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L'esclavage L’esclavage moderne (VIII) Si en théorie l'esclavage a été aboli dans tous les pays depuis les années 1980, en pratique on constate qu'il a pris de nouvelles formes et s'est adapté aux nouveaux visages de la société. Le fléau séculaire est devenu moins violent physiquement parlant mais il est plus surnois et plus sordide car les victimes ont aujourd'hui plus conscience que jamais de leur condition d'esclave mais constatent avec désespoir que le public reste insensible à leur douleur, mal informé ou préférant tourner la tête. Heureusement, l'ONU, les ONG et bien sûr les médias font leur possible pour aider les victimes et dénoncer les marchands d'esclaves. Dans son rapport du 26 juillet 2006, l’Human Rights Watch (HRW) rapportait que la violence et des conditions proches de l’esclavage existaitent toujours dans 12 pays, principalement des abus contre les travailleurs domestiques. Mais ainsi que nous allons le découvrir, un recencement rapide permet toutefois de multipler ce nombre par deux sinon plus. Dans les faits, le Bureau International du Travail (BIT), qui dépend de l’ONU, ne dénonce pas exactement l'esclavage, mais l'ampleur du travail forcé dans le monde, qu'il définit comme : "le travail ou le service exigé [qui] est exécuté sous la menace d’une peine et contre la volonté de la personne." Dans un rapport publié le 11 juin 2005, le BIT estimait que 12.3 millions de personnes étaient touchées par le travail forcé. En septembre 2017, selon une étude de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), de l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), de l'ONU et de l'ONG "Walk Free", la traite des êtres humains touche 40 millions de personnes dans le monde : 25 millions seraient victimes de travail forcé, soit une augmentation de près de 25% en quatre ans. Globalement, 16 millions d'êtres humains sont touchés par le travail forcé dans des activités qui relèvent du secteur privé : servitude domestique (24%), construction (18%), production (15%), pêcheries (11%), agriculture (11%) mines, etc. Selon les dernières estimations mondiales (2020), 152 millions d'enfants sont astreints au travail forcé (cf. les rapports de l'OIT de 2017 et 2020). Un fléau social Bien que le travail forcé soit interdit par la Convention 29 du BIT depuis 1930, nous avons vu qu'il fut couramment pratiqué à grande échelle en Russie et en Allemagne et plus récemment au Cambodge. Il se pratique encore dans certaines prisons, notamment aux Etats-Unis, en Israël, en Chine, en Corée du Nord et dans certaines entreprises d'Afrique et d'Asie, bref personne n'a retenu les leçons du passé. Pire, presque tous les gouvernements se fichent des conventions internationales quand la sacro-sainte "Raison d'Etat" est en jeu, notamment lors d'une guerre ou d'un renversement d'un régime.
Selon le BIT, le travail forcé est présent sur toute la planète, y compris dans les pays occidentaux, mais il se développe essentiellement dans les pays pauvres où règne à cet égard non plus un vide mais un abîme juridique ! Il touche d’abord les femmes (56%) et les jeunes de moins de 18 ans (40%). Corvéable et docile, cette main-d'oeuvre est très lucrative pour le secteur privé et prospère dans l’indifférence de nombreux gouvernements. De nos jours, la forme la plus banalisée de travail forcé est celle des employées de maison utilisées par les particuliers et certaines ambassades qui représentent tous les signes des esclaves modernes. Que nous soyons en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie ou ailleurs, des jeunes filles pauvres et parfois illettrées venues des campagnes sont invitées à faire du babysitting, des ménages ou à rendre de menus services. Mais la plupart du temps leurs espoirs s’effondrent une fois qu'elles ont passé le seuil de la porte car la nature véritable de leur travail prend une toute autre forme. Ainsi, au Maroc (Casablanca, Rabat et Tanger) quelque 66000 fillettes sont employées pour des travaux domestiques. Selon le HRW relayé par le webzine marocain "Yabiladi", "Les petites bonnes marocaines travaillent 126 heures par semaine et subissent des violences physiques et sexuelles de la part de leurs employeurs. Elles triment entre 14 et 18 heures par jour durant toute la semaine et sans aucun repos. Elles reçoivent uniquement 4 dirhams par jour." Un sondage indique que 83% de la population approuve le projet de loi visant à criminaliser ces actes scandaleux. Le travail forcé domestique peut également relever de la "servitude pour dettes" comme il est de tradition en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie ainsi que nous l'avons vu. Aujourd'hui, à grande échelle ce trafic d'êtres humains est organisé par des mafias internationales. Malgré sa pauvreté, l’Afrique Noire n’est pas épargnée. En effet, depuis des années les ONG font appel à l'aide internationale et aux médias pour dénoncer l’esclavage qui reste une pratique courante en Afrique où le BIT a recencé quelque 660000 esclaves agricoles ! Au Niger, bien qu’une loi de 2003 punisse de prison l'esclavage, de nombreux Nigériens sont exploités sans salaire et ne bénéficient d'aucun droit. Le gouvernement minimise l'existence de cette pratique alors que le trafic des enfants n'est même pas réprimé. On retrouve également des enfants maliens esclaves en Côte d'Ivoire que l’on exploite dans les plantations. Au Kenya le webzine "The Nation" (Daily Nation) de Nairobi dénonce les "ayahs", ces jeunes filles esclaves auxquelles leur “propiétaire" confient les plus sales besognes et généralement sans rémunération : charbon, tirage d'eau, nettoyage du linge, soins aux animaux domestiques, cuisine, quand leur patron ne les exploite pas sexuellement... La plupart de ces personnes n’ont pas de permis de séjour ni contrat de travail et vivent prisonnière dans une cave ou un local à l’abri des regards. Certaines parviennent heureusement à s’échapper de leur prison et à dénoncer leur exploitant. En Mauritanie, le régime républicain en place tolère l’esclavage qui sévit encore dans le nord et le centre du pays où des enfants font l'objet de rapt ou parfois de vente hors de la Mauritanie vers les pays arabes. En novembre 2006, l'agence de presse Reuters dénonça l'esclavage dont faisait l'objet des milliers de femmes Haratine dans la société mauritanienne. Alors que l'esclavage a été officiellement aboli dans ce pays en 1981, on peut toujours prêter ou louer un homme esclave (Haratine ou abid) soit pour accomplir un travail servile soit comme "étalon" pour féconder des femmes esclaves, propriétés d’un autre maître. Les esclaves ne se marient qu’en fonction du besoin du maître : les enfants sont séparés de la mère vers l’âge de deux ans, et appartiennent au maître ; ils peuvent être mutilés en cas de "fautes graves". Ces esclaves restent au service de leur maître jusqu'à leur mort. Comble du mépris, ils sont privés jusqu’au droit d’héritage qui revient à leur maître. Au Soudan, le gouvernement de Khartoum n'a jamais voté les lois punissant l'esclavage des Noirs ni même discuté de leur émancipation. En 1980, le gouvernement chercha à légaliser cette pratique par des lois islamiques. Les juristes (uléma, les docteurs de la loi, en fait des théologiens musulmans) ont considéré que l'esclavage n'était pas interdit sur base religieuse mais que son abolition était de la compétence du gouvernement à condition que les propriétaires soient dédommagés pour la perte subie. A ce jour personne n'a jamais sollicité de compensation. Depuis la découverte de pétrole en 1983, le Soudan reste un pays très instable en proie à d'incessantes guerres tribales. Depuis février 2003, la population vivant dans la région du Darfour située au nord et au nord-ouest du Soudan est victime d'une véritable épuration ethnique que le monde entier semble ignorer. Un projet d'unification et de constitution ont été proposés voici quelques années mais la guerre civile empêche tout rapprochement des belligérants. A Zanzibar, bien que le Royaume-Uni y ait interdit l'esclavage au XIXe siècle, les habitants noirs ont conservé un statut de quasi-esclave. La situation est tout aussi dramatique en Amérique centrale. Les travailleurs centraméricains, pauvres et sans ressource sont otages des "maquilas". Au Nicaragua, des ouvriers-esclaves sont employés dans les zones franches. Idem en République dominicaine ou des sans-papiers sont réduits en esclavage dans des camps de travail. Le trafic humain dans les Caraïbes est notoirement connu, puisqu'en 2005, le "Bahama Journal" citait un rapport de l'Office international des migrations sur cette activité. A Haïti, les plus pauvres sont soumis à l'esclavage dans les plantations de canne à sucre. Ils vivent dans des campements misérables où ils sont maintenus en semi-captivité.
Dès qu'ils savent marcher, donc vers 3-4 ans, la plupart des enfants haïtiens, qu'ils aient des parents ou soient abandonnés, sont placés dans des familles plus fortunées. S'il est convenu qu'ils aillent à l'école, généralement ils restent dans leur famille d'accueil, d'où leur surnom de "Restavèk" en créole, où ils assurent toutes les tâches domestiques. 70 % des Restavèk sont des filles, 42 % sont placés chez des parents, parrains ou marraines, une pratique qui rappelle celle des Comoriens. Si la plupart des Haïtiens n'ont pas conscience de faire de mal à ces enfants tellement cette coutume est ancrée dans les mentalités, les conflits se résolvent à l'abri des regards, durant la nuit et dans la violence, y compris par des brûlures à l'huile bouillante. Pratiquement aucun Restavèk ne dort dans un lit, mais à même le sol et souvent sous l'évier de la cuisine. Pour faire bonne figure devant la presse internationale, le Président Aristide a rebaptisé pompeusement le Restavèk, "l'adopté informel", qui en dit long sur sa volonté de vouloir changer les mentalités. En Amérique du Sud également, l’esclavage agricole absorbe environ 1.5 million de travailleurs forcés. L’ampleur de l’esclavage est préoccupant au Brésil. En 2005, le ministère brésilien de l’Emploi a mené 183 raids contre les fermes des grands propriétaires (Fazendeiros). 4133 personnes réduites en esclavage ont été libérées par les autorités, le chiffre le plus élevé depuis 10 ans ! Mais les autorités estiment que quelque 250000 personnes vivent et travaillent toujours en semi-esclavage. Comment le Brésil en est-il arrivé là ? Cette situation dramatique est née en 1964 avec l’instauration de la dictature militaire (1964-1985). En 1966, l’agence régionale de développement SUDAM a ouvert la région d’Amazonie aux industriels ce qui permit aux hommes d’affaires et auxFazendeiros de devenir très riches. Les propriétaires fonciers ont en effet employé des intermédiaires (gatos) pour trouver de la main-d’oeuvre serviable à merci parmi les ouvriers sans emploi pour défricher leurs parcelles de bois, entretenir leurs plantations, travailler sur les chantiers d'orpaillage dans le fleuve ou exploiter leurs mines à ciel ouvert creusées au milieu de nulle part. La plupart de ces ouvriers viennent des régions pauvres et arides du Nordeste et du Minas Gerais. Sans statut légal, ces pauvres gens sont traités comme des esclaves et sont à la solde de leur employeur. Ils travaillent avec du matériel usé, inadapté, sans hygiène et sans aucune sécurité quand ils ne consomment pas des aliments contaminés au mercure. A ne pas confondre avec les Garimpeiros qui sont des mineurs locaux indépendants. Ici siñor, loin de la capitale, dans une région humide et boueuse, uniquement accessible en 4x4 ou à pied, c'est la "loi de la jungle”. Les Fazendeiros comme les hommes d’affaire font appel à des Pistoleros pour faire respecter la "loi du plus fort".
En Inde, depuis toujours les Indiens des classes les plus modestes et oubliés par le gouvernement et les Maharaja sont contraints d'envoyer leurs enfants gagner leur vie dès l'âge de la puberté si pas plus tôt encore. Sans ressource et sans aide, ces enfants de la rue vont rejoindre des milliers d'autres mendiants dans un pays qui interdit la mendicité ! La police les traite comme des chiens dans l'indifférence de la population qui a d'autres bouches à nourrir. Concernant les jeunes femmes, le journal "Kerala News" constate que "les abus sont légion" et vont jusqu'à la prostitution. Il rappelle que des émigrées indiennes "finissent esclaves chez des Arabes." En Corée du Nord, les ouvriers qui se révoltent sont enfermés dans des camps de redressement ou sont condamnés à mort. C'est aujourd'hui l'un des pays les plus fermés du monde où la propagande remplace la liberté d'expression. En Chine, depuis des décennies c’est "Travaille et tais-toi." Les opposants politiques (cf. Tiananmen) et les intellectuels sont réprimés et tués tandis que le Bureau de la censure veille sur Internet.
Même les employés sont maltraités. Selon le quotidien "China Daily" de Pékin, les horaires des ouvriers chinois comme les salaires ne sont pas garantis. Il estime que 220000 personnes d’origine rurales sont exploitées par des "urbains pressés" à Pékin. Les ONG en place constatent qu’il y a un gouffre entre les contrats et la réalité qui se déroule dans un espace "privé", loin des regards indiscrets. Quant aux migrants désargentés, dont certains ont donné toutes les économies de leur famille à des passeurs clandestins, les Chinois leur font miroiter un travail en Amérique. Leur rêve se brise quand ils débarquent dans une île du Pacifique où ils deviennent des forçats du "Made in USA" au service de "Nike" et autre fabricants peu scrupuleux. En Birmanie le travail forcé est généralisé. Le pays vit sous un régime dictatorial depuis 1962. Il est impossible de conduire une transaction commerciale ou d’engager une activité économique sans avoir le support direct ou indirect de la junte. A cette exploitation il faut ajouter le trafic des femmes et des enfants dans l’Est et le Sud-est de l’Asie, notamment dans la région du Mékong (entre Laos et Birmanie). La même situation se répète à grande échelle en Russie où l'activité économique des principales métropoles est presque totalement entre les mains de riches clans mafieux qui ont tissé un important réseau de trafic de biens et d'êtres humains avec tous les pays d'Europe. La prostitution, le trafic de drogues et d'armes sont leur principales sources de revenus. En Israël, le gouvernement estime qu'au moins 3000 jeunes femmes sont otages de réseaux mafieux et forcées de se prostituer. L'ONG "The Task Force on Human Trafficking" (TFHT) qui tente d'éliminer ce trafic estime que le nombre réel de femmes sous le jouc de la mafia est de loin sous-estimé. Ces femmes travaillent 14 à 18 heures par jour, recevant en moyenne de 10 à 15 clients sans tenir compte des risques et d'aucune hygiène. Plusieurs femmes ont ainsi été contaminées par le SIDA. En Syrie, l'organisation terroriste Daech interprète à sa manière la religion islamique pour mettre en esclavage les femmes yézidi capturées en Irak. Selon leur interprétation, les chrétiennes et les juives peuvent échapper à cette condition si elles paient un impôt appelé la jiziya. Les femmes de confession yézidi sont vendues aux combattants de Daech pour 1500 à 2000$. Ces femmes assurent des taches ménagères et s'occupent de la maison mais ne sont pas des esclaves sexuelles. Si ces esclaves se convertissent à l'Islam, Daech les considère comme musulmanes. Il les autorise à se marier avec des combattants, à avoir éventuellement des enfants et même de retourner en Syrie. Certaines femmes yézidi ont toutefois préféré se suicider plutôt que de vivre en esclavage.
Il ne faut pas croire que les pays occidentaux et soi-disant civilisés sont épargnés par l’esclavage au sens large, que du contraire. Il semble que plus les gens ont d'argent, plus ils prennent plaisir à exploiter les autres. Dans les pays riches, le BIT estime que les arrières-boutiques d’Europe et des Etats-Unis renfermeraient quelque 360000 travailleurs sans papiers et sans droits, enchaînés par la peur des descentes de police, pour le plus grand profit de leurs exploiteurs. Aux Etats-Unis, en l’an 2000 les médias ont tiré à boulet rouge sur les géants de la confection américaine installés en Extrême-Orient, notamment sur Nike et Adidas (Reebok) installés en Indonésie. Rappelons qu’en 1980, Nike quitta la Grande-Bretagne pour s’installer en Corée du Sud et à Taiwan. Au début des années 1990, le fabricant déplaça son QG vers la Chine puis l'Indonésie, le Viêt-Nam et Saipan, "l'île aux esclaves" où la main-d'œuvre était huit fois moins chère qu'en Corée. Mais les ouvriers ont fini par se révolter. Nike comme Adidas et d’autres fabriquants d’articles de sport n’ont pas hésité à profiter des pauvres et des enfants pour fabriquer leurs chaussures et autres textiles à un prix défiant toute concurrence. En Indonésie par exemple Nike payait les ouvrières 2.46 $US par jour et seulement 1.60 $US par jour au Viêt-Nam. Elles pouvaient fabriquer des dizaines de chaussures par jour qui se revendaient chacune entre 50 et 100$ aux Etats-Unis (au moins 50 € en Europe). On apprit ainsi que le salaire cumulé des 6500 employés de Nike en Thailande équivalait à ce que gagnaient les 13 membres du directoire de la firme ! Comme si cela ne suffisait pas, les responsables Indonésiens de Nike abusaient également physiquement et sexuellement des ouvrières. L’Europe s’échappe pas à l’esclavage et au travail forcé. Il y a tout d’abord l’important trafic de jeunes femmes venues de Russie et d’Europe de l’Est pour alimenter tous les réseaux underground occidentaux dont celui de la prostitution. Chaque année la police appréhende des centaines de proxénètes, des dizaines de réseaux mafieux sont démantelés. Malheureusement bien souvent les jeunes filles sont renvoyées dans leur pays car elles ne peuvent prétendre au titre de réfugiée politique. La traite des êtres humains Mais ceci n'est que le sommet de l'iceberg. Selon un rapport du BIT publié en mai 2005, 2.4 millions de personnes sont victimes de la traite des êtres humains dans le monde. Ce trafic clandestin rapporte aux trafiquants plus de 9.2 millions d'euros par an. Il comprend le trafic des femmes, de mineures, le proxénétisme et tout la main d'oeuvre illégale. L’AFP nous rappelle que la France fut condamnée le 26 juillet 2005 par la Cour européenne des Droits de l'Homme pour n'avoir pas suffisamment réprimé un cas d'esclavage domestique dont avait été victime entre 1994 et 1998 une jeune Togolaise employée sans rémunération par un couple parisien. En Belgique, le secteur de la construction et de l’Horeca exploitent depuis des années de la main-d’oeuvre non déclarée. Les autorités en manque d’effectif ont du mal à contrôler ce trafic. Et la situation se répète ailleurs.
En 2006, le "Sunday Telegraph" dénonça le fait que des centaines d’enfants originaires d’Afrique, d’Asie et d’Europe de l’Est arrivaient en Grande-Bretagne où ils étaient réduits à l’état d’esclaves. Les jeunes victimes entrent toujours clandestinement en Grande-Bretagne ou grâce à des trafiquants qui se font passer pour des membres de leur famille et exhibent de faux passeports. Les enfants, une fois arrivés sur le sol britannique, sont immédiatement mis au travail, vivent dans des conditions de vie épouvantables et sont l'objet de mauvais traitements physiques et d’abus sexuels. A ce jour le gouvernement britannique ne s’est toujours pas attaqué à ce problème de maltraitance. Les ONG appellent à un action urgente pour mettre un terme à "l’exploitation cruelle et scandaleuse des enfants." En Italie, presque chaque année des "camps de travail forcé" sont démantelés dans le sud du pays. En 2007, ils exploitaient notamment de jeunes adultes sans emploi venus de Pologne. Au Portugal, on découvrit en 2002 que le secteur du bâtiment exploitait une main-d'oeuvre en provenance des pays de l'Est, prise dans les filets des mafias du recrutement. Dans tous les pays européens ce marché parallèle s’étend aux chomeurs qui pour survivre et gagner quelques euros de plus n’hésitent pas à travailler occasionnellement en noir. Mais généralement le particulier faisant appel à leurs services est malhonnête et ne les rétribue pas pour le travail accompli. Les femmes seules et les SDF Les femmes vivant seules et sans emploi quand elles ne sont pas mises à la rue par un centre d'aide social (par ex. le CPAS en Belgique) qui ne peut pas leur fournir de logement, sont particulièrement concernées par ce problème. Ainsi, aujourd'hui une femme sans qualification peut trouver un travail occasionnel en répondant à des petites annonces de particuliers publiées sur Internet ou même par le bouche-à-oreille entre collègues de bureau ou entre amis. Mais attention au miroir aux alouettes. Souvent bien mal leur en prend car en allant seule et sans encadrement ni contrôle travailler au domicile d'un inconnu, qu'il soit jeune ou âgé, ouvrier ou chef d'entreprise, la femme souvent naïve et confiante n'imagine pas un instant qu'elle peut devenir la victime d'un homme frustré ou d'un pervers. En 2018, un commissaire de police d'Arlon à la retraite rencontra une femme sans emploi. Il la logea quelques temps et lui demanda même des services de coiffeur et des prestations sexuelles. La pauvre femme accepta à contre-coeur mais elle n'a jamais été rémunérée. Elle a fini par couper les liens avec cet homme pervers. N'ayant plus de domicile et ne voulant pas d'ennuis, elle n'a pas osé porter plainte. En guise de logement, le CPAS lui proposa de dormir sur un lit dans une salle commune cavec d'autres SDF. Elle a évidemment réfusé ce simulacre d'aide sociale où elle avait plus de chance de contracter la Covid-19 que d'en sortir en bonne santé. En 2020, un couple vivant à Aubange, en Belgique, abrita une SDF au motif que le mari l'avait connue il y a quelques années quand elle avait encore un logement. La femme avait recueilli cet homme pendant quelques semaines par compassion. Puis la roue a tourné. Cette fois la femme a perdu son logement et après avoir supplié cet homme, il lui offrit pendant quelques mois une chambre dans une cave sans fenêtre de sa maison. Mais cet homme s'avéra violent et intolérant et avait des relations suspectes avec certains milieux. La vie même de cette femme était en danger. En échange de ce logement provisoire, la femme fut forcée de faire le ménage, les courses à pied et toutes les corvées du couple moyennant une indemnité de 30 € par mois qui ne lui permettait même pas de manger, de payer son abonnement de GSM, ni son bus ni ses soins médicaux. Elle devait manger aux restaurants du coeur. La femme n'a évidemment jamais porté plainte. Ceci se passe chez nous, peut-être juste en face de chez vous ! Dans de tels cas, l'encadrement des personnes seules fragilisées devrait être renforcé par les agences pour l'emploi et les services sociaux. Mais faute de ressources, ce sont souvent les sans-abris qui payent le manque d'action des autorités et l'indifférence générale. Les mariages blancs ou forcés S’ajoute au travail forcé, à l'esclavage domestique et la traite des êtres humains, les mariages blancs : une personne ressortissante d'un pays non européen se marie avec une personne européenne pour obtenir un permis de séjour ou une rémunération contre ce permis puis divorce peu de temps après. Il s'agit parfois d'un arrangement entre les partenaires contre rémunération mais parfois la personne européenne est victime du charme de son partenaire. Lorsque le coup monté est dénoncé avant le mariage civil, l'étranger en séjour illégal est renvoyé illico dans son pays d’origine. A ne pas confondre avec le mariage forcé où des jeunes filles mineures sont mariées de force à des hommes adultes. Cette pratique va à l'encontre de la liberté de conscience. L'article 16 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme est claire à ce sujet : "Toute personne a le droit de se marier et de fonder une famille sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion. Le mariage ne peut être conclu qu’avec le libre et plein consentement des futurs époux." Contrairement à ce qu'on pense généralement, il y a encore aujourd'hui des tentatives de mariage forcé en Europe, même en Belgique ou en France où la population musulmane est très importante (en 2006, les Marocains constituaient le 1er groupe de ressortissants étrangers en Belgique avec 264974 personnes, devançant les Italiens). Ainsi en 2004, le magazine "Faits & Gestes" révélait que sur un échantillon de 1200 élèves du secondaire supérieur (12-18 ans), 23% des jeunes affirmaient avoir été confrontés de près ou de loin aux mariages forcés ! En France, un rapport du Haut Conseil à l’Intégration (HCI) publié en 2005 estimait à 70000 le nombre de jeunes filles concernées par les mariages forcés ! De tels chiffres font peurs. Aussi, pour lutter contre les mariages forcés, en Belgique l’article 146 du Code Civil indique qu' : "Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a pas consentement." De plus un projet de loi prévoit une peine pouvant aller jusqu’à 2 ans de prison et 500 euros d’amende en cas de mariage forcé. En France, l'âge du mariage légal pour les femmes a été porté de 15 à 18 ans, mettant ainsi les femmes et les hommes sur le même pied d'égalité. Bien sûr nous pourrions également citer les enfants-soldats en Afrique endocrinés de force et contraints de tuer père et mère pour ne pas être tués. Jusqu'à présent seules les ONG se préoccupent de leur sort. Mais il a également tous ces bébés et ces enfants maltraités durant des mois ou des années que leurs parents frappent, secouent, brûlent ou privent de nourriture et de commodités, qu'ils enferment à la cave, au grenier ou même dans un placard en guise de chambre. Si certains torsionnaires sont condamnés à de la prison ferme pour traitement inhumain et coups portés, en Belgique, certains s'en sortent encore avec un sursis et un euro de dédommagement. A se demander si nos nouveaux "juges esclavagistes" du Tribunal correctionnel n'ont pas fait un rabais sur le prix de la dignité humaine ! Déchaînez la démocratie ! Ainsi qu'on le constate, l'esclavage moderne est présent dans bien plus des 12 pays cités par le HRW - nous en avons listé 23 - et malheureusement probablement plus près de chez nous qu'on ne le pense. Mais cette liste est encore loin de dresser le véritable portrait de ce fléau. Mis à part les victimes qui témoignent de leurs conditions de vie épouvantables quand elle parviennent à s'échapper des griffes de leur maître-geôlier, pratiquement personne ne parle des sévices et de la souffrance physique comme psychologique qu'endurent ces victimes. Là se situe la véritable douleur des esclaves et des travailleurs forcés. Paradoxalement, la traite des êtres humains a concerné des empires et des pays comme la France qui est aujourd'hui le pays des Droits de l'Homme ou les Etats-Unis, qui sont devenus le pays des libertés par excellence. L'esclavage à outrance orchestré par ces deux grandes nations et bien d'autres a sans doute contribué à ce mea culpa et cette prise de conscience collective que cette exploitation de l’homme par l’homme est un crime contre l'humanité. Mais ce n'est pas pour autant que ces nations respectent les Droits de l'Homme si on en juge par le dernier rapport d'Amnesty International. L’épais rapport du BIT fut sur table de la Conférence Internationale du Travail. Son directeur général Juan Somavia estime que "Même si les chiffres sont élevés, ils ne le sont pas assez pour que l'abolition du travail forcé soit impossible." Arrivé au terme de ce dossier, on a pu constater que l'esclavage n'est pas du seul fait de la gente masculine ou de tyrans sanguinaires régnant dans une république bananière. Les "avantages" et les "privilèges" qu'on peut retirer de cette exploitation de l'homme par l'homme intéressent beaucoup de monde, à tous les niveaux de pouvoir, de la Signare métisse ou du mafieux local au directeur de multinationale en passant par le couple qui habite peut-être à côté de chez vous. En attendant que cette pratique soit abolie comme l'espère Juan Somavia, en ce XXIe siècle où les gouvernements prônent la justice, la tolérance et la liberté, nous pouvons avoir honte d'être soi-disant humain quand on apprend que ce sont des gens (presque) comme vous et moi qui se comportent en esclavagistes ou exploitent la misère humaine. Chacun à notre niveau, nous pouvons combattre ces pratiques inhumaines et dénoncer les abus. C'est ainsi que la démocratie pourra se déchaîner.
Pour plus d'informations Sur Internet Universal Declaration of Human Rights, ONU Résolution 57/195 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance, ONU, 2003 Comité contre l'esclavage moderne (F) La Direction de l'Egalité des Chances (B) Journée internationale pour l'abolition de l'esclavage (ONU) L'esclavage (Wikipédia FR) Esclavage, système esclavagiste et traite négrière, par H. et A. Rimbert L'esclavage (NOE Education) Histoire du Congo (PDF de l'exposition de Tervuren) Histoire de la colonisation belge du Congo, par Tshibumba (COBELCO) Les esclaves, extrait de "La Politique" d'Aristote, chapitre 7 (CLIO-HIST) Slavery (Wikipedia EN) 21st Century Slaves, (National Geographic) Bureau International du Travail Centre Martin Luther King (USA) The Civil War Home Page, par M.Frosch Livres La Bible dévoilée, les nouvelles révélations de l'archéologie, Israël Finkelstein/Neil Asher Silberman, Bayard, 2002 Aux origines d'Israël : Quand la Bible dit vrai, William-G Dever, Bayard Centurion, 2005 Les négriers en terre d'islam, Jacques Heers, Perrin, 2003 La Traite négrière européenne: vérité et mensonges, Jean-Philippe Omotunde, Ed.Menaibu, 2004 Regards sur l'esclavage dans les colonies françaises, Lémy Lémane Coco, Ed.Menaibu, 2005 Le Code noir ou le calvaire de Canaan, Louis Sala-Molins, PUF, 1987/2002 Le destin des Noirs aux Indes de Castille, Jean-Pierre Tardieu, Paris, l’Harmattan, 1984 Red Rubber, E.D. Morel, University Press of the Pacific, 2005 Emancipating Slaves, Enslaving Free Men: A History of the American Civil War, J.R. Hummel, Open Court, 1998 Strategic Factors in Nineteenth Century American Economic History, C.Goldin/ H. Rockoff (s/dir), U.Chicago Press, 1992 Découverte et Baptême de l'Amérique, Albert Ronsin, Editions de L'Est, 1992 La colonisation arabe à Zanzibar, Catherine Coquery-Vidrovitch, Robert Laffont, 2003 Les films Tropiques amers (série sur l'esclavage aux Antilles et la Révolution française), 2006 Manderlay (histoire d'une ferme dans le sud des Etats-Unis), 2004 Spartacus (mini série TV remake du film de S. Kubrik), 2004 Gladiator (l'esclave qui défia l'Empire), 2000 Amistad (esclaves mutinés capturés par un navire américain en 1839), 1997 1492 : Christophe Colomb (la découverte du Nouveau Monde), 1992 Mississippi Burning (enquête du FBI sur la disparition de trois militants des droits civiques opposés au KKK), 1988 Coup de Torchon (critique de la France coloniale), 1981 Aguirre, la colère de dieu (un Conquistador perdu en Amazonie), 1975 Spartacus (combat des gladiateurs et insurrection des esclaves), 1960 Les Dix Commandements (Evocation de la vie de Moïse et l'exode des Hébreux), 1955 Documentaire Lumières Noires (colloque des intellectuels et artistes noirs à la Sorbonne en 1956), 2007. Retour à la Psychologie et la société |