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Le terrorisme ou l'apologie du crime

Le retour de la barbarie (I)

Le terrorisme qui était encore larvé et très local voici deux générations s'est propagé à travers le monde et s'est adapté aux nouvelles technologiques. Il est devenu un phénomène de société mondial, l'un des plus dangereux aussi puisqu'il fait l'apologie du crime et de la haine avec une facilité déconcertante grâce aux médias et Internet.

Conséquence de l'évolution discordante de nos diverses cultures et civilisations, le terrorisme a trouvé un terrain fertile au Moyen-Orient plus qu'ailleurs, nous le prendrons donc comme exemple, mais nous savons de triste expérience que les terroristes ignorent les frontières.

Définition

Il n'existe pas définition légale et universelle du terrorisme bien que l'ONU ait tenté en 1996 d'adopter une définition dans le cadre de la protection des droits de l'homme.

La difficulté vient du fait que les points de vue et les contextes ne permettent pas à la communauté internationale de s'accorder sur une définition acceptable par tous.

En effet, en fonction du contexte certains qualifient de "terroriste" toute personne qui s'en prend avec violence contre des civils afin de défendre une cause ou opinion. Pour d'autres, il faut faire la distinction entre "résistant" et "terroriste", les premiers agissant plutôt par résistance face à une occupation étrangère.

L'expression "terrorisme d'Etat" désigne également une autre forme de violence orchestrée par l'autorité en place contre des opposants, accompagnée de rafles, d'exécutions sommaires et de tentatives d'intimidation (exemple en Russie, au Nigéria, en Birmanie, au Chili, en Israël, en Palestine, etc.).

Comment distinguer le résistant du terroriste, le "gentil" du "méchant" ? Il serait facile de dire que le premier est un patriote défendant les valeurs de son pays alors que le second incarne tout le contraire. Mais dans les faits, l'histoire nous a montré que les motivations des uns et des autres sont loins d'être aussi bien définies.

Les terroristes, y compris les militaires qui participent au terrorisme d'Etat justifient les violences commises contre des civils ou les prises d'otages sous le prétexte que "tout peuple a le droit de se défendre par tous les moyens face à l'occupant afin de retrouver sa dignité" (définition du Hamas, mouvement islamiste palestinien). Cela sous-entend qu'il est permis de tuer des civils et légitimise toutes les dérives cruelles, machiavéliques et les tyrannies contre les civils.

Notons qu'une partie de l'Extrême gauche (favorable à l'idéologie révolutionnaire et incitant au renversement du capitalisme) partage également ce point de vue, jugeant cyniquement que la mort de civils représente simplement des "dommages collatéraux", des sortes d'accident du travail comme le dirait Karl Marx, Engels et autre Lénine.

Ce point de vue est également partagé par de grandes nations (USA, Russie, Chine, Royaume-Uni, Australie, Allemagne, France, Japon, etc.) qui n'ont pas hésité à sacrifier (tester) leurs compatriotes en invoquant la raison d'Etat et parfois la "science" pour étudier par exemple les effets des retombées radioactives, des armes chimiques, biologiques et même entomologiques (des insectes infectés), y compris en réexposant des blessés (cas de l'Unité 731 japonaise) ! Vous trouverez en dernière page de la documentation sur ces pratiques inimaginables.

Tout le monde savait que c'était impossible.

Il est venu un imbécile qui ne le savait pas et qui l'a fait.

proverbe cité par Marcel Pagnol

La Cinématurgie de Paris, Ed.Pastorelly, 1980

Or aucune norme juridique internationale n'autorise les attaques contre les civils, quel que soit le contexte. Ces actes sont considérés comme des meurtres dans les codes de droit de toutes les sociétés et contraire aux principes énoncés dans le droit international humanitaire.

La nuance est essentielle puisque lors d'un jugement pour crime, en fonction de l'interprétation du juge, l'accusé sera acquitté ou emprisonné (ou condamné à mort). Notons que selon le point de vue, l'un comme l'autre peut-être considéré comme un héro ou un martyr, preuve que la définition dépend bien du contexte.

Ceci dit, la plupart des associations de défense des droits de l'homme définissent le terrorisme comme un crime contre la vie humaine (dont les victimes sont civiles) en violation des lois nationales ou internationales et dont la finalité est politique. Accordons-nous sur cette définition.

Notons que cette définition exclut donc tous les assassins qui tuent pour des raisons autres que politique, notamment les narcotrafiquants, les maffieux et les kidnappeurs. Toutefois, dans les bases de données du terrorisme qui reprend également tous les incidents à haut risque, ces actes sont comptabilisés car dans de nombreux cas ils sont en relation avec le terrorisme, l'analyse de leurs interdépendances permettant aux services de renseignement et aux forces de sécurité de remonter la filière et de démanteler ces organisations.

Rappel historique

Le régime de La Terreur

Le terrorisme est éthymologiquement né au XVIIIe siècle durant la Révolution française. En effet, on peut considérer que le régime de "La Terreur" débuta en 1789 avec les premières décapitations pour se terminer en 1794. Il fut caractérisé par des exécutions arbitraires perpétrées par des révolutionnaires.

Durant cette période de troubles, instable et sanguinaire, les tribunaux révolutionnaires ont condamné à mort plus de 100000 personnes dont quelque 25000 furent victimes d'exécutions sommaires, environ 30000 furent fusillées et 17000 guillotinées tandis que 400000 personnes furent emprisonnées. Des milliers de prisonniers et de civils, y compris des femmes et des enfants furent massacrés par des soldats ou noyés.

Une exécution capitale sur la place de la Révolution à Paris. Tableau "La Convention - La Terreur" de Pierre-Antoine Demachy réalisé vers 1793. Document Musée Carnavalet.

La société française n'a jamais condamné ces crimes. Même un siècle plus tard des philosophes, des politiciens et des écrivains français célèbres, même opposés à la Révolution comme Louis de Bonald ou Victor Hugo parmi d'autres les ont toujours excusés sous le motif que "la violence révolutionnaire est l'expression de la crise radicale des valeurs de la France". Dans leur esprit, même si les actes étaient violents et choquants, ces "dérapages anarchiques" étaient nécessaires en vertu des circonstances pour l'accomplissement des objectifs politiques.

En revanche les historiens sont d'un tout autre avis et clairement opposés à ce point de vue partisan. Tous considèrent que cette "politique de la Terreur" n'a pas été différente de l'idéologie communiste de Lénine ou Staline qui s'est clairement présentée comme l'héritage du terrorisme. Rappelons malgré tout que dans le camp adverse des armées favorables au tsar régnait également la "terreur blanche" visant les communistes.

Quel que soit l'époque, le camp ou le régime politique, le "terrorisme d'Etat" car il faut bien l'appeler ainsi, a donc toujours été considéré comme un instrument du pouvoir en place (y compris du gouvernement légitimement élu) au service du régime, dans ce cas-ci de la démocratie, et c'est bien le comble du paradoxe !

On en conclut malheureusement qu'à très peu de nuances près, il n'y a donc pas de différence entre le terrorisme d'Etat motivé par l'intérêt suprême de la nation et le terrorisme organisé en dehors de la structure du gouvernement. Nous en avons des preuves avec les bavures des services secrets, qu'ils soient français, américains, lybiens ou colombiens.

Comme l'on dit dans ces cas là, si dans les deux camps on peut tuer des civils au nom d'une cause, alors ce qui différencie l'Etat del'organisation terroriste, c'est le budget !

Un siècle de terrorisme d'Etat et de luttes pour l'indépendance

Il faut rappeler que tout au long de l'histoire moderne les Etats-Unis, la Russie et l'Europe dont la Grande Bretagne et la France sont intervenus militairement dans diverses régions du monde pour défendre leurs intérêts, parfois poussés par des cartels (groupes de pression économiques) et des lobbies (groupes de pression politiques).

Avec le recul, cette ambition colonialiste n'avait rien d'une action humanitaire ou démocratique mais présentait tous les aspects du terrorisme d'Etat. En effet, le principal but de ces nations était de contrôler des territoires stratégiques et pourquoi pas d'en retirer toutes les richesses. Cette attitude dictatoriale est toujours d'actualité chez les Grandes Puissances où le Droit d'ingérence fait toujours partie de l'arsenal des armes légales. C'est valable en Occident (surtout du chef des Etats-Unis et de la Grande Bretagne) comme en Orient (Cf. la Chine).

En résumé, trois grands acteurs ont contribué au développement du terrorisme au Moyen-Orient avec, par ordre chronologique, la Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis. Voyons comment tout cela s'est organisé dans le cadre géopolitique depuis plus d'un siècle pour aboutir à la situation chaotique actuelle.

1. Le rôle de la Grande Bretagne et de la France sur l'échiquier du Moyen-Orient

L'origine des conflits islamiques remonte à la Première guerre mondiale et au partage du Moyen-Orient entre les Grandes Puissances. En 1916, la Grande Bretagne et la France avec l'accord tacite de la Russie et de l'Italie négocièrent en secret un accord de démembrement de l'empire Ottoman connu sous le nom d'Accord Sykes-Picot.

Comme on le voit-ci-dessous, cet accord prévoyait une ligne de partage séparant le Moyen-Orient du nord du Sinaï jusqu'à l'est de Kirkouk en territoire Kurde (aujourd'hui située au nord de l'Irak), la partie orientale étant occupée par les empires Russes et Perse aujourd'hui occupés par l'Iran. Le nord appartenait aux Français, le sud aux Britanniques.

A lire : Dossier - Les ravages d'une guerre arbitraire, Le Monde Diplomatique

Carte de l'Accord Sykes-Picot signé en secret en 1916 et qui depuis un siècle est à l'origine des conflits au Moyen-Orient et de la montée du terrorisme.

Cette région située au nord de l'Arabie fut partagée entre 5 zones d'influence ou de contrôle direct :

- Une zone Bleue à l'ouest et au nord du territoire allant de l'actuel Liban à la Turquie orientale (Anatolie) sous contrôle français

- Une zone Brune couvrant l'actuel Israël sous la sphère d'influence des Britanniques

- Une zone Rouge dans le sud-est de m'Irak, dans l'ancienne Mésopotamie, sous contrôle britannique

- Une zone Arabe A au nord sous la sphère d'influence des Français qui deviendra l'actuelle Syrie et la partie nord de l'Irak

- Une zone Arabe B au sud sous la sphère d'influence des Britanniques allant de la Jordanie au sud de l'Irak actuels.

Il faudra ensuite attendre plusieurs décennies pour qu'on délimite les différents pays arabes et qu'on s'occupe du statut de la Palestine mis entre parenthèses.

Au cours de la Seconde guerre mondiale, Britanniques et Français combattirent ensemble les Nazis qui avaient étendus leur influence jusqu'en Syrie. Les troupes alliées libérèrent la Syrie et voulurent l'habiller à la mode occidentale. Ils forcèrent par exemple les femmes à ne plus porter le voile, le symbole à leurs yeux de l'oppression fondamentale dont elles étaient victimes en Orient. Mais les Arabes considéraient la présence européenne comme une occupation et les Syriens parmi d'autres nations ne l'ont jamais acceptée.

Après la Première guerre mondiale, les Etats vainqueurs appliquèrent en force l'Accord Sykes-Picot tout en promettant l'indépendance aux pays arabes. Or ils vont occuper la région pendant des décennies.

C'est à cette époque que les Britanniques ont rendu obligatoire la mention de la religion sur les cartes d'identité des Sémites habitant en Palestine. Créant de ce fait une distinction entre des personnes qui jusque là vivaient en paix ensemble, c'est alors que la religion s'est isidieusement immiscée dans les conflits ethniques jusqu'au coeur de la géopolitique. Notons que c'est également depuis cette époque que la vieille ville de Jérusalem est divisée en quatre quartiers religieux (juif, chrétien, arménien et musulman) aux limites bien marquées par des murs d'enceinte et des portes fermant à clé alors que jusqu'ici les résidents de toutes les religions vivaient ensemble et pouvaient se déplacer sans problème d'un quartier à l'autre.

Conséquences du partage du Moyen-Orient, en 1918 les anciennes provinces arabes de l'empire Ottoman se sont retrouvées sans Etat, sans structure pour assurer leur cohésion. L'Egypte fut occupée par les soldats de l'empire Britannique tandis que les Kurdes (en Turquie et en Irak) et les Irakiens n'avaient plus d'Etat. Leur monde s'était écroulé et fut remplacé par un nouveau monde soit-disant prometteur mais dominé par deux grandes puissances coloniales, qui plus est Chrétiennes.

L'Assemblée Générale de l'ONU. Elle regroupe aujourd'hui les représentants de 193 pays. Elle célébra ses 70 ans en 2014.

Cette occupation étrangère au sens strict détruisit le sentiment d'identité des peuples vivant sur ces terres, ce qui donna naissance à l'Islam politique et à la résistance des peuples arabes qui aboutirent au soulement armé des groupes d'opposants et aux premiers actes de terrorisme dans cette région du monde.

A l'époque, les Etats européens avaient la réputation de se comporter comme des militaires en territoire conquis : ils avaient souvent recours à la violence dans les colonies pour mater les insurrections et neutraliser toute tentative d'indépendance. Ainsi, la Syrie occupée fit de la résistance. Les partisans d'un Etat arabe assassinèrent de nombreux civils jusqu'à ce que l'insurrection soit matée en deux jours par les Français en 1925 mais avec une force aveugle qui fit de nombreuses victimes parmi les civils. La résistance fut active jusqu'à la Seconde guerre mondiale.

Après le conflit et pour éviter une nouvelle guerre mondiale, l'Organisation des Nations Unies fut fondée en 1945 et sa première tâche fut de rédiger sa célèbre Charte.

A l'issue de la Seconde guerre mondiale, le monde arabe espérait beaucoup de la promesse faite par les Etats-Unis et la Grande Bretagne de les libérer de l'oppression. Les coloniaux européens refusant de leur accorder l'indépendance, les nations arabes exigèrent que l'Article 1 de la Charte des Nations Unies soit appliqué  : "[...] le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes". Or ce droit ne s'appliquait pas au monde arabe. De plus les nations arabes demandaient de mettre un terme à l'occupation britannique, notamment en Palestine.

L'enfant-roi Fayçal II vers 1941 mis sur le trône d'Irak par les Britanniques.

Les résistants continuant à semer la terreur, face à ces évènements et pour éviter la répétition du drame de Syrie, en 1939 les Anglais décidèrent d'accorder aux Irakiens une soi-disant indépendance en mettant au pouvoir le fils du deuxième roi d'Irak, le roi Fayçal II alors âgé de... 3 ans et 11 mois qui fut donc placé sous la tutelle de son oncle Abdelilah qui régna sur le pays jusqu'en 1953. Mais en réalité Abdelilah avait permis aux Britanniques de conserver un rôle politique. Le pays resta donc sous la tutelle du Royaume-Uni qui considèra littéralement ces populations comme des enfants. Cette ingérence fut officialisée par le traité anglo-irakien en 1948 et renforcée par le Pacte de Bagdad en 1955.

En 1947, le groupe de militants sionistes Irgoun fit exploser une bombe en Palestine. Peu après, l'ONU adopta un plan de partage de la Palestine mais qui fut définit sans concertation avec les peuples concernés. Il en résulta la naissance d'un pays juif, l'Etat d'Israël en 1948 et un semblant de pays musulman, la Bande de Gaza de 360 km2 où s'amassent encore les Palestiniens arabes pratiquement dépourvus de droits et sans ressources. Devant cet état de fait, les Arabes n'auront de cesse que de vouloir récupérer leur pays.

Alors que les Sionistes arabes militaient pour un projet purement territorial, les Islamistes en firent une affaire de religion et appellèrent à la "Guerre Sainte" ou plutôt le jihad contre les Juifs et plus généralement contre les coloniaux occidentaux.

La Grande Bretagne ne pouvait plus justifier son engagement au Moyen-Orient, car non seulement il y avait de plus en plus d'insurrections mais cela coûta cher au pays. En 1946, les Britanniques quittèrent officiellement l'Egypte mais le retrait ne fut que symbolique car les Britanniques contrôlaient toujours le canal de Suez. L'indépendance de l'Egypte était donc toute relative. L'opposition trouva l'attitude des Britanniques inacceptable. En 1948, la Société des Frères musulmans fondée vingt ans plus tôt par Hassan el-Banna créa sa branche armée qui se diffusa rapidement dans le monde arabe, devenant la plus importante organisation islamiste. El-Banna fut assassiné en 1949 mais cela n'empêcha pas le peuple de rester farouchement opposé à l'occupation britannique.

Finalement, les Britanniques firent face à des attentats de plus en plus nombreux au point qu'en 1952 eut lieu la révolution égyptienne qui marqua la fin du protectorat britannique. En 1954, le Général Nasser chassa les Britanniques d'Egypte et accéda au pouvoir. Victime d'une tentative d'attentat, il lança une répression contre les Frères musulmans.

En pleine Guerre froide (cf. la politique de la dissuasion qui suivit le projet Manhattan et les accidents nucléaires militaires), pendant que l'URSS essaya d'étendre son influence au Moyen-Orient, pour compenser la perte de l'Egypte, les Etats-Unis lièrent de nouvelles alliances grâce aux ventes d'armes à la Jordanie et à l'Arabie. Mais du point de vue islamiste, ce sont deux nouvelles puissances étrangères qui succédaient aux anciennes.

En 1956, en pleine Guerre de Suez entre Israël (soutenue par le Royaume-Uni et la France) et l'Egypte, la position du roi Fayçal II d'Irak se fragilisa. Des soulèvements organisés par l'opposition eurent lieu dans plusieurs villes du pays. La résistance islamique notamment s'opposa au Pacte de Bagdad et rassembla de plus en plus de sympatisants, y compris des membre du parti Baas, des militaires, des communistes et des indépendantistes anti-monarchistes. Finalement, en 1958, la Syrie et l'Egypte s'unirent pour créer la République arabe unie, renforçant l'alliance anti-nationaliste entre la Jordanie et l'Irak. Cela se solda par une tentative de coup d'Etat en Irak le 14 juillet 1958 au cours duquel le Roi Fayçal II et ses proches furent assassinés par le commandant irakien Abdul Karim Qasim. Après une période d'instabilité, en 1963 le parti Baas accéda au pouvoir, celui-là même qui verra l'ascension du dictateur Sadam Hussein en 1979.

2. L'embrasement du Moyen-Orient : d'Al-Qaïda à Daech

Dans les années 1960, les Egyptiens transposèrent leur stratégie militaire à la politique, jettant en prison tous les opposants. Les islamistes s'attaquèrent alors aux représentants politiques laïques dans tout le Moyen-Orient. 

En 1978 le président égyptien Anouar el Sadate signa les accords de Camp David avec le président Israélien Begin qui recevront tous deux le prix Nobel de la Paix. Cette récompense fut très impopulaire dans le monde arabe et même dans l'esprit de beaucoup d'Occidentaux qui voyaient mal un chef de guerre recevoir un tel prix. Une nouvelle fois, aux yeux des islamistes, Sadate détruisit la vision d'un front arabe uni. En 1981, Sadate emprisonna tous les intellectuels et les activistes ne partageant pas ses idées nationalistes et arabes. Cette confrontation lui sera fatale. Le 6 octobre 1981, au cours d'une parade militaire, Anouar el Sadad fut assassiné par des militants islamistes.

L'ancien conseiller à la Sécurité Nationale américaine (NSA) Zbigniew Brzezinski (droite) rencontrant Ossama Ben Laden (gauche) alors leader de la légion arabe de la CIA en Afghanistan et protégé par le CIA. La photo et quelques autres qui firent la une des médias fut prise en 1981 dans un camp d'entraînement au Pakistan par un reporter de l'agence Sygma/Corbis.

Entre-temps, en 1979, en Syrie les Frères musulmans commirent plusieurs attentats contre des civils, des hommes politiques et des militaires jusqu'à massacrer 83 cadets dans la garnison militaire d'Alep.  

C'est à cette époque qu'un certain Oussama ben Laden d'origine princière saoudienne s'intéressa aux textes wahhabistes, une forme fondamentaliste de l'islam sunnite. Il fut ensuite approché par les services secrets d'Arabie, (eux-mêmes en contact étroit avec le MI6, les services de contre-espionnage à l'extérieur du Royaume-Uni) dont le responsable n'était autre que le fils de l'ancien roi Fayçal d'Arabie.

En 1979, l'URSS envahit l'Afghanistan et aussitôt la CIA et la NSA (dont le politologue américain et membre de la NSA Zbigniew Brzezinski) soutinrent les Moudjahids Afghans qui luttaient dans le Djihad. Le prince saoudien Turki demanda à Ben Laden d'organiser le départ des volontaires pour l'Afghanistan et ce dernier organisa la résistance jusqu'à participer aux combats. Plus étonnant, Ben Laden devint un agent de la CIA; elle l'entraîna et l'arma. Ce rôle de chef de guerre reconnu renforça le prestige et la confiance de Ben Laden, ce qui lui permit de transformer son groupe de vétérans en une véritable organisation djihadiste d'envergure internationale (on les retrouva en Tchétchénie, en Yougslavavie, etc.). Ben Laden sympatisera même avec les Talibans. Les Afghans ne sortirent vainqueur de la guerre contre les Soviétiques qu'en 1989. L'organisation de Ben Laden forma alors le socle du groupe terroriste Al-Qaïda.

Pendant ce temps, en Iran la révolution était en marche. Les islamistes manifestèrent contre le Shah (Mohammad Reza Chah Pahlav) qu'ils voyaient comme une marionnette à la solde des impérialistes occidentaux. Après 14 ans d'exil, en 1979 l'Ayatollah Rouhollah Khomeiny revint en Iran, renversa le Shah d'Iran et prit le pouvoir, fondant un Etat islamique chiite, confession qui regroupe encore plus de 90% de la population iranienne. Le 20 novembre 1979, exactement le premier jour de l'an 1400 de l'Hégire, environ 200 islamistes fondamentaux prirent en otage des Saoudiens dans la Mosquée de la Mecque en Arabie et en tuèrent des dizaines sous prétexte que le régime de la dynastie des Al Saoud (le roi Khalid, frère de l'ancien roi Faisal) était corrompu et dénaturait la culture arabe, avant d'être neutralisés par l'armée.

En 1982, en Syrie les Frères musulmans s'attaquèrent à un autre symbole de la laïcité, le président Hafez el-Assad. Connu pour son régime autoritaire et violent, il a toujours prôné la scission entre le politique et la religion. Les Frères musulmans tuèrent près de 300 membres du parti Baas avant que l'insurrection soit violemment réprimée par les forces syriennes.

En 1987, le cheikh Abdullah Yusuf Azzam et son élève Oussama ben Laden fondèrent le groupe terroriste Al-Quaïda. Son but était de s'opposer par tous les moyens aux actions des Etats-Unis dans le monde arabe quitte à mourir en martyr.

Situation géopolitique au Moyen-Orient en 1998. Document Le Monde Diplomatique.

Entre-temps, l'Occident assista à la Guerre Iran-Irak qui se déroula entre 1980 et 1988. Bien que de forces équivalentes (290000 hommes pour l'Iran, 250000 pour l'Irak mais qui disposait de quatre fois plus de matériel lourd), les Iraniens de l'Ayatollah Khomeini dominèrent le champ de bataille. Déjà à l'époque, les analystes américains observèrent que cette guerre risquait de mettre en danger la situation économique dans la zone du Golfe dont les puits de pétrole étaient (et sont toujours) indispensables à l'Europe et aux Etats-Unis.

En 1990, les troupes irakiennes de Sadam Hussein envahirent le Koweit sous prétexte qu'il voulait récupérer le territoire lui appartenant. L'évènement créa une crise mondiale. Sous le motif d'ingérence afin de protéger ses intérêts, sous le couvert de l'ONU Washington déploya 500000 soldats en Arabie aidé par une force de coalition internationale. Pour les islamistes cela correspondait à une invasion apocalyptique de mécréants. Mais les Occidentaux n'étaient pas dupes non plus et voyaient bien que ce n'était pas une guerre pour défendre les Droits de l'homme mais pour défendre le pétrole.

Le 2 août 1990, sous le motif de protéger l'Arabie (sic!), les Etats-Unis et leurs alliés envahirent le Koweit. Paradoxalement, c'est ensuite que débuta la Guerre du Koweit mieux connue sous le nom de Guerre du Golfe qui commença le 6 août 1990 avec l'opération "Desert Shield" (Bouclier du Désert) jusqu'en novembre 1990. Ensuite, entre le 17 janvier 1991 et le 3 mars 1991 les Américains aidés par les forces de la coalition internationale lancèrent les opérations "Daguet" puis "Desert Storm" (Tempête du Désert). Cette dernière fut médiatisée à outrance à grands renforts de reportages censurés sur les troupes en action mettant en avant la puissance de frappe des portes-avions, des avions furtifs F-117, des A-10, F-15, F-16, des drones (le premier RQ-2 Pioneer développé par les Etats-Unis et Israël), des missiles guidés, de l'armement infrarouge, laser et thermique et de tout l'arsenal des chars M1 et canons M198 parmi d'autres armes lourdes. Ce fut la première guerre "high-tech" à laquelle assistèrent incrédules les téléspectateurs du monde entier. Ce fut aussi la première guerre où les Etats-Unis utilisèrent des munitions à uranium appauvri.

La même année, en Algérie le parti islamiste du FIS (Front Islamiste du Salut) gagna les élections et suite au désintérêt des pays occidentaux plus préoccupés par le sort du Koweit, l'Algérie plongea dans une décennie de guerre civile (en 1999 le conflit avait fait près de 200000 morts et disparus et coûté plus de 20 milliards de dollars à l'Etat algérien). Le FIS fut dissout en 1992.

Entre 1993 et 2005, de nouveaux actes terroristes furent perpétrés en Egypte par des islamistes intégristes du groupe Jamaa Islamiya. Sans réussir à renverser le pouvoir de Hosni Moubarak, ils s'attaquèrent cette fois aux touristes et en plein centre du Caire ou sur la route allant vers les pyramides de Louxor ou de Guizeh, tuant au total plus de 200 personnes. Moubarak durcit la répression contre les islamistes et parvint pratiquement à éradiquer les islamistes mais ils ne disparurent pas pour autant.

Le second attentat contre le WTC le 11 septembre 2001 revendiqué par Al-Qaïda.

En 1993, Al-Quaïda revendiqua un premier attentat aux Etats-Unis dans un parking souterrain qui tua 6 personnes et fit 1042 blessés. Six extrémistes islamistes furent condamnés à la perpétuité. Le groupe terroriste récidiva en lançant cette fois une attaque aérienne contre le Pentagone et les deux tours jumelles du World Trade Center le 11 septembre 2001 qui tuèrent 2750 personnes.

En réponse, fin 2001 l'administration de George W. Bush Jr (2001-2009) prit la décision d'envahir l'Afghanistan pour y capturer Ben Laden et les troupes d'Al-Qaïda et par la même occasion de renverser le régime des Talibans.

Ensuite, fin 2002 suivant l'avis de mauvais stratèges, l'administration Bush décida par la même occasion de mettre fin au régime sanguinaire de Sadam Hussein en Irak. Faute de preuve pour convaincre le Congrès, l'opinion publique et l'ONU, elle monta de toute pièce un mensonge d'Etat. Les conseillers de Bush ont pris des renseignements auprès de transfuges irakiens qui leur ont montré ce qu'ils voulaient voir : un agent italien leur proposa officieusement un document, un contrat déclarant la vente à l'Irak d'un "yellow cake" d'uranium extrait du Gabon. A son tour, le Royaume-Uni proposa officiellement aux Etats-Unis une analyse des infrastructures irakiennes a priori destinées à fabriquer des armes de destructions massives (ADM).

Les conseillers de Bush comme tous les néoconservateurs ou proches de leurs idées (le vice-président Dick Chenney, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, le président du conseil pour la politique de défense Richard Perle, la conseillère à la sécurité nationale Condoleezza Rice, etc.) et donc par obligation le Pentagone, la CIA et la NSA ont collaboré à ce mensonge d'Etat en couvrant le projet présidentiel. Même le secrétaire d'Etat le Général Colin Powell fut contraint de supporter la politique présidentielle mais démissionna de son poste en 2004.

Lors d'une audition devant les sénateurs, la CIA déclara qu'elle n'avait pas de dossier à charge de l'Irak. Aussitôt, le sénateur Bob Graham exigea que la CIA publie une évaluation de la menace ou NIE (National Intelligence Estimate) comme elle aurait dû le faire. Deux rapports furent rédigés en moins de 2 mois. Le document officiel et public n'évoqua qu'un risque potentiel au conditionnel et ne présentait aucune preuve formelle de fabrication d'armes de destructions massives en Irak. En revanche, le résumé du rapport disait tout le contraire : les allégations qui avaient étaient mises au conditionnel sont devenues des affirmations au présent !

A lire sur Vice News, 2015:

La CIA vient de rendre public le document qui a "justifié" l’invasion de l’Irak

Les deux visages du terrorisme : le terrorisme d'Etat orchestré par les grandes nations au mépris des lois et celui d'origine nationaliste produisent les mêmes effets dans le pays qu'ils veulent "remettre sur le droit chemin" : ils sèment la terreur, la désolation et le chaos. A droite, Oussama Ben Laden en 1996, près de sa forteresse de Bora Tora dans les montagnes afghanes.

Bob Graham et de nombreux politiciens influants n'ont pas été dupes de ce mensonge et Graham en particulier avertit les membres du Sénat que les Etats-Unis risquaient d'avoir du sang sur les mains et mettraient les citoyens américains en danger s'ils approuvaient une guerre ouverte contre l'Irak. Graham sous-entendait donc déjà à l'époque que si un pays occidental recourait à la guerre pour régler des conflits régionaux en dehors de sa juridiction, il risquait en réaction d'être victime d'attaques terroristes.

Pour des raisons diplomatiques, plusieurs chefs-d'Etats étrangers refusèrent également d'entrer en guerre contre l'Irak dont la France, l'Allemagne et la Russie mais les Etats-Unis n'ont pas tenu compte de leur avis, considérant même que "l'ennuyeuse France était l'ennemi des Etats-Unis" ! Malgré les opinions défavorables à la guerre, Bush obtint finalement l'approbation du Sénat et du Congrès et naturellement du Conseil de Sécurité de l'ONU.

A voir : INTOX: Irak, une véritable imposture

Une véritable imposture (suite) : l'origine de Daech selon des fonctionnaires U.S

Mensonges, guerre et vidéo

En 2003, les Etats-Unis avec l'aide du Royaume-Uni attaquèrent l'Irak (Guerre d'Irak) mettant officiellement fin au régime du parti Baas. Sadam Hussein fut arrêté, jugé et pendu en 2006. Pour éviter toute nouvelle instabilité politique dans la région et afin de reconstruire une nation démocratique, le projet de Bush consista à diviser l'Irak en différents états religieux en fonction des courants islamiques existants, les Chiites au sud, les Sunnites au centre, les Allawites au nord-est et les Kurdes au nord-est. En fait ce projet avait déjà été planifié en 1996 par les néoconservateurs et signé par l'équipe de Richard Perle sous prétexte que le régime de Bagdad représentait une menace pour Israël..

Si le bilan établit en 2003 de la Guerre d'Irak est impressionnant, il est surtout honteux pour la démocratie car sur le terrain il fut désastreux sur les plans socioéconomique et politique et exporta le terrorisme en Occident.

Pour les Arabes, les Etats-Unis s'alignaient comme leurs prédécesseurs dans la polique d'occupation de Sykes-Picot. Les soldats Américains furent considérés comme des envahisseurs et des goêliers. Sur le terrain, à défaut de gouvernement ce fut le chaos : on assista à une corruption généralisée, une augmentation de la violence et par conséquent un nombre croissant de réfugiés tenta de fuir le pays, un terrain fertile pour le développement du terrorisme. Bob Graham ne s'était malheureusement pas trompé.

En 2003, Mohamed El Baradei, directeur de l'AIEA déclara publiquement devant l'ONU qu'après enquête il s'avéra que le Gabon n'avait jamais livré d'uranium à l'Irak et donc que le document italien était un faux, ce que Ray McGovern, un analyste de la CIA avait déjà déclaré en 2002 mais dont l'avis ne fut pas suivi.

Choqué et scandalisé par l'attitude de l'administration Bush, en 2004 McGovern publia un livre sur le patriotisme, la démocratie et le bon sens dans lequel il porte un regard critique sur la politique américaine au sens large. En 2006, McGovern publia également une série d'auditions d'activistes déclarant que les services de renseignements américains avaient été corrompus sous la pression des politiciens pour justifier la guerre en Irak.

Face aux rumeurs insistantes de tromperie, pour seule réponse les principaux intéressés dont le président Bush ont juste reporté la faute sur les autres, prétextant que les services de renseignements pouvaient disposer d'informations qui n'étaient pas totalement fiables... ! L'affaire était close et G.Bush jr fut même réélu pour un second mandat présidentiel. Depuis cette époque, l'image des Anglo-saxons dans le monde Arabe est sérieusement ternie sauf dans quelques états riches du Golfe où l'argent n'a pas d'odeur.

Quant aux Américains, encore aujourd'hui la plupart semblent toujours refuser l'évidence et dénient le mensonge d'Etat. En effet, une majorité de militaires d'active comme des vétérans de la Guerre d'Irak ainsi que la plupart des politiciens et beaucoup de journalistes de l'époque ayant fermé les yeux et entendu ce qu'ils voulaient bien entendre pensent encore que Bush avaient des raisons légitimes d'envahir l'Irak comme il en avait pour libérer le Koweit. Les Américains en font presque un sujet tabou, refusant d'admettre qu'ils ont commis une erreur et furent sciemment trompés par l'homme qu'il ont mis au pouvoir.

En 2006, Abû Mus'ab az-Zarqâwî fonda l'Etat Islamique en Irak, l'ébauche du groupe terroriste Daech (ISIL). En 2007, Ayman al-Zaouahiri, chef du réseau terroriste Al-Qaïda en Egypte déclara que "Al-Qaïda en Irak n'existe plus", sous-entendant que les combattants de ce mouvement avaient rejoint l'organisation terroriste de l'Etat Islamique, Daech.

En 2011, l'administration de Bill Clinton bien moins vindicatrice et plus statège que celle de Bush fut mise sous pression par des citoyens mécontents de sa politique étrangère. Conséquence logique, les Etats-Unis quittèrent le monde arabe. Cette année là, le colonel Kadhafi fut assassiné en Algérie par des membres du Conseil National de Transition (CNT). L'ONU mit alors fin au mandat autorisant le recours à la force en Libye. Depuis la moitié du pays est en proie au chaos et les terroristes tentent d'y imposer leur loi.

A la même époque, les Egyptiens demandèrent la démission du raïs, du président Moubarak. Ils finirent par le démettre du pouvoir, acte qui fut salué par la communauté internationale et conduisit au Printemps Arabe. En 2012, Mohammed Morsi, membre des Frères musulmans accéda au pouvoir et aux postes clés. Mais suite à un coup d'Etat, Morsi fut renversé en 2013 et accusé d'espionnage, incitation à la violence et destruction de l'économie.

Après sa chute, les islamistes tuèrent des centaines de soldats. Mais en 2014, le Maréchal Al-Sissi des Frères musulmans devint le sixième président de la République arabe d'Egypte et réduisit au silence de nombreux activistes du Printemps Arabe. Il condamna à mort ou emprisonna des milliers d'opposants en faisant un usage systématique de la torture, y compris envers un étudiant étranger. Cela eut pour effet que beaucoup d'islamistes entrèrent dans la clandestinité, sous les menaces les ONG quittèrent le pays et l'abscence de touristes fit chuter l'économie du pays.

En 2014, Al-Sissi déclara vouloir combattre la montée du terrorisme islamique, non seulement par un biais de raids militaires mais aussi sur le plan culturel. Dans la foulée des parodies de procès, l'ancien président Morsi fut condamné à mort en 2015. Suite aux rapprochements entre l'Egypte et la Russie et l'intervention de cette dernière aux côtés de la Syrie, en octobre 2015 un avion civil russe explosa au-dessus du Sinaï tuant 250 personnes. L'attentat fut revendiqué par la branche égyptienne de Daech.

C'est alors qu'un nouvel acteur s'engagea, la Russie, réputée pour être peu scrupuleuse des Droits de l'homme, qui a toujours soutenu le gouvernement syrien. En Syrie, le président Bashar el-Assad envoya ses chars sur les manifestants. L'opposition pris les armes et le conflit connut une escalade rapide. La guerre civile qui se poursuit toujours a offert un champ de bataille idéal aux islamistes.

Le Front Al Nostra, la branche irakienne de Daech d'obédience salafiste et affiliée à Al-Quaïda, lutta plus que jamais pour fonder un Khalifat, l'Islam des origines, l'Âge d'or qui mettrait fin à la domination étrangère et laïque en terre islamique. Ceux qui s'y opposèrent furent assassinés. Abou Bakr al-Baghdadi, chef de Daech en Irak et au Levant autoproclama le Khalifat en 2014. Toutefois, grâce à des frappes aériennes continues, la coalition internationale parvint à réduire sensiblement la zone d'influence de Daech qui pour la première fois en 2014 perdit du terrain et des villes-clés. Finalement, les villes de Mossoul et de Rakka furent reconquises par la coalition internationale alliée aux Kurdes en 2017. On reviendra plus loin sur les actions militaires contre Daech (voir page 6).

A gauche, la zone d'influence quasi maximale de Daech en 2012 sur la frontière Syrio-Irakienne. Fin 2018, son territoire se réduisait à une zone dix fois plus petite à l'est de la Syrie (à peu près à l'endroit où se trouve le nom DAECH, voir page 6). Document LiveuaMap. A droite, un soldat de la coalition internationale (probablement un ex-militaire ou un vétéran des forces spéciales) sous le commandement polonais de "l'Archer" brûlant le drapeau de Daech devant les ruines de Rakka après neuf mois de combats en octobre 2017.

Aujourd'hui, pour les Etats-Unis, les Etats européens et la majorité des pays du Levant, la priorité est la stabilité au Moyen-Orient et à ce titre ils se sont engagés au nom de la liberté et de la démocratie dans la guerre contre ce qu'il reste de Daech et leurs sympatisants. Or une fois de plus, cette intervention étrangère exacerbe les djihadistes qui ont intensifié les attentats jusqu'à commettre leurs crimes de la façon la plus lâche et la plus symbolique, au coeur même des capitales européennes.

Concernant les zones d'influence, la Russie soutient la Syrie et l'Egypte, les Etats du Golfe appuyent les groupes islamiques tandis que les Occidentaux soutiennent les modérés, les Etats-Unis fort de la Diaspora juive protégeant Israël coûte que coûte contre les Palestiniens. Finalement, l'objectif premier qui était celui de donner un Etat aux Palestiniens suivant les Accord d'Oslo a été noyé dans la violence et les guerres locales.

Le résultat de cette situation s'est avéré désastreux. En résumé l'unité de la Syrie et de l'Irak a disparu car Daech en a profité pour étendre son influence. La Syrie est géopolitiquement morcellée et très instable, Israël a perdu la Cisjordanie et annexé le Golan, les Kurdes et les Palestiniens n'ont toujours pas d'Etat, les Suunites demandent leur autonomie et l'Irak n'existe pratiquement plus ou se réduit à l'Irak sans sa région Kurde. Seuls l'Egypte, la Jordanie, le Liban, l'Arabie, le Koweit, le Quatar et les Emirats ont maintenus leurs frontières. Bref tout le Moyen-Orient s'enflamme car personne ne peut reconcilier les inconciliables.

Aujourd'hui, les pays arabes sont toujours divisés et les Occidentaux sont plus que jamais considérés comme des puissances coloniales et à juste titre. Tant que ces problèmes ne sont pas réglés, le Moyen-Orient sera en proie à la violence et le terrorisme y trouvera un terrain fertile.

3. La politique étrangère des Etats-Unis et de leurs alliés européens

En ce qui concerne les Etats-Unis, le Pentagone et la CIA ont généralement la conviction que la meilleure manière de défendre les intérêts américains à l'étranger est soit de conduire au pouvoir un homme de paille favorable à la politique américaine soit de financer des groupes d'opposition, et pourquoi pas des organisations terroristes en leur vendant des armes de manière à ce qu'elles deviennent tellement puissantes que les Etats-Unis ont alors un prétexte pour déclencher une guerre dans la région et réorganiser le pouvoir.

D'aventure, si cette stratégie devait être déapprouvée par leurs alliés européens, arabes ou même la Russie, les politiciens américains et la CIA ont toujours rapidement trouvé des "experts" habiles dans le traitement de l'information et notamment des journalistes capables de transformer la réalité et la simplifier afin que le public approuve le point de vue des politiciens néoconservateurs et leur projet de guerre totale.

Cette manipulation de l'opinion public et des plus hautes instances internationales a également des conséquences inavouées sur le plan économique. En effet, rien que la grande manipulation d'Etat qui conduisit à la Guerre d'Irak en 2003 a coûté 3 milliards de dollars aux Etats-Unis (et 11 milliards de dollars au Royaume-Uni). C'est autant d'argent qui a enrichi les industriels américains, y compris les banquiers et de nombreux politiciens actifs dans ces entreprises, dont la famille Bush n'est pas la dernière.

Cette politique de la désinformation et du mensonge d'Etat a autant servi les intérêts des gouvernements occidentaux que les dealers arabes qui pouvaient en toute impunité créer leur propre histoire dramatique et se plaindre de la menace que représentaient leurs opposants. Même si en Occident personne n'était dupe du terrorisme d'Etat orchestré par les dirigeants Afghans ou Syrien et du support des pays du Golfe au terrorisme, cette vue déformée de la réalité a bien arrangé la politique étrangère et intérieure de nombreux pays.

C'est ainsi que la CIA en parfait accord avec le Président a été derrière de nombreux putschs pour citer les coups d'Etats en Iran en 1953 (avec la participation du MI6), en Indonésie en 1958 et en 1965, au Guatemala en 1954 et jusqu'aux années 1990, en Algérie en 1961 (avec la complicité de la France) ou au Chili en 1973. Certaines de ces opérations sont toujours classifiées.

Pire, si on lit le rapport de 500 pages demandé par le Sénat américain en 2014 à la CIA sur les "techniques d'interrogatoire poussées" (en clair les tortures) commises à la prison d’Abou Ghraib en Irak ou à Guantanamo au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, on découvre que 14 pays arabes ou musulmans ont été complice de la CIA et impliqués dans la pratique de tortures : l'Afghanistan, l'Algérie, l'Arabie Saoudite, Djibouti, l'Egypte, les Emirats Arabes Unis, l'Irak, la Jordanie, la Lybie, le Maroc, la Mauritanie, le Quatar, la Turquie et leYémen !

En revanche, cette fois ni la France ni aucun pays européen, pas plus que le Koweit, la Syrie, le sultanat d'Oman et la Tunisie n'ont accepté de collaborer avec les agents de la CIA.

Mais à force de simplifier l'histoire et de créer des légendes, cette stratégie politique qui mêle adroitement l'histoire, le mensonge et la terreur a fini par être tellement efficace, qu'elle a permis l'émergence de groupes islamistes révolutionnaires dont l'objectif était de renverser l'autorité et d'accéder au pouvoir.

Le chute du communisme en 1989 fut un évènement historique sur des bien des plans qui marqua notamment la fin brutale de l'idée satanique que les Occidentaux et notamment les Anglo-saxons se faisaient du Bloc soviétique. L'ennemi proche et clairement identifié n'existait plus et ce concept fut progressivement remplacé par des ennemis lointains représentés par des nations séparatistes et l'émergence d'organisations terroristes. Sans chien de garde dans la région du Moyen-Orient, on comprit rapidement que le monde allait devenir beaucoup plus compliqué à gérer.

A force de croire que la scène géopolitique n'était qu'un spectacle de marionnettes, les Etats-Unis sont parvenus à placer Al-Qaïda au pouvoir et l'Europe a soutenu plusieurs chefs-d'Etats d'Afrique et du Moyen-Orient qui sont devenus de véritables despotes et des criminels une fois en place.

Lorsque l'affaire est dévoilée, le scandale est tel que les politiciens peuvent juste espérer que le peuple ne va pas exiger leur démission ou leur condamnation.

Mais à force de considérer la géopolitique comme un jeu d'influences où les civils sont des pions qu'on peut sacrifier pour sauver le roi, certains s'imaginent pouvoir contrôler la politique étrangère de leur pays au-delà du mandat de leur Président.

Les conséquences sont d'autant moins prévisibles à longue échéance que le mandat présidentiel américain par exemple ne dure que 4 ans et que les alliances entre les factions armées dans le pays victime de ce soulèvement évoluent et peuvent passer à l'ennemi.

Se greffe sur ces aléas, les jeux d'influences économiques organisés par les lobbies et notamment par celui du pétrole et leurs cartels qui joue un rôle clé dans l'approvisionnement énergétique de quasiment toutes les nations. Malgré toutes les actions sous couvert avec l'Arabie Saoudite contre la politique de l'OPEP pour sauver leur économie, les Etats-Unis comme l'Europe l'ont appris à leur dépens durant la crise du pétrole en 1973.

Ces pays qui jouent ainsi sur l'échiquier géopolitique, et dont nous faisons partie (soit comme acteur direct quand nous participons à des embargos, soit indirectement en tant que membre d'alliances et de coalitions), ont soutenu des dictateurs sous prétexte qu'ils promettaient de lutter contre "le réseau terroriste" installé dans leur pays. Pendant ce temps, toute une génération de jeunes a émergé au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est et en Afrique fermement décidée à se débarrasser de ces dictateurs.

Evolution du prix du pétrole brut (Brent) en fonction des évènements politiques et des aléas. Document T.Lombry.

En attendant, le petit groupe politique d'opposition s'est soit hissé au pouvoir et n'a plus collaboré avec l'Occident soit il est devenu une organisation terroriste si puissante qu'elle menaça même la paix dans le monde en s'attaquant par exemple aux puits de pétrole du Koweit en 1990 et au World Trade Center en 2001. Conséquence, Uncle Sam a dû s'engager dans une "croisade" comme l'appelait l'ancien président Georges W. Bush en Afghanistan et en Irak pour y déloger les terroristes que son armée avait entraînés et armés quinze ans plus tôt !

Cette politique interventionniste eut des effets désastreux sur les plans financiers et économiques et tira ses effets durant plus d'une décennie. Ainsi, comme on le voit à droite, suite à la Guerre du Golfe, l'OPEP en profita pour augmenter le cours du pétrole qui s'est enflammé en 1990-1991 (36$ le baril contre 22$ juste avant le conflit). En 2001, les attentats sur le World Trade Center ont fait trembler les marchés financiers déjà inquiets par le crash boursier (l'explosion de la bulle Internet à partir de 2001) et la crise économique en Argentine (1999-2002). Il faudra encore 10 ans pour que les Etats-Unis finissent par localiser et abattre Oussama ben Landen en 2011.

Aujourd'hui, si la situation géopolitique mondiale est plus simple et moins chaotique qu'il y a une génération, globalement les conséquences de ces politiques interventionnistes et protectionnistes ont été très négatives sur les plans géopolitique, économiques et sociaux. D'une part elles furent favorables à l'idée du complot islamiste et que les régimes ne pouvaient pas être renversés par le terrorisme aveugle. D'autre part, elles renforcèrent les forces islamistes dans leur intention de jouer un rôle politique (par ex. en Egypte en en Tunisie). Toutefois, cela renforça les Talibans dont les plus modérés reçurent l'appui des Occidentaux jusqu'à ce qu'ils se radicalisent. Si cela permit de bien différencer les terroristes des islamistes, en revanche cela renforça l'amalgame entre islamiste et Musulman. 

Sur le plan économique également, ces guerres interminables et ces risques d'attentats ont ruiné l'économie de nombreux pays du Moyen-Orient et fragilise celle de plusieurs pays d'Afrique du Nord en réduisant sensiblement la manne financière offerte par le tourisme. Enfin, sur le plan social la flambée de violence au Moyen-Orient et en Afrique du Nord a conduit des dizaines de millions d'habitants à fuir leur pays et se réfugier soit dans les pays limitrophes soit en Occident. L'afflux de ces réfugiés est encore tellement important qu'il a mis l'Europe face à la "crise des migrants" et devant le miroir de ses responsabilités qu'elle assume de moins en moins malgré l'image positive de nation démocratique et ouverte à tous qu'elle voudrait donner au monde.

En donneurs de leçons hypocrites, l'Europe comme les Etats-Unis subissent aujourd'hui les conséquences de leur politique étrangère et interventionniste. Ce n'est donc pas sans raison que les partis nationalistes attirent une certaine frange désabusée de la population qui voit en eux une sorte de libérateur au franc-parlé capable de réunir des populations partageant les mêmes idéaux autour d'une politique nationaliste, c'est-à-dire indépendante, unie et prospère, mettant l'individu au coeur de la nation. Malheureusement, à terme ce genre de politique vire à l'extrémisme et à tendance à refouler au portail tout qui ne partage pas leur opinion ou ne s'intègre pas dans leur modèle de société. On retouve chez les nationalistes les idées heugénistes chères aux adeptes de la supériorité d'une race sur les autres. Les plus âgés d'entre nous ont connu les mêmes évènements avec un certain parti allemand national-socialiste mieux connu sous le nom de parti nazi. On connaît la suite de cette malheureuse histoire. On a donc de bonnes raisons de se méfier des partis nationalistes.

Si les stratégies géopolitiques et notamment interventionnistes des Occidentaux expliquent en bonne partie la flambée de violence au Moyen-Orient et les attaques terroristes résultantes, il y a une autre raison évoquée à mi-mots ci-dessus qui a accentué l'animosité des peuples musulmans envers les Américains et les Européens qui est la prétention des Occidentaux à vouloir systématiquement donner des leçons au reste du monde et à ne respecter aucune autre culture que la leur, un comportement peu louable qui a conduit au "choc des civilisations".

Prochain chapitre

Le choc des civilisations

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