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Les étoiles variables
Introduction Devant la "sphère des fixes" d'Aristote, il est très probable que les étoiles variables furent observées dès l'Antiquité grecque. Mais ni les astronomes grecs, ni leurs collègues chinois, japonais, coréens et arabes ne relevèrent ces variations d'éclats. Pourtant des yeux avertis comme ceux d'Hipparque, Ptolémée, Copernic ou Tycho avaient maintes occasions de relever ce défi. En Europe cette situation s'explique par le fait qu'il eut été absurde de considérer la sphère céleste sous l'emprise du changement. Elle était à l'image des dieux, parfaite. Les observateurs avaient bien découverts quelques "comètes", mais elles étaient considérées comme des évènements inexpliqués, comme on parlerait aujourd'hui des OVNI et ne faisaient l'objet d'aucune attention. Les étoiles variables furent observées en Europe à partir de 1667. Le professeur de mathématique Geminiano Montanari fut intrigué par le comportement de l'étoile Algol dans la constellation de Persée. Une étude plus approfondie de Sir William Herschel en 1860 permit de découvrir qu'il s'agissait d'une étoile qui subissait des variations de luminosité. Il s'agissait d'une étoile binaire à éclipse, l'étoile principale subissant périodiquement une variation de luminosité en raison du passage de son compagnon dans notre ligne de visée. De la même manière, l'étoile Epsilon du Cocher subit des éclipses tous les 27 ans durant 18 mois qui diminuent sa luminosité de 50%. Son comportement intriguait les astronomes depuis 1821. La question fut finalement résolue en 2010. L'astronome Brian Kloppenborg et ses collègues de l'Université de Denver aux Etats-Unis découvrirent qu'Epsilon du Cocher avait le même comportement qu'Algol. Grâce aux six télescopes interférométriques de CHARA Array (Center for High Angular Resolution Astronomy), les astronomes ont découvert un fin disque de poussière de près de 1.5 milliard de kilomètres de diamètre - autant que l'orbite de Jupiter - gravitant autour d"Epsilon du Cocher. Il se présente par la tranche et abrite une petite étoile massive. Il s'agit donc d'un système binaire. Il pourrait ressembler à ce qu'était le système solaire lors de la formation des planètes il y a 4.5 milliards d'années. A voir : Eclipsing Binaries Applet Java préparé par Yervant Terzian et Terry Herter, U.Cornell
Il existe également des binaires à éclipses dont les étoiles sont beaucoup plus rapprochées. Ainsi dans le système emblématique de β Lyrae, comme on le voit ci-dessus à droite, les deux étoiles sont presque en contact - on les appelle des binaires semi-détachées à éclipses - au point qu'il y a un transfert de matière entre l'étoile naine bleue (B7V) et l'étoile blanche (A8V) avec la formation d'un disque d'accrétion qui fut d'ailleurs à l'origine du concept inventé par Gerard Kuiper en 1941 et aujourd'hui appliqué à de nombreux corps célestes. On reviendra sur le disque d'accrétion à propos de la formation du système solaire et des trous noirs ainsi que sur les étoiles doubles et multiples. Dans d'autres systèmes binaires serrés les deux étoiles sont quasiment en contact ou leurs photosphères ont fusionné; ce sont des binaires à contact. Citons VW Cephei illustré ci-dessous à gauche. Une étude détaillée lui fut consacrée (cf. Hendry et Mochnacki, 2008). Parmi les autres exemples citons ρ Cassiopeiae (voir plus bas) et W Ursae Majoris.
Rappelons également le cas de la binaire à contact KIC 9832227 du Cygne dont les deux composantes sont tellement rapprochées qu'on prédit qu'elles fusionneront peut-être en 2022, donnant naissance à une nova. Mais cette union fatale n'est qu'une hypothèse qui n'est toujours pas confirmée. Les différentes catégories d'étoiles variables Janet Mattei (1943-2004) qui fut directrice de l'American Association of Variable Stars Observers (AAVSO), nous rappelle que les étoiles variables sont regroupées en deux catégories, selon la nature de leur variance : - Les variables extrinsèques dont la variation de luminosité est provoquée par l'éclipse d'une étoile par sa compagne plus faible (le cas d'Algol), par l'effet de la rotation stellaire ou un nuage de poussière. Cette catégorie comprend les étoiles variables cataclysmiques (CV) généralement associées en système binaire avec un astre compact, étoile naine, étoile à neutrons ou un trou noir stellaire, comme c'est le cas des systèmes SS Cygni et U Geminorum. - Les variables intrinsèques dont la variation de luminosité, la plupart du temps cyclique, résulte de changements physiques au sein de l'étoile ou dans le système stellaire lui-même, par exemple des pulsations ou des éruptions qui provoquent un mouvement de contraction et d'expansion des couches superficielles de l'étoile. A lire : General Catalogue of Variable Stars (GCVS)
Cette dernière catégorie est subdivisée en plusieurs classes parmi lesquelles : - Les étoiles variables dites Céphéides dont la période varie entre 2 et plus de 50 jours que l'on retrouve également dans les galaxies extérieures et les amas globulaires. Elle sont divisées en deux familles : les Céphéides classiques de type I ou de Population I (par ex. δ Cephei) et les Céphéides de type II ou de Population II. Les
Céphéides de type I atteignent 4 à 20 M Les
Céphéides de type II sont des étoiles de faible masse (~0.5 M - Les étoiles variables dites RR Lyrae dont la période est très régulière (13 heures pour RR Lyrae) et qui servent également de chandelle standard. Il s'agit d'étoiles âgées des types spectraux A-K qui évoluent sur la bande horizontale du diagramme H-R. On les trouve principalement près du centre galactique, dans le halo et dans les amas globulaires. - Les étoiles variables à longue période (LPV), type Mira Ceti, dont l'éclat varie progressivement sur plus d'une année. - Les étoiles variables semi-régulières (SR) dont la variabilité est parfois interrompue pour différentes causes. Cette famille comprend des étoiles géantes de type SRa, SRb, SRc et SRd. Notons que le catalogue GCVS (General Catalogue of Variable Stars) utile une majuscule pour la dernière lettre (par ex. SRD) alors que l'UAI utilise une minuscule. Seuls ces quatre derniers types sont de classe spectrale F, G ou K, toutes les autres présentant une classe spectrale tardive (M, C, S, Me, etc). Parmi les étoiles SR citons : Z Aquarii (SRa), RR CrB (SRb), μ Cephei (SRc), SV UMa (SRd) et ρ Cas précitée (SRd). - Les étoiles variables irrégulières comme Bételgeuse (α Orionis), Antarès (α Scorpii) ou HR 5171 (voir plus bas) dont la période est indéterminée. - Les étoiles variables éruptives qui sautent jusqu'à quatre magnitudes en quelques secondes : Wolf 424 AB, UV Ceti, Eta Carina. A lire : Étude de l'interaction convection-pulsations et application aux Céphéides, thèse de T.Gastine, 2009
Citons séparément les étoiles pré-naines chaudes pulsantes ou BLAPs (Blue Large-Amplitude Pulsators) dont la courbe lumineuse dans le mode fondamental ressemble à celle des Céphéides classiques et des RR Lyrae, ainsi que les BLAPs de haute densité (ou forte gravité), également appelées "pulsateurs". Ces derniers sont des pré-naines chaudes de type O qui varient en luminosité et/ou en rayon avec une amplitude >10% sur une période qui ne dépasse pas 8 minutes. En 2019, l'équipe de Thomas Kupfer de l'Université de Californie à Santa Barbara avait identifié 4 pulsateurs. Rappelons que les caractéristiques des étoiles variables sont reprises dans le catalogue GCVS précité dont la dernière version 5.1 basée sur des données compilées en 2015 comprend plus de 52000 étoiles variables auxquelles s'ajoutent chaque année des centaines de nouvelles candidates. Notons également que dans le cadre de la recherche des exoplanètes, le projet Planet Hunters de la NASA permet au public d'analyser par Internet les courbes lumineuses des étoiles observées par le télescope spatial Kepler. L'analyse de ces 19 millions de courbes par plus de 250000 volontaires a déjà permis de découvrir de nouveaux types d'étoiles variables (et bien entendu quelques exoplanètes y compris dans la zone habitable). Profitez-en, c'est de la Science ! Pour plus de détails sur ces étoiles très particulières, consultez l'article consacré à la classification des étoiles variables et à leur observation par les amateurs. La période de luminosité des Céphéides La relation qui relie la luminosité des Céphéides à leur fluctuation est connue avec précision. Leur éclat absolu étant inversement proportionnel au carré de leur distance, l'astronome Henrietta Leavitt démontra en 1912 (cf. Leavitt & Pickering) qu'elles pouvaient servir d'étalon de mesure pour calculer la distance des amas d'étoiles et des galaxies proches. La magnitude absolue (M) des Céphéides obéit à la relation : M = a + b log P où a et b sont deux constantes déterminées, l'une à partir des Céphéides de la Voie Lactée par parallaxe, l'autre en observant les Céphéides des Nuages de Magellan; P est la mesure de la période de l'étoile. Une fois les magnitudes absolue et apparente connues on peut aisément déterminer leur distance. Aujourd'hui, seules 10% des Céphéides connues furent découvertes dans la Voie Lactée. Le mécanisme kappa En 1917, Arthur Eddington posa les bases de la théorie des oscillations stellaires adiabatiques (sans transfert d'énergie en l'occurrence de chaleur) et purement radiales (liées au changement de rayon de l'étoile). Il montra que les oscillations étaient amorties dans la plupart des étoiles, ce qui le conduisit à proposer l'existence d'un phénomène physique continu à l'origine des oscillations stellaires. Son idée est de considérer une étoile pulsante (ou variable comme une Céphéide) à l'image d'un moteur thermique dans lequel de l'énergie serait stockée durant les phases de compression (contraction) et évacuée lors des phases de détente. Il invente un mécanisme de valve pour entretenir les oscillations. Il imagine une valve située dans le noyau des étoiles, l'entretien des oscillations dépendant du taux de production nucléaire.
Plusieurs décennies plus tard, les calculs réalisés par I.Epstein (1950) ainsi que ceux de John Cox et Charles Whitney (1958) ont montré que ce mécanisme ne peut pas entretenir les oscillations car l'amortissement est trop fort dans les couches supérieures de l'étoile et compensent très largement l'énergie d'excitation générée dans le noyau. Toutefois, ces démonstrations suggérèrent que le mécanisme d'excitation serait plutôt localisé dans les couches supérieures de l'étoile, où les effets non-adiabatiques (avec transfert d'énergie) deviennent importants. En 1926, Eddington avait déjà présenté une variante de ce mécanisme de valve. Il suggéra qu'on pouvait obtenir le même effet de moteur thermique non pas en faisant varier la quantité de chaleur reçue, mais en faisant varier la manière dont cette chaleur est évacuée, de telle sorte que lors d'une phase de compression la chaleur serait bloquée puis évacuée lors de la phase de détente suivante. Ceci serait rendu possible par une variation adéquate de l'opacité du milieu. Cette théorie fut à l'origine du κ-mécanisme ou mécanisme kappa actuel (où κ désigne le coefficient d'opacité du milieu). Les développements ultérieurs de cette idée permirent finalement de comprendre le mécanisme d'excitation des Céphéides et de la majorité des autres étoiles pulsantes. Ce sont Cox et Whitney précités (1958) ainsi que S.A.Zhevakin (1963) qui ont indépendamment été les premiers à associer cette zone d'excitation aux zones d'ionisation, et en particulier à la seconde ionisation de l'hélium. Le diagramme H-R présenté à gauche illustre la position respective des différents types d'étoiles variables. On constate en particulier que la bande d'instabilité (la bande entre les tirets) comprenant notamment les Céphéides classiques de Type I est quasiment verticale contrairement aux RR Lyrae parmi d'autres types d'étoiles variables. Que savons-nous aujourd'hui des pulsations des étoiles ? La théorie d'Eddington est-elle toujours valide ? En un mot : oui. Les pulsations stellaires ne résultent pas du taux de fusion qui reste constant dans le coeur de l'étoile mais des variations du taux auquel le rayonnement peut s'échapper de l'étoile. Voici par exemple la suite des réactions qui se produisent dans une étoile variable dite pulsante : - Lorsque la pression de radiation dépasse la force de la gravitation, les couches extérieures d'une étoile se dilatent vers l'extérieur. - À mesure que l'étoile se dilate, sa force gravitationnelle vers l'intérieur diminue, mais sa pression vers l'extérieur diminue également à un rythme encore plus important (cf. la dilatation d'un gaz). - Finalement, l'étoile atteindrait une position d'équilibre hydrostatique, c'est-à-dire lorsque la force de gravité équilibre la pression interne. Cependant, les couches poussées vers l'extérieur conservant leur impulsion, elles se déplacent jusqu'au-delà de la position d'équilibre. - Lorsque la force de la gravitation agit sur cette couche, elle la force à ralentir. À présent, la pression du gaz et du rayonnement vers l'extérieur est plus faible que la force de la gravitation. - Le déséquilibre des forces provoque l'effondrement des couches externes de l'étoile. Lorsque les couches s'effondrent, la gravité augmente, mais la pression augmente plus rapidement. - Lorsque la pression vers l'extérieur dépasse la force de la gravitation vers l'intérieur, la couche s'effondrant ralentit et finit par s'arrêter. - Nous sommes revenus au début du cycle où la pression extérieure est supérieure à la force de la gravitation et le cycle de pulsation recommence. Une étoile pulsante n'est donc pas en équilibre mais cherche toujours à la retrouver, jusqu'à dépasser ce seuil. C'est ce qu'on appelle un oscillateur harmonique. En effet, l'analyse des courbes lumineuses comportant plusieurs périodes révèle souvent plus d'un mode d'oscillation harmonique pour certains types d'étoiles (mode fondamental ou mode F, mode n=1 ou O1, mode gravité ou mode g, etc.). Cette information permet aux astronomes d'en apprendre davantage sur l'intérieur de ces étoiles de la même manière que l'analyse des ondes sismiques permet aux géologues de sonder l'intérieur de la Terre. Particularités de quelques étoiles variables Parmi les étoiles variables particulières donnons une mention spéciale à R Monocerotis et V383 Monocerotis. Comme on le voit ci-dessous à gauche, R Monocerotis est immergée dans un nuage de gaz et de poussière qui lui vaut d'être surnommée la "nébuleuse variable de Hubble" ou NGC 2261. En effet, à l'époque des observations de Sir William Herschel au XVIIIe siècle, les astronomes ne s'expliquaient pas les modifications d'éclat de cette étoile qui pouvait changer d'aspect en l'espace d'un jour. En 1916, Edwin Hubble découvrit que cette étoile variable était en fait entourée d'une épaisse nébulosité dont l'éclat fluctuait en fonction du comportement de l'étoile. Baptisée la nébuleuse variable de Hubble, NGC 2261 sera photographiée pour la première fois en 1949 avec le télescope de 5 m du mont Palomar. R Mon appartient à la famille des étoiles naines variables de type T Tauri. Tous les membres de cette famille sont situés dans des nuages moléculaires et présentent de brusques variations d'éclat. Parmi ces membres citons également SU Aurigae et TW Hydrae. Notons enfin que ces jeunes étoiles sont parfois associées aux objets de Herbig-Haro. Quant à l'étoile variable V383 Monocerotis présentée ci-dessous au centre et à droite, les astronomes ont toutes les difficultés pour déterminer à quelle catégorie elle appartient. Le catalogue Simbad l'a classée parmi les binaires à éclipse. Située à environ 20000 années-lumière, elle présente un spectre de
type M6.3 et une magnitude apparente variant entre 6.75 et 15.6. Sa
température effective est de 3270 K, elle présente un rayon de 380 R Au cours d'une éruption survenue en février 2002, V383 Monocerotis est devenue 600000 fois plus lumineuse et 1500 fois plus grande que le Soleil, devenant temporairement l'étoile la plus brillante de la Voie Lactée ! A cette occasion, elle illumina le nuage de gaz et de poussière qui l'entoure et qu'elle avait partiellement expulsé au cours de ses précédentes éruptions. Cet "écho lumineux" se dissipa ensuite à mesure que l'étoile perdit son éclat. A
voir : V838 Light Echo: The Movie,
ESA/Hubble A lire : L'étoile R Monoceros et NGC 2261 (PDF), Gilbert St-Onge
Compte tenu de ses éruptions spectaculaires, les astronomes ont tendance à la classer parmi les novae. Mais il s'agit alors d'un spécimen atypique car généralement les novae sont des étoiles jeunes, chaudes et massives. Or si celle-ci est une supergéante plutôt froide. A ce titre, on pourrait donc la cataloguer parmi les supergéantes massives, l'éruption pouvant être celle d'un flash de l'hélium. Or dans ce cas-ci, on n'a pas observé de perte importante de masse (entre l'arrivée sur la Séquence principale et ce stade, les étoiles peuvent perdre jusqu'à 50% de leur masse) et l'étoile ne s'est pas transformée en Wolf-Rayet. Il peut aussi s'agir d'une étoile géante ayant connu les flashes de l'hélium et parvenue au stade post-asymptotique ou AGB, c'est-à-dire située tout en haut à droite du diagramme H-R et sur le déclin. Toutefois, selon plusieurs études la poussière qui l'enveloppe est d'origine interstellaire, elle n'est pas centrée sur V383 Mon qui ne l'a donc pas émis en totalité. Selon
certains modèles, l'éruption qu'elle connut est peut-être aussi le
résultat d'une fusion entre une étoile massive de 8 M
Enfin, Alon Retter et son équipe ont proposé en 2006 que l'étoile absorba une planète géante qui en se consummant dans les couches denses de son atmosphère aurait déclenché la fusion du deutérium et produit une expansion fulgurante de l'atmosphère de l'étoile. Mais cette théorie est non seulement ad hoc en ajoutant une planète au système mais elle n'explique pas les particularités de la courbe lumineuse du sursaut d'éclat. Néanmoins, elle est aussi plausible que les autres théories mais à moins que d'autres planètes plongent dans l'étoile, il sera difficile de la prouver. Nous devons bien sûr ajouter à cette liste les novae et les supernovae dont l'éclat croît brutalement. Les hypergéantes sont les étoiles les plus massives et les plus grandes que l'on connaisse. Cette catégorie comprend les hypergéantes jaunes (YHG, Yellow Hypergiants), des étoiles évoluées qui passent par une phase instable entre le stade de supergéante bleue et celui de supergéante rouge. Elles figurent parmi les étoiles les plus massives et les plus lumineuses. Elles sont souvent sujettes à des pulsations et à des épisodes d'éjection importantes de masse. A ce jour, les astrophysiciens en ont découvert une douzaine seulement dans la Voie Lactée. Leur évolution rapide et leurs éruptions spectaculaires en font des objets d'étude fascinants pour les astrophysiciens spécialistes des étoiles variables. Des chercheurs ont récemment étudié trois hypergéantes jaunes, Rho Cassiopeiae (ρ Cas), HR 5171A et HR 8752 pour lesquels il existe des courbes de lumière et autres données photométriques depuis 1885 (cf. A. van Genderen et al., 2025). L'un des principaux objectifs de cette étude était de mieux comprendre la relation entre la température effective et les variations de l'opacité des hypergéantes jaunes. Cette relation est essentielle pour expliquer les éruptions récurrentes de ces étoiles. ρ
Cas brille à une magnitude variant entre 4.1 et 6.2. Elle se situe à
environ 3420 années-lumière dans la constellation de Cassiopée. C'est
une étoile variable semi-régulière (SRd), de classe spectrale G2, d'une température
effective variant entre 3000 et 7500 K, de 40 M
ρ Cas présente des éruptions régulières tous les 10 à 40 ans. Six éruptions majeures ont été identifiées en 1895, 1905, 1946, 1986, 2000 et 2013. Ces éruptions sont précédées par une augmentation de l'amplitude de ses pulsations radiales. Les courbes de lumière montrent que la période de ces pulsations s'allonge progressivement avant chaque éruption. Les rayons minimum et maximum de la photosphère de ρ Cas lors des éruptions de 1986, 2000 et 2013 sont compatibles avec les mesures de vitesse radiale, renforçant la fiabilité des méthodes de calcul de sa température. Un des résultats les plus marquants de l'étude est la confirmation que la température effective des éruptions a augmenté au fil du temps. La sixième éruption en 2013 s'est démarquée par une température effective plus élevée d'environ 1000 K, contrairement aux précédentes. L'analyse photométrique détaillée des variations de l'indice de couleur (B-V) révéla que les éruptions sont associées à des changements significatifs de l'opacité de l'étoile en fonction de la longueur d'onde dans le spectre continu (l'opacité sélective du continuum). Cela confirme que les éruptions sont différentes des simples pulsations stellaires. Les auteurs suggèrent que ρ Cas pourrait évoluer vers une phase plus stable, similaire à celle observée pour HR 8752. Toutefois, après 2045, elle pourrait entrer dans une nouvelle phase d'instabilité dynamique. HR 5171A
alias V0766 Centauri ou HD 119796 brille à la magnitude moyenne de 6.8. C'est une
étoile de classe spectrale K0 0-Ia, d'une température effective d'environ
4893 K, de 27 à 36 M Elle forme un système triple comprenant une binaire à contact (la composante Aa) avec un petit compagnon (Ab) de classe spectrale B0 Ibp qui a fusionné sa photosphère avec celle de l'hypergéante jaune. Ce système binaire forme un couple optique avec une troisième étoile (B) située à 9.4", une supergéante bleue de classe spectrale B0 mais qui n'est peut-être pas située à la même distance que l'hypergéante jaune. HR 5171A présente un rayon de 900 millions de kilomètres soit 1292 fois supérieur à celui du Soleil, ce qui en fait l'une des dix plus grandes étoiles découvertes à ce jour. HR 5171A est une variable irrégulière. Elle avait montré une baisse progressive de luminosité puis reprit ses pulsations en 2018.
HR 8752 alias V0509 Cas présente une magnitude variant entre 4.6
et 6. Elle se situe à environ 4500 années-lumière dans la constellation
de Cassiopée. C'est une étoile variable semi-régulière (SRd), de classe
spectrale G4 dont la température effective varie entre 4000 et 8000 K.
Sa masse est d'environ 11 M HR 8752 se stabilisa entre 1996 et 2017, suggérant qu'une hypergéante jaune qui a déjà perdu beaucoup de matière peut évoluer vers un état plus stable. Cette évolution pourrait préfigurer celle de ρ Cas dans les prochaines décennies. Cette étude souligne le rôle crucial des fortes pulsations radiales dans le déclenchement des éruptions récurrentes. Cela constitue une avancée majeure dans la compréhension des étoiles massives en fin de vie. Elle souligne également l'apport des astronomes amateurs, dont les observations ont enrichi la base de données. Leur contribution est essentielle pour le suivi à long terme de ces étoiles variables. On y reviendra. Grâce à de nouvelles relations de calibration de température, les chercheurs peuvent dorénavant améliorer les modèles astrophysiques, ce qui facilitera les prévisions sur l'avenir des hypergéantes jaunes et leur impact sur l'environnement galactique. Interactions des systèmes binaires Lorsque l'étoile variable est constituée d'un système binaire, les deux astres peuvent interagir de manière forts différentes : - Interaction du vent stellaire : dans les étoiles chaudes et massives émettant fortement en rayons X (XRB), le vent stellaire émis par chacune des composantes peut former un disque d'accrétion capable d'obscurcir temporairement la surface de l'étoile la plus massive. - Variation de la luminosité : la surface de l'une des deux étoiles est réchauffée par celle du compagnon qui émet des rayons X, provoquant une photoionisation du vent stellaire (étoiles symbiotiques) - Interaction du champ magnétique : à l'image des magnétars un champ magnétique très intense peut induire des variations du rayonnement (AM Her) suite à une modification intrinsèque de l'étoile (modification de sa surface, etc) - Effets de marée : dans les systèmes binaires en interactions très rapprochées, les forces de marée deviennent si importantes que les vents stellaires sont gravement perturbés, induisant des pertes de synchronisation, un transfert de masses, etc. A lire : Etoiles cataclysmiques symbiotiques et novae (PDF), François Teyssier
Appel aux amateurs Si l'étude des variations lumineuses des étoiles variables est vitale pour comprendre leur nature, il va de soi que les astronomes professionnels n'ont pas les moyens ni le temps de surveiller des dizaines de milliers d'étoiles variables nuit après nuit. Leurs efforts se focalisent sur la compréhension d'aspects plus spécifiques des étoiles en utilisant des instruments très sophistiqués pour ne citer que les spectrographes, les radiotélescopes ou les satellites sensibles au rayonnement IR ou X. Toutefois il demeure nécessaire de mesurer la lumière de ces étoiles dans le spectre visible. Ces données seront ensuite comparées avec les mesures effectuées à d'autres longueurs d'ondes, les mesures optiques servant de repère. Ainsi que le rappelle l'AAVSO, c'est ici que les astronomes amateurs peuvent apporter une contribution significative à l'astronomie. Pour comprendre et développer des théories qui expliquent les raisons et les manières dont les étoiles varient en luminosité, les astrophysiciens ont besoin de connaître l'histoire à long terme de ces astres, raison pour laquelle il est essentiel que les amateurs effectuent des observations à long terme de ces étoiles. Ce n'est pas un travail difficile mais il faut être assidu et donc être disponible, bénéficier d'un ciel clément, disposer d'un télescope et être rigoureux. A ce jour les membres de l'AAVSO ont réalisé plus de 18 millions d'observations. La plupart des mesures de luminosité ont été effectuées par des observateurs amateurs qui pointent régulièrement leurs observations dans des diagrammes de courbes lumineuses qui sont ensuite rassemblés et préparés par des associations spécialisées telle que l'antenne française du GFOES.
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