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L'eau, l'or bleu

Récolte de navets. L'agriculture rejète 66% de la pollution par les nitrates. Document Okfarmbureau.

L'eau potable (V)

Autres formes de pollution des eaux : les nitrates

A leur tour, passé un certain seuil, les nitrates peuvent engendrer chez les enfants et surtout les nourrissons, un empoisonnement du sang appelé la maladie bleue (méthémoglobinémie).

Les nitrates ne sont pas nocifs pour la santé jusqu'à des concentrations de 50 mg/l au-delà desquelles l'eau doit être traitée. Mais sous l'action d'une bactérie présente dans le corps humain, ces nitrates se transforment en nitrites. A l'image de ce qui ce passe chez les poissons, les nitrites oxydent l'hémoglobine du sang qui ne peut plus fixer l'oxygène ce qui perturbe la respiration cellulaire. Même à faible concentration, à long terme ce phénomène peut provoquer des cancers chez les adultes lorsqu'ils sont associés à certains pesticides avec lesquels ils forment des composés cancérogènes (comme l'atrazine, un herbicide utilisé dans la culture du maïs).

Alors qu'en l'absence de contamination, la teneur en nitrates des eaux souterraines varie de 0.1 à 1 mg/L d'eau, elle dépasse souvent aujourd'hui 50 mg/L, norme retenue pour les eaux potables par l'OMS. Désormais, de telles eaux nécessitent donc un traitement spécifique pour pouvoir être consommées.

La difficulté avec les pesticides est qu'ils sont très nombreux : plusieurs centaines de molécules sont quotidiennement utilisées. En outre, dans la nature la dégradation naturelle de ces molécules en génère d'autres tout aussi toxiques. Mais une fois de plus, la toxicité des pesticides et des produits de dégradation est mal connue, surtout les effets à long terme de doses infimes mais répétées. Une seule chose est sûre, l'agriculture produit 66% de la pollution par les nitrates. Quelle société de chimie ou d'ingénierie agricole souhaite endiguer cette pollution ? Je ne vois pas beaucoup de volontaires.

Les phosphates

A ces pollutions il faut ajouter les phosphates. Ils proviennent à parts à peu près égales des engrais, de l'industrie, des déjections humaines ainsi que des détergents ou lessives phosphatées. En Europe de l'Ouest, les rejets phosphatés représentent 3.5 g/habitant et par jour dont 75% concernent les détergents.

La lessive bio avec des noix de lavage indienne desquelles on extrait la saponine, un détergent naturel. Essayez, il n'y a aucun risque pour votre machine, c'est économique et biodégradable. Doc Biorevo.

Les phosphates sont les principaux responsables des phénomènes d'eutrophisation et de dystrophisation. Bien que non toxiques pour les êtres vivants, ils portent atteinte à l'environnement et déséquilibrent le milieu lorsqu'ils sont en fortes concentrations : en-dessous de 0.025 mg/L, les phosphates ne produisent aucun effet sensible sur l'environnement. Entre 0.025 et 0.1 mg/L, ils stimulent la croissance des plantes et deviennent de véritables engrais pour les végétaux. A une concentration supérieure à 0.1 mg/L ils accélèrent la croissance des plantes et les effets indésirables telle que l'eutrophisation.

Le seul avantage des phosphates est de neutraliser l'action du calcaire d'où leur utilisation dans les lessives pour adoucir l'eau et obtenir ainsi un meilleur lavage. Mais afin de ne pas contaminer les milieux aquatiques, les stations d'épuration procèdent de plus en plus au déphosphatage des eaux usées, mais le traitement est très coûteux.

Une autre solution consiste à adopter l'exemple Suisse : depuis 1986 ils ont interdit l'emploi des phosphates dans les lessives, une mesure qui a permis de diminuer l'eutrophisation du lac Léman très atteint depuis les années 1950. Depuis lors, la Suisse a recours à un produit de substitution efficace, le nitrilotriacétate, déjà utilisé depuis les années 1980 au Canada. Toutefois, si ce produit se dégrade vite et bien, il a le défaut d'entraîner la libération des métaux lourds fixés dans les sédiments, et ses effets à long terme sont mal connus.

On peut également lui substituer les zéolithes combinés avec des phosphonates, des produits détergents commercialisés depuis 1989 : bien que non biodégradables, ces composés n'ont pas d'effet nocif connu.

Il existe toutefois une solution totalement écologique : c'est la noix de lavage indienne de laquelle on extrait la saponine, un détergent naturel. Le produit se vend et vous pouvez en acheter dans le cadre du commerce équitable. Pour 14 euros le sac d'un kilo, vous pouvez faire votre lessive pour une famille de 4 personnes pendant 1 an ! Ajoutez-y un sel détachant biologique (du percarbonate de sodium) et vous préserverez la blancheur de votre linge.

A lire : Science in the box

Information sur les produits de lessive

L'eutrophisation

Ainsi que nous l'avons vu à propos des écosysèmes aquatiques, un apport excessif en nutriments et en matières organiques biodégradables nuit à l'équilibre des écosystèmes. Ce phénomène s'observe surtout dans les milieux aquatiques dont les eaux sont peu renouvelées : marais, lacs ainsi que les estuaires de certains grands fleuves (Loire, Tamise, etc). Ces nutriments proviennent principalement des phosphates contenus dans les détergents et les engrais, des nitrates contenus dans les engrais azotés ainsi que de l'ammoniac issu de la décomposition des déjections animales par des bactéries aérobies.

Quand l'eutrophisation est due aux pollutions, on parle de dystrophisation. Elle ressemble à l'eutrophisation naturelle mais elle est beaucoup plus rapide car le milieu est alimenté par de grandes quantités de nutriments et de matières organiques biodégradables.

Dans les lacs proches des centres urbains, la dystrophisation se manifeste de la manière suivante : les matières organiques biodégradables sont dégradées par les bactéries aérobies présentes dans le milieu. Ce mécanisme consommant beaucoup d'oxygène, on assiste tout d'abord à un appauvrissement du milieu en oxygène dissous. En revanche, l'excès de nutriments entraîne une multiplication en surface du phytoplancton et de certaines plantes aquatiques avides de lumière. En mourant, ces végétaux augmentent encore les quantités de matières organiques biodégradables. Toute cette biomasse augmente la prolifération des bactéries aérobies qui finissent par consommer tout l'oxygène des eaux profondes qui ne sont plus ré-oxygénées en raison du faible brassage des eaux. On observe alors une différenciation des eaux du lac : les eaux proches de la surface sont très oxygénées tandis que les eaux profondes sont totalement désoxygénées et sont plongées dans la pénombre car la prolifération des algues et des plantes en surface empêche toute pénétration de la lumière. Peu à peu la vie disparaît dans ces profondeurs et dans les régions tropicales seuls les plus grands prédateurs y survivent à l'affût d'une proie, notamment les crocodiles. Au bout d'un certain temps, seules les bactéries anaérobies survivent dans ce milieu dépourvu d'oxygène : elles se multiplient et provoquent la fermentation de toute la matière organique accumulée, libérant des gaz nauséabonds (hydrogène sulfuré et ammoniac) et du méthane.

La pollution thermique

L'eau chaude est une forme de pollution tout aussi nocive que les pesticides ou d'autres formes de pollution. En effet, jeter de l'eau bouillante sur le bas côté d'un sentier et vous obtiendrez le même effet que le plus puissant anti-herbe. Quant aux poissons, au-delà de 38°C ils meurent tous par asphyxie.

Pollution des eaux. Document UNEP/ Topham/ David J.Cross.

Ce type de pollution est engendré par le liquide de refroidissement des industries y compris des centrales nucléaires thermiques. Ce danger paraît mineur. Or l'eau pompée dans les cours d'eau ou dans le milieu marin est restituée au sortir de ces usines à une température plus élevée de 2 à 5°C. Elle réchauffe à son tour les eaux ce qui perturbe la vie aquatique, animale ou végétale, notamment en modifiant les rythmes physiologiques des espèces (reproduction, survie hivernale, etc). C'est ainsi que le Luxembourg a dû contraindre la France à réduire ses rejets d'eau chaude dans les fleuves qui s'écoulaient ensuite vers son pays.

Les pluies acides

Depuis le début des années 1950, on observe une forte augmentation de l'acidité des eaux de pluie dans la plupart des régions industrielles du monde. Ces "pluies acides" résultent des réactions de la vapeur d'eau contenue dans l'atmosphère avec les gaz polluants (dioxyde de soufre et oxydes d'azote) et les particules issus des activités industrielles (combustion d'énergies fossiles riches en soufre, de la circulation automobile et de l'élevage industriel). Ces gaz sont oxydés en acides, notamment sulfurique et nitrique et acidifient les précipitations. En d'autres termes, il pleut de l'acide sulfurique et nitrique, évidemment très dilués.

Ces pluies acides endommagent les forêts et empoisonnent les sols, contaminent les lacs et les rivières. Tant que les gaz et les particules acides sont présents en faibles quantités, les carbonates et les bicarbonates dissous dans l'eau peuvent neutraliser leur acidité. Mais si les apports acides sont trop importants ou que pouvoir tampon de l'eau est trop faible, l'acidité peut brutalement augmenter.

L'acidité des sols a un rôle pervers. Lorsque le pH est inférieur à 5 l'acidification des eaux met en solution des sels d'aluminium contenus dans des silicates (argiles) et dont la solubilité croit rapidement avec l'acidité du milieu. Très toxiques, ces sels perturbent la photosynthèse des végétaux et la biologie des organismes aquatiques. D'autres métaux toxiques, comme le cadmium et le plomb, jusque-là fixés dans les sédiments, sont également libérés. Si l'acidité est encore plus élevée (pH < 4), les vertébrés comme la plupart des micro-organismes sont détruits. Seules quelques algues et quelques bactéries survivent dans ces milieux extrêmes. Les eaux acides affectent gravement des milieux a priori protégés comme les nombreux lacs des pays scandinaves, le Canada ou le Japon. En Europe se sont des pans entiers de forêts qui ont vu leur feuillage jaunir et dépérir en l'espace de quelques décennies. Les pins n'ont pas échappés à cette catastrophe.

A lire : Les effets du gaz carbonique

(effet de serre et acidification des océans)

La pollution radioactive

Enfin, il y a le mal invisible et persistant induit par la radioactive libérée par les explosions atomiques en atmosphère et les accidents nucléaires dont notamment celui de Tchernobyl en 1986.

Grâce aux normes qui limitent drastiquement les rejets gazeux ou liquides radioactifs issus des centrales nucléaires, de nos jours la radioactivité rejetée dans l'environnement par les activités humaines est très inférieure à la radioactivité naturelle due au rayonnement cosmique et à la radioactivité de l'écorce terrestre. Il reste néanmoins que certains champignons et végétaux ainsi que le gibier sauvage se trouvant dans les zones contaminées par le nuage de Tchernobyl ont accumulé beaucoup plus de matière radioactive que d'autres produits naturels.

Radioactivité moyenne de l'ensemble des dépôts de césium-137 en Europe en 1998. Document Caesium Atlas/C.E.

Les risques de pollution radioactive sont donc avant tout liés aux accidents potentiels. L'accident de Tchernobyl entraîna le développement d'un nuage radioactif qui recouvrit 40% de l'Europe en quelques semaines. Retombant au sol avec les pluies, les radionucléides ont été entraînés par ruissellement et infiltration jusque dans les nappes phréatiques (surtout en Ukraine, en Bélarus mais également en Europe occidentale). C'est ainsi que des taux anormalement élevés de césium-137 ont été retrouvés dans des bassins versants de France et de Belgique alimentant les cours d'eau.

Bien que le volume d'eau contribue à la dilution des radionucléides, une fois encore ces substances peuvent se retrouver en plus grande concentration dans les poissons et les crustacés. C'est ainsi qu'en Belgique certains poissons d'élevage et même les fruits de mer présentaient encore en 2004 un taux de césium-137 deux à cinq fois supérieur à celui relevé dans la viande de boucherie. Cela reste néanmoins plusieurs centaines de fois inférieur au seuil de toxicité fixé par la Commission européenne. Je vous suggère de consulter l'article sur l'accident de Tchernobyl pour plus de détails.

Nous pourrions y ajouter la question sensible des déchets radioactifs immergés jusqu'en 1982 dans de profondes fosses sous-marines par une douzaine de pays, dont les États-Unis, la Russie, la France et le Royaume-Uni. Les Russes auraient poursuivi cette pratique jusqu'en 1992, n'hésitant pas à immerger des réacteurs et des sous-marins nucléaires. Un jour viendra où ces fûts seront corrodés et contamineront les mers. Nos descendants dégusteront nos erreurs !

Il y a enfin plusieurs lacs et rivières russes qui furent gravement contaminés par la radioactivité. Le lac Karatchaï situé dans les contreforts de l'Oural a servi durant des années de décharge à quantités de liquides radioactifs. D'une superficie de 45 ha, on estime que le fond du lac renfermerait 4.4 x 1018 Bq de déchets nucléaires, soit deux fois ce que libéra le nuage de Tchernobyl ! C'est le lac le plus radioactif au monde avec un taux de radioactivité de 600 mSv/h !

Rappelons que la dose cumulée de radioactivité devient dangereuse à partir de 500 mSv où l'on constate les premiers symptômes d'altération sanguine. Pour la nourriture, le seuil fixé par la Commission européenne est de 600 Bq/kg de produit que l'on va soit cuisiner soit consommer. Dans des conditions normales, la radioactivité est en moyenne de 0.27 mSv par an au niveau de la mer et l'eau de mer présente une radioactivité d'environ 10 Bq. Dans le lac Karatchaï nous sommes un milliard de milliards de fois au-dessus de ces valeurs ! Ces déchets se déplaceraient actuellement le long de la rivière Irtych et menaceraient à terme de polluer toute la région de Sibérie occidentale et l'océan Arctique.

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