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L'avenir de l'Univers

L'âge de l'Univers (I)

En consultant la Bible, il s'en fallut de peu que les Créationnistes, rassemblés autour de l'évêque Ussher[1] fixent la date de la création du Monde le dimanche 23 octobre de l'an 4004 avant notre ère à 10 heures du matin. Étonnemment, certains Chrétiens l'ont cru et même les Francs-Maçons s'en inspirèrent pour définir leur "Anno Latomorum" (Ère des Tailleurs de pierre) qui débute exactement le 1er mars de l'an 4000 avant notre ère dans le calendrier Julien.

Se greffa sur cette idée, la tradition juive talmudique qui selon les calculs de Jose ben Halafta réalisés vers l'an 160 de notre ère prétend que Yahvé créa le Monde en sept jours en l'an 3761 avant notre ère du calendrier Julien (la date fut convertie à partir du calendrier hébraïque appliqué depuis le IIIe siècle). Le Monde existerait donc depuis à peine 6000 ans.

Dans la cosmogonie égyptienne, bien qu'elle varie géographiquement, selon les moines chrétiens Panodoros et Annianus, le monde fut créé par un dieu tutélaire similaire au démiurge grec appelé Rê ou Thot selon les lieux qui créa Adam le 25 mars 5493 avant notre ère, il y a donc près de 7500 ans. Cette cosmogonie survécut jusqu'au Xe siècle où elle fut remplacée par la conception chrétienne de l'Église copte.

Astronomes et philosophes ne se soucièrent guère de ces comptes d'apothicaires jusqu'au moment où les Naturalistes se penchèrent sur la question. En 1790, Buffon estima l'âge de la Terre à 70000 ans. Vingt ans plus tard Lamarck parlait en millions d'années, mais personne ne le crut car cela dépassait l'entendement humain. Il fallut d'abord que les mentalités évoluent et que la science progresse pour prouver cette théorie. Cela prit plusieurs siècles.

Au début du XXe siècle les paléontologues parvinrent à déterminer l'âge des premiers fossiles d'hominidés. Ceux de l'Homo erectus remontaient à 500000 ans. Plus tard les géologues découvrirent que les plus vieilles roches terrestres avaient 2 milliards d'années ! Quant au Soleil, les astronomes estimèrent qu'il existait depuis environ 5 milliards d'années. Le monde semblait donc exister depuis bien avant notre apparition sur Terre. Les scientifiques passèrent l'indication "officieuse" du clergé sous silence et cherchèrent les preuves qui confirmeraient le grand âge de l'Univers.

Nous pouvons remonter la flèche du temps et déterminer l'âge de l'Univers de plusieurs façons :

1.- En déterminant la quantité restante des isotopes radioactifs,

2.- En déterminant l'âge des plus vieilles étoiles du halo galactique,

3.- En déterminant l'âge des plus vieilles étoiles des amas,

4.- En déterminant l'âge des étoiles naines,

5.- Par des méthodes cosmologiques.

1. La quantité restante des isotopes radioactifs

La première méthode est basée sur le taux de désintégration des plus vieux atomes instables. La nucléosynthèse au sens large (fusion, fission, supernovae, processus r, etc) permet de synthétiser tous les éléments du tableau de Mendeleïev. La mesure de leur abondance relative permet de dater l'époque à laquelle ils furent synthétisés. Les physiciens ont pu déterminer que l'isotope de l'uranium 235U a une demi-vie (une période) d’un milliard d'années, l'uranium 238U de 6 milliards d'années, le thorium 232Th de 20 milliards d'années tandis que le rubidium 87Rb se transforme en 87Sr en 47 milliards d'années en moyenne[3]. Ces deux derniers éléments sont utilisés par les géologues et les astrophysiciens pour dater les corps les plus anciens.

Le rapport de ces isotopes (87Sr/86Sr = a + b*(87Rb/86Sr)) donne aux roches terrestres un âge de 3.8 milliards d'années tandis que les météorites atteignent l'âge respectable de 4.56 milliards d'années, conforme à l'âge du système solaire.

Il est cependant plus difficile d'appliquer ces analyses et ces calculs aux gaz et aux poussières qui composent la Voie Lactée et les galaxies car il n'existe pas dans ce milieu de différenciation chimique entre les différents isotopes et seule une estimation des rapports absolus peut être établit. Ceci implique une connaissance du nombre original d'isotopes présent dans la matière ce qui suppose une modélisation de la production de ces isotopes, un travail réservé aux physiciens et aux astrophysiciens nucléaires.

L'une des méthodes consiste à utiliser le 187Re qui se transforme 187Os au bout d'une période de 40 milliards d'années. Nous savons que 15% du 187Re original a disparu du système solaire, ce qui porte son âge entre 8 et 11 milliards d'années, et qu'aucun atome de rhénium ou d'osmium n'a été fabriqué depuis 4.56 milliards d'années. Si tous les éléments se sont formés directement peu après le Big Bang, l'univers serait donc âgé tout au plus de 11 milliards d'années. En revanche, si ces éléments sont élaborés de façon continue et à un taux constant, l'âge moyen de l'univers serait  de (11x2 - 4.56 Ma), soit  17.5 milliards d'années (étant donné que nous savons aujourd'hui que l'Univers est âgé d'environ 13.8 milliards d'années, l'erreur se situe évidemment dans l'estimation du taux de production des éléments radioactifs).

2. L'âge des étoiles du halo

La deuxième méthode mesure l'abondance du thorium dans les vieilles étoiles du halo qui entoure les galaxies. Si la plupart du temps la raie spectrale de cet élément est trop faible pour être mesurée, Cowan et son équipe ont rapporté dans l'Astrophysical Journal en 1997 et en 1999 avoir put mesurer cette raie dans l'étoile CS 22892-052 car celles du fer étaient très faibles.

En résumé, le rapport Th/Eu donne à l'Univers un âge de 15.2 ±3.5 milliards d'années. Carey et son équipe confirmèrent cet âge en 2001 sur l'étoile CS 31082-001 qui présente un âge de 12.5 ±3 milliards d'années. Enfin, Cowan a évalué l'âge de l'étoile HD 115444 à 15.6 ±4.6 milliards d'années. Bien sûr aujourd'hui ces valeurs ont été revues à la baisse.

3. L'âge des étoiles des amas

La troisième méthode consiste à établir l'âge des plus vieilles étoiles d'après leur composition chimique. Tous les objets stellaires peuvent être reportés dans un diagramme de Hertzsprung-Russel, dont les paramètres sont la masse et la luminosité ou leurs équivalents. Les amas globulaires contiennent de nombreuses étoiles géantes et comptent parmi les objets les plus âgés. Lorsqu'une étoile vieilli sa courbe d'évolution s'écarte de la Séquence principale; son combustible nucléaire s’épuise, sa température superficielle et sa couleur spectrale diminuants.

L'âge des amas globulaires

Messier 55 dans le Sagittaire compte parmi les plus vieux amas globulaires. La plupart des étoiles qu'il contient sont des géantes rouges disposées à droite du diagramme H-R. Document SWOPE/CAMK.

Etant donné que la luminosité d'une étoile varie comme M3 ou M4, sa durée de vie sur la Séquence principale varie comme :

t = M/L = k/L0.7 à une constante près.

En mesurant la luminosité des étoiles les plus brillantes sur la Séquence principale (SP) dans les amas constitués de plusieurs milliers d'étoiles, on peut obtenir une limite supérieure pour l'âge de l'amas :

t < k/L (SP_max)0.7

Appliquée aux amas globulaires, cette technique a permis en 1996 à Chaboyer et son équipe de leur donner tout d'abord un âge compris entre 12 et 17 milliards d'années[2]. Des résultats plus récents établis à partir des mesures astrométriques du satellite Hipparcos indiquent cependant que les étoiles analysées sont plus éloignées que prévu, et donc plus lumineuses. Il en résulte un léger rajeunissement de ces amas, estimé par Gratton et son équipe entre 8.5 et 13.3 milliards d'années, par Reid entre 11 et 13 milliards d'années, et enfin réestimé par Chaboyer et son équipe à 11.5 ±1.3 milliards d'années. On peut donc fixer l'âge moyen des plus vieux amas globulaires à environ 11.5 milliards d'années.

4. L'âge des étoiles naines

Enfin, les éléments radioactifs ont également été retrouvés dans les couches superficielles des étoiles naines blanches. On peut aussi déterminer leur concentration et l'intervalle de temps écoulé depuis leur formation. Enfin on peut rechercher les étoiles naines les plus pâles pour estimer le temps qu'il a fallu pour qu'elles se refroidissent Oswalt et son équipe évaluent l'âge des étoiles naines du disque galactique à 9.5 ±1.1 milliards d'années et l'âge de l'Univers 2 milliards d'années plus âgé, soit 11.5 milliards d'années.

Ces méthodes de calcul déterminent en quelque sorte l'âge "chimique" de l'Univers, la période à laquelle les premières réactions de fusion formèrent les éléments.

Mais il existe d'autres méthodes dites cosmologiques pour évaluer l'âge de l'Univers.

5. Les méthodes cosmologiques

Parmi les résultats les plus récents, l'analyse des données recueillies en 2008 par le satellite micro-onde WMAP de la NASA a permis aux astrophysiciens d'estimer l'âge de l'Univers à environ 13.75 milliards d'années avec un précision de 1% (0.12 milliard d'années). Ce nombre était tellement précis qu'il figura dans le Guinness Book des Records ! Puis en 2014, les résultats de la mission du satellite Planck précisa cette valeur à 13.799 ±0.038 milliards d'années, soit une précision 30 fois supérieure à celle de WMAP !

Non seulement nous pouvons connaître l'âge de l'Univers mais également son évolution à partir de 3 paramètres cosmologiques (l'indice o faisant référence à l'époque actuelle) :

- La constante de Hubble, Ho

- Le facteur de décélération, qo

- La densité de la matière, Ωo.

Les deux premières méthodes permettent de calculer la distance des galaxies. Leurs valeurs permettent de fixer une limite maximale pour l'âge de l'Univers, appelé l'âge ou le "temps de Hubble" et valant 1/H. Ces deux méthodes furent améliorées par Allan Sandage en 1970. La constante de Hubble Ho et le facteur de décélération qo, sont tous deux liés à la courbure de l'espace. Ils varient en fonction de la densité de la matière et d'énergie, sans oublier l'extinction de la lumière par la poussière[4]

La constante de Hubble détermine à la fois l'âge de l'Univers et son taux d'expansion. "Ho" vaut aujourd'hui environ 73.23 km/s/Mpc. Il y a lieu de prendre cette valeur avec circonspection, car bien qu'elle signifie qu'à 1 Mpc la vitesse d'une galaxie est de 73.23 km/s, lorsque le décalage Doppler z=1, la vitesse de l'objet serait égale à "c". Selon la loi d'Einstein il devrait convertir toute sa masse en énergie, or ajourd'hui les grandes télescopes découvrent des galaxies ayant un décalage Doppler dépassant 11 et bientôt beaucoup plus. En fait, le décalage Doppler n'est pas linéaire et une correction relativiste s'impose pour rétablir cette concordance, ce qui est expliqué dans le tableau ci-dessous.

L’échelle des distances cosmiques et les grands redshifts

A gauche du tableau présenté à gauche, les valeurs du décalage Doppler brut (z') et corrigées de l'effet relativiste (z). Les 15 milliards d'années de l'Univers sont purement indicatifs. A droite du tableau l'âge relatif de l'Univers. Pour z'=0.6, z=1.0, l'Univers avait 40% de son âge et de sa taille actuelle. L'image de droite illustre la progression de z par rapport à l'âge de l'Univers. Documents T.Lombry.

Les mesures astrophysiques et cosmologiques réalisées depuis les 1980 (SPC) convergeaient pour donner à l'univers un âge compris entre 13 et 15 milliards d'années (et les ~13.8 milliards estimés à partir des mesures du satellite Planck tombent pratiquement au milieu, ce qui est remarquable).

Si "Ho" diminue le rapport c/Ho augmente dans les mêmes proportions, gonflant du fait même le volume de l'Univers. Mais la loi de Hubble-Lemaître présente quelques anomalies. Certaines zones de l'Univers sont vides de quasars, n'appliquant pas la loi de façon linéaire. D'autres régions semblent influencées par des phénomènes gravitationnels locaux combinés avec des phénomènes globaux liés à la présence de matière noire et d'énergie sombre. Mais d'autres facteurs sont plus trompeurs.

L’échelle des distances

Indicateurs primaires

Novae                   

Céphéides

RR Lyrae

Indicateurs secondaires

Etoiles les plus brillantes

Régions HII

Amas globulaires

Supernovae de Type Ia

Indicateurs tertiaires

Diamètre corrigé des galaxies

Magnitudes corrigées des galaxies

Rayonnement cosmologique

En 1976, Gérard de Vaucouleurs résuma la façon d’évaluer la constante de Hubble en rappelant les différents indicateurs de distances ou "chandelles standards"[5]. Malheureusement Sandage et Tammann de l’observatoire du Mont Palomar ne l’entendaient pas ainsi et n’utilisaient qu’un seul indicateur de distance pour chaque échelle. La constante de Hubble évaluée par de Vaucouleurs était en général deux fois plus élevé que celle évaluée par Sandage et son équipe, Ho=100 contre 50 km/s/Mpc. Cette différence d'un facteur 2 mettait le doigt sur un facteur de biais très important bien connu des astrophysiciens, le fait que les données n'étaient pas homogènes car obtenues par des méthodes utilisant des protocoles différents et incompatibles. Il faudra des décennies pour que les astronomes comprennent l'intérêt d'utiliser des protocoles standardisés.

En 1994, Michael J. Pierce de l'Observatoire National du Kitt Peak et ses collègues publièrent dans la revue "Nature" deux nouvelles mesures effectuées l’une grâce au Télescope Spatial Hubble, la seconde grâce CFHT de 3.60 m installé sur l'île d'Hawaï s’échelonnant entre 80 et 85 km/s/Mpc. Par la suite, les nouvelles mesures du HST se rapprochaient plus encore de 75 km/s/Mpc. Ces valeurs étaients tout à fait en accord avec les mesures de Vaucouleurs à condition d’inclure l’extinction de la luminosité due à la poussière présente dans la Voie Lactée. Bien que ces valeurs étaient encore entourée d'une importante incertitude, à l'époque il était impossible de savoir si la valeur était correcte sans croiser ces résultats avec d'autres méthodes de calculs basées sur d'autres chandelles standards. Nous verrons que le même problème se pose encore ajourd'hui avec la découverte de l'accélération de l'expansion de l'Univers.

La constante de Hubble

Les différentes valeurs assignées à la constante de Hubble avant la publication des résultats du satellite Planck. A l'extrême droite des diagrammes figure les données du HST. Documents U.Harvard/J.Huchra adaptés par l'auteur.

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Les incertitudes

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[1] J.Ussher, "The Annals of the World deduced from the origin of time", London, 1658.

[2] B.Chaboyer et al., Science, 271, 1996, p957.

[3] Une période d'un milliard d'années signifie qu'au bout de ce temps, la moitié des U-235 se seront désintégrés. Un milliard d'années plus tard, la moitié de ce qui reste se désintégrera. Au bout de deux milliards d'années il ne restera que 25% des U-235. Connaissant leur concentration actuelle, on peut donc facilement déterminer l'âge de la matière.

[4] G.Abell, Astrophysical Journal Supplement, 3, 1958, p211 - G.de Vaucouleurs, Astrophysical Journal, 131, 1960, p585 - V.Rubin et al., Astrophysical Journal, 183, 1973, L111 - A.Sandage, Astrophysical Journal Supplement, 83, 1978, p904.

[5] M.Rowan-Robinson, The Cosmological Distance ladder, W.H.Freeman and Co., 1985.


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