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La science du chaos Temps et devenir (III) Les outils de la physique et les notions de prédictions statistiques peuvent-ils tout expliquer ? Conscient de la puissance et de la faiblesse de nos théories, "l'équation de l'univers" de Wheeler-DeWitt ou les modèles cosmologiques peuvent-ils traduire toutes nos mesures ? Depuis Platon, on sait qu'on ne comprend que des vérités intemporelles. On ne comprend pas le temps, on le subit. En tout cas c'est un concept que nos physiciens et nos philosophes ont du mal à définir. C'est à peine si quelques physiciens théoriciens ont la prétention de s'attaquer au problème du temps à travers des théories comme la gravité quantique à boucles (LQG) Partons déjà d'un constat. Dans un Univers en expansion, l'irréversibilité de la flèche du temps est à l'origine du désordre. Ce phénomène est banalisé au niveau macroscopique. Il n'est pas possible d'inverser le temps et de réordonner ce qui a été défait. La preuve fut apportée ces dernières décennies sur base des travaux de Boltzmann, Lyapunov, Kolgomoroff, Arnold, Moser et quelques autres. Des simulations réalisées par l'équipe du professeur Prigogine en 1988 ont démontré que même à l'équilibre des corrélations existaient entre les particules qui étaient entrées en collisions à l'instant 0. Avant comme après les collisions, les particules restent indépendantes; des corrélations naissent entre couples de particules pour aussitôt disparaître. Une fois l'équilibre atteint, tous les effets macroscopiques disparaissent. La flèche du temps Mais qu'en est-il de la "flèche du temps" ? Cette expression inventée par Arthur Eddington n'est pas une propriété inscrite dans la matière ni une substance que certains philosophes idéalistes crurent manipulée par le Créateur. Si l'analyse statistique décompte les atomes individuellement, en moyenne sur l'ensemble de l'échantillon l'entropie augmente, mais elle peut localement diminuer, donner naissance au Soleil ou au couple Terre-Lune. Dans un élan philosophique, Laplace[12] envisageait "l'état présent de l'Univers comme l'effet de son état antérieur et comme la cause de celui qui va suivre". Mais Heisenberg brisa son désir de considérer l'Univers comme déterminé où l'incertitude n'avait plus sa place. Il est aujourd'hui prouvé que la traditionnelle réversibilité microscopique n'était qu'un leurre. Les corrélations entre particules qui naissent à l'état d'équilibre témoignent d'une irréversibilité de la flèche du temps. Loin de l'équilibre, des corrélations existent également et peuvent se manifester à longues portées. Le monde est bel et bien régit par le hasard des accidents et le flou quantique. Si les lois probabilistes ne s'appliquent qu'au coeur de la mécanique quantique, le monde macroscopique est déterminé jusqu'à un certain point. Tout continuera à fonctionner comme d'habitude dans nos actes de tous les jours, la toupie se dandinera toujours de gauche à droite mais l'évolution d'un système périodique à très long terme reste indéterminée. Nous avons vu ce qu'il en était concernant la trajectoire des corps célestes. Quels que soit nos outils et la précision de nos instruments, nous ne pourrons jamais découvrir le futur à partir de notre passé. Le rêve de Laplace ou de Newton s'évanouit. Nous ne le dirons jamais assez, la symétrie du temps est donc brisée, sa flèche est irrémédiablement orientée vers le futur, tant au niveau microscopique qu'au niveau macroscopique. Clausius exprimait une réalité quand il disait "L'énergie du monde est constante; l'entropie du monde tend vers un maximum". L'entropie devient alors synonyme de chaos. Nous devons donc aujourd'hui redéfinir les "lois de la Nature" à partir de cette nouvelle découverte. Les lois de la dynamique classique sont l'exception : le monde n'est pas symétrique, il est en devenir : il y eu un passé, il y aura un futur. Le Temps absolu, la théorie de la relativité et la mécanique quantique sont des théories symétriques et les physiciens acceptent difficilement de modifier des lois qui semblent si "naturelles". De prime abord la flèche du temps paraît symétrique et bien des lois le prouvent. Or du monde de l'atome jusqu'à l'Univers, nombreux sont les exemples qui infirment cette harmonie. Le temps est une variable relative qui doit être redéfinie par rapport à des lois plus générales que celles que nous connaissons. La flèche du temps est imprimée dans l'Univers, elle est solidaire de notre devenir comme le dit Prigogine[13]. Le temps, une caractéristique humaine Mais qu'est-ce que le temps ? Existe-t-il un "temps en soi" à l'image du "sensorium Dei" de Clarke, porte-parole de Newton ? Bien qu'il s'agisse d'un concept élémentaire, simple, la définition du temps n'échappe pas au solipsisme, où tout repose sur nos sensations et rien n'existe en dehors d'elles. La notion de temps cache un problème métaphysique. Le temps est une caractéristique humaine. Nous éprouvons le besoin d'orienter le temps, sans quoi le temps n'existe pas[14]. Philosophiquement parlant, c'est d'une part un concept conscient qui constitue le vécu et l'instant de l'action. D'autre part, il pose le problème de sa relation avec l'espace démontré dans la théorie de la relativité générale. L'espace-temps devient quadridimensionnel et influence le champ comme inversement le champ l'influence. Le temps, une illusion pour les physiciens Pour Einstein la structure de l'espace-temps est déterminée par le tenseur énergie-impulsion et ni l'espace ni le temps ne peuvent exister en l'absence de ce tenseur. Mais malgré nos théories, le temps perd sa signification dans une singularité. Aucune référence ne permet de distinguer le passé de l'avenir. On reviendra sur la notion de temps en physique quantique car plus d'un théoricien et notamment Carlo Rovelli et Alain Connes pensent qu'au niveau fondamental de la réalité physique, le temps n'existe pas. D'autres imaginent qu'on pourrait même voyager dans le temps sans créer de paradoxe. En fusionnant la physique quantique et la relativité générale, le moment du Big Bang semble être un instant "normal", tout aussi déterminé qu'un autre point de l'espace. Aux yeux d'Einstein et d'Hawking, la relativité générale offre l'avantage de considérer le temps comme une illusion, une "rationalisation du réel" comme l'écrivait Piaget. Si passé et futur n'ont pas d'existence propre, on peut se demander ce qui conditionne la direction du temps ? Hawking[15] est convaincu de la réalité du principe anthropique, mais suppose qu'à l'origine des temps, la fonction d'onde de l'espace-temps n'existait pas. Elle est sans doute apparue spontanément dans le vide quantique parmi une infini d'autres solutions moins probables, dans un univers sans bord qui n'a pas de singularité. On peut alors considérer la question "qu'y avait-il avant le Big Bang ?" comme appartenant au domaine des mathématiques. Ceci n'est pas impossible en théorie. Au Moyen-Age, les navigateurs se demandaient ce qu'il y avait "au-delà" des océans. Tout comme à cette époque personne n'allait au-delà des Açores, aujourd'hui personne n'a dépassé les 10-43 s qui suivirent le Big Bang. Si les théoriciens parviennent à formaliser les concepts de "conditions aux limites" peut-être arriveront-ils à comprendre ce qui s'est produit pendant et même avant le Big Bang, c'est-à-dire non pas dans un ailleurs inaccessible mais "au-delà du point le plus au nord". Selon le modèle proposé par Hawking et Hartle, le début du temps est situé dans un temps imaginaire qui, au lieu d'être représenté par un cône se terminant par un pointe, présenterait une base arrondie. De cette manière étant donné que la base du cône est devenue horizontale, la différence entre l'espace et le temps diminue et celui-ci prend graduellement les propriétés de l'espace; la direction du temps suit la même direction que l'espace. Selon Hawking c'est de cette manière que les mathématiciens pourront poser le doigt sur le "point le plus au nord", au-delà duquel il n'y a rien (ou plutôt à nouveau l'espace-temps). La caractéristique importante de ce modèle est qu'il permet aux équations définissant les lois de la nature de conserver leur validité à la base du cône arrondi, "à l'instant" de la création de l'Univers, non pas à l'échelle de Planck mais au temps "t=0". On peut imaginer le temps comme le pôle Nord d'une mappemonde. Sur place, l'horizon s'étend à l'infini, il n'a pas de limite. Pourtant il existe un point singulier où la flèche de la boussole s'affole. Si vous allez trop loin, la flècheinverse sa course : c'est le pôle Nord. Dans sa représentation classique, le temps est fléché et dispose d'une période d'incertitude, c'est le temps de Planck. Fonction d'une multitude d'ondes de probabilités, ce concept devient une notion de période et il n'est plus possible de définir avec précision l'instant présent, les interférences etrendant la phase de l'onde imprécise. Plus tôt, sous l'échelle de Planck (< 10-43 s), le temps et l'espace se déchirent sous l'emprise des lois chaotiques qui régissent l'écume d'un espace-temps en devenir. Nous pourrons peut-être un jour explorer ces premiers instants grâce à la théorie des supercordes (théorie M). Pour un philosophe, en abandonnant le temps absolu de Newton, Einstein ébranla la philosophie qui survivait depuis le Timée de Platon. La physique quantique lui a donné le coup de grâce. La notion de temps en soi, éternel n'a plus de sens. L'"Eternité en soi" n'est plus unité. On doit dorénavant l'abandonner pour paradoxalement retrouver une autre unité antique : la monade[16] du philosophe Leibniz. Si le temps résulte d'une coordination spatio-temporelle, chaque chose et chaque être participe au devenir de l'Univers. A travers ce concept, le temps devient une unité simple et individuelle, avec laquelle nous sommes solidaire. Le temps devient synonyme de monade. Mais en substituant au Dieu horloger de Voltaire un temps individuel, nous risquons d'altérer notre vision du monde. La qualité spécifique du temps ne peut pas changer et nous devons veiller à ne pas franchir le seuil qui nous ramène à l'anthropocentrisme. Enfin, contrairement à ce que pensait Bergson il n'y a pas de dichotomie entre le déterminisme des évènements et l'évolution de la vie[17]. Matière et vie (ou pensée) sont tributaires de la thermodynamique et tirent leur unification au coeur même de l'entropie. Le temps créateur Le temps n'est pas seulement une notion intuitive qui nous permet de nous souvenir et d'apprécier la durée des évènements. La physique rationalise son image en fondant son cadre de référence : la variable "temps" fonde l'évolution thermodynamique des systèmes, l'ordre des successions, les rythmes, les changements. Le temps a dès lors une fonction créatrice. Il crée les structures spatiales, il permet la propagation des ondes et la succession des sons, il crée les ordres chimiques et les rythmes biologiques[18]. Le temps est aussi présent dans les systèmes chaotiques. Les mouvements des balanciers disposés sur plusieurs axes différents sont un bel exemple de ce temps céateur. Il est impossible de prédire l'état du système dans un futur lointain; on ne peut établir qu'une prédiction dite limitée, restreinte dans le temps au proche futur et entachée d'un certain nombre d'incertitudes. En corollaire l'évolution du système devient indéterminée et le temps qui jouait jusqu'alors un rôle prédictible à 100 % reprend son libre arbitre et devient créateur. A l'instar des structures dissipatives situées loin de l'équilibre, le temps contrôle l'évolution du système sans que l'on ait d'emprise sur son évolution. Le temps est également construction. Il nous permet de penser et fonde notre liberté d'agir. Il intervient non pas dans les objets, mais dans la relation entre les objets. Ce n'est donc pas une notion abstraite. Ces interactions permettent de définir le temps jusqu'au plus profond de l'univers, jusqu'au passé le plus lointain ainsi qu'au niveau le plus profond de la matière, impliquant l'usage des lois de la physique quantique voire de la gravitation quantique quand on le peut. De façon globale, on sait que le temps agit biologiquement en assurant une certaine régularité de notre rythme de vie, c'est le rythme circadien qui est contrôlé par des gènes. Il conditionne nos facultés intellectuelles, physiques et émotionnelles en fonction de l'époque de la journée. Par dessus tout et par l'entremise de la clarté du Soleil, ce cycle biologique est synchronisé avec nos "horloges internes". Tous les animaux obéissent au temps : des algues unicellulaires à l'homme en passant par la mouche du vinaigre de laboratoire. Nos fonctions biologiques sont réglées par des "horloges hormonales" qui rythment le transport des substances actives dans notre organisme. Plusieurs glandes endocrines sont réglées par rapport aux rythmes astronomiques, en particulier avec l'alternance du jour et de la nuit, à l'inverse du cycle menstruel de la femme. Ce dernier faut-il le préciser, bien que proche du cycle lunaire (29.5j) n'est en rien régit par la lunaison, la Lune en effet subissant un freinage séculaire qui modifie sa période de rotation autour de la Terre. Mais les cycles biologiques ne sont pas commandés par les astres, quoi qu'en pensent les astrologues; l'histoire de la Lune peut nous le prouver ainsi que des expériences.
Nos rythmes biologiques épousent certains rythmes astronomiques, nous nous adaptons à leur cadence mais en aucun cas le cycle du Soleil ou de la Lune ne commande nos horloges biologiques. Les preuves les plus évidentes sont les expériences réalisées à l'abri de la lumière, où des volontaires ont vécu des semaines sous la terre, dans des grottes. Au bout de deux semaines, leur cycle du sommeil passa spontanément de 24 heures à 33 ou 17h. Il obéissait au rythme intrinsèque endogène des organes, sans référence au monde extérieur. En fait, la chronobiologie a permis de démontrer que notre organisme comme celui de tous les êtres vivants dispose d'une multitude d'horloges internes qui, ensemble, scandent le rythme des différentes sécrétions hormonales et l'activité de nos organes. L'une est située dans le cerveau, dans le noyau supra chiasmatique de l'hypothalamus et contrôle notre rythme alimentaire, notre sommeil, etc. D'autres horloges sont réparties dans tout l'organisme dont certaines obéissent aux stimuli visuels. Toutes ces horloges biologiques obéissent à un gène spécifique comme le démontra Quiang Yu[19] dans un article publié dans la revue "Nature" en 1987. De la synchronisation de nos horloges internes dépend notre adaptation aux conditions de vie. Si nous nous écartons de ce rythme pour une raison quelconque, un décalage horaire par exemple suite à un voyage transcontinental, il faudra un certain temps pour que nos horloges biologiques resynchronisent tous leurs rythmes endogènes. Lorsque nous "perdons le sommeil", le psychiatre américain Rosenthal a démontré qu'il était tout à fait possible de resynchroniser le cycle biologique avec le rythme circadien du jour et de la nuit en agissant sur la quantité de lumière que nous recevons chaque jour. Ces travaux ont des retombées sur le traitement des maladies. Plus que jamais l'expression "Un temps pour chaque chose, chaque chose en son temps" fait force de loi. On reviendra sur le rythme circadien à propos du sommeil. Dans un autre domaine, les biologistes ont mis en évidence que quelle que soit la taille des animaux, de la musaraigne à l'éléphant ou la baleine, à quelques exceptions près, tous vivent proportionnellement la même période de temps; durant leur vie le coeur de tous les animaux bat 800 millions à un milliard de fois et tous mourront après avoir assuré quelque 330 millions de cycles respiratoires. La plupart des animaux vivants sur terre sont donc sur le même pied. Seul phénomène qui les différencie, leur rythme de vie, c'est-à-dire leur activité en fonction du temps : l'écoulement du temps est particulier à chaque espèce. Chaque animal, aussi grand ou aussi petit soit-il vit à un rythme qui par définition est adapté à son métabolisme, et par extension à sa taille. Un exemple. Le chant du rossignol et celui de la baleine sont à l'opposé l'un de l'autre dans l'échelle du rythme. La tirade du rossignol contient une grande variété de sons que seul le ralenti nous permet d'apprécier les nuances. A l'opposé, le chant de la baleine se répète inlassablement car l'animal géant a tout le temps de vivre. Aux yeux de certains, un fait semble malgré tout inexpliqué. Selon l'évaluation de nos battements de coeur, l'homme devrait mourir vers 33 ans. Or notre longévité a plus que doublée depuis un siècle. Est-ce le résultat d'une évolution biologique, d'un meilleur contrôle de notre santé où cela est-il la preuve d'autre chose ? Le rationnel invoquerait la science, l'idéaliste une finalité. Qui sait vraiment ? On y reviendra à propos de l'avenir de l'Homme. Le temps psychologique Avez-vous déjà pensé au temps qui passe, à la fuite du temps... On constate qu'un enfant ou un jeune homme et une personne âgée ne mesurent pas le temps de la même manière. Pour un jeune adulte dont le cerveau est totalement formé et disposant de tous ces sens, à 20 ans il a du "temps à revendre". Il a des années devant lui, il a l'impression que les évènements se déroulent lentement, que les adultes exécutent lentement leurs tâches, que le monde est en état de léthargie, comme arrêté. Sa vigueur le pousse à faire accélérer les choses et on le prend parfois pour un révolutionnaire quand il croit pouvoir tout changer. Parvenu à la pension, au-delà de 65 ans, malgré qu'il soit en dehors de la vie active et a priori vivant dans des conditions moins contraignantes, le temps prend un tout autre sens qu'à 20 ans. Les évènements de la vie défilent les uns derrière les autres très rapidement, les nouvelles informations se succèdent, le monde ne s'arrête plus, tout va trop vite, les années passent et se succèdent sans qu'il ait eu le temps de tout assimiler et de terminer son travail. Voilà deux manières bien étonnantes et à l'opposé l'une de l'autre d'appréhender une même réalité. On dit généralement que le temps est une notion subjective. Mais est-ce bien le cas ? Plusieurs théories ont été proposées pour expliquer ce phénomène. Selon le mathématicien Christian Yates de l'Université de Bath en Angleterre, ce phénomène est à mettre en relation avec la dégénérescence progressive de tout notre organisme : avec l'âge, on constate un ralentissement global de notre métabolisme, avec une respiration et une fréquence cardiaque plus lentes d'où résulte une perception accélérée du temps (cf. The Conversation, 2016), ce que confirment les biologistes. Selon Yates, la perception du temps suit une progression logarithmique : chaque nouvelle unité est multipliée par 10. Par exemple, 1 année représente pour une enfant de 2 ans, la moitié de sa vie. A 10 ans, elle représente seulement 10% de sa vie. A 20 ans, elle représente 5% de sa vie. Autrement dit, selon cette échelle, la période que vous avez vécue entre 5 et 10 ans est psychologiquement exactement la même et donc aussi longue qu'entre 10 et 20 ans, 20 et 40 ans et 40 et 80 ans... Dans un article publié dans la revue "European Review" en 2019, Andrian Bejan, professeur de génie mécanique à l'Université de Duke, expliqua pourquoi les jeunes ressentent le temps passer beaucoup plus lentement que les personnes âgées en relation avec la vitesse à laquelle les neurones traitent l'information à mesure que l'on vieillit. Selon Bejan, "L'esprit humain perçoit la réalité (nature, physique) à travers des images apparaissant au moment où les entrées visuelles atteignent le cortex. L'esprit ressent le 'changement de temps' lorsque l’image perçue change". Mais pourquoi le temps passe plus vite quand on vieillit ? Selon Bejan, "Les gens sont souvent étonnés de voir combien ils se souviennent de jours qui semblaient durer éternellement dans leur jeunesse. Ce n'est pas que leurs expériences étaient beaucoup plus profondes ou plus significatives, c'est juste qu'elles étaient traitées en rafale". Explication. À mesure que le cortex grandit et que le réseau de neurones se complexifie et se consolide, comme tous les organes biologiques, il se dégrade et vieillit, offrant graduellement une plus grande résistance aux influx nerveux. Par conséquent, le taux d'acquisition et de traitement des nouvelles informations mentales diminue avec l'âge. Résultat : puisque les personnes âgées traitent moins de nouvelles informations dans la même période de temps, il leur semble que le temps passe plus vite qu'à l'époque de leur jeunesse. Une autre théorie voudrait que notre perception du temps s'allonge à mesure que notre environnement devient familier. Un enfant pour qui tout est à découvrir, enregistre beaucoup plus d'informations sur la même période de temps qu'un adulte, ralentissant sa perception du temps. En fait, cette explication rejoint celle de Bejan sur le taux de traitement neuronal. En résumé, sachant qu'on traite moins vite les nouvelles informations à mesure que l'on vieillit, ne perdez pas ces précieuses minutes et restez occupés à tout instant car le temps passe de plus en plus vite ! Ceci dit, étant avant tout une notion ressentie et donc subjective, la variabilité de ce temps psychologique semble impossible à mettre en équation. Bonne nouvelle, il existe un moyen. Pour étudier notre perception temps, il faut étudier la façon dont notre cortex cérébral, les neurones, réagissent quand ils sont stimulés. Des chercheurs ont découvert que des neurones sensibles à l'écoulement du temps peuvent perturber notre perception du temps. En effet, dans un article publié dans le "Journal of Neurosciences" en 2020 (et résumé dans la revue "Nature"), Masamichi Hayashi de l'Institut National des Technologies de l'Information et des Communications de Suita, au Japon, et Richard Ivry de l'Université de Californie à Berkeley, ont étudié la manière dont le cortex créait l'expérience du temps. Les neurones situés dans le lobe ou gyrus supramarginal (GSM) situé dans le lobule pariétal inférieur qui fait partie du lobe pariétal du cortex cérébral, s'activent en réponse à une durée de temps spécifique. Mais ils se fatiguent s'ils sont exposés de manière répétée à un stimulus d'une durée déterminée. Mais comme d'autres neurones continuent à s'activer normalement, notre perception du temps est faussée et nous avons l'impression.... que le temps s'éternise.
Grâce à un IRMf 3T, un scanner radiologique d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, les chercheurs ont mesuré l'activité cérébrale de sujets volontaires lorsqu'ils effectuaient des taches de comparaisons temporelles. Les adultes en bonne santé devaient observer une tache grise pendant un certain temps et 30 fois consécutivement. Après cette période d'adaptation, ils ont revu la tache grise et devaient indiquer la durée d'affichage. Si l'affichage était long, les participants sous-estimaient la durée. Si l'affichage était court, ils surestimaient la durée. Pendant cet exercice, l'activité neuronale dans le gyrus supramarginal diminua lorsque la tache grise et le test de stimulus avaient la même durée. Ce résultat indiquait la fatigue des neurones. Le changement de la perception du temps était corrélé avec la baisse d'activité dans le gyrus supramarginal. Les chercheurs concluent qu'une plus grande fatigue conduit à une plus grande distorsion du temps. Une autre étude montra q'un système alternatif de chronométrage existe dans le cortex; il s'appuie sur les neurones chargés de produire une action spécifique. En fonction de l'intervalle de temps requis, ces neurones compressent ou étendent les étapes qu'ils prennent pour générer un comportement à un moment spécifique. Les chercheurs ont découvert que ce chronométage interne était un process très actif et que le cerveau n'attend pas passivement un top d'horloge pour atteindre un point particulier. Le temps en question Nous savons que tout l'Univers évolue et dépend donc du temps. Mais comment poser le problème en termes temporels ?
Le temps absolu des coordonnées, des quantités de mouvements de Newton devient une relation entre objets au XXe siècle. Si pour Newton, le temps est lié à chaque grain de matière, pour Einstein il englobe toute les particules dans une relation complexe matière-espace-temps. Aujourd'hui le temps est inclus dans les équations de la dynamique. Grâce à Heisenberg et Shrödinger, la mécanique quantique introduit la notion de prédiction. L'interaction matière-rayonnement, l'étude des gaz traitent l'ensemble des particules. Les prédictions doivent donc s'appliquer à l'ensemble du système. Pour Einstein, il suffit de préciser les conditions pour connaître l'état du système. Le déterminisme resurgit. Le manque de précision de la mécanique quantique ne serait donc que passager. Cela était peut-être vrai dans la Grèce Antique où l'Académie platonicienne voyait l'harmonie dans la nature en application de quelques lois simples. Ce sentiment peut s'appliquer également au mouvement régulier du pendule ou d'une horloge, mais dans la nature tout est instable, incertain, de nature dynamique, souvent dans un état éloigné de l'équilibre. Plus encore, la prévisibilité devient très aléatoire si on inclut l'élément humain et le chaos biologique. La créativité de notre imagination nous permet de changer les conditions instantanément. Dans ce concept complexe et chaotique nous explorons en fait un monde dans lequel notre imagination interagit avec le but que nous poursuivons. L'indétermination demeure et plus que j'aimais l'Homme est dans la nature et obéit aux mêmes lois que celle-ci, formant une globalité, dans laquelle nous devons redéfinir la nature du temps et en corollaire celle du comportement chaotique. Pour mieux comprendre les soubassements "physique" du temps, on reviendra sur cette notion en physique quantique. Dernier chapitre Définir le comportement chaotique
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