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Les facultés sensorielles

Le "sixième sens" (III)

Par sixième sens entendons des sens qui dépassent les capacités humaines de nos cinq sens. On les trouve évidemment chez les animaux bien que certaines personnes présentent des facultés extrasensorielles. Mais étant donné que personne ne sait d'où ces individus tiennent leurs pouvoirs, les chercheurs ont bien du mal à étudier le sujet. Rappelons simplement que parmi ces facultés il y a les perceptions extralucides (médium, voyants, précognition, etc) et extrasensorielles (télékinésie, lévitation, etc) voire la télépathie, autant de thèmes chers aux amateurs de paranormal.

Le sixième sens couvrant des modalités sensorielles très variées, pour y voir clair nous pouvons le classer de trois manières :

-  en fonction de son emplacement : dans la peau, dans les muscles et les articulations ou dans la muqueuse des viscères.

- en considérant sa fonction : il peut s'agir de récepteurs d'étirement musculaires ou tendineux, tactiles, de position et d'accélération, de mouvement relatif ou de vibration. Un récepteur peut avoir plus d'une fonction ainsi que nous le verrons plus bas.

- en considérant la structure des sites récepteurs. On distingue deux types de cellules sensorielles : le type dentritique, présent dans le corpuscule de Pacini ou le récepteur d'étirement musculaire. La partie réceptrice de la cellule ne comporte aucune structure spécialisée autre que la présence de canaux ioniques nécessaires à la transduction. Le type ciliaire présent chez un très grand nombre d'organismes (scolopidies des insectes, ligne latérale des poissons, oreille interne des vertébrés et plus généralement, chez quantité d'invertébrés).

A gauche, un corpuscule de Pacini. A droite, une vue plus générale de la peau humaine. La flèche noire indique l'épaisseur de l'épiderme, la flèche jaune le corpuscule de Pacini, la flèche orange une artère et la flèche mauve un globule adipeux de l'hypoderme. Doc U.Jussieu.

Les mécanorécepteurs

Il existe quatre type de mécanorécepteurs :

- les récepteurs d'étirement, musculaires ou tendineux, ils assurent le maintien de la posture et la régulation du tonus musculaire. On les trouve aussi dans les articulations et le derme des vertébrés (organe de Golgi, corpuscules de Ruffini et de Pacini).

- les récepteurs tactiles, le plus souvent ciliaire mais probablement dentritique chez certains groupes. Ils sont parfois sensibles à la pression (contrôle de la profondeur de la plongée). Chez les vertébrés les récepteurs tactiles de type dentritique montrent tous les intermédiaires entre les terminaisons nues et celles qui, dans le derme, sont enveloppées de couches de cellules névrolgiques, comme les corpuscules de Pacini. Certains de ces récepteurs sont associés aux poils tactiles ou vibrisses des mammifères (moustaches du chat).

- les récepteurs de position et d'accélération (statocystes). L'oreille interne des vertébrés, dans sa portion non auditive, appartient à ce type d'organes sensoriels. Les statocystes les plus simples, présents chez la plupart des invertébrés comme chez la méduse, ne sont sensibles qu'à la pesanteur. Les plus complexes, également présents chez les crustacés, les céphalopodes et tous les vertébrés sont aussi sensibles aux autres accélérations.

A gauche, emplacement des statocystes chez les céphalopodes. A droite, gros plan sur un statocyste. On reconnaît le statolithe au milieu (une granule qui se déplace dans le champ de gravité), les cellules sensorielles ciliées (setae) sur le périmètre et les fibres nerveuses à l'extérieur. Document Meeresschule et BGSU.

- les récepteurs de mouvement relatifs. Ils contrôlent les mouvements, soit en vol chez les insectes (haltère chez les diptères, organe de Johnston chez les insectes volants) soit pendant la nage chez les poissons et les larves ou têtards d'amphibiens (la ligne latérale).

Les thermorécepteurs

Un être humain ou une souris dont la température corporelle est de 37°C émet un rayonnement à 9343 nm (selon la loi de Wien, λmax = 0.0029/(273.15+37)), c'est-à-dire dans l'infrarouge thermique (6200-13400 nm). Les fossettes thermosensibles des serpents ont un large spectre qui s'étend entre 750 nm et 1 mm (1 million de nanomètres). Ils peuvent donc facilement détecter les animaux à sang chaud (voire à sang froid mais dont le corps a été réchauffé par le Soleil).

Ces fossettes thermosensibles sont situées près de chaque narine et à hauteur ou sous le plan des yeux. Elles leur permettent de détecter les variations de température. Selon les espèces, les serpents sont capables de détecter des changements de température variant entre 0.2 et 0.001°C.

Ces fossettes sont dirigées vers l'avant et étant situées de chaque côté de la tête, combinée ou non à son ordorat, le serpent peut localiser et déterminer la distance de sa proie et la mordre avec précision, même dans l'obscurité totale.

A ne pas confondre avec les thermorécepteurs cutanés. Chez l'homme par exemple, il existe sur la peau des terminaisons nerveuses libres proches des capillaires sanguins, sensibles au froid ou au chaud. On les appelle les points de froids et les points de chauds et sont répartis différemment. Les récepteurs sensibles au froid, liés à des fibres myéliniques fines sont situés dans l'épiderme alors que les récepteurs sensibles au chaud, liés à des fibres dépourvues de myéline (amyéliniques de type C) sont situés plus en profondeur, dans le derme. Si on a identifié les points sensibles à un abaissement de température, on n'a pas encore identifié avec certitude les points sensibles à une augmentation de la température de la peau.

Les électrorécepteurs

Les récepteurs sensibles au champ électrique existent chez de nombreux poissons d'eau douce mais à notre connaissance chez une seule espèce marine, le poisson-chat du genre Plotosus. Les requins possèdent ces organes sans être capables de créer un champ électrique.

Raie dans les eaux de Sibuyan aux Philippines.

En revanche, certaines raies comme les téléostéens (les gymnoformes comme l'anguille électrique et le poisson-couteau) et les torpédo (la torpille) possèdent des organes électriques (des muscles modifiés) capables de créer un champ électrique autour d'eux et de produire des chocs électriques pour chasser et se défendre.

Le requin peut détecter et éviter une barre de fer mais pas une barre en verre. En fait il détecte la composante électrique des mouvements de proies éventuelles (mouvements respiratoires, articulaires, etc). 

C'est pourquoi on dit en général à une personne qui tombe dans une eau infestée de requins d'éviter autant que possible de bouger. Le requin est également capable de détecter un émetteur électrique ou un haut-parleur enfoui dans le sable et indétectable par la vue ou l'odorat.

Quant aux raies, elles émettent des impulsions électriques de fréquence variable (0.1 à 1000 Hz) selon les espèces et les circonstances. Cette faculté électrique leur permet non seulement de détecter les obstacles en conditions nocturnes ou dans la boue mais également d'identifier leurs proies par électrolocalisation, de rechercher les partenaires sexuels et d'établir des relations sociales entre individus par électrocommunication.

Rappelons que le sonar des cétacés ou des chauves-souris est un organe électrique assimilé à la combinaison des sens de l'audition et de la vision puisqu'il leur permet de construire une carte tridimensionnelle de l'espace.

La magnétoréception

La sensibilité au champ magnétique, démontrée chez de nombreuses espèces, est surtout étudiée chez le pigeon voyageur. Quand il ne peut pas se repérer par rapport au paysage, au Soleil ou aux étoiles brillantes, le pigeon est capable d'orienter son vol dans le champ magnétique terrestre. On ignore l'essentiel des récepteurs et le mécanisme de cette faculté sensorielle, mais des recherches ont montré qu'elle dépend de la présence de cristaux de magnétite dans la région cervicale des pigeons.

Certaines bactéries marines disposent également de cette faculté, de même que les cétacés et des indices indiqueraient que le renard roux ou renard commun (Vulpes vulpes) profiterait également de cette faculter pour chasser.

Le cas du renard roux est intéressant. La rétine du renard dispose de cryptochromes (la "couleur cachée" en grec) qui sont des pigments intervenant notamment dans la détection du champ magnétique. Ils ont également été découverts et étudiés chez l'homme (dans la protéine hCRY2),  chez la souris, les insectes dont la drosophile (mouche des fruits) où ils jouent un rôle dans la régulation des rythmes circadiens (qui tirent profit de la lumière notamment).

Dans le cas du renard roux vivant en Amérique du Nord, cette faculté alliée à ses autres sens extrêmement développés (odorat, ouïe et sensibilité aux vibrations) lui permet de chasser en plein hiver alors que le sol est couvert d'une épaisse couche de neige plus haute que lui. Il semble qu'il perçoive le champ magnétique aussi bien que l'odeur ou les vibrations émises par ses proies. Son comportement a été filmé au cours d'une chasse en hiver. Voici le film.

A voir : Fox Dives Headfirst Into Snow | North America

Le renard polaire (gauche) et le mulotage du renard roux (droite). Documents Discovery et Michel Lamarche/Find Nature..

On constate que le renard roux est capable de détecter une souris cachée à 90 cm sous la neige. Le renard flaire ou détecte d'abord sa proie mais reste à bonne distance, jusqu'à 5 mètres de la cible potentielle. Ensuite, il prend quelques secondes pour examiner la cible en balayant la tête sur le côté puis se fige un instant et recommence comme s'il cherchait à détecter quelque chose. Puis, au moment où tous ses sens convergent probablement vers un seul point et que son sens magnétique lui indique la position exacte de la proie, comme on le voit ci-dessus à droite, le renard se cabre sur ses pattes arrières et d'un seul bon plonge les deux pattes antérieures jointes en avant à travers l'épaisseur de neige pour attraper et croquer sa proie, ce qu'on appelle le mulotage.

Comme l'explique un article publié en 2013 dans le webzine "Discovery", les chercheurs ont constaté que lorsque le renard se plaçait face au nord, il attrapait sa proie cachée sous la neige dans près de 75% des tentatives. Les chercheurs pensent que le renard utilise le champ géomagnétique pour réaliser une triangulation de la position de sa proie dans les trois dimensions.

Soulignons que le renard commun d'Europe ainsi que le chat chassent de la même façon mais au moyen d'un autre sens et à courte distance. Dans le cas du renard commun, il localise sa proie grâce aux ultrasons qu'elle émet en se déplaçant. Ensuite, il fait du mulotage, faisant un bond en l'air pour retomber pattes avant jointes exactement sur sa cible.

Les détecteurs polyvalents

Chez les animaux et principalement les insectes jusqu'à cinq sens peuvent être associés à un seul système de détection. Nous savons par exemple que le sonar, organe électrique et auditif du dauphin supplante sa vision dans l'obscurité ou les eaux troubles. De la même manière, la magnétite présente dans le cerveau des pigeons voyageurs leur permet de s'orienter et donc de "voir" les lignes de force qui épousent les reliefs du paysage. Mais d'autres animaux sont dotés d'organes bien plus complexes que cela.

Les antennes

Il s'agit d'appendices mobiles que l'on trouve généralement sur la tête des invertébrés marins (crustacés) et des insectes. Ce sont des organes sensoriels polyvalents. Elles sont composées de plusieurs segments recouverts de cils tactiles, les sensilles. Grâce aux sensilles, les insectes peuvent percevoir des informations comme l'odeur, le goût ou la texture d'un objet. Elles servent également à l'audition et la communication. Chez la fourmi les antennes sont constituées de 11 segments. Le plus long est appelé scape. Le second forme un coude tandis que les neuf autres segments sont plus petits.

Chez certains papillons de nuit, comme les sphinx ou le bombyx du mûrier (papillon du ver à soie), le mâle est pourvu d'antennes très développées, susceptibles de reconnaître dans l'air ambiant la présence de quelques molécules seulement de parfum et 30 fois plus rapidement que le nez de l'homme le plus entraîné. Ces papillons peuvent ainsi repérer une femelle éloignée d'une douzaine de kilomètres et aller à sa rencontre en suivant le vent et l'augmentation de la concentration du parfum.

A gauche, le spectaculaire bombyx perisomena caecigena mâle ou bombyx empereur d'automne. Ses antennes mesurent 1 cm de longueur. Il s'agit d'organes olfactif, gustatif, auditif et de communication. Chaque branche secondaire contient de nombreux sensilles spécialisés dans la détection des phéromones et du parfum des plantes qu'il est capable de détecter à plusieurs kilomètres de distance. A droite, anatomie de la ligne latérale. Documents K.-E. Kaissling/ Max-Planck Institut fuer Verhaltensphysiologie et Bassmaster.

La ligne latérale

Cet organe spécifique aux poissons et aux amphibiens est un détecteur de mouvement relatif dans l'eau. Il contrôle la nage. C'est également un organe auditif capable de détecter les sons graves qui font vibrer les neuromastes. Les fréquences optimales sont situées en dessous de 700-800 Hz.  Il est très proche de notre système auditif, qui en est probablement dérivé. La ligne latérale peut aussi être qualifiée d'organe tactile à distance car tout obstacle relativement volumineux qui s'en approche génère des ondes de pression détectables. La ligne latérale est linéaire ou brisée. Les cichlidés peuvent en avoir deux ou trois. C'est grâce à cet organe que le poisson ne heurte pas les parois de son aquarium et qu'il peut détecter les prédateurs qui s'approchent trop rapidement de lui. Elle intervient également dans les déplacements à l'unisson des bancs entiers de poissons. 

Les organes de Johnston

Chez certains les insectes, les organes auditifs (chordotonaux) sont complétés par l'organe de Johnston. C'est un organe de contrôle de vol qui leur permet d'évaluer leur vitesse relative dans l'air. Chez le moustique, l'organe de Johnston sert aussi d'organe auditif grâce auquel le mâle peut identifier et localiser la femelle grâce au bruit qu'elle fait en volant.

Les palpes

La plupart des insectes disposent d'un appendice sensoriel attaché aux pièces buccales (maxille ou labium) servant à palper et à goûter la nourriture. Se sont des organes tactiles, gustatifs et de préhension. Chez les fourmis les palpes maxillaires leur permettent d’apprécier le goût et la texture des aliments.

Et ailleurs...

A propos des "Petits hommes verts" vous voulez dire ? Devant l'extraordinaire variété des organes des sens qu'ont développé les organismes, on comprend aisément qu'il est pratiquement impossible de dresser le portrait d'une éventuelle créature extraterrestre sans verser dans la science-fiction; c'est déjà parfois de la "science-fiction" sur Terre quand on voit les moyens de détection et de défense active ou passive de certains animaux, surtout dans le règnes des micro-organismes, des insectes et des reptiles !

Laissons donc ce travail aux scénaristes de "Star Wars" et autre "Star Trek" à l'imagination débridée, mais certainement encore en deçà de la réalité, si jamais ces petits hommes verts ou gris existent, ce qui n'est évidemment pas démontré.

Pour plus d'informations

Microcosmos I (galerie d'images sur ce site)

La faculté d'adaptation (sur ce site)

La vision des couleurs (sur ce site)

Les modèles informatiques de l'évolution (sur ce site)

La vie sous toutes ses formes (sur ce site)

Le corps humain, René St-Jacques

Ressources en biochimie (CHH-PS)

Les champignons, Mycorance

Atlas des champignons

Papillon en liberté, G. et R.Boulet

Identifier une plante

Quel est donc cet oiseau ?

Shazam (app pour smartphone pour identifier des sons ou des musiques)

Project Noah

Darwin Centre at NHM

Guide to tropical butterflies & moths, Cambridge butterfly

Entomology 101: Study Of Insects For Beginners (guide).

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