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L'univers des galaxies
La classification des galaxies (II) Les astronomes se sont très tôt demandés si les grandes galaxies comme M31 étaient plus communes que les galaxies naines par exemple ou si les spirales étaient plus nombreuses que les elliptiques. Sur le plan cosmologique, ils se sont également demandés si les galaxies ont toujours été similaires dans le passé ou si elles grandissent au cours du temps, présentant une masse, une luminosité ou une activité variable selon les époques. Enfin, il est également intéressant de savoir si elles se regroupent et forment des structures à grande échelle. Pour répondre à des questions aussi techniques, Hubble et ses collègues ainsi que les nouvelles générations d'astronomes ont dressé l'inventaire de toutes les galaxies, d'abord brillantes et proches puis de plus en plus pâles et éloignées en fonction des performances des télescopes. Puis, une fois le catalogue établit, ils ont développé des outils statistiques, des modèles pour reproduire la distribution des galaxies dans l'espace ainsi qu'à différentes époques et mieux comprendre leurs interactions mutuelles qui, comme nous le verrons, peuvent modifier leur morphologie de manière très spectaculaire. Grâce à la découverte d'Edwin Hubble et les travaux de ses héritiers, nous savons aujourd'hui que l'Univers contient d'innombrables galaxies semblables à la Voie Lactée. Leur morphologie, leur luminosité et leur masse sont très variées. Preuve de l'immense travail accompli en un siècle, dans le cadre du sondage DES et grâce à l'intelligence artificielle, en 2021 les astronomes avaient catalogué la morphologie de 27 millions de galaxies jusqu'à la magnitude 21.5 et z = 0.65 ou 6 milliards d'années-lumière (contre quelque 600000 galaxies à l'époque du premier sondage SDSS démarré en 2000). Voyons comment nous sommes arrivés à ce résultat en décrivant les différents morphologies de galaxies et leur classification. Nous verrons plus loin leurs interactions et leur évolution. Nous décrirons leurs distributions spatiale et temporelle dans les articles consacrés aux amas de galaxies et à la structure de l'Univers. Les galaxies à disque et les autres Avant même que la classification de Hubble soit effective, sur base des premières photographies des galaxies, les astronomes définirent les "galaxies à disque" comme étant celles présentant un disque autour d'un bulbe central. Elles comprennent les galaxies spirales (les futures types S et SB de Hubble) et les galaxies lenticulaires (le futur type S0 de Hubble). Celles qui ne présentent pas cette structure typique sont les galaxies elliptiques (le futur type E de Hubble) et les irrégulières (Irr). A l'image de la Voie Lactée, le disque des galaxies spirales contient du gaz et des étoiles tandis que les lenticulaires sont presque uniquement composées d'étoiles. Les galaxies à disque et en particulier les spirales sont gravitationnellement instables, un phénomène qui engendre la formation des bras spiraux et parfois d'une barre nucléaire. Les galaxies elliptiques ont une forme ellipsoïdale ou sphérique et comprennent beaucoup plus de vieilles étoiles que les galaxies spirales. Cette classification s'avéra rapidement insuffisante pour décrire la grande diversité des galaxies. Edwin Hubble décida donc de la compléter et de subdiviser les différents types en sous-types, un travail de classement fastidieux, routinier et ennuyeux mais pourtant indispensable qui l'occupa pendant pendant plus de dix ans en parallèle de l'étude de la nature de la "Grande nébuleuse d'Andromède", M31, et du phénomène d'expansion de l'Univers. La classification de Hubble Grâce aux multiples photographies qu'il réalisa grâce au télescope Hocker de 2.5 m du Mont Wilson, en 1925 Hubble[15] proposa un système de classification des galaxies. Il le modifia légèrement en 1936 dans son livre "The Realm of the Nebulae" avec l'introduction des types S0 et SB0 pour tenir compte de galaxies au-delà du type E7 n'ayant pas de structure spiralée. Cette classification des galaxies est connue sous le nom de "diagramme de Hubble" (ou diagramme en fourche de Hubble). Depuis, cette classification a été améliorée suite aux observations faites dans le rayonnement infrarouge où la forme des galaxies diffère parfois assez bien de leur aspect en lumière blanche, mais les principales classes ou types de galaxies ont été maintenus. On y reviendra. La séquence proposée par Edwin Hubble dessine une fourche. Sur le tronc commun se trouvent les galaxies elliptiques allant de la forme sphérique (E0) à lenticulaire (E7 ou S0). Ensuite la branche se divise en deux, l'une consacrée aux galaxies spirales (S) l'autre aux galaxies spirales barrées (SB). Ces deux branches sont subdivisée en trois sections, a, b, c en fonction de l'ouverture des bras (ouverts, intermédiaires, serrés). A télécharger : The classification of Spiral Nebulae, Edwin Hubble The Observatory, Vol. 50, 1927, pp276-281 (PDF de 519 KB)
Documents John Kormendy et Spitzer SINGS Group. La classification de Hubble est la suivante : - Les galaxies elliptiques, qui présentent une symétrie de rotation complète. Elles sont souvent extrêmement denses que les plus grands télescopes sont parvenus à séparer en étoiles distinctes. Elles sont classées E0 à E7 selon l'aplatissement du disque. Notons que pour le type E7, l'orientation des axes principaux par rapport à l'axe de visée est toujours inconnu. Nous pouvons citer M32 et NGC 205 les deux satellites de M31, M60, M85, M86, M87, M88, M89 appartenant à l'amas de la Vierge et dont une centaine de membres sont aisément accessibles à l'amateur sans oublier IC 1101, l'une des plus grandes galaxies de l'univers, sur laquelle nous reviendrons (page 7). La plupart des galaxies elliptiques se trouvent au centre des grands amas de galaxies qu'elles illuminent de leurs feux. - Les galaxies spirales, classées S, à noyau important et à bras réguliers et peu développés, ou à noyau moins développé et à bras importants, classées Sa, Sb et Sc. Citons M31, M33, M51, M63, M81, M101, M104 parmi celles présentant la plus belle morphologie. - Les galaxies spirales barrées, classées SB, dont les bras partent de l'extrémité d'une barre qui traverse le noyau et classées SBa, SBb, SBc selon l'ouverture des bras. C'est aussi la population la plus nombreuse avec environ 70% des galaxies à disque dans l'univers proche. La Voie Lactée, M58, M77, M83, M95, M96, NGC 1300 et NGC 1360 appartiennent à cette classe, auxquelles il faut ajouter le Grand Nuage de Magellan, classé SB(s)m. On reviendra plus loin sur la formation des galaxies spirales barrées (page 7). A voir : Hubble Gallery - Heck Yeah Galaxies - Seligman Celestial Atlas
- Les galaxies lenticulaires, classées S0, qui n'étaient pas reconnues dans le document de 1925 de Hubble sont une forme intermédiaire entre les galaxies elliptiques E7 et les spirales S et SB. L'hypothèse proposée par Hubble sera confirmée empiriquement par voie photographique en 1950. Ces galaxies sont symétriques et ne présentent pas de structure spirale ni de barre centrale. Elles présentent un gros noyau central et un disque aplati. Elles ne contiennent pas de gaz ni de poussières. Citons M84, NGC 2685, NGC 3115 et NGC 4477. - Les galaxies irrégulières, classées I, telles M82, le Petit Nuage de Magellan, NGC 2976 qui n'ont pas de forme définie, dans lesquelles se développe une Population I d'étoiles bleues supergéantes. Elles ne représentent que quelques pourcents de toutes les galaxies. Ces catégories sont complétées par l'adjectif "pec" de peculiar lorsque leur morphologie en lumière visible est anormale (superlumineuse, anneau interne ou externe, en interaction avec un compagnon, etc) ou "d" s'il s'agit d'une galaxie naine (dwarf). Nous verrons que les simulations permettent également d'établir un lien entre les galaxies spirales normales et les barrées, les galaxies précoces de type Sa pouvant se transformer en barrées tardives de type SBc. Les galaxies irrégulières ont longtemps été classées dans la continuation du type Sc avant d'être séparée définitivement de ce schéma.
Dans une certaine mesure, la classification des galaxies de Hubble met en évidence une série évolutive dont la progression semble très logique. Ainsi, la transition S0 et SB0 est fermement établie, de même que l'évolution des galaxies elliptiques E0 en type plus tardif E3 ou E5. En revanche, il est utile de le rappeler que si Hubble qualifiait les galaxies elliptiques de "type précoce" et les galaxies spirales de "type tardif", sous-entendant que les galaxies elliptiques étaient les précurseurs des galaxies spirales, il ne le pensait pas réellement, mais beaucoup d'astronomes l'ont cru pendant des décennies. En effet, en établissant sa classification, Hubble ne pensait pas réaliser un classement évolutif des galaxies, lui-même ne sachant pas encore très bien de quelle manière évoluaient les différents types de galaxies. En fait, il utilisa simplement ces noms et ces dénominations pour différencier les différents types de galaxies elliptiques et spirales. La classification révisée de Vaucouleurs Devant l'éventail des morphologies des galaxies, en 1959 Gérard de Vaucouleurs[16] révisa la classification des galaxies de Hubble pour tenir compte de caractéristiques plus subtiles mais très importantes pour comprendre leur dynamique. De Vaucouleurs introduisit plusieurs types intermédiaires : - le type Sd et le type magellanique (m) pour assurer la transition entre les galaxies spirales et irrégulières, par exemple Sd, SBd, Sm, Im - les galaxies supergéantes ou géantes (cD, central dominant) est un sous-type de galaxie elliptique dont le corps central diffus s'entoure d'un halo stellaire très étendu. - les spirales à distorsion ovale ou faiblement barrées (SAB) - les galaxies présentant un anneau (ring) autour du noyau d'où partent les bras (S(r)) ou sans anneau (s) - les galaxies dont les bras partent directement du noyau (S(c)) - les galaxies qui présentent un anneau externe, souvent une extension des bras spiraux qui se rejoignent (RS) - les galaxies intermédiaires entre les lenticulaires S0 et les spirales SA (A).
Comme illustré ci-dessus, la classification de Vaucouleurs s'étend dans les trois dimensions et forme un volume lenticulaire : - sur l'axe longitudinal se trouve la classification étendue de Hubble : E0-E7, S0-, S0°, S0+, Sa, Sb, Sc, Sd, Sm, Im - sur l'axe transversal sont reprises les caractéristiques de l'anneau (ou son absence) autour du noyau : AB(s), AB(rs), AB(r) - sur l'axe vertical ont été reprises les distinctions entre les galaxies normales et les barrées : A, AB, B. Ainsi, pour chaque classe spirale de l'axe "x" et pour ses types intermédiaires, on peut découper une tranche dans la classification révisée de Vaucouleurs qui se décompose en 8 secteurs auquel s'ajoute un modèle mixte au centre, SAB(rs). Selon cette nomenclature la Voie Lactée qui était auparavant classée Sb puis SAB est classée SBcm depuis 1991. La galaxie spirale NGC 1350 présentée ci-dessous à droite était jusqu'à présent classée parmi les spirales barrées SBa-b. Sa classification fut révisée et elle appartient dorénavant à la classe SB(r)ab et Seyfert, c'est-à-dire une galaxie spirale faiblement barrée présentant un anneau intérieur d'où partent les bras, et Seyfert car il s'agit d'une galaxie à noyau actif (AGN). On reviendra sur l'anneau intérieur lorsque nous discuterons de la cinématique des galaxies.
En proportion, selon les sondages du SDSS, environ 77% des galaxies ont une forme spirale et 20% sont elliptiques et/ou lenticulaires. Parmi les galaxies spirales, les 2/3 sont barrées dont une moitié faiblement, l'autre fortement barrée. Parmi les spirales, 60% présentent des bras multiples, 30% sont floconneuses et 10% sont dites de "grand style" (grand design), présentant des bras spiraux importants et bien définis comme par exemple M81. L'exemple résumant le mieux la classification est le lointain amas compact du Quintette de Stephan. Il rassemble : NGC 7318a (E2), NGC 7317 (E4), NGC 7320 (Sa), NGC 7319 (Sb) et NGC 7318 (SBb), sans oublier les grands amas de galaxies où la diversité est presque infinie. Nous décrirons en dernière page comment les galaxies évoluent d'un type à l'autre et tenterons de proposer un modèle unifié. Les galaxies X Beaucoup de galaxies dont la Voie Lactée présentent un bulbe en forme de X (box) ou de cacahuète (peanut) qui fut décrit pour la première fois par les Burbidge en 1959 (ApJ, 130, 20) et cataloguées en tant que "galaxie X" par Gérard de Vaucouleurs en 1972 (Mem. R.A.S., 77, 1). Une importante liste de galaxies X fut compilée par Brian J. Jarvis en 1986 et Martin A. Shaw en 1987.
Cettte forme particulière a été observée dans plus de 40% des galaxies vues de profil des classes S0 à Sd dont quelques exemplaires sont présentés ci-dessus. Cette forme en X est directement liée à la présence d'une barre triaxiale. On y reviendra en détails à propos de la Voie Lactée. Prochain chapitre Classifications complémentaires
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