évoquée à propos des "Dix plaies d'Égypte".

Selon des simulations, l'explosion du volcan éjecta au moins 60 km3 de lave et de cendres brûlantes à 150 km/h dont une grande partie retomba dans la mer. Cela engendra un mégatsunami qui toucha toutes les pays de la partie orientale de la Méditerranée. Il s'abattit sur l'Égypte 90 minutes plus tard où une vague de 6 m de hauteur déferla sur le littoral et s'enfonça sur plusieurs kilomètres à l'intérieur des terres qui sont pratiquement au niveau de la mer dans toute la région.

Quand on sait à quel point un tsunami peut dévaster une région et décimer sa population, celui-ci a durablement marqué les esprits. C'est le genre de catastrophe qui alimente les traditions orales et notamment les légendes. Les Égyptiens s'en souvenaient encore à l'époque de Thoutmôsis III.

Soulignons qu'à l'époque les tsunamis étaient interprétés comme la manifestation de la puissance divine comme l'étaient la plupart des phénomènes naturels inexpliqués.

Bien que l'éruption du Théra se soit produite quelques siècles plus tôt, il est possible que le mégatsunami qu'il engendra soit à l'origine du récit de la noyage de l'armée de Pharaon, même si ce n'est pas l'armée de Thoutmôsis IIII qui fut noyée. D'ailleurs, après un début de règne timide, Thoutmôsis III conquit la Palestine et la Syrie.

Dans ce contexte, le miracle du passage de la mer Rouge relaté par la Bible est très improbable et plus proche d'un récit exagérément embelli mêlant au moins deux histoires distinctes séparées de plusieurs siècles pour illustrer la puissance de Yahvé s'exprimant à travers le Guide du peuple élu.

Deuxième partie

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