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Une façon de vivre propre aux étoiles

Le diagramme H-R (II)

Historiquement, en 1912 l'astronome danois Ejnar Hertzsprung et l'astronome américain Henry N. Russell découvrirent indépendamment l'un de l'autre que la luminosité des étoiles dépendait directement de leur température effective. En corollaire, on pouvait leur appliquer la loi de Stephan (P = σT4) et la loi de Wien (T = 0.002884 / λ) qui est dérivée de la loi de Planck. Les deux astronomes mirent ainsi en évidence plusieurs relations impliquant la luminosité dont son rapport direct avec la masse et la taille des étoiles.

Calculette en ligne : la loi de Wien

Simulateur : Star in a Box

Ainsi, les paramètres fondamentaux des étoiles peuvent être réunis à travers la relation suivante :

L = 4πR2σT4eff

où L est la luminosité de l'étoile, R son rayon, Teff sa température effective et σ la constante de Stefan-Boltzmann (5.670367 x 10-8 W.m-2.K-4).

Toutefois, ces paramètres sont difficiles à obtenir directement. La température effective par exemple requiert la mesure de la quantité d'énergie de l'étoile à travers tout le spectre en tenant compte de l'absorption atmosphérique si les mesures sont effectuées depuis le sol. En pratique, on mesure le flux m(λ) dans des bandes spectrales spécifiques au moyen de filtres photométriques (bande B centrée à 440 nm, V à 550 nm, J à 1222 nm, H à 1630 nm et K à 2190 nm) que l'on exprime dans une échelle logarithmique de magnitude :

m(λ) = -2.5 log e(λ) / eo(λ)

où eo(λ) est une constante définissant la magnitude 0.

Il faut également connaître la distance (D) de l'étoile pour obtenir sa magnitude absolue (M) à partir de sa magnitude apparente (m) grâce à la relation suivante :

M = m + 5 + 5 log D

Entre 1913 et 1917, Hertzprung suggéra que la couleur des étoiles était proportionnelle à leur température. Il prétendit que les étoiles bleues étaient les plus chaudes et les plus grandes tandis que les étoiles naines rouges étaient les plus froides et les plus petites. Il proposa que les étoiles commençaient leur vie sous forme d'étoile bleue et chaude et se transformaient progressivement en étoile naine rouge.

Dans la foulée Hertzsprung fit d'autres découvertes. Il calcula notamment la distance des galaxies proches (dont celle du LMC) en utilisant les paramètres des étoiles variables Céphéides et fut le premier astronome à utiliser de manière intensive la magnitude absolue dans ses calculs.

En parallèle, en 1913 Russell publia un article historique intitulé ""Giant" and "Dwarf" Stars" dans la revue "The Observatory" de la Royal Astronomical Society dans lequel il expliquait en quelques pages l'évolution des étoiles géantes et des étoiles naines.

En 1914, le travail conjoint d'Hertzsprung et Russell donna naissance au premier diagramme de Hertzsprung-Russell illustrant la composition d'un amas d'étoiles. Le premier diagramme de Russell fut publié la même année dans la revue "Nature" (Vol.92, p257, 1914) dont voici l'article en format PDF.

Applet Java du diagramme H-R:

H-R Diagram Explorer, Brian Martin - Stellar Evolution, T.Herter

Stellar Evolution and the H-R Diagram, MHHE/McGraw-Hill

Download (Articles historiques dont ceux de R.Hertzsprung et H.Russell)

A gauche, le diagramme stellaire élaboré par H.N.Russell tel qu'il fut publié dans la revue "Nature" en 1914 dans lequel pour la première fois, les étoiles d'un amas sont classées en fonction de leur classe spectrale et de leur magnitude absolue. Russel découvrit que les étoiles ne se distribuaient pas au hasard mais se regroupaient dans trois groupes : la Séquence principale, les géantes rouges et les étoiles naines blanches. A droite, la version moderne du diagramme Hertzsprung-Russel. Comme nous l'avons expliqué précédemment ces couleurs sont les plus représentatives de la couleur réelle des étoiles au facteur de luminosité près qui a pour effet de saturer les couleurs. En abscisse on représente la classe spectrale (ou la température effective ou encore l'indice de couleur), en ordonnée la luminosité en progression logarithmique (ou la magnitude absolue. Durant leur maturité les étoiles évoluent sur la Séquence principale sur laquelle leur luminosité est proportionnelle à leur masse à un facteur près, puis s'en écartent durant la phase d'étoile géante pour mourir au bas du diagramme parmi les étoiles naines si elles ont une masse relativement faible. Documents H.N.Russell/Nature et T.Lombry.

Ce graphique qui porte désormais leur nom sous l'acronyme de diagramme H-R est construit en coordonnées logarithmiques et met en corrélation la classe spectrale et la luminosité des étoiles. En fonction de leur luminosité relative, les étoiles se regroupent dans trois zones distinctes :

- La Séquence principale qui s'étend en diagonale à travers le graphique. Le Soleil étant en plein maturité et en équilibre radiatif (son rayonnement suit la courbe d'un corps noir), avec une classe spectrale G2V, une masse de 1 M et une luminosité de 1 L par définition, il se trouve à peu près à mi-chemin de la courbe;

- La zone des étoiles géantes rouges, très lumineuses (jusqu'à un million de fois plus lumineuses que le Soleil !) se regroupent au-dessus et à droite de la Séquence principale;

- La zone des étoiles naines blanches, peu lumineuses mais très chaudes (35000-5000 K) en début de cycle se regroupent dans la partie inférieure gauche.

La publication de ce graphique fut une révélation pour tous les astronomes qui applaudirent chaudement l'invention. En effet, sans réaliser le moindre calcul, en un clin d'oeil tout lecteur pouvait découvrir l'évolution stellaire d'un amas ou le stade évolutif d'une étoile. Avec un peu de savoir-faire il pouvait même deviner la taille d'une étoile ou quel serait son prochain stade évolutif en regardant simplement sa position dans le diagramme H-R. L'idée était vraiment géniale !

Particularités du diagramme H-R

1. Le système de coordonnées

Le diagramme H-R est tracé par défaut en fonction de la classe spectrale et de la luminosité de l'étoile pendant son activité thermonucléaire. Toutefois, étant donné qu'il existe des corrélations entre couleur et température comme entre masse et luminosité, on peut établir le même diagramme en portant en abscisse la température effective ou l'indice de couleur (B-V) et en ordonnée la magnitude absolue de l'étoile puisque celle-ci ne dépend plus de la distance.

La température effective ou superficielle d'une étoile dépend de l'émission du corps noir. Son type spectral est déterminé par les raies d'absorption (ou éventuellement d'émission) qui se forment au niveau de sa surface ou photosphère. C'est donc grâce à l'analyse spectrale et l'identification des raies qu'on peut calculer la température de la photosphère et donc déterminer la température effective d'une étoile.

2. La couleur

Etant donné que la photosphère d'une étoile émet quasiment comme un corps noir (les différences provenant des raies spectrales) et que le spectre d'énergie de celui-ci ne dépend que de sa température, on peut donc déduire que la couleur d'une étoile ne dépend que de sa tempéraure. C'est pour cette raison qu'on peut utiliser indifféremment la température effective ou l'indice de couleur (B-V) dans un diagramme H-R. On y reviendra à propos de la photométrie de l'amas des Pléaides M45 où nous expliquerons comment déterminer sa position dans le diagramme H-R à partir de la mesure de la couleur des étoiles sous filtres bleu et vert.

3. Largeur de la Séquence principale

Comme on le voit ci-dessus, la Séquence principale n'est pas une ligne mais une zone présentant une certaine hauteur ou largeur, ce que Russell avait déjà mis en évidence. Ceci est une conséquence de la fusion de l'hydrogène. En effet, le processus de fusion se traduit par une consommation d'hydrogène qui finit par alléger la masse de l'étoile; ce changement physique mineur apparaît dans le diagramme H-R. Dans le cas d'une étoile de type solaire de 1 M, l'épaisseur de la Séquence principale représente une variation de luminosité de 1-3 L. En revanche, pour une étoile de 10 M, étant donné que l'échelle est logarithmique, la luminosité varie entre 4000-40000 L. Pour une étoile de plus de 30 M, la variation de luminosité dépasse 100000 L.

La limite inférieure de (cette zone de) la Séquence principale est appelée la ZAMS acronyme de l'Âge Zéro de la Séquence Principale. C'est à partir de ce point ou de cet instant que l'on calcule l'âge des étoiles. Ainsi, le Soleil est âgé d'environ 4.58 milliards comptés à partir de la ZAMS.

4. Durée

Le trajet suivi par une étoile dans le diagramme H-R n'est pas proportionnel au temps car la durée des différentes phases varie en fonction du type d'étoile et de son stade évolutif. Ainsi une étoile de type solaire ne bouge pratiquement pas durant les 8 milliards d'années durant lesquels elle se trouve sur la Séquence principale (juste un peu verticalement comme expliqué ci-dessus). En revanche, lorsqu'elle se transformera en géante rouge, en l'espace de quelques milliers d'années elle va quitter la Séquence principale pour rejoindre la population des étoiles géantes. Puis en l'espace de quelques centaines de millions d'années, en fonction de son stade évolutif elle va se déplacer tantôt à gauche tantôt à droite dans la région des étoiles géantes. On y reviendra.

Application

Aujourd'hui la classification d'Harvard reportée dans un diagramme H-R complétée par le système MK des classes de luminosité vue précédemment représentent un puissant outil d'analyse. Tous les astronomes l'utilisent, qu'ils soient chercheurs, professeurs en chaire, éducateurs de stage d'astronomie ou simples amateurs. Ainsi à partir des 5 opérations suivantes on peut connaître facilement le stade d'évolution d'une étoile et même calculer sa distance :

- Déterminer sa classe de luminosité MK

- Trouver sa localisation dans le diagramme H-R

- Noter sa magnitude absolue (M)

- La comparer à sa magnitude apparente (m)

- Calculer la distance à partir du module de distance (m-M).

Cette méthode s'appelle la parallaxe spectroscopique (même si elle n'a rien à voir avec la parallaxe) et aurait dû idéalement s'appeler la mesure de distance H-R ou de distance spectroscopique, mais l'histoire en a décidé autrement.

Quand les valeurs d'indice de couleur et de magnitudes apparente et absolue sont déterminées, l'astronome peut notamment calculer les dimensions de l'étoile, son âge ainsi que sa distance. Ces données sont généralement déduites soit de relevés astrométriques pour les étoiles proches (parallaxe, etc), soit de l'analyse photométrique et/ou spectrométrique ainsi que nous le verrons dans deux exercices,l'un consacré à M45, l'autre à Bételgeuse.

Ainsi, sachant que le Soleil est de classe spectrale G2V, qu'il se situe sur la Séquence principale et présente une masse solaire, compte tenu de son taux d'activité et de ses réserves de combustible (cf. la phase Post-Séquence principale), on peut dire qu'il restera 10 milliards d'années dans cet état avant de se transformer en étoile géante rouge. Mais ne brûlons pas les étapes. On y reviendra un peu plus tard lorsqu'il aura épuisé l'essentiel de son combustible.

A lire : Magnitude et distance (dont le module de distance)

Détermination des paramètres des étoile géantes

Etoiles particulières

En attendant, nous pouvons relever quatre étoiles particulièrement intéressantes dans le diagramme H-R qui nous permettent d'apprécier toute la diversité des étoiles et la complexité de l'évolution stellaire.

- VB 10 (Gliese 752B) est probablement l'étoile la plus froide et la moins massive jamais observée. Elle est de classe M8 Ve ce qui signifie qu'elle se situe déjà sur la Séquence principale mais tout en bas, dans la catégorie des protoétoiles. Vu sa très faible masse (~0.08 M), si elle consomme parcimonieusement son combustible nucléaire ou en avait suffisamment, elle pourrait en théorie survivre plus de 100 milliards d'années. En pratique, ayant des réserves limitées, elle vivra environ 15 milliards d'années.

- Bételgeuse, de classe spectrale M2 Iab, c'est une étoile supergéante rouge plus grande que l'orbite de Mars (600 R !) et d'environ 20 M. Elle est donc immense et de ce fait elle brille comme 100000 soleils et présente une très faible densité. Sa température effective atteignant à peine 3600 K, elle rayonne surtout en infrarouge (255 nm). Née avec une masse d'environ 30 M, elle s'est écartée de la Séquence principale voici plusieurs millions d'années et terminera sa vie dans quelques dizaines de millions d'années sous la forme d'une naine blanche.

- Zeta Puppis, de classe spectrale O4 Iaf, c'est une étoile bleue supergéante dont la température effective avoisine 42400 K, l'une des plus élevées. Elle présente un rayon de 20 R pour une masse de 56 M. C'est l'une des étoiles les plus brillantes de la Voie Lactée avec une magnitude absolue de -6.1 (mv = 2.2). Rayonnant essentiellement en UV, très chaude, très grande et très massive, sa durée de vie sera probablement limitée à 5 ou 6 millions d'années.

- Sirius B, est une étoile naine blanche de classe spectrale dA2 et de 32000 K, deux fois plus chaude que Sirius. Elle mesure à peine 12000 km de diamètre pour une masse atteignant 0.986 M ! La gravité y est 350 à 400000 fois plus forte que sur Terre : 1 cm3 de matière pèse 2.25 tonnes sur Sirius B ! Ce compagnon gravite à plus de 20 UA de Sirius, l'équivalent de la distance d'Uranus au Soleil et présente aujourd'hui un écart angulaire voisin de 11". Sa magnitude visuelle est de 8.44, elle est donc noyée dans l'éclat de Sirius (mv = -1.46).

Application du diagramme H-R

Ainsi que nous l'a démontré Henry Russell, le diagramme H-R s'adapte très bien aux amas d'étoiles pour déterminer l'âge global des amas ouverts (souvent jeunes) et des amas globulaires (souvent aussi âgés que l'univers) et en corollaire celui des plus vieilles étoiles de l'univers ce qui permet d'ajouter une contrainte sur l'âge de l'univers.

A lire : La photométrie appliquée aux Pléiades

Construction d'un diagramme H-R

Le diagramme H-R peut-être appliqué à un ensemble d'étoiles. La photographie de l'amas M55 (à gauche) sous filtre bleu et vert, suivie de la mesure des indices (B-V) des étoiles individuelles (mesure de leur indice de couleur en fonction de leur diamètre) permet de les replacer chacune dans le diagramme H-R reprenant l'indice (B-V) en abscisse et la magnitude V en ordonnée. Au final, on obtient un ensemble de points présentant l'avantage de pouvoir déduire le stade évolutif et donc l'âge de cet amas. La distribution spectrale des étoiles au sein de M55 permet de se rendre compte qu'une majorité d'entre elles sont peu lumineuses mais qu'il renferme quelques étoiles géantes bleues et rouges. M45 (à droite) présente une distribution plus régulière soulignée par quelques étoiles bleues et blanches très lumineuses. Dans les deux cas, ces étoiles brillantes, rouges ou bleues, apparaissent clairement sur les photographies. Documents SWOPE/CAMK et T.Lombry.

Si on applique le diagramme H-R à l'amas globulaire M55 par exemple présenté ci-dessus, on constate que la majorité des étoiles sont relativement jeunes et peu lumineuses avec toutefois la présence de quelques étoiles géantes bleues et rouges, quelques-unes dépassant de plus de 100 fois la luminosité du Soleil. Ces quelques étoiles géantes se transformeront certainement un jour en supernovae et malgré sa faible densité spatiale et la dispersion du gaz, M55 continue d'un autre côté à produire de nouvelles étoiles.

Il est également possible d'appliquer ce diagramme aux galaxies mais la plupart ne peuvent pas être résolues en étoiles individuelles et la quasi totalité d'entre elles renferment des étoiles de toutes les générations (vieilles dans le bulbe et jeunes en périphérie dans les bras) à l'exception des galaxies elliptiques qui contiennent surtout des étoiles très âgées, leur donnant une coloration rougeâtre.

Les limites du diagramme H-R

Le diagramme H-R ne "fonctionne" que pour les étoiles thermonucléairement actives car il exprime la relation qui relie la température de l'étoile à sa masse (voir ces exercices). Si une étoile massive de 15-20 M par exemple comme Antarès s'effondre sur elle-même, son coeur va se transformer en silicium puis en nickel et se désintégrera en fer. Arrivé à ce stade, les réactions nucléaires sont interrompues du fait que la réaction du fer est une réaction endothermique et requiert un apport d'énergie.

La modélisation de l’étoile se base alors sur une température nulle qui n'obéit plus du tout aux mêmes lois. La plupart des supergéantes ont par exemple une magnitude absolue voisine de -8, leur luminosité ne dépendant plus uniquement de leur masse mais également de leur stade évolutif. On conserve malgré tout l'idée de classe spectrale pour les étoiles sur le déclin, géantes rouges en fin de vie ou étoiles naines, car on considère par approximation qu'en début de cycle elles diffèrent peu des étoiles ordinaires.

Nous reviendrons sur cette question un peu plus loin car il existe plusieurs méthodes alternatives permettant d'estimer la luminosité des étoiles géantes.

Explorons à présent cet univers étrange où, dit-on, les étoiles ont également une vie, se développent dans une nurserie, connaissent l'insouciance de la jeunessse, la vigueur de la maturité et les tourments de la vieillesse. Nous allons examiner en détail la vie d'une étoile entre sa naissance et sa fin ultime où elle aura consommé tout son combustible et disparaîtra du firmament au profit d'une nouvelle génération.

Prochain chapitre

La vie d'une étoile

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