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Une façon de vivre propre aux étoiles
La phase d'étoile géante (V) Dans
4 milliards d'années soit environ 8.5 milliards d'années après sa naissance,
une étoile de la masse du Soleil (0.5-2.5 M Pour y parvenir, le Soleil comme toutes les étoiles peu massives sera contraint de trouver les protons nécessaires à la réaction de fusion dans l'enveloppe périphérique d'hydrogène. Ce sera le début d'une transformation radicale. A ce stade, une étoile de masse équivalente à celle du Soleil va quitter la Séquence principale et évoluer vers la phase intermédiaire Post-Séquence principale où elle aura de nouveau tendance à suivre le trajet de Hayashi (cf. les protoétoiles) en se dirigeant vers la droite du diagramme H-R, dans la région des sous-géantes rouges (sG). Mais nous allons découvrir qu'elle dispose encore de ressources pour éviter une mort prématurée. Le flash de l'hélium Au début cette phase, la température du noyau de l'étoile géante est insuffisante pour amorcer la fusion de l'hélium mais les effondrements gravitationnels successifs et l'extension de la chaîne proton-proton dans l'enveloppe entourant le noyau provoque une augmentation du taux de réactions nucléaires dans l'enveloppe ainsi que de la pression et de la température dans le coeur de l'étoile. L'énergie libérée va déclencher la réaction triple alpha qui implique trois hélions pour former un noyau de carbone-12. Ces réactions nucléaires en chaîne produisent plus d'énergie que nécessaire pour équilibrer la gravité de l'étoile. En d'autres termes l'étoile se trouve à nouveau dans un état de déséquilibre hydrostatique. Suite à cette fusion, l'étoile subit littéralement une transformation de taille très spectaculaire. L'hélium absorbe l'énergie produite en s'ionisant. Cette réaction permet à l'étoile de poursuivre sa contraction mais étant donné que le milieu devient plus dense, l'énergie interne s'évacue plus difficilement. Finalement, l'étoile retrouve un équilibre entre la force gravitationnelle et son rayonnement et sa contraction s'arrête. En revanche, l'énergie accumulée sous forme d'hélium ionisé est transmise au milieu; l'étoile se dilate jusqu'au-delà du rayon d'équilibre. Parvenue à ce rayon déterminé, l'hélium redevient neutre et le milieu stellaire transparent. L'étoile géante ne se dilate plus et entame une nouvelle contraction. Dans le cas du Soleil, dans 4.5 milliards d'années soit 10 milliards d'années après sa naissance, la densité (masse volumique) dans son coeur atteindra environ 1000 g/cm3 soit sept fois supérieure à la densité actuelle (145.7 g/cm3). Son enveloppe d'hydrogène présentera une densité 10000 fois plus faible (0.1 g/cm3). Rappelons qu'aujourd'hui à 75% de la distance au centre du Soleil, la densité est de 0.2 g/cm3 soit 166 fois supérieure à la densité de l'atmosphère sur Terre au niveau de la mer (0.0012 g/cm3 ou 1.2 kg/m3) et chute à 10-7g/cm3 sur la surface du Soleil.
Quand le Soleil approchera des 10.8 milliards d'années, la température de son noyau ainsi que sa densité vont commencer à augmenter à un taux exponentiel pour atteindre plus de 100 millions de degrés et une pression supérieure à 400000 g/cm3. A de telles valeurs, les hélions sont capables de surpasser la répulsion électrique des noyaux et fusionner pour former du carbone-12. En fait, ils bénéficient des effets de la physique quantique qui deviennent dominants et notamment de la dégénérescence électronique. Que cache ce terme barbare ? En vertu du principe d'exclusion de Pauli qui donne notamment sa cohésion à la matière, deux électrons ne peuvent occuper simultanément le même état quantique. Aux conditions de densité et de température qui règnent dans le coeur d'une étoile géante ou sur le point de l'être, tous les niveaux électroniques de faible énergie sont occupés et seuls les niveaux de haute énergie sont libres. Cela signifie que lorsqu'un gaz est trop comprimé, les électrons perdent leur capacité à échanger leur énergie. Concrètement, la pression exercée par les électrons n'obéit plus à la relation des gaz parfaits car elle est à présent indépendante de la température. Les électrons sont dans un état dit dégénéré (qu'on retrouve dans les étoiles naines, les étoiles à neutrons et les pulsars). Le noyau ne contient plus un gaz de protons et d'électrons mais un gaz dégénéré de fermions qui a la particularité de résister à la compression, c'est la pression de dégénérescence électronique et l'étoile ne s'effondre plus. Ce phénomène supprime un facteur clé dans le mécanisme de contrôle de la fusion de l'hydrogène qui existait lorsque l'étoile évoluait sur la Séquence principale. On ne peut donc plus appliquer la relation Masse-Luminosité (le sens même du diagramme H-R) à ce stade évolutif de l'étoile et les chercheurs doivent utiliser d'autres outils pour la modéliser. On y reviendra plus bas. Du fait qu'il n'y a plus de relation entre la pression et la température, celle-ci augmente exponentiellement dans le noyau en provoquant un effet spectaculaire lié au déréglement du "thermostat" nucléaire. Dans
le cas du Soleil mais il concerne toutes les étoiles entre 0.5 et
2.5 M Lorsque la température centrale dépassera 100 millions de degrés, là où l'Univers primordial n'avait pu franchir la fusion de l'hélium, l'étoile va réussir. Il est vrai qu'un étoile de type solaire dispose de milliards d'années pour réunir par hasard les hélions alors que l'on n'accorda pas plus de trois minutes à l'Univers primordial, l'expansion de l'Univers ayant éparpillé tous ses enfants endéans ce temps. La
fusion de l'hélium est à présent possible et va littéralement démarrer au
"quart de tour". En quelques secondes, la fusion de l'hélium va
se propager dans tout le coeur qui représente plus de 0.5 M La fusion de l'hélium va produire du carbone et d'oxygène qui vous également s'accumuler dans le coeur, redonnant quelques années de répit à l'étoile AGB. Cette réaction est tellement rapide qu'on l'a appelée le "flash de l'hélium". Elle dure environ 10000 ans pour une étoile de type solaire. La réaction s'interrompt lorsque l'énergie dégagée est supérieure à l'énergie de Fermi. Le gaz nucléaire dégénéré reprend ensuite une consistance classique faite de protons et d'électrons. Son thermostat nucléaire est de nouveau bien réglé et l'étoile retrouve un nouvel état d'équilibre. Reportée dans le diagramme H-R, l'étoile n'avance plus vers la zone interdite de Hayashi et marque une pause en repartant horizontalement vers la gauche du diagramme sur la Branche Horizontale (HB). Pendant cette phase, l'énergie dégagée reste confinée dans le plasma stellaire et ne rayonne pas en surface. Cette phase "éclair" peut se répéter plusieurs fois avec autant de phases d'expansion et de contraction de sa surface, transformant l'astre en étoile variable. Vidéos à télécharger : Stellar Structure and Evolution Simulator, J.Simon et al. Programme à télécharger : StarClock Simulation de l'évolution stellaire par Leos Ondra
Le Soleil devrait connaître 5 flashes de l'hélium successifs après lesquels il tentera de se stabiliser, provoquant une nouvelle contraction du noyau pour éviter d'exploser. Après chaque stabilisation il deviendra un peu plus petit, un peu plus chaud et d'une couleur un peu plus vive. Notons
que le flash de l'hélium ne se produit pas dans les étoiles dont
la masse est supérieure à 2.5 M Après avoir épuisé tout l'hélium contenu dans son noyau, l'étoile évolue vers la phase AGB (Branche Asymptotique des Géantes). La phase AGB se divise en deux parties : 1. La phase AGB précoce ou early-AGB (E-AGB) 2. La phase post-AGB ou AGB à impulsions thermiques (TP-AGB). 1. La phase E-AGB Après avoir brûlé tout l'hélium contenu dans son coeur, l'étoile suit un parcours similaire à celui de la phase Post-Séquence principale : elle reprend l'ascension d'une branche des Géantes cette fois appelée la Branche des Géantes Asymptotiques Précoces (Early-AGB ou E-AGB) car son trajet dans le diagramme H-R est asymptotique (proche de la verticale et tendant vers l'infini) à la Branche des Géantes Rouges (RGB). A ce stade, le coeur de l'étoile est constitué de cendres de carbone-oxygène inertes entouré d'une fine enveloppe d'hélium. Lorsque la luminosité de l'étoile atteint un certain seuil, la fusion de l'hydrogène se déclenche également dans une enveloppe entourant celle contenant notamment les cendres d'hélium. Toutefois, cette structure en double couche est thermiquement instable et conduit l'étoile vers la seconde phase du processus, la phase TP-AGB (Thermally Pulsing AGB). A voir : Interactive Guide to Stellar Evolution Animation Flash préparée par Chandra 2. La phase TP-AGB (post-AGB) Durant
cette phase instable, la production d'énergie s'emballe dans la couche
périphérique d'hélium et se traduit par des pulsations thermiques. Si l'étoile est peu massive
(0.6-8 M La pression excercée par le rayonnement va repousser l'enveloppe
extérieure de l'étoile. Ainsi, dans 5.5 milliards d'années, en l'espace de
100000 ans la taille du Soleil va doubler et sa luminosité deviendra 4 fois
plus importante. Du fait de cette expansion, ses couches externes vont se
refroidir et sa température effective au niveau de la photosphère
va retomber à 4900 K et sa surface prendra une coloration orange
pâle de classe spectrale K2. En même temps, sa luminosité va passer de
10 L
Comme on le voit à droite, dans le diagramme H-R, l'étoile géante se déplace vers le sommet de la Branche AGB, dans le coin supérieur droit, à une hauteur qui dépend de sa masse initiale. Ensuite tout va s'accélérer. 600000 ans plus tard, 11.9 milliards d'années après sa naissance, le Soleil deviendra 47 fois plus grand qu'aujourd'hui, 414 fois plus lumineux et sa température effective retombera à 3786 K, de classe spectrale M3. Finalement, 10000 ans plus tard quand il aura pratiquement atteint 12 milliards d'années (11.91), la taille du Soleil va devenir 173 fois plus importante qu'aujourd'hui et il sera 2741 plus lumineux. Sa température effective chutera jusqu'à environ 3200 K et sera de classe spectrale M9 (la dernière avant celle les étoiles massive carbonées). C'est dans la zone située entre les enveloppes de fusion de l'hélium et de fusion de l'hydrogène que sont synthétisés le carbone et les éléments plus lourds que le fer. En effet, pendant la phase TP-AGB, les pulsations thermiques sont associées à la formation de carbone-12, fluor-19 et d'éléments plus lourds que le fer-56 grâce au "processus s" qui permet de produire des noyaux lourds par capture lente de neutrons (sur une période de 10-100 ans). Les effets de ce processus s apparaissent donc dans la signature spectrale des étoiles AGB. Au-dessus de ces deux enveloppes He et H, l'atmosphère stellaire subit un brassage appelé le dragage superficiel par des mécanismes convectifs; la matière contenue près du noyau de l'étoile se mélange aux couches qui l'entourent, changeant sa composition que l'on peut observer dans les niveaux supérieurs. Ainsi, à côté des isotopes du carbone, l'étoile produit de grandes quantités de technetium-99 grâce au processus s et est un indicateur d'une nucléosynthèse récente. Notons que les étoiles AGB sont également le siège des émissions maser (des lasers naturels) des molécules SiO, H2O et OH. On trouve généralement ces émissions micro-ondes stimulées dans les nuages moléculaires et les zones riches en poussières émettant fortement en infrarouge. Ces
mécanismes se produisent dans toutes les sous-géantes rouges et géantes
rouges de moins de 7-8 M Nous verrons à propos des galaxies, qu'en 2024 des chercheurs ont montré que les étoiles géantes TP-AGB contribuent de manière plus significative à la lumière des galaxies lointaines (à z = 1-2) qu'on ne le pensait auparavant, profitant de cette découverte pour valider des modèles de galaxies controversés vieux de 20 ans, à la plus joie de son inventeur, Claudia Maraston, professeure d'astrophysique à l'Université de Porstmouth (cf. S.Lu et al., 2024). Durant
la phase AGB, l'étoile géante est devenue une variable à longue période qui
s'accompagne d'une importante perte de masse. Pour les étoiles peu massives à l'image
du Soleil, ayant entre 0.3 et 7 M Exceptionnellement,
si l'étoile se déplace rapidement, elle peut laisser un sillage de gaz
derrière elle, comme on le voit ci-dessous avec Mira, o Ceti, une étoile
géante rouge de 1.18 M A lire : Découverte d'une queue dans le sillage de Mira Ceti
Dans le cas du Soleil, du fait de son importante perte de masse, en vertu des lois de la mécanique céleste (cf. Kepler), les planètes géantes dériveront vers l'extérieur du système solaire, augmentant leur demi-grand axe et alongeant leur période de révolution. Cette perte de masse joue un rôle important dans la dynamique orbitale ainsi que nous le verrons lorsque nous discuterons dans un autre article de la définition de la zone habitable. Enfin, des astronomes ont montré que dans un échantillon de 85 étoiles en phase post-AGB, 8 à 12% d'entre elles sont entourées d'un disque de transition massif pouvant contenir une exoplanète géante (cf. J.Kluska et al., 2021). Nous verrons à propos des astéroïdes que le rayonnement électromagnétique des étoiles parvenues à la fin de leur phase post-AGB serait suffisamment puissant pour accélérer la rotation des astéroïdes au point de les faire exploser ainsi que leurs débris. C'est une conséquence de l'effet Yarkovsky. Cet effet se manifeste jusqu'à environ 50 UA pour un astéroïde de 500 m de longueur. Cependant, en raison de leur petite taille et leur faible cohésion interne, l'effet Yarkovsky n'influence que les astéroïdes. L'enveloppe circumstellaire En expulsant une fraction sensible de sa masse dans l'espace, une étoile AGB s'entoure d'une enveloppe riche en éléments issus de la transformation de l'hydrogène et de l'hélium en éléments plus lourds (métaux) appelée l'enveloppe circumstellaire étendue (CSE) ou plus généralement la matière circumstellaire (CSM), qu'il faut distinguer de la matière composant le milieu interstellaire (ISM) (cf. C.Georgy et al., 2013; A.Duthu, 2017). L'enveloppe CSE présente une faible densité optique. En estimant qu'une étoile AGB moyenne survit 1 milliard d'années et présente un vent stellaire soufflant à 10 km/s, son enveloppe peut s'étendre sur 3x1014 km soit 30 années-lumière ! Notons toutefois qu'à cette distance la matière se mélange au milieu ambiant et devient indiscernable du milieu interstellaire. Il s'agit donc d'une distance maximale en assumant que le vent stellaire et le gaz interstellaire se déplacent à la même vitesse. Du fait que l'étoile perd de la masse et est devenue gigantesque, elle se refroidit en surface jusqu'à 3000 ou 2000 K qui dépend de la quantité de gaz et de poussières contenues dans son enveloppe. De ce fait, l'étoile présence une enveloppe chimiquement et dynamiquement très particulière. Selon une étude publiée en 2000 par Franciska Kemper de l'Université d'Amsterdam et son équipe, au stade AGB une étoile présente les enveloppes et composantes suivantes illustrées par le schéma ci-dessous : - Le coeur de cendres de carbone et d'oxygène dégénéré (qui formera la naine blanche) - La double enveloppe nucléairement active de fusion de l'hélium entourée de celle de fusion de l'hydrogène - L'enveloppe d'hydrogène convective - L'enveloppe circumstellaire interne proche de la photosphère (entre 1-5 R*) à hautes densités et hautes température où se développe une chimie à l'équilibre thermodynamique local (ETL) - L'enveloppe stellaire pulsante avec une chimie de choc exposant les molécules formées à l'ETL à de nouvelles conditions physiques hors équilibre - L'enveloppe circumstellaire intermédiaire (entre 5-100 R*) où se forme la poussière chimiquement calme (formant des éléments stables comme le silicate (SiO), le carbone amorphe (AmC), le carbure de silicum (SiC), etc. - L'enveloppe circumstellaire externe (à plus de 100 R*) en contact avec le champ de radiation interstellaire. Sous l'influence du rayonnement UV, il s'y produit une photodissociation moléculaire avec une chimie complexe basée sur des réactions entre ions et molécules. A lire : Affaiblissement de la luminosité de Bételgeuse Notons que l'enveloppe stellaire pulsante génère des ondes acoustiques qui se traduisent par une compression et une expansion périodique du milieu environnant. Ces ondes sonores sont amplifiées et génèrent des ondes de choc capables de déplacer la matière, provoquant un changement de densité dans la structure stellaire. Dans ces conditions, l'atmosphère étendue de l'étoiles commence à perdre sa masse et forme des couches successives de poussière qui finissent par échapper à l'attraction gravitationnelle de l'étoile. Celle-ci s'entoure alors d'une enveloppe circumstellaire dont les caractéristiques varient considérablement d'une étoile à l'autre en termes d'opacité, de géométrie, de chimie, etc. C'est dans la zone de poussières de l'étoile AGB que les éléments réfractaires (par ex. fer, silicium, manganèse...) sont extraits de la phase gazeuse et se transforment en grains de poussière. C'est la raison pour laquelle les vents stellaires des étoiles AGB sont considérés comme étant les principaux sites cosmiques de formation de poussières dans l'univers.
Le taux de perte de masse est tellement élevé (jusqu'à 10-4
M La perte de masse est maximale en dessous de ~1015 cm du coeur de l'étoile soit en dessous de 10 R* où l'émission des masers SiO, H2O et OH confirme que l'enveloppe interne présente une structure pratiquement sphérique sous 5 R* dans 70% des cas bien que présentant une intensité très irrégulière. Ceci signifie également que 30% des étoiles AGB de ce type ont une enveloppe de poussière non-homogène comme c'est le cas de R Sculptoris, CW Leonis (IRC+10216) et SAO 244567 présentées plus bas. Si
une étoile très massive (au moins 20 M Durant cette phase, sur le diagramme H-R l'étoile va infléchir sa trajectoire pour rejoindre la Branche horizontale des supergéantes des classes de luminosité I ou II (comme par exemple Déneb, Canopus ou l'étoile Polaire "Polaris"), c'est-à-dire qu'elle se trouve tout en haut du diagramme tout en se déplaçant plus ou moins loin vers la gauche en fonction de sa température. En fin de vie elle peut même se rapprocher de la Séquence principale tout en gardant une certaine distance, c'est-à-dire avec une luminosité bien plus importante qu'à l'époque de sa jeunesse. Composition de la poussière circumstellaire En moyenne, la poussière circumstellaire représente à peine 1% de la masse totale d'une étoile AGB et présente la même composition chimique que le gaz de l'atmosphère au temps où il fut éjecté, notamment en ce qui concerne l'abondance relative du carbone et de l'oxygène. Grâce à leurs émissions radioélectriques, les radioastronomes peuvent identifier les différentes signatures spectrales des molécules et atomes aux longueurs d'ondes millimétriques (2-100 microns) et montrent clairement qu'il existe par exemple différents types d'étoiles AGB, celles dont le rapport C/O < 1 (classe spectrale M), C/O ~1 (S) et C/O > 1 (C ou carbonées). De plus ces signatures sont très utiles pour identifier la composition chimique des grains de poussière, leur signature permettant également de tracer la température du milieu et indirectement la morphologie individuelle des grains de poussière. A ce jour, les radioastronomes ont découvert plus de 70 différentes molécules de poussière dans les enveloppes circumstellaires des étoiles AGB, y compris de la vapeur d'eau dans les étoiles carbonées dont CW Leonis (cf. L.Decin et al., 2010, APOD 2001). Si on ajoute les molécules découvertes dans le milieu interstellaire, on dépasse les 250 molécules découvertes à ce jour dont 10% ont plus de 10 atomes, généralement des combinaisons de C, H, O et N. A consulter : Molecules in Space, U.Cologne C'est durant la phase AGB (et celle de supernova) que les étoiles sont capables de synthétiser des gemmes et des pierres fines grâce à la liaison de l'oxygène avec les métaux, pour citer les oxydes de silicium, d'aluminium et de béryllium (saphir, rubis, émeraude, etc). S'il y a un peu d'eau, de l'opale (silice hydratée) peut même se former. Non seulement durant cette phase l'étoile géante brillera comme un rubis mais elle en produira également, sans oublier bien sûr quelques diamants si la température et la pression de son coeur sont suffisantes. Quand le poète dit que "les étoiles sont comme des diamants incrustés dans le velours noir du ciel", il n'est pas tellement loin de la vérité... Malgré une température effective ne dépassant plus 3500 à 3000 K, les étoiles géantes et supergéantes rouges sont tellement volumineuses qu'elles illuminent le ciel pour citer Bételgeuse, Aldébaran ou Antarès : ce sont toutes des étoiles de premières grandeurs. Parmi
les 250 milliards d'étoiles constituant la Voie lactée, à peine 1% des
étoiles de la Séquence principale présentent une masse supérieure à
30 M Les étoiles super-AGB Les
étoiles dont la masse est comprise entre 6.5 er 12 M Au stade super-AGB, pendant la réaction triple alpha de capture d'hélions, des éléments plus lourds que le carbone sont créés : de l'oxygène, du magnésium, du néon et des éléments plus lourds. Leur noyau est constitué de carbone et d'oxygène partiellement dégénérés qui sont suffisamment nombreux pour déclencher la fusion du carbone au cours d'une phase éclair analogue au flash de l'hélium. La pression régnant dans le noyau reste très élevée mais insuffisante pour déclencher la fusion du néon (comme cela se produit dans les supergiantes plus massives). Cette phase est instable et peut conduire certaines étoiles super-AGB jusqu'à exploser en supernova, soit de Type II (SN II) soit par capture d'électrons (ECSN), mais la plupart terminent leur vie sous forme de naines blanches à coeur d'oxygène-néon (cf. J.J. Eldridge et C.A. Tout, 2004). En
2021, des astrophysiciens ont pour la première fois confirmé une théorie émise en 1980
selon laquelle les étoiles super-AGB de 8 à 10 M Description de quelques étoiles en fin de vie Pour mieux comprendre concrètement comment se déroule la phase AGB et les processus qui la gouverne, prenons quelques exemples emblématiques d'étoiles dites évoluées ou parvenues en fin de vie et ayant expulsé une fraction sensible de leur enveloppe. Bételgeuse Bételgeuse, α Orionis, alias 58 Orionis est située au-dessus du bras droit d'Orion (elle forme le coin supérieur gauche du rectangle d'Orion) à environ 548 a.l. de la Terre (cf. M.Joyce et al., 2020) bien que le calcul de sa parallaxe indique une distance de 131.06 parsecs soit 427 années-lumière. Elle brille d'un terne éclat rougeâtre entre les magnitudes apparentes +0.45 et +1.50. Bételgeuse
une étoile supergéante rouge dans la phase AGB de classe spectrale
M2 Iab et présente un indice de couleur IC=1.86. Sa masse est comprise entre 16.5
et 19 M En raison de sa taille gigantesque, sa température effective est très faible, environ 3600 K (contre 5770 K pour le Soleil) et présente une densité moyenne inférieure à 10-4 fois la densité de l'atmosphère à la surface de la Terre ! Bételgeuse est une étoile variable semi-régulière dont la luminosité varie selon trois périodes : un cycle dominant de 430 jours, puis 100 à 180 jours et de 5.9 ans. Le Télescope Spatial Hubble révéla la présence de magnésium ionisé dans la haute atmosphère de Bételgeuse. Ejectant beaucoup de poussière, son éclat diminua de 36% entre 2019 et 2020, suite vraisemblablement à la présence d'un immense nuage de poussière dans notre ligne de visée. Le précédent assombrissement s'était produit à la fin des années 1970 où son éclat chuta de 1.5 magnitude. Fin février 2020, la luminosité de Bételgeuse remonta vers la normale. Selon une étude publiée en 2024 (non validée), Bételgeuse serait peut-être un système binaire et dans ce cas ce ne serait pas une étoile supergéante et elle ne finira pas en supernova. On y reviendra en détails dans l'article consacré à la constellation d'Orion. En attendant de valider cette théorie, considérons-là toujours comme une supergéante. A
voir : Découverte
d'une étoile géante jaune, HR 5171
(2014)
Antarès Antarès est une étoile supergéante rouge de type spectral M1.5 Iab située à environ 550 années-lumière dans la constellation du Scorpion. Comme le montre la photo présentée ci-dessous à droite, visuellement Antarès se trouve dans la nébuleuse de réflexion IC 4606 située non loin de l'amas globulaire M4 et de l'étoile bleue Al Niyat, offrant sur les photographies de belles nuances de couleurs. Antarès
fait partie de l'association OB du Scorpion-Centaure. Sa température effective est
d'environ 3200 K. Sa masse est d'environ 12 M Antarès
compte parmi les étoiles les plus volumineuses et les plus massives et finira par exploser en
supernova. Elle forme un système binaire avec une petite étoile blanche (B2.5 V) de 7 M Les analyses ont montré que le gaz est plus turbulent et de plus faible densité à grande distance du centre de l'étoile que prévu. Les astronomes pensent qu'il existe des mouvements de matière similaires à la convection au sein des atmosphères étendues des supergéantes rouges.
CW Leonis
CW Leonis alias IRC+10216 présentée ci-dessous st une étoile carbonée découverte en 1969
par une équipe d'astrophysiciens dirigée par Eric
Becklin au moyen du télescope infrarouge de 1.6 m du Caltech installé au Mont Wilson.
Cette étoile située à environ 400 années-lumière présente une température effective de
seulement 2330 K et une masse d'environ 0.8 M Sur
base d'analyses spectrographiques et du calcul des rapports isotopiques du
magnésium, on estime qu'originellement cette étoile devait avoir une
masse comprise entre 3 et 5 M A
voir : Coupe
3D par ALMA dans la structure de R Sculptoris
CW
Leonis expulsa les couches externes de son atmopshère riche en carbone il y a plus de 69000 ans,
expulsant entre 1-4 x 10-5
M L'enveloppe fut analysée en infrarouge jusqu'aux bandes submillimétriques (entre 52-631 microns soit entre 5765-475 GHz) grâce au radiotélescope IRAM de 30 m de diamètre et au télescope spatial Herschel. Son spectre présente de fortes raies d'émission des molécules du CO et CCH typiques de l'émission d'une enveloppe CSE spatialement confinée. Cette coquille contient également de l'azote, de l'oxygène et du fer ainsi que des molécules de carbone, de silicium et de soufre (C2H2, CS, SiS, SiO), de l'acide cyanhydrique (HCN), de l'ammoniac (NH3) et de l'eau (H2O), ce qui est assez commun pour ce type d'étoile à cette température. Au total, près de 50 molécules ont été détectées dans le flux de matière éjecté par CW Leonis. SAO 244567 Le cas de l'étoile SAO 244567 présentée ci-dessous est également très instructif. Il s'agit d'une étoile de classe spectrale B3e (classe B avec des raies d'émission) dont la masse est similaire à celle du Soleil située dans la constellation de l'Autel (Ara) à 2700 années-lumière.
En 2014,
Nicole Reindl de l'Université de Leicester et ses collègues ont proposé un
modèle qui a été remis à jour en 2016 dans un article publié dans les
"MNRAS".
Selon Reindl, il y a environ 10300 ans SAO 244567 arriva
au stade AGB. Elle enfla démesurément, son rayon atteignant brièvement
152 R A
voir : Evolution of SAO 244567 Comme
le montre la vidéo présentée ci-dessus, SAO 244567 s'est ensuite recontractée.
Il y a environ 1000 ans, son rayon était encore de 40 R Selon les analyses spectrographiques réalisées avec le coronographe COS du Télescope Spatial Hubble, l'étoile est en train de se refroidir et de s'étendre. Selon les modèles, elle se transformera en géante rouge d'ici 500 ans avant que son coeur mis à nu se transforme peu après en naine blanche. C'est la première fois qu'on observe ce phénomène dans une étoile de masse solaire au stade AGB car jusqu'à présent on n'observait ces nébuleuses planétaires qu'autour d'étoiles géantes massives, d'étoiles naines ou d'étoiles à neutrons et autres pulsars. L'évolution de SAO 244567 est d'autant plus intéressante qu'elle nous renseigne précisément sur la manière dont évoluera le Soleil dans quelque 6 milliards d'années. On y reviendra. IRAS 085544-4431 IRAS 085544-4431 présenté ci-dessous à gauche est un système binaire au stade post-AGB situé à ~4000 années-lumière du Soleil dans la constellation des Voiles. Il est constitué d'une étoile géante rouge et d'une étoile normale. La géante rouge a éjecté un anneau de gaz et de poussière accompagné de puissants vents stellaires. Grâce à de telles images, les astronomes ont la possibilité de comparer ces systèmes avec les disques entourant les protoétoiles en formation à partir desquels se forment les planètes. En effet, il s'avère que les enveloppes de poussière entourant les vieilles étoiles AGB contiennent suffisamment de matière pour former une seconde génération de planètes (cf. M.Hillen et al., 2016). Plus que jamais, la possibilité d'une vie dans la zone habitable entourant les étoiles géantes même très âgées est une hypothèse tout à fait réaliste sur laquelle nous reviendrons. NGC 6326 On observe un phénomène d'éjection similaire de matière dans NGC 6326 présentée ci-dessous au centre. Cette nébuleuse planétaire de magnitude 12.2 située dans la constellation de l'Autel (Ara) à 11000 années-lumière du Soleil mesure environ 32" de diamètre. Elle a été éjectée par une étoile géante en train de se transformer en étoile naine blanche. Son rayonnement UV illumine l'hydrogène (rouge) et l'oxygène ionisés (bleu). A
voir : Zooming in on aging double star IRAS 08544-4431,
ESO
AG Carinae L'étoile AG Carinae située à ~22000 années-lumière du Soleil présentée ci-dessus à droite, est une supergéante bleue de classe O qui serait dans une phase de transition vers une étoile Wolf-Rayet (WR). C'est actuellement une variable bleue lumineuse (LBV) dont la magnitude apparente varie entre 5.7 et 9.0. Cette
étoile atteint 55 M Selon
les modèles de progéniteurs des LBV, le spectre de AG Carinae correspond au stade
final d'une supernova de Type IIb avant l'effondrement du noyau, bien que ces modèles
concernent des étoiles de 20-25 M Evolution des étoiles massives Selon sa masse, l'étoile se transformera soit en
géante rouge (0.3 à 7 M Si
l'étoile est très massive, entre 8 et 40 M
Les étoiles géantes bleues de 20 à
40 M La nébuleuse NGC 6164-5 présentée à droite consiste en une bulle de gaz qui fut libérée par l'étoile bleue et chaude HD 148937 de classe spectrale O âgée de seulement 3 ou 4 millions d'années mais 40 fois plus massive que le Soleil. La nébuleuse d'émission (qui n'est pas une nébuleuse planétaire) brille grâce à l'intense rayonnement UV émis par l'étoile. Née pratiquement instable et l'ayant toujours été, actuellement cette étoile poursuit son cycle CNO. On estime que dans 3 ou 4 millions d'années, elle explosera en supernova, libérant cette fois la majorité de son matériel dans l'espace en créant un rémanent de supernova (SNR) tandis que l'éventuel reste stellaire deviendra une étoile compacte (étoile à neutrons, pulsar ou magnétar) voire un trou noir stellaire. Si
l'étoile a une masse supérieure à 40 M Si
la masse de la supergéante bleue (classe spectrale O) atteint ou dépasse 30 M Nous verrons page suivante comment les étoiles géantes terminent leur existence. Particularités des étoiles géantes La masse maximale d'une étoile n'est pas infinie mais dépend de la luminosité ou limite d'Eddington. Cette limite représente la luminosité maximale pouvant traverser un gaz en équilibre hydrostatique (formant une sphère). Elle détermine la limite où la pression de radiation (du rayonnement) est équilibrée par la force de gravité du système (dans ce cas-ci une étoile mais il peut aussi s'agir d'un trou noir). La valeur exacte de la limite d'Eddington dépend des propriétés chimiques des couches de gaz traversées. Ainsi les étoiles riches en hydrogène et en hélium de début de classe sont plus transparentes que les étoiles de fin de classe contenant du fer ou des molécules carbonées. En théorie, et on l'observe dans l'univers, les étoiles géantes bleues peuvent donc présenter des masses supérieures aux supergéantes rouges. En
utilisant la relation Masse-Luminosité, on peut calculer que cette limite
se situe autour de 100 M Il arrive parfois que pendant une courte période à l'échelle astronomique, l'étoile hypermassive dépasse la limite d'Eddington de plusieurs ordres. On assiste alors à une éruption gamma dite GRB (Gamma-Ray Burst), à des éruptions X sur les binaires HMXB (Circinus X-1), au phénomène de novae, kilonova et supernova. Ces phénomènes modifient radicalement la structure physique des étoiles au point de les faire exploser. Mais il existe un certains nombre d'objets ayant dépassé cette limite sans qu'on observe d'instabilités (cf. l'étude sur les "bulles de photons" de Jonathan Arons, 1992). On y reviendra lorsque nous discuterons de la diversité des étoiles et notamment des étoiles à neutrons et des trous noirs. Comment
calculer la limite d'Eddington ? Pour une étoile de 100 M Les hypergéantes : les étoiles les plus massives et les plus grandes A
l'heure actuelle les astronomes ont découvert quelques étoiles
dépassant 100 M 1. R136a1
R136a1 est une étoile Wolf-Rayet qui brille à la magnitude apparente 12.8 dans l'amas ouvert R136 situé dans la nébuleuse de la Tarentule, alias 30 Doradus (A.D.: 5h 38m 42.43s, Dec.: -69° 06' 02.2"), et donc dans le Grand Nuage de Magellan, à ~1630000 années-lumière. Elle fut déjà détectée en 1985 mais fut officiellement découverte en juillet 2010 grâce au télescope VLT par une équipe d'astronomes dirigée par Paul Crowther de l'Université de Sheffield. Selon Crowther, il s'agit d'une étoile hypergéante bleue âgée de 1.5 million d'années et présentant une température effective d'environ 56000 K. La
masse de R136a1 a longtemps été controversée. On l'a d'abord estimée à
315 M Puis
sa masse fut réévaluée à 260 M Les
dernières mesures prises au moyen des télescopes Gemini North et
South de 8.1 m par l'équipe de Venu M. Kalari de NOILab lui donnent à présent
une masse comprise entre 170 et 230 M Kalari et ses collègues ont également réalisé l'image la plus précise de l'amas stellaire et de cette étoile grâce à la méthode de l'interférométrie des tavelures et l'imageur Zorro. Ils ont pris 40000 images de l'étoile, chacune exposée 60 ms pour éviter l'effet de la turbulence atmosphérique. Le résultat est présenté à droite. La précédente image de R136a1 avait été obtenue par Crowther et Evans en infrarouge grâce au VLT équipé de l'optique adaptative MAD. L'amélioration apportée par la méthode interférométrique est sensible mais il faut dire que la ligne de base mesure 10617 km. Les travaux de l'équipe de Kalari ont fait l'objet d'un article à publier dans "The Astrophysical Journal" en 2022. Sur base de sa masse, sa luminosité et sa température, R136a1 est 30 à 35 fois plus volumineuse que le Soleil avec un rayon moyen de 24.3 millions de kilomètres (contre 695508 km pour le Soleil) soit les 4/5e de l'orbite de Mercure et brille comme 7.4 millions de Soleil, soit 80% de la luminosité d'Eddington. Comme les autres étoiles géantes la limite de sa photosphère qui détermine son rayon optique est mal défini en raison de la présence d'un puissant vent stellaire qui souffle l'enveloppe extérieure vers l'espace, l'enveloppant dans un nuage de gaz et de poussières. Dans certaines étoiles supergéantes ou hypergéantes dont celles décrites ci-dessous, on détecte parfois l'enveloppe de la photosphère jusqu'à 0.3 R* au-delà de la limite théorique, d'où la marge d'erreur sur leur masse, leur rayon et leur luminosité et le choix d'une valeur moyenne. Notons
que dans les quelques parsecs (10 a.l.) autour de R136a1, la masse
stellaire totale est estimée à 50000 M 2. Pistol Pistol, l'étoile du
Pisolet fut découverte dans la constellation du Sagittaire en 1997. Elle
se situe à 26000 années-lumière et brille à la magnitude apparente de
4. Il s'agit d'une hypergéante bleue dont la masse est d'environ 100 M
3. Mu Cephei (Erakis) L'étoile μ Cephei appelée Erakis présentée ci-dessus à droite est surnommée l'"étoile grenat d'Herschel" qui la découvrit le 8 février 1782 avec une "teinte grenat foncée". Toutefois, le 28 décembre 1782 elle lui parut "bleutée" et le 12 mars 1785 elle fut d'une "belle couleur bleue". On peut supposer que la variation de couleur bien qu'apparemment spectaculaire serait due à son changement de luminosité. Erakis
est une supergéante rouge située à environ 6000
années-lumière. C'est une étoile variable semi-régulière dont la
magnitude apparente varie entre 3.43 et 5.1 sur une période incertaine de
860 ou de 4400 jours. Sa magnitude absolue est de -7.6. Cette étoile de classe spectrale M2e Ia présente
une masse de 19.2 M Son atmosphère s'étend sous la forme d'une coquille de gaz et de poussières jusqu'à 0.33 rayon au-dessus de la limite théorique de sa photosphère. Si celle-ci présente une température effective de 3750 K, à 0.33 R* au-dessus de la photosphère elle atteint 2055 K. Selon une étude réalisée par Guy Perrin et ses collègues publiée en 2005, cette enveloppe externe contient des molécules de CO, SiO et même de la vapeur d'eau. 4. VY Canis Majoris L'outsider
est l'étoile hypergéante rouge VY Canis Majoris (VY CMa) de
classe spectrale M3/M4 II qui présente une masse d'environ 30 à 40 M
5. UY Scuti À
ce jour l'étoile la plus volumineuse est l'hypergéante rouge UY Scuti située à 9500
années-lumière dans la constellation de l'Écu de Sobieski (Scutum).
C'est une étoile variable semi-régulière de classe spectrale M4 Ia dont la magnitude
apparente oscille entre 8.9 et 11.2 sur une période de 740 jours. Sa
masse est estimée entre 20-30 M Selon les estimations, à 8% près UY Scuti est 1708 fois plus grande que le Soleil avec un rayon d'environ 1.2 milliard de kilomètres. Reportée à l'échelle du système solaire, sa surface atteindrait presque l'orbite de Saturne (située à 1.4 milliard de km du Soleil) ! UY Scuti est 340000 fois plus lumineuse que le Soleil. Si on imagine qu'un rayon lumineux ferait le tour du Soleil en 14.5 secondes, il mettrait... 7 heures pour faire le tour de UY Scuti. Quant à son volume, on a peine à l'imaginer. Quelque 3.69 milliards de Soleil pourraient tenir dans son enveloppe sachant qu'environ 1000 Jupiter tiendraient dans le Soleil et environ 1300 Terre tiendraient dans Jupiter. Dans ces conditions extrêmes, les lois de la physique sont sans équivoques : toutes ces étoiles massives vont exploser un jour ou l'autre; ce sont toutes des candidates au titre de supernova ! Les hypergéantes jaunes On reviendra sur les hypergéantes jaunes (YHG, Yellow Hypergiants) ρ Cas, HR 5171A et HR 8752 dans l'article consacré aux étoiles variables en raison de leur variabilité lumineuse et leurs puissantes éruptions récurrentes. Les limites des modèles astrophysiques Les étoiles géantes Nous avons vu à propos de la dégénérescence électronique qu'on observe dans les étoiles géantes (et les naines), qu'on ne peut pas leur appliquer la relation Masse-Luminosité car l'énergie qu'elles émettent ne dépend presque plus des réactions de nucléosynthèse (cf. le Soleil). Nous devons donc trouver d'autres méthodes pour comprendre leur évolution. Le diagramme H-R (voir page 2) ne "fonctionne" que pour les étoiles thermonucléairement actives et difficilement pour les étoiles géantes ou les naines. Dans ces conditions on constate que les chiffres concernant leur masse ou leur luminosité varient d'un auteur à l'autre. L'explication est simple : il n'y a pas de consensus. En effet, il n'existe aucun moyen de calculer directement la masse d'une étoile en dehors de la Séquence principale. Prenons un exemple pour bien saisir la difficulté du problème.
Une étoile comme le Soleil passe l'essentiel de sa vie sur la Séquence principale, puis, après épuisement de l'hydrogène de son noyau, les réactions thermonucléaires se poursuivent dans l'enveloppe de l'étoile qui commence à gonfler démesurément. Durant cette phase qui se produit selon sa masse entre 1 million et 10 milliards d'années après sa naissance, l'étoile décrit un coude et commence à gravir la branche des géantes du diagramme H-R. La luminosité de l'étoile augmente plus ou moins fort en fonction de sa masse initiale, et son indice de couleur se décale graduellement vers le rouge comme on peut le voir sur les diagrammes présentés ci-dessus. Pour
les étoiles de plus de 10 M Pour
les étoiles de plus de 100 M
Ainsi, une étoile
de 1 M En
revanche, pour une étoile de 40 M Durant cette phase instable où les étoiles massives peuvent subir des pulsations, il n'y a donc plus de relation entre masse et luminosité, donc pas de formule. Ceci explique pourquoi les estimations de la masse ou de la luminosité des étoiles géantes reprises dans la littérature sont peu précises. Pour tenter malgré tout de comprendre l'évolution des étoiles géantes, les astronomes sont obligés d'inventer des méthodes alternatives à la relation Masse-Luminosité pour préciser leurs caractéristiques. Elles se basent toujours sur le diagramme H-R mais une série de travaux préliminaires sont nécessaires avant d'obtenir un résultat. Ainsi, la luminosité d'une étoile géante se détermine soit par sa parallaxe trigonométrique (comparaison de sa magnitude absolue avec celle du Soleil ce qui permet d'estimer son facteur de luminosité) soit par sa parallaxe spectroscopique (mesure de sa magnitude visuelle et absolue ainsi que de son indice de couleur que l'on reporte dans un diagramme H-R). On peut avoir une estimation de la masse des étoiles géantes en reportant leur température effective et leur luminosité sur une grille de trajets évolutifs stellaires (les "evolutionary tracks" du diagramme H-R) tels ceux présentés ci-dessus à gauche. Dans le cas de Bételgeuse, il faut les calculer pour une étoile de composition solaire, dont elle ne diffère pas fondamentalement. D'autres
auteurs, faisant d'autres hypothèses sur leurs modèles peuvent
trouver des diagrammes d'évolution un peu différents, donnant
des résultats différents. C'est ainsi qu'on obtient des valeurs
de luminosité pour Bételgeuse oscillant entre 90000 et 150000 L Pour les masses stellaires élevées, les hypothèses sont plus compliquées car il faut tenir compte des fortes pertes de masse en cours d'évolution. Les chiffres peuvent passer du simple au double. Le sujet étant complexe, les solutions très techniques et peu intuitives, il y a peu ou pas de vulgarisation sur le sujet. Le lecteur qui souhaite plus d'informations devra consulter des revues spécialisées telle que "The Astrophysical Journal" ou "Astronomy & Astrophysics" dont les travaux de Meynet, Yi et leurs collègues. Divergences entre les modèles d'étoiles massives et de supernovae et les observations gamma Des études relatives à la formation des isotopes du fer mettent en évidence l'incompatibilité des modèles astrophysiques des étoiles massives et des supernovae avec les observations gamma. Bonne nouvelle, ce problème de longue date fut partiellement résolu en 2021 et de manière plus précise en 2024. Nous allons décrire ces deux résultats mais avant, rappelons quel est le problème car il n'est pas encore totalement résolu. La formation du fer-60 Le fer-60 (2660Fe) comprenant 26 protons (Z) et 34 neutrons (N=A-Z) dans son noyau (cf. les particules élémentaires), est un isotope radioactif et donc instable du fer (le fer-56 ou 3056Fe) qui joue un rôle crucial dans l'astrophysique nucléaire et dans la compréhension des réactions nucléaires dans les étoiles massives : - c'est un traceur du processus de nucléosynthèse : le fer-60 est produit par des processus nucléaires spécifiques dans les étoiles massives par captures successives de neutrons sur un noyau plus léger et stable comme le fer-58, des réactions qui produisent des isotopes et parfois des noyau lourds, et par des réactions secondaires avec des neutrons provenant du Ne, Mg, C et O. Ensuite, au cours des dernières étapes de l'évolution stellaire, le fer-60 est éjecté dans l'espace par une supernova à effondrement de cœur (SNe II). Sa présence dans des environnements astrophysiques (comme dans les nébuleuses, les disques protoplanétaires, les météorites et les planètes rocheuses) permet de retracer les évènements de nucléosynthèse dans ces étoiles. Document T.Lombry. - c'est un indicateur de l'activité des supernovae : les supernovae jouent un rôle clé dans l'enrichissement du milieu interstellaire en éléments lourds. Le fer-60 ayant une demi-vie d'environ 2.6 millions d'années, c'est un indicateur de ces évènements récents dans le voisinage du Soleil. Sa détection sur Terre, par exemple dans les sédiments marins, suggère que des supernovae proches explosèrent il y a quelques millions d'années. - c'est une signature isotopique des environnements stellaires : en mesurant les abondances de fer-60 dans les météorites, on peut reconstituer les conditions qui prévalaient dans le disque protoplanétaire du système solaire. Cela indique que le système solaire a été contaminé par une ou plusieurs supernovae proches lors de sa formation. - il joue un rôle dans les réactions en chaîne nucléaires : le fer-60 se forme et se désintègre via des réactions nucléaires spécifiques qui sont sensibles aux conditions locales de température et de densité dans les étoiles massives. Par conséquent, son abondance relative par rapport à d'autres isotopes (comme le fer-56 ou l'aluminium-26) aide à contraindre les modèles de nucléosynthèse. - il permet d'étudier les cycles de vie des étoiles massives : les étoiles massives passent par des cycles complexes de fusion nucléaire. Le fer-60, en tant qu'isotope produit dans les derniers stades de la vie stellaire, aide à comprendre ces cycles et les transitions vers la supernova. Sa production et sa destruction dans le cœur des étoiles fournissent des informations sur les flux de neutrons et la dynamique des couches stellaires. En résumé, le fer-60 intéresse les astrophysiciens car il provient d'étoiles massives et est éjecté par les supernovae à travers la Galaxie notamment. C'est une "empreinte chimique" permettant d'explorer ces phénomènes cosmiques et leur impact sur les environnements galactique et local. Sa compréhension approfondie contribue à améliorer nos modèles astrophysiques, notamment de la nucléosynthèse dans les étoiles massives, des supernovae et sur l'origine des éléments dans l'Univers. On reviendra sur la production de fer-60 à propos de la Bulle Locale de la Voie Lactée. Le taux de désintégration bêta stellaire du fer-59 Un facteur important qui intervient dans les réactions nucléaires est le taux de désintégration bêta stellaire du fer-59 : la désintégration radioactive du fer-59 s'accompagne de l'émission d'une particule bêta qui est soit un électron soit un positron (cf. CEA). C'est une étape importante vers la compréhension de la nucléosynthèse du fer-60 dans les étoiles massives. En résumé, la réaction nucléaire stellaire se déroule en deux grandes étapes : 1°.
Désintégration bêta : 2659Fe; → 2759Co
+ e- + 2° Capture neutronique : 2659Fe + n → 2660Fe, avec n un neutron capturé, typique du processus s et du processus r (voir ausi la diversité des étoiles). Cette désintégration dite β- s'accompagne d'une émission gamma, qui est typique de la désexcitation des noyaux produits dans des états excités. On y reviendra. Une fois formé, le fer-60 peut également subir des désintégrations bêta ultérieures. La désintégration bêta contribue à la nucléosynthèse stellaire en modifiant les proportions des éléments et en influençant la chimie des étoiles. Les taux de désintégration sont affectés par la masse de l'étoile et donc par des conditions extrêmes comme les hautes densités électroniques et les températures élevées. Tout le problème est de calculer précisément le rendement du fer-60 car il influence les cycles nucléaires dans les étoiles. Les rayons gamma Un autre facteur important sont les rayons gamma associés à la désintégration du fer-60. Les scientifiques peuvent mesurer et analyser ces rayons gamma pour obtenir des indices sur le cycle de vie des étoiles et les mécanismes des supernovae. Sur base de ces données, les physiciens peuvent améliorer les modèles astrophysiques. Dans la désintégration bêta, le fer-60 se transforme en cobalt-60 dans un état excité (60Co*) : 60Fe
Pour se stabiliser, le noyau de cobalt-60 excité libère son excès d'énergie en émettant un ou plusieurs photons gamma. Cette étape ramène le noyau à un état fondamental stable : 60Co*
En comparant le flux de rayons gamma du fer-60 à celui de l'aluminium-26, qui partage une origine similaire à celle du fer-60, les chercheurs devraient pouvoir obtenir des informations importantes sur la nucléosynthèse et les modèles stellaires. Cependant, le rapport de flux des rayons gamma observé du Al-60/Fe-60 qui varie entre 9.7 et 18.4% ne correspond pas aux prédictions théoriques où ce rapport peut atteindre 25% en raison des incertitudes des modèles stellaires et des données nucléaires (cf. N.Prantzos, 2004; M.Suadès et al., 2007; W.Wang et al., 2020; S.Q. Yan et al., 2021).
Le taux de désintégration bêta stellaire du fer-59 décrit ci-dessus présente l'une des plus grandes incertitudes dans les données nucléaires. Or, il est essentiel de le connaître avec précision pour le rendement du fer-60. Bien que le taux de désintégration du fer-59 ait été mesuré avec précision en laboratoire (cf. E.Uberseder et al., 2014; M.W. van Rooy et al., 2015; M.Aliotta et al., 2022), son taux de désintégration peut être considérablement augmenté dans les environnements stellaires en raison des contributions de ses états excités (cf. K.A. Li et al., 2016). Cependant, la mesure directe en laboratoire du taux de désintégration bêta des états excités est très difficile car il faut créer un environnement à haute température comme dans les étoiles pour maintenir les noyaux de fer-59 dans leurs états excités. Pour résoudre ce problème, les chercheurs de l'Institut de Physique Moderne de Chine (IMP) ont proposé une nouvelle méthode de mesure du taux de désintégration bêta stellaire du fer-59. Selon Bingshui Gao, chercheur à l'IMP, "la réaction d'échange de charge nucléaire est une alternative de mesure indirecte, qui fournit des informations clés sur la structure nucléaire qui peuvent déterminer ces taux de désintégration" (cf. B.Gao et al., 2021). En
comparant les calculs du modèle stellaire utilisant les nouvelles données sur le taux de
désintégration avec les calculs précédents, les chercheurs ont découvert que pour une étoile
de 18 M Selon son collègue Kuoang A. Li, "C'est une étape importante vers la compréhension de la nucléosynthèse du fer-60 dans les étoiles massives et cela fournira une base plus solide pour les futures simulations astrophysiques." Nous devons la seconde avancée à l'équipe d'Artemis Spyrou, professeur de physique au Facility for Rare Isotope Beams (FRIB) et au département de physique et d'astronomie de l'Université d'État du Michigan (MSU). Les chercheurs ont étudié le fer-60 en utilisant une nouvelle méthode expérimentale et publièrent leurs résultats dans la revue "Nature Communications" en 2024. Spyrou nous explique le but de leur étude : "Ce que nous avons apporté de particulier dans cette collaboration, c'est que nous avons combiné notre expertise en matière de réactions nucléaires, de faisceaux d'isotopes et de désintégration bêta pour en apprendre davantage sur une réaction que nous ne pouvons pas mesurer directement. Pour cette étude, nous avons cherché à mesurer suffisamment de propriétés entourant la réaction qui nous intéressait afin de pouvoir la contraindre mieux qu'auparavant." L'un des principaux objectifs des physiciens nucléaires est de parvenir à un modèle complet et prédictif d'un noyau qui décrirait avec précision les propriétés nucléaires de tout système atomique. Mais actuellement, les chercheurs n'y parviennent toujours pas. Ils doivent d'abord mesurer ces processus de manière expérimentale. Pour cela, les physiciens doivent produire ces isotopes rares, les étudier, puis comparer leurs résultats avec les prédictions du modèle pour vérifier leur exactitude. Spyrou précise : "Pour étudier ces noyaux, nous ne pouvons pas simplement les trouver naturellement sur Terre. Nous devons les fabriquer. Et c'est la spécialité du FRIB : obtenir des isotopes stables que nous pouvons accélérer, fragmenter, puis produire ces isotopes exotiques, qui pourraient ne vivre que quelques millisecondes, afin que nous puissions les étudier." Pour cela, Spyrou et son équipe ont conçu une expérience qui vise deux objectifs : d'abord, contraindre le processus de capture de neutrons qui transforme l'isotope de fer-59 en fer-60; ensuite, utiliser les données obtenues pour étudier les divergences de longue date entre les prédictions du modèle de supernova et les traces observées de ces isotopes.
Alors que le fer-60 a une demi-vie relativement longue, le fer-59 est beaucoup plus instable et se désintègre avec une demi-vie de 44.5 jours. Cela rend la capture de neutrons sur le fer-59 particulièrement difficile à mesurer en laboratoire car il se désintègre avant que suffisamment de mesures puissent être effectuées. Pour surmonter ce problème, les scientifiques ont développé leurs propres méthodes pour contraindre cette réaction expérimentalement. Spyrou et son collègue Sean N. Liddick du FRIB ont travaillé en étroite collaboration avec leurs collègues de l'Université d'Oslo pour développer une nouvelle méthode d'étude de ces isotopes hautement instables. Le résultat, appelé méthode bêta-Oslo (cf. A.C. Larsen et al., 2019), est une variante de la méthode d'Oslo développée à l'origine par le coauteur du projet Guttormsen au laboratoire du cyclotron d'Oslo. L'approche de Guttormsen utilise une réaction nucléaire pour peupler un noyau afin que les chercheurs puissent mesurer ses propriétés. Bien que cette méthode ait prouvé au fil des décennies qu'elle avait de nombreuses applications en astrophysique et en structure nucléaire, elle ne pouvait être appliquée qu'aux isotopes (quasi-) stables. En combinant leur expertise en matière de détection, de désintégration bêta et de réactions, les chercheurs ont mis au point un moyen de peupler un noyau cible en utilisant le processus de désintégration bêta lui-même plutôt qu'une réaction. Cette approche innovante a produit l'isotope qu'ils recherchaient beaucoup plus efficacement et a ouvert la voie à la limitation des réactions de capture de neutrons sur des noyaux à courte durée de vie. Spyrou confirme que "la méthode bêta-Oslo est toujours la seule technique qui puisse nous donner certaines de ces contraintes sur des noyaux très exotiques qui sont loin d'être stables." Après avoir limité ces incertitudes clés sur les réactions nucléaires qui produisent le fer-60, l'équipe de Spyrou a conclu que la probabilité que cette réaction se produise à l'intérieur d'une étoile massive est deux fois plus élevée que les prédictions du modèle précédent. Les chercheurs pensent désormais que les modèles théoriques des supernovae sont erronés et que certaines propriétés stellaires spécifiques sont encore mal représentées. Dans la conclusion de leur article, les chercheurs déclarent : "La solution au casse-tête doit venir de la modélisation stellaire, par exemple en réduisant la rotation stellaire, en supposant des limites de masse d'explosibilité plus petites pour les étoiles massives ou en modifiant d'autres paramètres stellaires." Bref, tout est à revoir. Cette découverte a non seulement des implications de grande portée pour la compréhension théorique des étoiles massives et des conditions qui y règnent, mais elle a également démontré que la méthode bêta-Oslo sera un outil précieux pour les scientifiques à l'avenir. Dernier chapitre Le crépuscule de la vie des étoiles
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