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Une façon de vivre propre aux étoiles

Le futur Soleil géante rouge tel qu'il sera dans 5 milliards d'années. L'eau et l'atmosphère sont en train de s'évaporer et localement les roches sont en fusion. La Lune sera probablement toujours présente mais 50000 km plus éloignée qu'aujourd'hui. Le petit point jaune au-dessus à droite est la taille actuelle du Soleil. Document T.Lombry.

La phase d'étoile géante (V)

Dans 4 milliards d'années soit environ 8.5 milliards d'années après sa naissance, une étoile de la masse du Soleil (0.5-2.5 M) aura transformé pratiquement tout l'hydrogène contenu dans son coeur en hélium dont la température sera d'environ 17 millions de degrés. Pour survivre, c'est-à-dire pour convertir ces "cendres d'hélium" à présent inactives en énergie et poursuivre ses réactions thermonucléaires, l'étoile doit trouver un moyen pour atteindre une température supérieure à 100 millions de degrés, en dessous de laquelle la fusion de l'hélium ne se déclenche pas.

Pour y parvenir, le Soleil comme toutes les étoiles peu massives sera contraint de trouver les protons nécessaires à la réaction de fusion dans l'enveloppe périphérique d'hydrogène. Ce sera le début d'une transformation radicale.

A ce stade, une étoile de masse équivalente à celle du Soleil va quitter la Séquence principale et évoluer vers la phase intermédiaire Post-Séquence principale où elle aura de nouveau tendance à suivre le trajet de Hayashi (cf. les protoétoiles) en se dirigeant vers la droite du diagramme H-R, dans la région des sous-géantes rouges (sG). Mais nous allons découvrir qu'elle dispose encore de ressources pour éviter une mort prématurée.

Le flash de l'hélium

Au début cette phase, la température du noyau de l'étoile géante est insuffisante pour amorcer la fusion de l'hélium mais les effondrements gravitationnels successifs et l'extension de la chaîne proton-proton dans l'enveloppe entourant le noyau provoque une augmentation du taux de réactions nucléaires dans l'enveloppe ainsi que de la pression et de la température dans le coeur de l'étoile. L'énergie libérée va déclencher la réaction triple alpha qui implique trois hélions pour former un noyau de carbone-12. Ces réactions nucléaires en chaîne produisent plus d'énergie que nécessaire pour équilibrer la gravité de l'étoile. En d'autres termes l'étoile se trouve à nouveau dans un état de déséquilibre hydrostatique.

Suite à cette fusion, l'étoile subit littéralement une transformation de taille très spectaculaire. L'hélium absorbe l'énergie produite en s'ionisant. Cette réaction permet à l'étoile de poursuivre sa contraction mais étant donné que le milieu devient plus dense, l'énergie interne s'évacue plus difficilement. Finalement, l'étoile retrouve un équilibre entre la force gravitationnelle et son rayonnement et sa contraction s'arrête. En revanche, l'énergie accumulée sous forme d'hélium ionisé est transmise au milieu; l'étoile se dilate jusqu'au-delà du rayon d'équilibre. Parvenue à ce rayon déterminé, l'hélium redevient neutre et le milieu stellaire transparent. L'étoile géante ne se dilate plus et entame une nouvelle contraction.

Dans le cas du Soleil, dans 4.5 milliards d'années soit 10 milliards d'années après sa naissance, la densité (masse volumique) dans son coeur atteindra environ 1000 g/cm3 soit sept fois supérieure à la densité actuelle (145.7 g/cm3). Son enveloppe d'hydrogène présentera une densité 10000 fois plus faible (0.1 g/cm3). Rappelons qu'aujourd'hui à 75% de la distance au centre du Soleil, la densité est de 0.2 g/cm3 soit 166 fois supérieure à la densité de l'atmosphère sur Terre au niveau de la mer (0.0012 g/cm3 ou 1.2 kg/m3) et chute à 10-7g/cm3 sur la surface du Soleil.

A gauche, dans 4.5 milliards, le Soleil aura consommé tout l'hydrogène de son noyau qu'il aura transformé en "cendres d'hélium", un produit inactif à 17 millions de degrés qui empêche de poursuivre les réactions thermonucléaires de fusion. Le Soleil sera obligé d'élever la température de son noyau pour démarrer une nouvelle réaction thermonucléaire, cette fois de fusion de l'hélium. Cela provoquera les flashes de l'hélium et le conduira vers la phase géante rouge. Au centre, photographie prise par le Télescope Spatial Hubble du premier flash de l'hélium de l'étoile U Camelopardalis (dans la constellation de la girafe située près du pôle Nord céleste) au cours duquel elle éjecta une bulle de gaz. Il s'agit d'une étoile carbonée dont l'atmosphère contient plus de carbone que d'oxygène. En raison de la faible gravité en surface, elle peut perdre jusqu'à 50% de sa masse de carbone sous forme de vents stellaires. A droite, variation de la luminosité (qui passe très rapidement de 1 à 10 milliards Ls et de la taille (qui varie à peine) d'une étoile ayant peu de métaux (M=1 Ms et Z=0.02) au cours des flashes de l'hélium. Documents T.Lombry, NASA/ESA/HST et J.Lattanzio adapté par l'auteur.

Quand le Soleil approchera des 10.8 milliards d'années, la température de son noyau ainsi que sa densité vont commencer à augmenter à un taux exponentiel pour atteindre plus de 100 millions de degrés et une pression supérieure à 400000 g/cm3.

A de telles valeurs, les hélions sont capables de surpasser la répulsion électrique des noyaux et fusionner pour former du carbone-12. En fait, ils bénéficient des effets de la physique quantique qui deviennent dominants et notamment de la dégénérescence électronique. Que cache ce terme barbare ?

En vertu du principe d'exclusion de Pauli qui donne notamment sa cohésion à la matière, deux électrons ne peuvent occuper simultanément le même état quantique. Aux conditions de densité et de température qui règnent dans le coeur d'une étoile géante ou sur le point de l'être, tous les niveaux électroniques de faible énergie sont occupés et seuls les niveaux de haute énergie sont libres. Cela signifie que lorsqu'un gaz est trop comprimé, les électrons perdent leur capacité à échanger leur énergie. Concrètement, la pression exercée par les électrons n'obéit plus à la relation des gaz parfaits car elle est à présent indépendante de la température. Les électrons sont dans un état dit dégénéré (qu'on retrouve dans les étoiles naines, les étoiles à neutrons et les pulsars). Le noyau ne contient plus un gaz de protons et d'électrons mais un gaz dégénéré de fermions qui a la particularité de résister à la compression, c'est la pression de dégénérescence électronique et l'étoile ne s'effondre plus.

Evolution du Soleil dans le diagramme H-R.Voir le texte pour les explications. Document T.Lombry.

Ce phénomène supprime un facteur clé dans le mécanisme de contrôle de la fusion de l'hydrogène qui existait lorsque l'étoile évoluait sur la Séquence principale. On ne peut donc plus appliquer la relation Masse-Luminosité (le sens même du diagramme H-R) à ce stade évolutif de l'étoile et les chercheurs doivent utiliser d'autres outils pour la modéliser. On y reviendra plus bas.

Du fait qu'il n'y a plus de relation entre la pression et la température, celle-ci augmente exponentiellement dans le noyau en provoquant un effet spectaculaire lié au déréglement du "thermostat" nucléaire.

Dans le cas du Soleil mais il concerne toutes les étoiles entre 0.5 et 2.5 M, dans 5.5 milliards d'années, lorqu'il sera âgé d'environ 11.3 milliards d'années, une nouvelle réaction thermonucléaire va s'amorcer dans le coeur de l'étoile.

Lorsque la température centrale dépassera 100 millions de degrés, là où l'Univers primordial n'avait pu franchir la fusion de l'hélium, l'étoile va réussir. Il est vrai qu'un étoile de type solaire dispose de milliards d'années pour réunir par hasard les hélions alors que l'on n'accorda pas plus de trois minutes à l'Univers primordial, l'expansion de l'Univers ayant éparpillé tous ses enfants endéans ce temps.

La fusion de l'hélium est à présent possible et va littéralement démarrer au "quart de tour". En quelques secondes, la fusion de l'hélium va se propager dans tout le coeur qui représente plus de 0.5 M. Cette réaction extrêmement puissante et violente va générer 100 milliards de fois plus d'énergie que la réaction nucléaire de fusion de l'hydrogène, c'est-à-dire autant que 100 milliards d'étoiles comme le Soleil, bref autant qu'une galaxie concentré dans une seule étoile géante !

La fusion de l'hélium va produire du carbone et d'oxygène qui vous également s'accumuler dans le coeur, redonnant quelques années de répit à l'étoile AGB. Cette réaction est tellement rapide qu'on l'a appelée le "flash de l'hélium". Elle dure environ 10000 ans pour une étoile de type solaire. La réaction s'interrompt lorsque l'énergie dégagée est supérieure à l'énergie de Fermi. Le gaz nucléaire dégénéré reprend ensuite une consistance classique faite de protons et d'électrons.

Son thermostat nucléaire est de nouveau bien réglé et l'étoile retrouve un nouvel état d'équilibre. Reportée dans le diagramme H-R, l'étoile n'avance plus vers la zone interdite de Hayashi et marque une pause en repartant horizontalement vers la gauche du diagramme sur la Branche Horizontale (HB). Pendant cette phase, l'énergie dégagée reste confinée dans le plasma stellaire et ne rayonne pas en surface. Cette phase "éclair" peut se répéter plusieurs fois avec autant de phases d'expansion et de contraction de sa surface, transformant l'astre en étoile variable.

Vidéos à télécharger : Stellar Structure and Evolution Simulator, J.Simon et al.

Programme à télécharger : StarClock

Simulation de l'évolution stellaire par Leos Ondra

L'évolution des étoiles géantes

A gauche, l'évolution d'une étoile de 1.5 masse solaire marquée par des phases d'instabilités suivies par des phases calmes. Noter les variations cycliques de la fusion de l'hydrogène, de l'hélium et de la luminosité de l'étoile. A droite, agrandissement de la phase active du 23e cycle. Le temps zéro a été recalé sur le pic du principal du “flash de l'hélium” (3.67x104 années dans le diagramme précédent). Lorsque l'hydrogène est brûlé, l'enveloppe se contracte et de nouvelles réactions sont amorcées. Documents T.Lombry adaptés de Physics Today.

Le Soleil devrait connaître 5 flashes de l'hélium successifs après lesquels il tentera de se stabiliser, provoquant une nouvelle contraction du noyau pour éviter d'exploser. Après chaque stabilisation il deviendra un peu plus petit, un peu plus chaud et d'une couleur un peu plus vive.

Notons que le flash de l'hélium ne se produit pas dans les étoiles dont la masse est supérieure à 2.5 M car elles sont suffisamment massives pour atteindre les niveaux de densité et de température nécessaires à la fusion de l'hélium.

Après avoir épuisé tout l'hélium contenu dans son noyau, l'étoile évolue vers la phase AGB (Branche Asymptotique des Géantes).

La phase AGB

La phase AGB se divise en deux parties :

1. La phase AGB précoce ou early-AGB (E-AGB)

2. La phase post-AGB ou AGB à impulsions thermiques (TP-AGB).

1. La phase E-AGB

Après avoir brûlé tout l'hélium contenu dans son coeur, l'étoile suit un parcours similaire à celui de la phase Post-Séquence principale : elle reprend l'ascension d'une branche des Géantes cette fois appelée la Branche des Géantes Asymptotiques Précoces (Early-AGB ou E-AGB) car son trajet dans le diagramme H-R est asymptotique (proche de la verticale et tendant vers l'infini) à la Branche des Géantes Rouges (RGB).

A ce stade, le coeur de l'étoile est constitué de cendres de carbone-oxygène inertes entouré d'une fine enveloppe d'hélium. Lorsque la luminosité de l'étoile atteint un certain seuil, la fusion de l'hydrogène se déclenche également dans une enveloppe entourant celle contenant notamment les cendres d'hélium. Toutefois, cette structure en double couche est thermiquement instable et conduit l'étoile vers la seconde phase du processus, la phase TP-AGB (Thermally Pulsing AGB).

A voir : Interactive Guide to Stellar Evolution

Animation Flash préparée par Chandra

La phase géante rouge. Dans quelque 5 milliards d'années, le Soleil sera parvenu au seuil de la phase géante rouge. Son coeur contiendra des "cendres d'hélium" inutilisables, rendant l'étoile instable. Pour retrouver son équilibre hydrostatique, comme toutes les étoiles entre 0.5-2.5 masses solaires, le coeur du Soleil va se contracter, augmentant sa pression et sa densité. Lorsque le coeur dépassera 100 millions de K, le Soleil connaîtra plusieurs "flashes de l'hélium" durant lesquels il pourra convertir ses "cendres d'hélium" en carbone et oxygène. Ces éléments s'accumuleront dans son coeur. En parallèle, la fusion de l'hydrogène va se poursuivre dans l'enveloppe qui entoure le noyau. Ces réactions produisent énormement de chaleur qui va dilater de manière phénoménale son enveloppe externe qui se refroidira en surface, atteignant à peine 3200 K. Lorsqu'il sera âgé d'environ 12 milliards d'années, le Soleil deviendra près de 200 fois plus grand et 3000 fois plus volumineux qu'aujourd'hui. Ensuite, n'ayant pas la masse suffisante pour poursuivre ces réactions, le Soleil va perdre une partie de son enveloppe extérieure dans l'espace et lentement se transformer en étoile naine pour finalement disparaître aux regards. Document T.Lombry.

2. La phase TP-AGB (post-AGB)

Durant cette phase instable, la production d'énergie s'emballe dans la couche périphérique d'hélium et se traduit par des pulsations thermiques. Si l'étoile est peu massive (0.6-8 M), elle passera par une transformation physique violente qui sera plus calme chez les étoile massives marqué par une dilatation démesurée. En effet, en raison de la forte augmentation de sa densité et de sa température interne, l'étoile est en mesure de déclencher la fusion thermonucléaire de l'hélium dans l'enveloppe entourant le coeur.

La pression excercée par le rayonnement va repousser l'enveloppe extérieure de l'étoile. Ainsi, dans 5.5 milliards d'années, en l'espace de 100000 ans la taille du Soleil va doubler et sa luminosité deviendra 4 fois plus importante. Du fait de cette expansion, ses couches externes vont se refroidir et sa température effective au niveau de la photosphère va retomber à 4900 K et sa surface prendra une coloration orange pâle de classe spectrale K2. En même temps, sa luminosité va passer de 10 L au stade sous-géante à plus de 100 L durant la phase géante rouge.

Trajet suivi par les étoiles de 0.5 à 2 masses solaires le long de la branche asymptotique des géantes (AGB). Document T.Lombry.

Comme on le voit à droite, dans le diagramme H-R, l'étoile géante se déplace vers le sommet de la Branche AGB, dans le coin supérieur droit, à une hauteur qui dépend de sa masse initiale.

Ensuite tout va s'accélérer. 600000 ans plus tard, 11.9 milliards d'années après sa naissance, le Soleil deviendra 47 fois plus grand qu'aujourd'hui, 414 fois plus lumineux et sa température effective retombera à 3786 K, de classe spectrale M3.

Finalement, 10000 ans plus tard quand il aura pratiquement atteint 12 milliards d'années (11.91), la taille du Soleil va devenir 173 fois plus importante qu'aujourd'hui et il sera 2741 plus lumineux. Sa température effective chutera jusqu'à environ 3200 K et sera de classe spectrale M9 (la dernière avant celle les étoiles massive carbonées).

C'est dans la zone située entre les enveloppes de fusion de l'hélium et de fusion de l'hydrogène que sont synthétisés le carbone et les éléments plus lourds que le fer. En effet, pendant la phase TP-AGB, les pulsations thermiques sont associées à la formation de carbone-12, fluor-19 et d'éléments plus lourds que le fer-56 grâce au "processus s" qui permet de produire des noyaux lourds par capture lente de neutrons (sur une période de 10-100 ans). Les effets de ce processus s apparaissent donc dans la signature spectrale des étoiles AGB.

Au-dessus de ces deux enveloppes He et H, l'atmosphère stellaire subit un brassage appelé le dragage superficiel par des mécanismes convectifs; la matière contenue près du noyau de l'étoile se mélange aux couches qui l'entourent, changeant sa composition que l'on peut observer dans les niveaux supérieurs. Ainsi, à côté des isotopes du carbone, l'étoile produit de grandes quantités de technetium-99 grâce au processus s et est un indicateur d'une nucléosynthèse récente.

Notons que les étoiles AGB sont également le siège des émissions maser (des lasers naturels) des molécules SiO, H2O et OH. On trouve généralement ces émissions micro-ondes stimulées dans les nuages moléculaires et les zones riches en poussières émettant fortement en infrarouge.

Ces mécanismes se produisent dans toutes les sous-géantes rouges et géantes rouges de moins de 7-8 M et dont le coeur est porté à 300 millions de degrés où il complète la fusion de l'hélium en couche. Notons que des réactions complémentaires peuvent ensuite former des étoiles carbonées (des étoiles "froides" dont le spectre est dominé par les bandes moléculaires du C2 et CN) et dont le rapport C/O > 1 à la surface de l'étoile (voir plus bas).

Nous verrons à propos des galaxies, qu'en 2024 des chercheurs ont montré que les étoiles géantes TP-AGB contribuent de manière plus significative à la lumière des galaxies lointaines (à z = 1-2) qu'on ne le pensait auparavant, profitant de cette découverte pour valider des modèles de galaxies controversés vieux de 20 ans, à la plus joie de son inventeur, Claudia Maraston, professeure d'astrophysique à l'Université de Porstmouth (cf. S.Lu et al., 2024).

Durant la phase AGB, l'étoile géante est devenue une variable à longue période qui s'accompagne d'une importante perte de masse. Pour les étoiles peu massives à l'image du Soleil, ayant entre 0.3 et 7 M, durant cette phase instable l'atmosphère supérieure étant très éloignée de l'influence des forces gravitationnelles, le milieu se raréfie et se dissipe dans l'espace poussé par la pression interne. Selon sa masse initiale, une étoile peut perdre 50 à 70% de sa masse durant la phase AGB.

Exceptionnellement, si l'étoile se déplace rapidement, elle peut laisser un sillage de gaz derrière elle, comme on le voit ci-dessous avec Mira, o Ceti, une étoile géante rouge de 1.18 M qui est en phase TP-AGB.

A lire : Découverte d'une queue dans le sillage de Mira Ceti

En 2007, une queue longue de 13 années-lumière fut découverte dans le sillage de Mira, o Ceti, grâce à un télescope grand-champ UV utilisé dans le cadre de l'expérience GALEX du Caltech. La queue uniquement visible en UV, est irrégulière, contient une boucle de gaz et des jets. Elle est constituée de carbone et de l'oxygène et d'autres éléments. C'est la première fois qu'on observe un tel phénomène autour d'une étoile. Cette matière au comportement turbulent a été libérée par Mira au cours des 30000 dernières années. Rappelons que Mira est une étoile géante rouge variable d'une masse de 1.18 fois celle du Soleil. Elle se située à environ 270 a.l. et se déplace à 130 km/s, 4 fois plus rapidement que le Soleil. Son diamètre est environ 700 fois supérieur à celui du Soleil et sa température effective est d'environ 2000 K. Cliquer ici pour visualiser une animation expliquant l'émission de matière, sur le site de la NASA. Document Caltech/GALEX.

Dans le cas du Soleil, du fait de son importante perte de masse, en vertu des lois de la mécanique céleste (cf. Kepler), les planètes géantes dériveront vers l'extérieur du système solaire, augmentant leur demi-grand axe et alongeant leur période de révolution. Cette perte de masse joue un rôle important dans la dynamique orbitale ainsi que nous le verrons lorsque nous discuterons dans un autre article de la définition de la zone habitable.

Enfin, des astronomes ont montré que dans un échantillon de 85 étoiles en phase post-AGB, 8 à 12% d'entre elles sont entourées d'un disque de transition massif pouvant contenir une exoplanète géante (cf. J.Kluska et al., 2021).

Nous verrons à propos des astéroïdes que le rayonnement électromagnétique des étoiles parvenues à la fin de leur phase post-AGB serait suffisamment puissant pour accélérer la rotation des astéroïdes au point de les faire exploser ainsi que leurs débris. C'est une conséquence de l'effet Yarkovsky. Cet effet se manifeste jusqu'à environ 50 UA pour un astéroïde de 500 m de longueur. Cependant, en raison de leur petite taille et leur faible cohésion interne, l'effet Yarkovsky n'influence que les astéroïdes.

L'enveloppe circumstellaire

En expulsant une fraction sensible de sa masse dans l'espace, une étoile AGB s'entoure d'une enveloppe riche en éléments issus de la transformation de l'hydrogène et de l'hélium en éléments plus lourds (métaux) appelée l'enveloppe circumstellaire étendue (CSE) ou plus généralement la matière circumstellaire (CSM), qu'il faut distinguer de la matière composant le milieu interstellaire (ISM) (cf. C.Georgy et al., 2013; A.Duthu, 2017).

L'enveloppe CSE présente une faible densité optique. En estimant qu'une étoile AGB moyenne survit 1 milliard d'années et présente un vent stellaire soufflant à 10 km/s, son enveloppe peut s'étendre sur 3x1014 km soit 30 années-lumière ! Notons toutefois qu'à cette distance la matière se mélange au milieu ambiant et devient indiscernable du milieu interstellaire. Il s'agit donc d'une distance maximale en assumant que le vent stellaire et le gaz interstellaire se déplacent à la même vitesse.

Du fait que l'étoile perd de la masse et est devenue gigantesque, elle se refroidit en surface jusqu'à 3000 ou 2000 K qui dépend de la quantité de gaz et de poussières contenues dans son enveloppe. De ce fait, l'étoile présence une enveloppe chimiquement et dynamiquement très particulière. Selon une étude publiée en 2000 par Franciska Kemper de l'Université d'Amsterdam et son équipe, au stade AGB une étoile présente les enveloppes et composantes suivantes illustrées par le schéma ci-dessous :

- Le coeur de cendres de carbone et d'oxygène dégénéré (qui formera la naine blanche)

- La double enveloppe nucléairement active de fusion de l'hélium entourée de celle de fusion de l'hydrogène

- L'enveloppe d'hydrogène convective

- L'enveloppe circumstellaire interne proche de la photosphère (entre 1-5 R*) à hautes densités et hautes température où se développe une chimie à l'équilibre thermodynamique local (ETL)

- L'enveloppe stellaire pulsante avec une chimie de choc exposant les molécules formées à l'ETL à de nouvelles conditions physiques hors équilibre

- L'enveloppe circumstellaire intermédiaire (entre 5-100 R*) où se forme la poussière chimiquement calme (formant des éléments stables comme le silicate (SiO), le carbone amorphe (AmC), le carbure de silicum (SiC), etc.

- L'enveloppe circumstellaire externe (à plus de 100 R*) en contact avec le champ de radiation interstellaire. Sous l'influence du rayonnement UV, il s'y produit une photodissociation moléculaire avec une chimie complexe basée sur des réactions entre ions et molécules.

A lire : Affaiblissement de la luminosité de Bételgeuse

Structure chimique d'une étoile AGB

Notons que l'enveloppe stellaire pulsante génère des ondes acoustiques qui se traduisent par une compression et une expansion périodique du milieu environnant. Ces ondes sonores sont amplifiées et génèrent des ondes de choc capables de déplacer la matière, provoquant un changement de densité dans la structure stellaire. Dans ces conditions, l'atmosphère étendue de l'étoiles commence à perdre sa masse et forme des couches successives de poussière qui finissent par échapper à l'attraction gravitationnelle de l'étoile. Celle-ci s'entoure alors d'une enveloppe circumstellaire dont les caractéristiques varient considérablement d'une étoile à l'autre en termes d'opacité, de géométrie, de chimie, etc.

C'est dans la zone de poussières de l'étoile AGB que les éléments réfractaires (par ex. fer, silicium, manganèse...) sont extraits de la phase gazeuse et se transforment en grains de poussière. C'est la raison pour laquelle les vents stellaires des étoiles AGB sont considérés comme étant les principaux sites cosmiques de formation de poussières dans l'univers.

La phase AGB du Soleil tout auréolé des poussières qu'il a éjectées. Le petit point jaune au-dessus à droite est la taille actuelle du Soleil. Document T.Lombry.

Le taux de perte de masse est tellement élevé (jusqu'à 10-4 M/an soit 1 M en 10000 ans) qu'il détermine la luminosité maximale de l'étoile et contrôle ses futures phases évolutives. Cette perte de masse est tellement importante et rapide qu'elle peut totalement masquer l'étoile centrale et tout rayonnement provenant de l'étoile qui durant cette phase rayonne principalement dans le spectre visible et le proche infrarouge. Ce rayonnement est aborbé par le milieu circumstellaire et réémis à de plus grandes longueurs d'ondes.

La perte de masse est maximale en dessous de ~1015 cm du coeur de l'étoile soit en dessous de 10 R* où l'émission des masers SiO, H2O et OH confirme que l'enveloppe interne présente une structure pratiquement sphérique sous 5 R* dans 70% des cas bien que présentant une intensité très irrégulière. Ceci signifie également que 30% des étoiles AGB de ce type ont une enveloppe de poussière non-homogène comme c'est le cas de R Sculptoris, CW Leonis (IRC+10216) et SAO 244567 présentées plus bas.

Si une étoile très massive (au moins 20 M, voir plus bas) peut exploser avant de parvenir à la phase géante, la phase supergéante rend également l'étoile instable et il lui faudra plusieurs millions d'années pour retrouver son calme et son équilibre hydrostatique au cours de la phase de fusion de l'hélium.

Durant cette phase, sur le diagramme H-R l'étoile va infléchir sa trajectoire pour rejoindre la Branche horizontale des supergéantes des classes de luminosité I ou II (comme par exemple Déneb, Canopus ou l'étoile Polaire "Polaris"), c'est-à-dire qu'elle se trouve tout en haut du diagramme tout en se déplaçant plus ou moins loin vers la gauche en fonction de sa température. En fin de vie elle peut même se rapprocher de la Séquence principale tout en gardant une certaine distance, c'est-à-dire avec une luminosité bien plus importante qu'à l'époque de sa jeunesse.

Composition de la poussière circumstellaire

En moyenne, la poussière circumstellaire représente à peine 1% de la masse totale d'une étoile AGB et présente la même composition chimique que le gaz de l'atmosphère au temps où il fut éjecté, notamment en ce qui concerne l'abondance relative du carbone et de l'oxygène. Grâce à leurs émissions radioélectriques, les radioastronomes peuvent identifier les différentes signatures spectrales des molécules et atomes aux longueurs d'ondes millimétriques (2-100 microns) et montrent clairement qu'il existe par exemple différents types d'étoiles AGB, celles dont le rapport C/O < 1 (classe spectrale M), C/O ~1 (S) et C/O > 1 (C ou carbonées). De plus ces signatures sont très utiles pour identifier la composition chimique des grains de poussière, leur signature permettant également de tracer la température du milieu et indirectement la morphologie individuelle des grains de poussière.

A ce jour, les radioastronomes ont découvert plus de 70 différentes molécules de poussière dans les enveloppes circumstellaires des étoiles AGB, y compris de la vapeur d'eau dans les étoiles carbonées dont CW Leonis (cf. L.Decin et al., 2010, APOD 2001). Si on ajoute les molécules découvertes dans le milieu interstellaire, on dépasse les 250 molécules découvertes à ce jour dont 10% ont plus de 10 atomes, généralement des combinaisons de C, H, O et N.

A consulter : Molecules in Space, U.Cologne

Wikipédia - Astrochymist

C'est durant la phase AGB (et celle de supernova) que les étoiles sont capables de synthétiser des gemmes et des pierres fines grâce à la liaison de l'oxygène avec les métaux, pour citer les oxydes de silicium, d'aluminium et de béryllium (saphir, rubis, émeraude, etc). S'il y a un peu d'eau, de l'opale (silice hydratée) peut même se former. Non seulement durant cette phase l'étoile géante brillera comme un rubis mais elle en produira également, sans oublier bien sûr quelques diamants si la température et la pression de son coeur sont suffisantes. Quand le poète dit que "les étoiles sont comme des diamants incrustés dans le velours noir du ciel", il n'est pas tellement loin de la vérité...

Malgré une température effective ne dépassant plus 3500 à 3000 K, les étoiles géantes et supergéantes rouges sont tellement volumineuses qu'elles illuminent le ciel pour citer Bételgeuse, Aldébaran ou Antarès : ce sont toutes des étoiles de premières grandeurs.

Parmi les 250 milliards d'étoiles constituant la Voie lactée, à peine 1% des étoiles de la Séquence principale présentent une masse supérieure à 30 M. On peut donc estimer qu'il existe environ 25 millions d'étoiles similaires à Bételgeuse dans notre Galaxie.

Les étoiles super-AGB

Les étoiles dont la masse est comprise entre 6.5 er 12 M sur la Séquence principale arrivées en fin de vie présentent des propriétés particulières (cf. L.Siess, 2006; C.L. Doherty et al., 2017). Ces étoiles massives sont dans une phase de transition vers la phase supergéante où elles vont déclencher la fusion complète d'éléments plus lourds que l'hélium.

Au stade super-AGB, pendant la réaction triple alpha de capture d'hélions, des éléments plus lourds que le carbone sont créés : de l'oxygène, du magnésium, du néon et des éléments plus lourds. Leur noyau est constitué de carbone et d'oxygène partiellement dégénérés qui sont suffisamment nombreux pour déclencher la fusion du carbone au cours d'une phase éclair analogue au flash de l'hélium.

La pression régnant dans le noyau reste très élevée mais insuffisante pour déclencher la fusion du néon (comme cela se produit dans les supergiantes plus massives). Cette phase est instable et peut conduire certaines étoiles super-AGB jusqu'à exploser en supernova, soit de Type II (SN II) soit par capture d'électrons (ECSN), mais la plupart terminent leur vie sous forme de naines blanches à coeur d'oxygène-néon (cf. J.J. Eldridge et C.A. Tout, 2004).

En 2021, des astrophysiciens ont pour la première fois confirmé une théorie émise en 1980 selon laquelle les étoiles super-AGB de 8 à 10 M pouvaient former des supernovae ECSNe. Parmi ces supernovae, citons la progénitrice du SNR M1 de la nébuleuse du Crabe et SN 2018zd. On reviendra sur les ECSNe dans l'article consacré aux supernovae.

Description de quelques étoiles en fin de vie

Pour mieux comprendre concrètement comment se déroule la phase AGB et les processus qui la gouverne, prenons quelques exemples emblématiques d'étoiles dites évoluées ou parvenues en fin de vie et ayant expulsé une fraction sensible de leur enveloppe.

Bételgeuse

Bételgeuse, α Orionis, alias 58 Orionis est située au-dessus du bras droit d'Orion (elle forme le coin supérieur gauche du rectangle d'Orion) à environ 548 a.l. de la Terre (cf. M.Joyce et al., 2020) bien que le calcul de sa parallaxe indique une distance de 131.06 parsecs soit 427 années-lumière. Elle brille d'un terne éclat rougeâtre entre les magnitudes apparentes +0.45 et +1.50.

Bételgeuse une étoile supergéante rouge dans la phase AGB de classe spectrale M2 Iab et présente un indice de couleur IC=1.86. Sa masse est comprise entre 16.5 et 19 M et sa luminosité atteint environ 126000 L (cf. N.Smith et al., 2009; M.Joyce et al., 2020). Sa taille est toute aussi démesurée avec un rayon de 600 à 764 R selon les modèles. A l'échelle du système solaire, sa surface dépasserait l'orbite de Mars (~2.7 UA) ! Mais nous verrons qu'il existe des hypergéantes 2 à 2.5 fois plus grandes.

En raison de sa taille gigantesque, sa température effective est très faible, environ 3600 K (contre 5770 K pour le Soleil) et présente une densité moyenne inférieure à 10-4 fois la densité de l'atmosphère à la surface de la Terre !

Bételgeuse est une étoile variable semi-régulière dont la luminosité varie selon trois périodes : un cycle dominant de 430 jours, puis 100 à 180 jours et de 5.9 ans.

 Le Télescope Spatial Hubble révéla la présence de magnésium ionisé dans la haute atmosphère de Bételgeuse. Ejectant beaucoup de poussière, son éclat diminua de 36% entre 2019 et 2020, suite vraisemblablement à la présence d'un immense nuage de poussière dans notre ligne de visée. Le précédent assombrissement s'était produit à la fin des années 1970 où son éclat chuta de 1.5 magnitude. Fin février 2020, la luminosité de Bételgeuse remonta vers la normale.

Selon une étude publiée en 2024 (non validée), Bételgeuse serait peut-être un système binaire et dans ce cas ce ne serait pas une étoile supergéante et elle ne finira pas en supernova. On y reviendra en détails dans l'article consacré à la constellation d'Orion. En attendant de valider cette théorie, considérons-là toujours comme une supergéante.

A voir : Découverte d'une étoile géante jaune, HR 5171 (2014)

E:D Galactic Wiki

La surface des étoiles géantes

La basse chromosphère de Bételgeuse enregistrée par le réseau submillimétrique ALMA en bande 7 (entre 0.8-11 mm soit 338 GHz) en 2017. On observe des variations locales de température (dont un point chaud au-dessus à gauche dans l'axe de rotation de l'étoile) expliquant pourquoi l'image n'est pas symétrique. Le rayon de l'étoile déduit de cette image est de 29.5 mas (0.0295"). Selon une étude publiée en 2024 (non validée), Bételgeuse serait peut-être un système binaire et dans ce cas ce ne serait pas une étoile supergéante et elle ne finira pas en supernova. A confirmer. Document ALMA/E.O'Gorman/P.Kervella.

La surface de Bételgeuse photographiée en 2005 par interférométrie infrarouge à 1.64 micron par l'équipe de Xavier Haubois de l'Observatoire de Paris et les astronomes de l'Observatoire du Mont Hopkins révélant des zones brillantes de la taille de la distance Terre-Soleil. La surface effective de Bételgeuse est de 3600 K tandis que ces taches sont 500 K plus chaudes. Il pourrait s'agir de zones de convections. Documents MMT/UAz/Obs.Paris-Meudon. Cf. aussi son assombrissement observé en 2019-2020.

L'atmosphère de Bételgeuse photographiée en 2009 en proche infrarouge sous différents filtres avec le VLT de 8.2 m équipé d'une optique adaptative. La résolution est de 37 mas (0.037" d'arc). On distingue des plumes de gaz qui s'étendent à plus de 3 diamètres de l'étoile soit plus de 50 UA, l'équivalent de la distance du Soleil à Pluton, mais dont on retrouve encore des traces à 100 diamètres de l'étoile. Documents ESO.

Bételgeuse et son halo. Située à environ 642 années-lumière, c'est une étoile variable de classe spectrale M2 Iab dont la magnitude apparente oscille entre 0.45 et 1.50. Sur base d'un diamètre angulaire de 40 mas (0.04") et de sa distance, elle présente un diamètre 600 fois supérieur à celui du Soleil. Cette photo historique fut prise le 15 janvier 1996 par A.Dupree du CfA avec le Télescope Spatial Hubble à 255 nm et présentée en fausses couleurs. Documents NASA/ESA/STScI/CfA.

L'étoile R Sculptoris photographiée au moyen du VLT de l'ESO. Cette étoile géante rouge située à 1200 années-lumière est au stade AGB, sur la branche asymptotique des géantes riches en carbone, c'est-à--dire proche de la fin de son existence et va produire 50% des éléments plus lourds que le fer. Elle est en train de se refroidir et présente une atmosphère étendue composée de poussières à travers laquelle elle libère une partie significative de sa masse qui se transformera en nébuleuse planétaire. La tache brillante est une zone proche de l'étoile exempte de poussière à travers laquelle on observe la surface de l'étoile. Document ESO/M.Wittkowski.

La surface de π1 Gruis photographiée par l'instrument PIONIER du VLT de l'ESO. Cette étoile géante rouge à la luminosité variable se situe à 530 années-lumière dans la Grue. On observe les motifs clairs qui sont des cellules convectives géantes à l'origine de la taille démesurée de l'étoile qui mesure 120 millions de kilomètres de diamètre, soit 350 fois celui du Soleil. A ce jour, il s'agit de l'image la plus détaillée de la photosphère d'une étoile autre que le Soleil. Document ESO.

Mira, une étoile variable située à ~270 a.l. dans la constellation de la Baleine photographiée par l'équipe du CfA. Cette étoile est 700 fois plus grande que le Soleil. Une étrange plume de gaz et de plasma se développe depuis sa surface qui pourrait provenir d'une interaction gravitationnelle avec une petite étoile naine blanche. Documents M.Karovska/Harvard-Smithsonian CfA,NASA, ESA.

Antarès

Antarès est une étoile supergéante rouge de type spectral M1.5 Iab située à environ 550 années-lumière dans la constellation du Scorpion. Comme le montre la photo présentée ci-dessous à droite, visuellement Antarès se trouve dans la nébuleuse de réflexion IC 4606 située non loin de l'amas globulaire M4 et de l'étoile bleue Al Niyat, offrant sur les photographies de belles nuances de couleurs.

Antarès fait partie de l'association OB du Scorpion-Centaure. Sa température effective est d'environ 3200 K. Sa masse est d'environ 12 M pour un rayon de 883 R. C'est une étoile variable lente irrégulière (cf. cet article) dont la magnitude apparente varie entre 0.6 et 1.6.

Antarès compte parmi les étoiles les plus volumineuses et les plus massives et finira par exploser en supernova. Elle forme un système binaire avec une petite étoile blanche (B2.5 V) de 7 M et de 18500 K de magnitude apparente 5.5 située à 2.89" (1990).

Les analyses ont montré que le gaz est plus turbulent et de plus faible densité à grande distance du centre de l'étoile que prévu. Les astronomes pensent qu'il existe des mouvements de matière similaires à la convection au sein des atmosphères étendues des supergéantes rouges.

A gauche, la surface de l'étoile géante rouge Antarès photographiée pour la première fois grâce au VLTI en 2017 (4 télescopes comprenant les VLT ou une combinaison des VLT et des télescopes auxiliaires offrant l'équivalent d'un télescope virtuel de 200 m de diamètre). Au centre, une illustration artistique d'Antarès et de sa probable spectaculaire activité convective en surface. A droite, photo d'Antarès (à gauche de Mv ~1) enveloppée dans la nébuleuse de réflexion IC 4606 (en jaune) située non loin de l'amas globulaire M4 (en dessous, Mv. 5.9) et de l'étoile bleue Al Niyat (Mv. 3.05). Le champ couvre environ 3°. Voici une vue générale de la même région du ciel. Documents ESO et Ivan Eder.

CW Leonis

CW Leonis alias IRC+10216 présentée ci-dessous st une étoile carbonée découverte en 1969 par une équipe d'astrophysiciens dirigée par Eric Becklin au moyen du télescope infrarouge de 1.6 m du Caltech installé au Mont Wilson. Cette étoile située à environ 400 années-lumière présente une température effective de seulement 2330 K et une masse d'environ 0.8 M. En revanche, selon une étude publiée en 2012 par E De Beck et son équipe, son rayon vaut 700 R et sa luminosité atteint environ 11300 L mais suit un cycle de pulsations de 649 jours au cours duquel sa luminosité varie entre 6250 L et un pic de 15800 L.

Sur base d'analyses spectrographiques et du calcul des rapports isotopiques du magnésium, on estime qu'originellement cette étoile devait avoir une masse comprise entre 3 et 5 M.

A voir : Coupe 3D par ALMA dans la structure de R Sculptoris

Ci-dessus, la structure tridimensionnelle non homogène de l'enveloppe de poussière éjectée par l'étoile carbonée CW Leonis, alias IRC+10216. A gauche, un image optique prise par le HST en 2011 et 2016 sous filtres R et I. A droite, une image radiosubmillimétrique. C'est cette structure en coquilles multiples qu'on retrouve dans certaines nébuleuses planétaires comme NGC 6543 "L'oeil de chat". Documents NASA/ESA et ICMM/CSIC. Ci-dessous à gauche, l'enveloppe spiralée de l'étoile géante R Sculptoris observée en 2012 grâce au réseau radiointerférométrique ALMA. Cette étoile AGB a subi une période d'explosions thermiques il y a environ 1800 ans qui dura environ 200 ans. On pense qu'une étoile compagne a modelé le vent stellaire de R Sculptoris pour lui donner cette forme spiralée. A droite, les coquilles de gaz et de poussières éjectées par Bételgeuse photographiée par le télescope Herschel en 2013.

CW Leonis expulsa les couches externes de son atmopshère riche en carbone il y a plus de 69000 ans, expulsant entre 1-4 x 10-5 M par an tandis que l'enveloppe étendue contient au moins 1.4 M. Au total, CW Leonis a déjà perdu entre un tiers et la moitié de sa masse. Cette enveloppe de gaz et de poussière s'étend actuellement sur environ 84000 UA et progresse à la vitesse de 91 km/s. Les arcs plus denses qu'on observe dans les anneaux concentriques seraient provoqués par le champ magnétique qui augmenterait ainsi la perte de masse de l'étoile.

L'enveloppe fut analysée en infrarouge jusqu'aux bandes submillimétriques (entre 52-631 microns soit entre 5765-475 GHz) grâce au radiotélescope IRAM de 30 m de diamètre et au télescope spatial Herschel. Son spectre présente de fortes raies d'émission des molécules du CO et CCH typiques de l'émission d'une enveloppe CSE spatialement confinée. Cette coquille contient également de l'azote, de l'oxygène et du fer ainsi que des molécules de carbone, de silicium et de soufre (C2H2, CS, SiS, SiO), de l'acide cyanhydrique (HCN), de l'ammoniac (NH3) et de l'eau (H2O), ce qui est assez commun pour ce type d'étoile à cette température. Au total, près de 50 molécules ont été détectées dans le flux de matière éjecté par CW Leonis.

SAO 244567

Le cas de l'étoile SAO 244567 présentée ci-dessous est également très instructif. Il s'agit d'une étoile de classe spectrale B3e (classe B avec des raies d'émission) dont la masse est similaire à celle du Soleil située dans la constellation de l'Autel (Ara) à 2700 années-lumière.

La bulle de gaz et de poussière formant la nébuleuse planétaire de la Raie (Stingray nebula) Hen 3-1357 éjectée voici 10300 ans par l'étoile SAO 244567 située dans la constellation de l'Autel (Ara). Document NASA/ESA/Hubble.

En 2014, Nicole Reindl de l'Université de Leicester et ses collègues ont proposé un modèle qui a été remis à jour en 2016 dans un article publié dans les "MNRAS". Selon Reindl, il y a environ 10300 ans SAO 244567 arriva au stade AGB. Elle enfla démesurément, son rayon atteignant brièvement 152 R et présentait une température effective de 3477 K. Durant cette phase, elle perdit la moitié de sa masse dans l'espace, formant la nébuleuse planétaire Hen 3-1357 de la Raie (Stingray nebula) qui l'entoure aujourd'hui et qui brille à la magnitude apparente de 10.7.

A voir : Evolution of SAO 244567

Comme le montre la vidéo présentée ci-dessus, SAO 244567 s'est ensuite recontractée. Il y a environ 1000 ans, son rayon était encore de 40 R et sa température effective était remontée à 6800 K. Au milieu du XXe siècle, sa température augmenta jusqu'à 20000 K puis le flash de l'hélium s'est déclenché. Entre 1971 et 2002, sa taille s'est réduite à 4 R pour atteindre 1 R en 1991 et même 0.354 R en 2002. En même temps, sa température augmenta violemment, passant de 21000 K à 60000 K. Aujourd'hui, la température de SAO 244567 est retombée à 50000 K et son rayon a doublé, atteignant 0.7 R.

Selon les analyses spectrographiques réalisées avec le coronographe COS du Télescope Spatial Hubble, l'étoile est en train de se refroidir et de s'étendre. Selon les modèles, elle se transformera en géante rouge d'ici 500 ans avant que son coeur mis à nu se transforme peu après en naine blanche.

C'est la première fois qu'on observe ce phénomène dans une étoile de masse solaire au stade AGB car jusqu'à présent on n'observait ces nébuleuses planétaires qu'autour d'étoiles géantes massives, d'étoiles naines ou d'étoiles à neutrons et autres pulsars. L'évolution de SAO 244567 est d'autant plus intéressante qu'elle nous renseigne précisément sur la manière dont évoluera le Soleil dans quelque 6 milliards d'années. On y reviendra.

IRAS 085544-4431

IRAS 085544-4431 présenté ci-dessous à gauche est un système binaire au stade post-AGB situé à ~4000 années-lumière du Soleil dans la constellation des Voiles. Il est constitué d'une étoile géante rouge et d'une étoile normale. La géante rouge a éjecté un anneau de gaz et de poussière accompagné de puissants vents stellaires.

Grâce à de telles images, les astronomes ont la possibilité de comparer ces systèmes avec les disques entourant les protoétoiles en formation à partir desquels se forment les planètes. En effet, il s'avère que les enveloppes de poussière entourant les vieilles étoiles AGB contiennent suffisamment de matière pour former une seconde génération de planètes (cf. M.Hillen et al., 2016). Plus que jamais, la possibilité d'une vie dans la zone habitable entourant les étoiles géantes même très âgées est une hypothèse tout à fait réaliste sur laquelle nous reviendrons.

NGC 6326

On observe un phénomène d'éjection similaire de matière dans NGC 6326 présentée ci-dessous au centre. Cette nébuleuse planétaire de magnitude 12.2 située dans la constellation de l'Autel (Ara) à 11000 années-lumière du Soleil mesure environ 32" de diamètre. Elle a été éjectée par une étoile géante en train de se transformer en étoile naine blanche. Son rayonnement UV illumine l'hydrogène (rouge) et l'oxygène ionisés (bleu).

A voir : Zooming in on aging double star IRAS 08544-4431, ESO

A gauche, l'anneau de poussière éjecté par l'étoile principale du système binaire IRAS 08544-4431 situé dans la constellation des Voiles à ~4000 années-lumière photographié grâce au VLT. Au centre, la très colorée nébuleuse planétaire NGC 6326 d'environ 32" de diamètre et de magnitude 12.2 située dans la constellation de l'Autel (Ara) à 11000 années-lumière. A droite, l'enveloppe circumstellaire étendue (CSE) d'environ 35" de diamètre libérée par AG Carinae, une étoile dans une phase de transition entre la supergéante bleue O et la Wolf-Rayet. Documents ESO/DSS2, NASA/ESA/HST et NASA/ESA/HST.

AG Carinae

L'étoile AG Carinae située à ~22000 années-lumière du Soleil présentée ci-dessus à droite, est une supergéante bleue de classe O qui serait dans une phase de transition vers une étoile Wolf-Rayet (WR). C'est actuellement une variable bleue lumineuse (LBV) dont la magnitude apparente varie entre 5.7 et 9.0.

Cette étoile atteint 55 M pour un rayon variant entre 50-500 R, une luminosité variant entre 600000-900000 L et une température effective variant entre 8000-26000 K. Son enveloppe circumstellaire étendue (CSE) mesure environ 35" de diamètre et contient environ 15 M.

Selon les modèles de progéniteurs des LBV, le spectre de AG Carinae correspond au stade final d'une supernova de Type IIb avant l'effondrement du noyau, bien que ces modèles concernent des étoiles de 20-25 M alors que AG Carinae est deux fois plus massive. La masse initiale de l'étoile sur la Séquence principale aurait été d'environ 100 M.

Evolution des étoiles massives

Selon sa masse, l'étoile se transformera soit en géante rouge (0.3 à 7 M) ou géante jaune, soit en supergéante rouge ou bleue (> 7 M) et évoluera pendant quelques millions d'années tout en haut du diagramme H-R (à droite pour les étoiles rouges, à gauche pour les étoiles bleues).

Si l'étoile est très massive, entre 8 et 40 M sur la Séquence principale, le noyau devient si chaud qu'il fusionne de plus en plus rapidement, le plasma atteignant 300 à 500 millions de degrés. Cette phase d'étoile bleue est une étape critique car le coeur de l'étoile est devenue tellement dense que les réactions nucléaires peuvent le faire exploser (en fait imploser suivi d'une explosion).

La nébuleuse d'émission bipolaire NGC 6164-5 située à 4200 a.l. dans la constellation de la Règle. La bulle interne rose mesure 4.2 a.l. de longueur. Document Warren Keller.

Les étoiles géantes bleues de 20 à 40 M sont à ce point chaudes et rayonnent des photons si intenses qu'elles perdent leur atmosphère tout au long de leur vie et de ce fait ne vivent pas très longtemps.

La nébuleuse NGC 6164-5 présentée à droite consiste en une bulle de gaz qui fut libérée par l'étoile bleue et chaude HD 148937 de classe spectrale O âgée de seulement 3 ou 4 millions d'années mais 40 fois plus massive que le Soleil. La nébuleuse d'émission (qui n'est pas une nébuleuse planétaire) brille grâce à l'intense rayonnement UV émis par l'étoile.

Née pratiquement instable et l'ayant toujours été, actuellement cette étoile poursuit son cycle CNO. On estime que dans 3 ou 4 millions d'années, elle explosera en supernova, libérant cette fois la majorité de son matériel dans l'espace en créant un rémanent de supernova (SNR) tandis que l'éventuel reste stellaire deviendra une étoile compacte (étoile à neutrons, pulsar ou magnétar) voire un trou noir stellaire.

Si l'étoile a une masse supérieure à 40 M, la nucléosynthèse finit par produire une réaction instable, car avec une masse aussi importante la gravitation arrive difficilement à équilibrer l'énergie cinétique des particules. Le comportement de cette étoile devient fort complexe. En général, il se caractérise par une séquence de contractions et de fusions nucléaires. Cette phase de combustion est très courte mais très intense. Dans les étoiles hypermassives, généralement bleues de la classe O, la température du noyau dépasse 700 millions de degrés.

Si la masse de la supergéante bleue (classe spectrale O) atteint ou dépasse 30 M elle peut même se déplacer horizontalement à travers tout le diagramme H-R jusqu'à l'extrême gauche et se transformer en Wolf-Rayet (classe spectrale WN, WC). Leur masse initiale est comprise entre 15-25 M selon leur métallicité mais on pense qu'elle peut dépasser 50 ou 100 M sans que l'on connaisse leurs limites. Ce sont les étoiles les plus massives de l'univers.

Nous verrons page suivante comment les étoiles géantes terminent leur existence.

Particularités des étoiles géantes

La limite d'Eddington

La masse maximale d'une étoile n'est pas infinie mais dépend de la luminosité ou limite d'Eddington. Cette limite représente la luminosité maximale pouvant traverser un gaz en équilibre hydrostatique (formant une sphère). Elle détermine la limite où la pression de radiation (du rayonnement) est équilibrée par la force de gravité du système (dans ce cas-ci une étoile mais il peut aussi s'agir d'un trou noir).

La valeur exacte de la limite d'Eddington dépend des propriétés chimiques des couches de gaz traversées. Ainsi les étoiles riches en hydrogène et en hélium de début de classe sont plus transparentes que les étoiles de fin de classe contenant du fer ou des molécules carbonées. En théorie, et on l'observe dans l'univers, les étoiles géantes bleues peuvent donc présenter des masses supérieures aux supergéantes rouges.

En utilisant la relation Masse-Luminosité, on peut calculer que cette limite se situe autour de 100 M. En théorie, la masse maximale d'une étoile peut aller au-delà de 100 M, mais avec des vents stellaires violents et des instabilités.

Il arrive parfois que pendant une courte période à l'échelle astronomique, l'étoile hypermassive dépasse la limite d'Eddington de plusieurs ordres. On assiste alors à une éruption gamma dite GRB (Gamma-Ray Burst), à des éruptions X sur les binaires HMXB (Circinus X-1), au phénomène de novae, kilonova et supernova. Ces phénomènes modifient radicalement la structure physique des étoiles au point de les faire exploser. Mais il existe un certains nombre d'objets ayant dépassé cette limite sans qu'on observe d'instabilités (cf. l'étude sur les "bulles de photons" de Jonathan Arons, 1992). On y reviendra lorsque nous discuterons de la diversité des étoiles et notamment des étoiles à neutrons et des trous noirs.

Comment calculer la limite d'Eddington ? Pour une étoile de 100 M dont la luminosité est de 100000 L, on calcule la pression qu'offrent les photons lors du transfert de leur énergie aux électrons (eux-même reliés aux protons), impulsion transférée par diffusion Compton. La section efficace ou aire de diffusion de la réaction Compton photons-électrons est de 6.65 x 10-29 m2. On calcule ensuite le flux d'énergie par unité de surface (qui est proportionnel à la luminosité) et la fraction transférée par effet Compton à la matière. Quand cette énergie radiative est égale à l'énergie de liaison gravitationnelle, l'étoile ne peut plus retenir son enveloppe extérieure et explose. Elle libère ainsi une fraction de sa masse dans l'espace après quoi, si elle n'est pas détruite, elle peut retrouver un certain équilibre mais au prix d'une perte de plusieurs dizaines de masses solaires.

Les hypergéantes : les étoiles les plus massives et les plus grandes

A l'heure actuelle les astronomes ont découvert quelques étoiles dépassant 100 M et dont la taille est réellement astronomique. Voici les exemples les plus représentatifs et les records.

1. R136a1

L'amas ouvert R136a au centre duquel se trouve l'étoile WC R136a1. La photographie fut enregistrée en 2022 par interférométrie des tavelures au moyen des télescopes Gemini North et South. Document V.M. Kalari et al. (2022)

R136a1 est une étoile Wolf-Rayet qui brille à la magnitude apparente 12.8 dans l'amas ouvert R136 situé dans la nébuleuse de la Tarentule, alias 30 Doradus (A.D.: 5h 38m 42.43s, Dec.: -69° 06' 02.2"), et donc dans le Grand Nuage de Magellan, à ~1630000 années-lumière. Elle fut déjà détectée en 1985 mais fut officiellement découverte en juillet 2010 grâce au télescope VLT par une équipe d'astronomes dirigée par Paul Crowther de l'Université de Sheffield.

Selon Crowther, il s'agit d'une étoile hypergéante bleue âgée de 1.5 million d'années et présentant une température effective d'environ 56000 K.

La masse de R136a1 a longtemps été controversée. On l'a d'abord estimée à 315 M mais elle aurait déjà perdu 55 M dans les premiers stades de son évolution. L'étoile perdrait 0.00005 M chaque année à travers le vent stellaire. 

Puis sa masse fut réévaluée à 260 M maximum avec une limite inférieure de 150 M si elle fait partie d'un système binaire, ce qui n'a jamais été confirmé.

Les dernières mesures prises au moyen des télescopes Gemini North et South de 8.1 m par l'équipe de Venu M. Kalari de NOILab lui donnent à présent une masse comprise entre 170 et 230 M. Mais elle reste l'étoile la plus massive connue à ce jour.

Kalari et ses collègues ont également réalisé l'image la plus précise de l'amas stellaire et de cette étoile grâce à la méthode de l'interférométrie des tavelures et l'imageur Zorro. Ils ont pris 40000 images de l'étoile, chacune exposée 60 ms pour éviter l'effet de la turbulence atmosphérique. Le résultat est présenté à droite.

La précédente image de R136a1 avait été obtenue par Crowther et Evans en infrarouge grâce au VLT équipé de l'optique adaptative MAD. L'amélioration apportée par la méthode interférométrique est sensible mais il faut dire que la ligne de base mesure 10617 km.

Les travaux de l'équipe de Kalari ont fait l'objet d'un article à publier dans "The Astrophysical Journal" en 2022.

Sur base de sa masse, sa luminosité et sa température, R136a1 est 30 à 35 fois plus volumineuse que le Soleil avec un rayon moyen de 24.3 millions de kilomètres (contre 695508 km pour le Soleil) soit les 4/5e de l'orbite de Mercure et brille comme 7.4 millions de Soleil, soit 80% de la luminosité d'Eddington.

Comme les autres étoiles géantes la limite de sa photosphère qui détermine son rayon optique est mal défini en raison de la présence d'un puissant vent stellaire qui souffle l'enveloppe extérieure vers l'espace, l'enveloppant dans un nuage de gaz et de poussières. Dans certaines étoiles supergéantes ou hypergéantes dont celles décrites ci-dessous, on détecte parfois l'enveloppe de la photosphère jusqu'à 0.3 R* au-delà de la limite théorique, d'où la marge d'erreur sur leur masse, leur rayon et leur luminosité et le choix d'une valeur moyenne.

Notons que dans les quelques parsecs (10 a.l.) autour de R136a1, la masse stellaire totale est estimée à 50000 M ce qui implique qu'un total d'environ 100000 étoiles se seraient formées ou sont en cours de formation. On en déduit que parmi celles-ci, une dizaines d'étoiles ont une masse supérieure à 100 M.

2. Pistol

Pistol, l'étoile du Pisolet fut découverte dans la constellation du Sagittaire en 1997. Elle se situe à 26000 années-lumière et brille à la magnitude apparente de 4. Il s'agit d'une hypergéante bleue dont la masse est d'environ 100 M et qui brille comme 5 à 10 millions de Soleil. Son rayon est d'environ 278 millions de kilomètres soit 400 supérieur à celui du Soleil. On estime qu'elle consomme en 6 secondes autant d'énergie que le Soleil en un an.

A gauche, l'étoile Pistol située au centre de la Voie lactée présente une masse d'environ 100 masses solaires et brille comme 5 à 10 millions de Soleil. A droite, Mu Cephei qui est 1260 fois plus grande que le Soleil et 283000 fois plus lumineuse ! Ces deux étoiles sont dans une phase cataclysmique très instable qui conduira vraisemblablement à leur explosion d'ici peu. Comme en témoignent ces photographies, elle ont déjà libéré dans l'espace une partie de leur atmosphère extérieure. Documents Don F.Figer/UCLA/NASA et anonyme.

3. Mu Cephei (Erakis)

L'étoile μ Cephei appelée Erakis présentée ci-dessus à droite est surnommée l'"étoile grenat d'Herschel" qui la découvrit le 8 février 1782 avec une "teinte grenat foncée". Toutefois, le 28 décembre 1782 elle lui parut "bleutée" et le 12 mars 1785 elle fut d'une "belle couleur bleue". On peut supposer que la variation de couleur bien qu'apparemment spectaculaire serait due à son changement de luminosité.

Erakis est une supergéante rouge située à environ 6000 années-lumière. C'est une étoile variable semi-régulière dont la magnitude apparente varie entre 3.43 et 5.1 sur une période incertaine de 860 ou de 4400 jours. Sa magnitude absolue est de -7.6. Cette étoile de classe spectrale M2e Ia présente une masse de 19.2 M et un rayon moyen estimé à 1260 fois celui du Soleil. Sa luminosité est équivalente à environ 283000 fois celle du Soleil.

Son atmosphère s'étend sous la forme d'une coquille de gaz et de poussières jusqu'à 0.33 rayon au-dessus de la limite théorique de sa photosphère. Si celle-ci présente une température effective de 3750 K, à 0.33 R* au-dessus de la photosphère elle atteint 2055 K. Selon une étude réalisée par Guy Perrin et ses collègues publiée en 2005, cette enveloppe externe contient des molécules de CO, SiO et même de la vapeur d'eau.

4. VY Canis Majoris

L'outsider est l'étoile hypergéante rouge VY Canis Majoris (VY CMa) de classe spectrale M3/M4 II qui présente une masse d'environ 30 à 40 M mais sa taille est ~1420 fois supérieure à celle du Soleil : son rayon atteint 985 millions de kilomètres. Si on plaçait VY CMa à la place du Soleil, sa surface dépasserait l'orbite de Jupiter !

A gauche, la taille de Bételgeuse comparée au système solaire. L'image fut prise par ALMA en bande 7 (0.8-11 mm ou 338 GHz). Document ALMA/E.O'Gorman/P.Kervella, ESO/NAOJ/NRAO adapté par l'auteur. Au centre et à droite, les tailles respectives de VY CMa et UY Sct comparées au Soleil. Ce sont les deux hypergéantes rouges les plus volumineuses découvertes à ce jour. La seconde est un peu plus froide et légèrement moins massive que son outsider. Documents T.Lombry.

5. UY Scuti

À ce jour l'étoile la plus volumineuse est l'hypergéante rouge UY Scuti située à 9500 années-lumière dans la constellation de l'Écu de Sobieski (Scutum). C'est une étoile variable semi-régulière de classe spectrale M4 Ia dont la magnitude apparente oscille entre 8.9 et 11.2 sur une période de 740 jours. Sa masse est estimée entre 20-30 M.

Selon les estimations, à 8% près UY Scuti est 1708 fois plus grande que le Soleil avec un rayon d'environ 1.2 milliard de kilomètres. Reportée à l'échelle du système solaire, sa surface atteindrait presque l'orbite de Saturne (située à 1.4 milliard de km du Soleil) ! UY Scuti est 340000 fois plus lumineuse que le Soleil. Si on imagine qu'un rayon lumineux ferait le tour du Soleil en 14.5 secondes, il mettrait... 7 heures pour faire le tour de UY Scuti. Quant à son volume, on a peine à l'imaginer. Quelque 3.69 milliards de Soleil pourraient tenir dans son enveloppe sachant qu'environ 1000 Jupiter tiendraient dans le Soleil et environ 1300 Terre tiendraient dans Jupiter.

Dans ces conditions extrêmes, les lois de la physique sont sans équivoques : toutes ces étoiles massives vont exploser un jour ou l'autre; ce sont toutes des candidates au titre de supernova !

Les hypergéantes jaunes

On reviendra sur les hypergéantes jaunes (YHG, Yellow Hypergiants) ρ Cas, HR 5171A et HR 8752 dans l'article consacré aux étoiles variables en raison de leur variabilité lumineuse et leurs puissantes éruptions récurrentes.

Les limites des modèles astrophysiques

Les étoiles géantes

Nous avons vu à propos de la dégénérescence électronique qu'on observe dans les étoiles géantes (et les naines), qu'on ne peut pas leur appliquer la relation Masse-Luminosité car l'énergie qu'elles émettent ne dépend presque plus des réactions de nucléosynthèse (cf. le Soleil). Nous devons donc trouver d'autres méthodes pour comprendre leur évolution.

Le diagramme H-R (voir page 2) ne "fonctionne" que pour les étoiles thermonucléairement actives et difficilement pour les étoiles géantes ou les naines. Dans ces conditions on constate que les chiffres concernant leur masse ou leur luminosité varient d'un auteur à l'autre. L'explication est simple : il n'y a pas de consensus. En effet, il n'existe aucun moyen de calculer directement la masse d'une étoile en dehors de la Séquence principale. Prenons un exemple pour bien saisir la difficulté du problème.

A gauche, en pointillé, l'évolution schématique du Soleil dans le diagramme H-R dès le moment où il quitte la Séquence principale. A droite, évolution d'une étoile de 15 masses solaires. Les époques sont exprimés en années depuis sa naissance. Etant donné sa masse (sa luminosité) élevée, son évolution est 800 fois plus rapide que celle du Soleil.

Une étoile comme le Soleil passe l'essentiel de sa vie sur la Séquence principale, puis, après épuisement de l'hydrogène de son noyau, les réactions thermonucléaires se poursuivent dans l'enveloppe de l'étoile qui commence à gonfler démesurément.

Durant cette phase qui se produit selon sa masse entre 1 million et 10 milliards d'années après sa naissance, l'étoile décrit un coude et commence à gravir la branche des géantes du diagramme H-R. La luminosité de l'étoile augmente plus ou moins fort en fonction de sa masse initiale, et son indice de couleur se décale graduellement vers le rouge comme on peut le voir sur les diagrammes présentés ci-dessus.

Pour les étoiles de plus de 10 M sur la Séquence principale, après le flash de l'hélium on observe une série de pulsations de leur enveloppe qui provoque un va-et-vient de l'étoile entre la partie gauche et droite du diagramme H-R. Le nombre d'aller et retour dépend de la masse de l'étoile; plus elle est massive plus elle prend de temps pour traverser le diagramme. Toutefois, au-delà de 20 M l'étoile ne migre plus totalement vers la droite mais se déplace au contraire fortement vers la partie bleue du diagramme H-R et devient très lumineuse.

Pour les étoiles de plus de 100 M, les réactions nucléaires et leurs effets sont tellement violents que les étoiles évoluent très rapidement et finissent par exploser; c'est la supernova, phase durant laquelle l'étoile devient 1 million de fois plus lumineuse que sur la Séquence principale. SN 1987A par exemple atteignit la magnitude absolue record de -7.9.

Document http://www.astro.indiana.edu/~classweb/a451_fall04/

Trajets évolutifs des étoiles en fonction de leur masse. Document Catherine Pilachowski/U.Indiana.

Ainsi, une étoile de 1 M qui est d'un tempérament très calme, passe successivement par toutes les luminosités entre la luminosité solaire et celle du sommet de la branche des géantes (la branche asymptotique des géantes ou AGB sur laquelle nous reviendrons), en négligeant momentanément la perte de masse par vent stellaire. En un milliard d'années, l'étoile devient jusqu'à 10000 fois plus brillante mais se refroidit d'à peine 3-400 K comme on peut le voir sur les simulations précédentes.

En revanche, pour une étoile de 40 M la phase géante dure moins d'un million d'années, elle traverse toutes les classes spectrales et se refroidit de plus de 1000 K. Enfin, les hypergéantes bleues de plus de 100 M se décalent également vers les classes plus rouges durant environ 200000 ans puis leur enveloppe se recontracte, elles accusent un déplacement horizontal vers le bleu durant environ 500000 ans, phase durant laquelle elles deviennent encore plus chaudes et finissent généralement par exploser.

Durant cette phase instable où les étoiles massives peuvent subir des pulsations, il n'y a donc plus de relation entre masse et luminosité, donc pas de formule. Ceci explique pourquoi les estimations de la masse ou de la luminosité des étoiles géantes reprises dans la littérature sont peu précises.

Pour tenter malgré tout de comprendre l'évolution des étoiles géantes, les astronomes sont obligés d'inventer des méthodes alternatives à la relation Masse-Luminosité pour préciser leurs caractéristiques.

Elles se basent toujours sur le diagramme H-R mais une série de travaux préliminaires sont nécessaires avant d'obtenir un résultat. Ainsi, la luminosité d'une étoile géante se détermine soit par sa parallaxe trigonométrique (comparaison de sa magnitude absolue avec celle du Soleil ce qui permet d'estimer son facteur de luminosité) soit par sa parallaxe spectroscopique (mesure de sa magnitude visuelle et absolue ainsi que de son indice de couleur que l'on reporte dans un diagramme H-R).

On peut avoir une estimation de la masse des étoiles géantes en reportant leur température effective et leur luminosité sur une grille de trajets évolutifs stellaires (les "evolutionary tracks" du diagramme H-R) tels ceux présentés ci-dessus à gauche. Dans le cas de Bételgeuse, il faut les calculer pour une étoile de composition solaire, dont elle ne diffère pas fondamentalement.

D'autres auteurs, faisant d'autres hypothèses sur leurs modèles peuvent trouver des diagrammes d'évolution un peu différents, donnant des résultats différents. C'est ainsi qu'on obtient des valeurs de luminosité pour Bételgeuse oscillant entre 90000 et 150000 L (cf. N.Smith et al., 2009) et une masse variant entre 7.7 et 20 M. Aucune de ces valeurs n'est fausse, chacune est déduite d'un modèle particulier dont généralement le lecteur ignore les caractéristiques s'il n'a pas consulté les articles originaux. Selon les dernières mesures, le rayon de Bételgeuse représente 764 R, sa luminosité est de ~126000 L et sa masse varie entre 16.5 et 19 M (cf. M.Joyce et al., 2020).

Pour les masses stellaires élevées, les hypothèses sont plus compliquées car il faut tenir compte des fortes pertes de masse en cours d'évolution. Les chiffres peuvent passer du simple au double.

Le sujet étant complexe, les solutions très techniques et peu intuitives, il y a peu ou pas de vulgarisation sur le sujet. Le lecteur qui souhaite plus d'informations devra consulter des revues spécialisées telle que "The Astrophysical Journal" ou "Astronomy & Astrophysics" dont les travaux de Meynet, Yi et leurs collègues.

Divergences entre les modèles d'étoiles massives et de supernovae et les observations gamma

Des études relatives à la formation des isotopes du fer mettent en évidence l'incompatibilité des modèles astrophysiques des étoiles massives et des supernovae avec les observations gamma. Bonne nouvelle, ce problème de longue date fut partiellement résolu en 2021 et de manière plus précise en 2024. Nous allons décrire ces deux résultats mais avant, rappelons quel est le problème car il n'est pas encore totalement résolu.

La formation du fer-60

Le fer-60 (2660Fe) comprenant 26 protons (Z) et 34 neutrons (N=A-Z) dans son noyau (cf. les particules élémentaires), est un isotope radioactif et donc instable du fer (le fer-56 ou 3056Fe) qui joue un rôle crucial dans l'astrophysique nucléaire et dans la compréhension des réactions nucléaires dans les étoiles massives :

- c'est un traceur du processus de nucléosynthèse : le fer-60 est produit par des processus nucléaires spécifiques dans les étoiles massives par captures successives de neutrons sur un noyau plus léger et stable comme le fer-58, des réactions qui produisent des isotopes et parfois des noyau lourds, et par des réactions secondaires avec des neutrons provenant du Ne, Mg, C et O. Ensuite, au cours des dernières étapes de l'évolution stellaire, le fer-60 est éjecté dans l'espace par une supernova à effondrement de cœur (SNe II). Sa présence dans des environnements astrophysiques (comme dans les nébuleuses, les disques protoplanétaires, les météorites et les planètes rocheuses) permet de retracer les évènements de nucléosynthèse dans ces étoiles.

Document T.Lombry.

- c'est un indicateur de l'activité des supernovae : les supernovae jouent un rôle clé dans l'enrichissement du milieu interstellaire en éléments lourds. Le fer-60 ayant une demi-vie d'environ 2.6 millions d'années, c'est un indicateur de ces évènements récents dans le voisinage du Soleil. Sa détection sur Terre, par exemple dans les sédiments marins, suggère que des supernovae proches explosèrent il y a quelques millions d'années.

- c'est une signature isotopique des environnements stellaires : en mesurant les abondances de fer-60 dans les météorites, on peut reconstituer les conditions qui prévalaient dans le disque protoplanétaire du système solaire. Cela indique que le système solaire a été contaminé par une ou plusieurs supernovae proches lors de sa formation.

- il joue un rôle dans les réactions en chaîne nucléaires : le fer-60 se forme et se désintègre via des réactions nucléaires spécifiques qui sont sensibles aux conditions locales de température et de densité dans les étoiles massives. Par conséquent, son abondance relative par rapport à d'autres isotopes (comme le fer-56 ou l'aluminium-26) aide à contraindre les modèles de nucléosynthèse.

- il permet d'étudier les cycles de vie des étoiles massives : les étoiles massives passent par des cycles complexes de fusion nucléaire. Le fer-60, en tant qu'isotope produit dans les derniers stades de la vie stellaire, aide à comprendre ces cycles et les transitions vers la supernova. Sa production et sa destruction dans le cœur des étoiles fournissent des informations sur les flux de neutrons et la dynamique des couches stellaires.

En résumé, le fer-60 intéresse les astrophysiciens car il provient d'étoiles massives et est éjecté par les supernovae à travers la Galaxie notamment. C'est une "empreinte chimique" permettant d'explorer ces phénomènes cosmiques et leur impact sur les environnements galactique et local. Sa compréhension approfondie contribue à améliorer nos modèles astrophysiques, notamment de la nucléosynthèse dans les étoiles massives, des supernovae et sur l'origine des éléments dans l'Univers.

On reviendra sur la production de fer-60 à propos de la Bulle Locale de la Voie Lactée.

Le taux de désintégration bêta stellaire du fer-59

Un facteur important qui intervient dans les réactions nucléaires est le taux de désintégration bêta stellaire du fer-59 : la désintégration radioactive du fer-59 s'accompagne de l'émission d'une particule bêta qui est soit un électron soit un positron (cf. CEA). C'est une étape importante vers la compréhension de la nucléosynthèse du fer-60 dans les étoiles massives.

En résumé, la réaction nucléaire stellaire se déroule en deux grandes étapes :

1°. Désintégration bêta :  2659Fe; → 2759Co + e- + e , avec e- l'électron et e l'antineutrino électronique.

2° Capture neutronique :  2659Fe + n → 2660Fe, avec n un neutron capturé, typique du processus s et du processus r (voir ausi la diversité des étoiles).

Cette désintégration dite β- s'accompagne d'une émission gamma, qui est typique de la désexcitation des noyaux produits dans des états excités. On y reviendra.

Une fois formé, le fer-60 peut également subir des désintégrations bêta ultérieures. La désintégration bêta contribue à la nucléosynthèse stellaire en modifiant les proportions des éléments et en influençant la chimie des étoiles. Les taux de désintégration sont affectés par la masse de l'étoile et donc par des conditions extrêmes comme les hautes densités électroniques et les températures élevées. Tout le problème est de calculer précisément le rendement du fer-60 car il influence les cycles nucléaires dans les étoiles.

Les rayons gamma

Un autre facteur important sont les rayons gamma associés à la désintégration du fer-60. Les scientifiques peuvent mesurer et analyser ces rayons gamma pour obtenir des indices sur le cycle de vie des étoiles et les mécanismes des supernovae. Sur base de ces données, les physiciens peuvent améliorer les modèles astrophysiques.

Dans la désintégration bêta, le fer-60 se transforme en cobalt-60 dans un état excité (60Co*) :

60Fe    60Co*

Pour se stabiliser, le noyau de cobalt-60 excité libère son excès d'énergie en émettant un ou plusieurs photons gamma. Cette étape ramène le noyau à un état fondamental stable :

60Co*   60Co

En comparant le flux de rayons gamma du fer-60 à celui de l'aluminium-26, qui partage une origine similaire à celle du fer-60, les chercheurs devraient pouvoir obtenir des informations importantes sur la nucléosynthèse et les modèles stellaires. Cependant, le rapport de flux des rayons gamma observé du Al-60/Fe-60 qui varie entre 9.7 et 18.4% ne correspond pas aux prédictions théoriques où ce rapport peut atteindre 25% en raison des incertitudes des modèles stellaires et des données nucléaires (cf. N.Prantzos, 2004; M.Suadès et al., 2007; W.Wang et al., 2020; S.Q. Yan et al., 2021).

Rendement du fer-60 dans une étoile de 18 masses solaires. Les lignes bleues (LMP) sont des calculs basés sur le taux de désintégration précédent, les lignes rouges sont basées sur la mesure des chercheurs de l'IMP. Document B.Gao et al. (2021).

Le taux de désintégration bêta stellaire du fer-59 décrit ci-dessus présente l'une des plus grandes incertitudes dans les données nucléaires. Or, il est essentiel de le connaître avec précision pour le rendement du fer-60.

Bien que le taux de désintégration du fer-59 ait été mesuré avec précision en laboratoire (cf. E.Uberseder et al., 2014; M.W. van Rooy et al., 2015; M.Aliotta et al., 2022), son taux de désintégration peut être considérablement augmenté dans les environnements stellaires en raison des contributions de ses états excités (cf. K.A. Li et al., 2016). Cependant, la mesure directe en laboratoire du taux de désintégration bêta des états excités est très difficile car il faut créer un environnement à haute température comme dans les étoiles pour maintenir les noyaux de fer-59 dans leurs états excités.

Pour résoudre ce problème, les chercheurs de l'Institut de Physique Moderne de Chine (IMP) ont proposé une nouvelle méthode de mesure du taux de désintégration bêta stellaire du fer-59.

Selon Bingshui Gao, chercheur à l'IMP, "la réaction d'échange de charge nucléaire est une alternative de mesure indirecte, qui fournit des informations clés sur la structure nucléaire qui peuvent déterminer ces taux de désintégration" (cf. B.Gao et al., 2021).

En comparant les calculs du modèle stellaire utilisant les nouvelles données sur le taux de désintégration avec les calculs précédents, les chercheurs ont découvert que pour une étoile de 18 M, le rendement du fer-60 est inférieur de 40% lorsqu'on utilise les nouvelles données. Le résultat indique une tension réduite dans l'écart entre les rapports aluminium-26/fer-60 entre les prédictions théoriques et les observations.

Selon son collègue Kuoang A. Li, "C'est une étape importante vers la compréhension de la nucléosynthèse du fer-60 dans les étoiles massives et cela fournira une base plus solide pour les futures simulations astrophysiques."

Nous devons la seconde avancée à l'équipe d'Artemis Spyrou, professeur de physique au Facility for Rare Isotope Beams (FRIB) et au département de physique et d'astronomie de l'Université d'État du Michigan (MSU). Les chercheurs ont étudié le fer-60 en utilisant une nouvelle méthode expérimentale et publièrent leurs résultats dans la revue "Nature Communications" en 2024.

Spyrou nous explique le but de leur étude : "Ce que nous avons apporté de particulier dans cette collaboration, c'est que nous avons combiné notre expertise en matière de réactions nucléaires, de faisceaux d'isotopes et de désintégration bêta pour en apprendre davantage sur une réaction que nous ne pouvons pas mesurer directement. Pour cette étude, nous avons cherché à mesurer suffisamment de propriétés entourant la réaction qui nous intéressait afin de pouvoir la contraindre mieux qu'auparavant."

L'un des principaux objectifs des physiciens nucléaires est de parvenir à un modèle complet et prédictif d'un noyau qui décrirait avec précision les propriétés nucléaires de tout système atomique. Mais actuellement, les chercheurs n'y parviennent toujours pas. Ils doivent d'abord mesurer ces processus de manière expérimentale. Pour cela, les physiciens doivent produire ces isotopes rares, les étudier, puis comparer leurs résultats avec les prédictions du modèle pour vérifier leur exactitude.

Spyrou précise : "Pour étudier ces noyaux, nous ne pouvons pas simplement les trouver naturellement sur Terre. Nous devons les fabriquer. Et c'est la spécialité du FRIB : obtenir des isotopes stables que nous pouvons accélérer, fragmenter, puis produire ces isotopes exotiques, qui pourraient ne vivre que quelques millisecondes, afin que nous puissions les étudier." Pour cela, Spyrou et son équipe ont conçu une expérience qui vise deux objectifs : d'abord, contraindre le processus de capture de neutrons qui transforme l'isotope de fer-59 en fer-60; ensuite, utiliser les données obtenues pour étudier les divergences de longue date entre les prédictions du modèle de supernova et les traces observées de ces isotopes.

Les résultats expérimentaux obtenus par l'équipe de Spyrou en 2024. A gauche, la probabilité d'interaction nucléaire ou section efficace moyenne maxwellienne (MACS) de la réaction fer-59(n,γ)fer-60 en fonction de l'énergie des neutrons. Les bandes hachurées et vert clair représentent les résultats précédents. La MACS par défaut utilisée dans les calculs astrophysiques est représentée par une ligne bleue pointillée. Les résultats de la présente étude sont représentés par la bande violette. L'encart : représente la réaction de production/destruction du fer-60 dans une étoile massive. A droite, fonction d'intensité des rayons γ montrant la présence d'une amélioration à basse énergie dans le fer-60, par rapport au fer-56 des travaux précédents. Les lignes verticales traversant chaque point de données représentent les incertitudes des mesures. Documents A.Spyrou et al. (2024).

Alors que le fer-60 a une demi-vie relativement longue, le fer-59 est beaucoup plus instable et se désintègre avec une demi-vie de 44.5 jours. Cela rend la capture de neutrons sur le fer-59 particulièrement difficile à mesurer en laboratoire car il se désintègre avant que suffisamment de mesures puissent être effectuées. Pour surmonter ce problème, les scientifiques ont développé leurs propres méthodes pour contraindre cette réaction expérimentalement.

Spyrou et son collègue Sean N. Liddick du FRIB ont ​​travaillé en étroite collaboration avec leurs collègues de l'Université d'Oslo pour développer une nouvelle méthode d'étude de ces isotopes hautement instables. Le résultat, appelé méthode bêta-Oslo (cf. A.C. Larsen et al., 2019), est une variante de la méthode d'Oslo développée à l'origine par le coauteur du projet Guttormsen au laboratoire du cyclotron d'Oslo. L'approche de Guttormsen utilise une réaction nucléaire pour peupler un noyau afin que les chercheurs puissent mesurer ses propriétés. Bien que cette méthode ait prouvé au fil des décennies qu'elle avait de nombreuses applications en astrophysique et en structure nucléaire, elle ne pouvait être appliquée qu'aux isotopes (quasi-) stables. En combinant leur expertise en matière de détection, de désintégration bêta et de réactions, les chercheurs ont mis au point un moyen de peupler un noyau cible en utilisant le processus de désintégration bêta lui-même plutôt qu'une réaction. Cette approche innovante a produit l'isotope qu'ils recherchaient beaucoup plus efficacement et a ouvert la voie à la limitation des réactions de capture de neutrons sur des noyaux à courte durée de vie.

Spyrou confirme que "la méthode bêta-Oslo est toujours la seule technique qui puisse nous donner certaines de ces contraintes sur des noyaux très exotiques qui sont loin d'être stables."

Après avoir limité ces incertitudes clés sur les réactions nucléaires qui produisent le fer-60, l'équipe de Spyrou a conclu que la probabilité que cette réaction se produise à l'intérieur d'une étoile massive est deux fois plus élevée que les prédictions du modèle précédent. Les chercheurs pensent désormais que les modèles théoriques des supernovae sont erronés et que certaines propriétés stellaires spécifiques sont encore mal représentées.

Dans la conclusion de leur article, les chercheurs déclarent : "La solution au casse-tête doit venir de la modélisation stellaire, par exemple en réduisant la rotation stellaire, en supposant des limites de masse d'explosibilité plus petites pour les étoiles massives ou en modifiant d'autres paramètres stellaires." Bref, tout est à revoir.

Cette découverte a non seulement des implications de grande portée pour la compréhension théorique des étoiles massives et des conditions qui y règnent, mais elle a également démontré que la méthode bêta-Oslo sera un outil précieux pour les scientifiques à l'avenir.

Dernier chapitre

Le crépuscule de la vie des étoiles

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