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La faculté d'adaptation

Sommaire (I)

Dans les pages suivantes, nous allons dresser un éventail des facultés d'adaptation des organismes petits et grands en prenant pour exemple des cas extrêmes dans les différents règnes et biotopes pour bien saisir à quel point la vie déborde d'imagination pour s'adapter à n'importe quel environnement.

Ne pouvant pas transformer cet article en encyclopédie du vivant, nous passerons en revue les thèmes suivants :

- La biodiversité y compris les mensurations, les records et la longévité (cette page ci)

- Des besoins vitaux : boire et manger (page 2)

- Adaptation et accoutumance à l'eau, les bactéries mangeuses de métaux, l'adaptation des plantes (page 3)

- Les slimes, le protée, vivre dans les roches, vivre dans les nuages, sans oxygène et sans atmosphère, sans ADN mitochondrial, le ronronnement des félins et des viverridés, rouge sang, le mimétisme, le plantimal (page 4)

- Survivre au chaud et au froid, des organismes congelés ramenés à la vie après des millénaires, les immortels et les ressuscités, la régénérescence (page 5)

- Aux limites extrêmes (page 6).

Introduction

Dans les années 1980, le Pr Cyril Ponnamperuma, alors directeur de la division d'Astrobiologie du centre Ames de la NASA et auteur de nombreux livres sur l'origine de la vie, m'avait convaincu de l'intérêt qu'il y avait d'étudier la biodiversité des créatures vivant dans les milieux extrêmes pour tenter de compendre comment les organismes s'adaptaient à leur environnement et indirectement pour comprendre de quelles manières une éventuelle forme de vie extraterrestre pourrait se développer.

Son argument était simple : il suffit de consulter la liste des milieux extrêmes où la vie est soi-disant impossible mais où elle prolifère pour se rendre compte que cette liste ne fait que croître. Cela implique donc que les organismes, parfois complexes, peuvent s'adapter à des conditions que nous jugeons mortelles ou préjudiciables à toute forme de vie. Du même coup, cela décuple ou centuple l'éventail des niches écologiques extraterrestres potentielles.

Les conséquences de cette hypothèse sont en effet fascinantes : connaissant les conditions extrêmes de l'espace où l'apesanteur,  l'absence d'oxygène, le vide, le froid intense, les rayonnements ionisants, les turbulences ou la chaleur extrême règnent en maître, paradoxalement l'univers peut alors regorger de vie. Peut-être pas au milieu de l'espace vide et glacial ou sur une lune désertique sans atmosphère irradiée de rayons cosmiques, mais on pourrait éventuellement en découvrir sous le permafrost de Mars, dans les crevasses glaciaires d'Europe, près des cryovolcans de Titan ou dans l'atmosphère tumultueuse de Jupiter. Mais aussi dans l'espace, dans les nuages denses des nébuleuses ou les nuages protostellaires.

Reste à bien cerner les limites de la vie et de quelles manières elle s'adapte aux environnements jugés hostiles, trop chaud, trop froid, trop acide, ou supportant de très fortes pressions, des rayonnements ionisants, bref comment elle survit dans des lieux à l'image des affres de la damnation... Voyons cela en détails.

Nous savons que l'univers ne contient en moyenne que trois atomes au mètre cube. Dans une atmosphère gazeuse ou dans l'eau, nous avons plus de 1024 atomes au mètre cube. Dans ce milieu dense, les atomes ont beaucoup plus d'occasions de se combiner en molécules que dans l'espace. La terre ferme humide est plus propice encore. Dès que les premiers organismes se sont constitués ils ont conquis tous les milieux propices à leur évolution. Mais peuvent-ils réellement survivre dans des milieux extrêmes ?

Depuis environ 3.8 milliards d'années, les millions d'espèces d'organismes qui ont vécu sur Terre ont chacune développé des stratégies pour s'adapter à leur environnement. Voici un bref aperçu de leur étonnantes facultés d'adaptation.

Les conditions extrêmes de survie

Plus chaud (temporaire) : 150°C, Tardigrade (pendant quelques minutes)

Plus chaud (permanent) : 121°C, Strain121 (fumeurs du Pacifique)

Plus froid : -15 C°, Cryptoendoliths (Antarctique)

Radiation : 5 MRad (50 kGy) ou 5000x l'endurance humaine, Deinococcus radiodurans

Gravité : 1 million de g, Escherichia coli (dans une centrifugeuse)

Profondeur : 3.2 km sous la terre, 12 km sous la mer

Acide : pH 0.0 (la plupart des organismes vivent dans un milieu 100000x moins acide)

Basique : pH 12.8 (la plupart des organismes vivent dans un milieu 1000x moins basique)

Espace : 6 ans de survie dans le vide pour Bacillus subtilis retrouvé sur un satellite de la NASA

Pression : 1200x la pression atmosphérique ou 12 km d'eau

Salinité : 30% ou 9x la salinité du sang humain, Haloarcula

Plus petit organisme : < 0.1 micron ou 500x plus petit que l'épaisseur d'un cheveux, picoplancton

Références : D.Schulze-Makuch et L.N. Irwin (2018), A.C. Schuerger et W.L. Nicholson (2016), J.-P. de Vera et al. (2013), M.O. Schrenk et al. (2003) et A. Sharma et al. (2002).

Selon l'évolution darwinienne, seules les espèces adaptées à leur environnement survivent car leurs stratégies sont optimiséees pour répondre à la sélection naturelle. Ainsi, à toutes les échelles du règne du vivant, des cavernes les plus profondes aux sommet de l'atmosphère, du désert glacé à la jungle luxuriante torride, nous observons des organismes dotés d'extraordinaires performances en terme d'efficacité, d'économie d'énergie, de puissance, de résistance, de mimétisme, de résilience, etc. Non seulement ces solutions sont optimisées mais elles sont toujours favorables au développement de la vie, car dans le cas contraire l'espèce ne survit pas.

En observant les millions de formes de vie qui évoluent sur Terre, a priori leur existence n'est due qu'au hasard, associée à la loi du plus fort, c’est la sélection naturelle.

Si la vie n'est pas possible autour des étoiles bleues qui diffusent trop de rayonnements ultraviolets destructeurs, autour des étoiles binaires et variables où les formes de vie seraient à la merci des marées gravitationnelles et des écarts de température, la vie semble particulièrement bien adaptée sur les planètes en orbite autour des étoiles de la Séquence principale qui comprend les spectres des classes A jusque M, des jeunes étoiles géantes blanches jusqu'aux naines rouges très âgées. Car même si l'atmosphère est chargée de gaz sulfureux ou engendre des vents violents et des pressions titanesques, une forme de vie rudimentaire peut parfaitement s'y adapter. Cette symbiose sera d'autant plus parfaite que l'évolution aura modifié ces organismes.[1]

Robert Shapiro

La vie telle que nous la connaissons dispose de tous les atouts pour s'adapter à un environnement jugé hostile. En effet, l'impossibilité pour certains organismes de supporter certaines substances toxiques sera contrecarrée par une tolérance d'autres organismes.

Bien que la liste des critères qui permettent la vie soit restreinte, l'expérience que connaît la Terre depuis sa formation tend à ignorer cette liste.

Dans l'esprit de Robert Shapiro[2], chimiste et généticien à l'université de New York, la variété des niches biologiques a conduit à tant de formes de vie que ce phénomène traduit une adaptation continue des populations à l'écosystème, naturel ou artificiel. Si une forme d'énergie est disponible la vie jaillira. Bien sûr dans une situation limite, à l'intérieur du continent Antarctique ou à Agadir par exemple, la diversité des espèces est bouleversée car leur complexité ne leur permet plus de survivre dans un écosystème désertique glacé ou torride.

Le catalogue de la création est volumineux, mais il n'est rien eu égard au potentiel d'organismes qu'il peut créer, ici ou ailleurs. C'est une véritable leçon de symbiose naturelle que nous offre la biosphère. C'est aussi une bonne leçon d'écologie. Le biologiste américain Edward O. Wilson[3], connu entre autre pour ses recherches sur les fourmis, estimait en 1992 qu'il existait 1.4 million d'espèces vivantes, puis ce nombre est passé à 5, 30 et même 100 millions d'espèces. Mais nous en connaissons si peu que leur nombre peut être 100 ou 1000 fois supérieur, surtout en tenant compte du monde des microbes. On y reviendra à propos de la biodiversité.

Edward O. Wilson (photo prise en 1991) nous rappelle que pour chaque homme il existe 500000 insectes !

Il existe 751000 espèces d'insectes, 281000 espèces d'animaux et 248000 espèces de plantes, sans parler des centaines de milliers de virus, bactéries, champignons et autres protozoaires ! Mais ceci est le décompte actuel.

Selon les scientifiques, en raison de l'impact de l'homme sur l'environnement, si nous ne changeons pas nos habitudes, dans 50 ans, nous aurons exterminé un million d'espèces, y compris de nombreux mammifères supérieurs (baleines, ours, tigres, singes, etc) ! En parallèle nous découvrons en moyenne 16000 nouvelles espèces chaque année, y compris de nouvelles substances et molécules dont certaines peuvent être utiles à notre santé.

Bien sûr, au cours de l'évolution, des milliers d’espèces ont périodiquement disparu. Les causes peuvent être nombreuses : concentration de gaz toxique, chute de météorite, dose létale de rayonnement ionisant, éruption volcanique et autres tremblements de terre. Si nous prenons conscience de ces risques, nous découvrons que depuis 3 milliards d’années, traversant avec plus ou moins de succès ces cataclysmes, la vie su faire preuve de ténacité.

Toutefois, les dinosaures ont disparu et la Terre a déjà connu six extinctions majeures. Mais celle à laquelle nous assistons aujourd'hui est la plus rapide et la plus grave que connut la Terre depuis qu'elle porte la vie. Si nous ne prenons aucune mesure pour enrayer ce processus, nous pourrions assister à la 7e extinction... celle de l'homme ! Prenons en bien conscience. Nous reviendrons sur cette véritable hécatombe lorsque nous parlerons des problèmes écologiques, de la perte de biodiversité et de développement durable. Mais revenons à l'essentiel, la vie.

La variabilité de son adaptation est stupéfiante et s'illustre chaque jour sous nos yeux lors de la multiplication des animaux vivants en colonies, l'éclosion des plantes à fleurs ou la naissance des vertébrés.

Dans ce chatoiement de couleurs et de formes, l'appel désespéré des bébés nous signale que paradoxalement la vie reste un phénomène rare que nous devons protéger. Si l'apparition de la vie reste un mystère, cette passionnante aventure nous dévoile des phénomènes insoupçonnés, signes d'une évolution miraculeusement adaptée. Cette faculté d'adaptation des espèces à des relents de science-fiction mais puisqu’elle lie tous les êtres vivants sur Terre, elle est aussi très ancienne, très riche et très variée. Elle nous conduit à reposer les critères de survie d’une éventuelle forme de vie extraterrestre.

Nous savons que tout a débuté sur Terre il y a moins de quatre milliards d’années, au fond des mers, près des volcans ou dans la tiédeur des lagons réchauffés par la chaleur du Soleil. Selon les dernières études la vie serait apparue rapidement. Des molécules simples se sont agencées dans un ordre précis et s'organisèrent pour survivre. En s'enchaînant et se complexifiant, elles devinrent autonomes et capables de se reproduire. La première forme de vie était née.

Les biotopes originels

La vie est apparue sur Terre il a quelque 3.8 milliards d'années alors que sa surface était encore agitée par les activités volcanique et météoritique. Ailleurs l'eau la recouvrait en grande partie. Dans ces milieux presque stériles et perturbés, enveloppés d'une atmosphère irrespirable constituée de gaz carbonique, de méthane et d'ammoniac, des macro-molécules se sont pourtant accrochées à leur substrat et se sont agencées dans un ordre précis pour survivre. En se complexifiant elles devinrent autonomes et portèrent bientôt la vie. A gauche, une éruption volcanique dans ce qui deviendra le futur archipel d'Hawaï. A droite, la mer sous les Tropiques au coucher du Soleil. Documents C.Ford/T.Lombry et Pixgirl.

Ce processus physico-chimique a-t-il une chance de se reproduire ailleurs dans l’univers ? Les astrobiologistes n’ont pas encore de réponse précise à nous donner. Depuis que les astronomes étudient la constitution des comètes, des météorites ainsi que les molécules présentent dans l'espace, on se demande de plus en plus si la vie ne serait pas apparue dans l'espace et apportée sur Terre par l'un de ces vecteurs. Aujourd'hui la question reste ouverte car nulle part dans la banlieue de la Terre nous n'avons trouvé d'organisme vivant, ou les preuves que nous possédons nous laissent perplexe (principalement celles provenant de Mars). Tous les biologistes en revanche sont d’accord pour reconnaître qu’aux frontières de la vie, du sommet de l'atmosphère aux fonds abyssaux, la vie peut se développer. Loin de ressembler à une chimère, la vie qui peuple ces milieux extrêmes nous force à revenir à l’essentiel.

Biodiversité, mensurations, records

Lorsque la Terre se vit peupler pour la première fois de bactéries au Protérozoïque, il y a de cela 2.5 milliards d'années environ, l'évolution progressive des espèces vit défiler des créatures minuscules et géantes, de toute longévité et présentant des performances extraordinaires, en fonction de leur adaptation à leur environnement.

Mis à part le problème de la polyploïdie (formes géantes) et l'influence du rayonnement (mutations), la nature a tout essayé sans jamais commettre d'erreur, certains créatures pouvant toutefois être inadaptées à un changement d'environnement.

Passons brièvement en revue cet éventail de la création.

La merveilleuse Agalychnis callidryas ou grenouille arboricole aux yeux rouges (8 cm). Elle vit surtout dans la jungle d'Amérique centrale (Costa Rica, etc). Document D.R.

1. Performances physiques

Pour commencer, rappelons pour la simple curiosité et notre amusement quelques records d'aptitude physique ainsi que les mensurations extrêmes de quelques espèces actuelles. Si ces performances ne sont pas toujours cruciales pour la survie de ces créatures, elles témoignent malgré tout de leur parfaite adaptation à leur environnement.

Ne pouvant compter que sur leur physique et leurs facultés, la plupart des animaux ont un sérieux avantage sur l'homme. Prenons simplement leur physique. Si nous comparons les performances athlétiques des humains avec celles des animaux, le constat est clair, nous sommes relégués aux dernières places ! En effet, parmi les animaux de notre taille, nous savons par exemple que le guépard est un sprinter hors norme, capable de galoper à 110 km/h durant près d'une minute lorsqu'il chasse une gazelle ou un singe, eux-mêmes étant des athlètes accomplis.

Mais là où cela devient carrément fascinant c'est lorsque nous transposons les performances physiques des animaux à l'échelle humaine : nos records obtenus avec force et sueur sont pulvérisés ! Voyez plutôt.

Le scarabée rhinocéros soulève 54 tonnes ! Au saut en longueur, l'araignée sauteuse traverse un terrain de football (100 mètres) et la grenouille fait un bon de 178 mètres sans élan ! Au saut en hauteur, la puce dépasse les 600 mètres bien que son manque de précision la fasse atterrir en dehors du stade ! Enfin, le 100 m est bouclé en quelques fractions de secondes par le lézard ! Et ceci n'est qu'un exemple des records établis par les animaux et autres insectes car on pourrait également s'étendre sur leurs facultés sensorielles parfois extraordinaires (seuil de détection, étendue du spectre, portée de leurs sens, puissance du venin, etc).

Nous verrons dans d'autres articles consacrés au polymorphisme du monde et les facultés sensorielles que leurs moyens de détection (leurs sens) ou leur "armement" ferait peur à n'importe quel soldat, même équipé des moyens les plus sophistiqués... et ceci ne concerne pas seulement les vertébrés ou les insectes mais également certaines espèces du monde végétal qui, du fait de leur sédentarité ont dû développer des moyens de défense très sophistiqués pour survivre et faire face à la gourmandise de leurs prédateurs.

Les aptitudes des êtres vivants sont encore plus fascinantes si nous extrapolons la biodiversité terrestre aux exoplanètes à faible ou forte gravité, aux planètes liquides, désertiques ou glacées. Cet article se limitera cependant à la description de la biodiversité telle que nous la connaissons.

2. La longévité

La longévité des plantes comme des animaux est stupéfiante, à se demander quel but vise la nature en offrant un aussi large éventail d'adaptations.

Chez les mammifères, selon l'INSEE, en 2013 l'espérance de vie moyenne est de 78 ans chez l'homme (80 ans dans d'autres populations) et de 85 ans chez la femme. En 10 ans, l'espérance de vie a progressé d'environ 3 ans grâce notamment à l'amélioration des soins de santé. Mais il suffit qu'une pandémie décime la population pour que l'espérance de vie moyenne chute de quelques mois comme on l'a constaté durant la pandémie de Covid-19.

L'éphémère au stade imago. Selon les régions, il peut prendre une coloration rouge-brune ou vert-pomme. A ne pas confondre avec la chrysope. Document Lars Viberg.

Les records sont de 122 ans pour la Française Jeanne Calment née en 1875, 124 ans pour le Français Etienne Baqué né en 1700 et même 128 ans pour le Brésilien José Coelho de Souza) né en 1884.

Dans le règne animal vient ensuite la baleine bleue qui vit une centaine d'année, suivie par l'éléphant qui vit environ 70 ans.

Chez les reptiles, certaines tortues des îles Galápagos ont vécu 210 ans.

Dans le monde aquatique, les Naïades (nymphes aquatiques ou moule d'eau douce) comme la grande mulette (Margaritiferae) peuvent vivre 200 ans.

Le homard est le seul crustacé qui devient de plus en plus gros et fertile avec l’âge. Tout au long de sa vie, il grandit et duplique ses tissus. Le homard ne meurt pas de vieillesse mais parce qu'il n'a plus suffisamment de force pour muer et changer de carapace. Celle-ci commence alors à devenir sensible aux infections, elle se détériore et finit par le tuer mais pas avant une centaine d’années. Le homard le plus vieux avait 150 ans.

Le homard tire sa faculté de la télomérase, une enzyme qui permet de conserver la longueur des chromosomes en protégeant leurs extrémités, les télomères. En effet, normalement au cours de la vie les télomères s'allongent mais des facteurs génétiques et des maladies provoquent un raccourcissement ou une usure des télomères. Cette dégradation conduit à la sénescence de la cellule et à la mort de l'organisme.

On reviendra plus loin sur les animaux immortels ou capables de ressusciter (cf. page 5).

A l'inverse, la longévité de l'éphémère (Ephemera danica) est de 2 à 3 jours tandis que la libellule au stade imago vit entre 1 et 2 semaines. En revanche, une coccinelle peut vivre 2 à 3 ans.

Le minuscule tardigrade (hypsibius dujardini) vit aisément 60 ans, alternant des phases de stase et de vie active, mais peut survivre 2000 ans y compris après avoir été prisonnier des glaces. On dit même qu'il serait immortel. On y reviendra, tellement cet animal est extraordinaire.

Dans le règne végétal, la longévité est parfois extraordinaire. L'agave (de la même famille que l'Aloe vera) vit une centaine d'années et les fameux pins Araucaria du sud du Chili peuvent vivre 1000 ans.

Certains arbres peuvent survivre sans se cloner (sans que leurs branches au contact du sol se transforment en racines adventives ou sans que les racines ne remontent en surface et germent) plusieurs milliers d'années. Ainsi, dans un parc national situé près de Puerto Montt au Chili, l'Alerces (Fitzroya cupressoides) également appelé El Tata Alerce aurait 3650 ans. Le cyprès d'Abarqu "Zoroastnan Sarv" qui domine un petit parc dans la province de Yazd en Iran, aurait 4000 ans. Le pin de Californie (Pirus Aristata) vit plus de 4700 ans et le pin Bristlecone surnommé "Mathusalem" vivant en Californie est âgé de 4847 ans (2015).

Peupliers faux-trembles (Pando) à Fishlake National Forest, Utah. Document Scott.

Par clonage, on atteint des âges qui défient l'entendement. Ainsi, un épicéa vivant au nord-ouest de Stockholm en Suède avait 9550 ans en 2008 (cf. Science Daily) et était toujours debout en 2014 ! Depuis, il a donc probablement dépassé l'âge vénérable de 9560 ans ! Un groupe de pins Huon du nord-ouest de la Tasmanie est âgé de 10500 ans. Le créosotier "King Clone" qui vit dans le désert de Mojaves en Californie serait âgé de 11700 ans, tandis qu'un chêne de Palmer (Quercus palmeri) vivant sur la colline de Jurupa en Californie aurait plus de 13000 ans. Il forme un buisson mesurant 1 m de haut couvrant une surface de 28x5 m.

Le record est détenu par une colonie clonale de peupliers faux-trembles (Populus tremuloides) dit "Pando" vivant en Utah, prétendûment âgée de 80000 ans ! Ces arbres au tronc blanc moucheté et dont le feuillage présente une belle couleur jaune dorée ou verte est considéré comme le plus vieil organisme vivant sur Terre. Imaginez qu'il a cotoyé l'Homo sapiens !

La forêt comprend plus de 47000 arbres individuels et couvre 43 ha dans la Fishlake National Forest située au nord du Parc National de Bryce Canyon, dans le centre de l'Utah, où cette espèce fait partie du paysage depuis des milliers d'années. Voici sa position dans Google Maps (ou en 3D dans Google Earth) où on reconnaît très bien les peupliers faux-trembles à leur couleur jaune-orangée.

Toutefois, la longévité vénérable de Pando n'est pas confirmée par les scientifiques comme l'a expliqué la généticienne et écologiste moléculaire Karen Mock de l'Université d'Etat d'Utah dans une interview accordée au webzine "Deseret News" en 2010. En effet, malgré les analyses génétiques, il n'existe pas de moyen fiable pour déterminer l'âge d'un clone de peuplier faux-tremble. L'étude dendrologique (des cernes) ne permet pas de déterminer l'âge de la plante-mère : "Les estimations commencent avec de faibles valeurs, peut-être quelques milliers d'années et vont même jusqu'à un million d'années", explique Mock. "Personne ne le sait vraiment et nous n'avons aucune bon moyen de le savoir à ce stade, malheureusement".

En fait, il faudrait trouver des spécimens fossiles dans la population locale et calculer leur âge par datation au carbone-14 comme on l'a fait pour déterminer l'âge du Lomatia tasmanica.

Pour donner un ordre de grandeur raisonnable disons que Pando serait âgé entre 5000 et 10000 ans mais il est probable que de plus vieux individus existent dans la région.

A lire : Pando, menace sur les plus vieux arbres du monde (sur blog, 2014)

Fishlake National Forest

Aspect et feuille du peuplier faux-tremble. A droite du centre, des peupliers faux-trembles aux pieds du Mont Moran, à Grand Teton, au Wyoming don voici une vue 3D dans Google Maps. A droite, la distribution de l'espèce. Cet arbre s'est adapté à des climats secs et chauds endurant des températures de plus de 40°C dans le sud aux climats polaires de -40°C. Documents libres de droits et IRC.

Concernant la longévité des graines, elles se conservent tant qu'elles sont dans le fruit ou l'agrume ou en présence de substances inhibantes comme l'acide abcsissique, une phytohormone. Mais une fois libérées, les graines des pommes de pins par exemple doivent s'enraciner dans un rayon de 3 cm et en quelques jours sinon elles meurent.

Les graines potagères (poids, fève, haricot, tomate, pois, choux, oignon, céléri, persil, etc) peuvent rester en dormance, sans germination, entre 2 et 3 ans. Quelques espèces survivent jusqu'à 8 ans (bourrache, basilic, concombre et cornichon).

Mais il y a une exception : le houx Lomatia tasmanica de Tasmanie découvert en 1937 par Charles Denison King dont les graines peuvent vivre 43600 ans voire même trois fois plus longtemps ! Cet âge a pu être déterminé par datation au carbone-14 de fossiles trouvés à proximité d'un bouquet de clones toujours vivants. Le buisson original n'existe pas à l'endroit de sa découverte mais quelque 500 clônes couvrent une surface qui s'étend sur 1.2 km au sud de la Tasmanie. En l'absence de reproduction sexuée et du fait que cette espèce est vulnérable (elle est sensible aux maladies ainsi qu'au risque d'incendie), l'IUCN l'a placée en 2017 sur la Liste Rouge des espèces en danger critique d'extinction.

A gauche et au centre, le buisson de houx Royal de Tasmanie (Lomatia tasmanica) en fleur. A droite, le saule arctique (Salix arctica). Documents D.R. et NRCAN.

3. Les mensurations

Ce sont évidemment les microbes et autres micro-organismes qui sont les créatures les plus petites. Elles sont parfois réduites à une fraction de micron. Bien que pas vraiment vivants, les plus petits virus mesurent 18 nm. Avec 0.5 micron, les plus petits microbes et mitochondries sont déjà 27 fois plus grands.

Dans le monde macroscopique , la cellule la plus grande est bien sûr l'oeuf ! L'oeuf le plus gros appartenait à l'oiseau-éléphant géant de Madagascar (cf. cette vidéo), une espèce qui s'est éteinte entre le XVe et le  XVIIe siècle dont l'oeuf mesurait 30x22 cm ! De nos jours, c'est l'autruche qui pond l'oeuf le plus gros, mesurant en moyenne 18x14 cm pour un poids entre 1.2 et 1.8 kg. Il équivaut à environ 25 oeufs de poule ! Sa coquille mesure entre 2 et 3 mm d'épaisseur soit 10 fois plus que celle de l'oeuf de poule. La cuisson d'un oeuf d'autruche à la coque dure 35 minutes.

Par rapport à la taille de son corps, c'est le Kiwi qui a l'oeuf le plus gros. La femelle adulte qui a la taille d'une poule (25 à 65 cm au garrot) peut presque se cacher derrière son oeuf ! Sa taille peut représenter 20% de la taille et 25% du poids de l'adulte (contre 2% de la taille chez l'autruche).

Dans le règne végétal, le plus petit arbre est un saule arctique (Salix Arctica), il mesure entre 2 et 10 cm de haut afin de se protéger au mieux des intempéries alors que l'Eucalyptus regnans du sud de l'Australie - aujourd'hui en voie d'extinction dans la vallée du Styx en Tasmanie - peut culminer à 114 m de hauteur.

A gauche, deux photos du séquoia géant Général Sherman dans le Parc National de Séquoia dans le comté de Tulare, en Californie. Ce spécimen mesure 83 m de hauteur et plus de 34 m de circonférence (>11 m de diamètre) à la base. A 10 m de hauteur, il mesure encore plus de 16 m de circonférence (>5.3 m de diamètre). Il serait âgé entre 2300 et 2700 ans. Au centre, des "Redwoods" ou séquoias à feuilles d'if (Sequoia sempervirens) dans le Parc National de Redwoods, en Californie. La plupart des spécimens ont plus de 2000 ans. A droite, un Eucalyptus regans de Tasmanie mesurant ~75 m et âgé de 250 ans. Document D.R.

Dans le Parc National de Redwoods, en Californie, les "Redwoods" ou Séquoias à feuilles d'if (Sequoia sempervirens) ont plus de 2000 ans. Les individus Hyperion, Helios et Icarus mesurent respectivement 115, 114 et 113 m de haut et peuvent atteindre 24 m de circonférence (Lost Monarch Tree) ! Le séquoia géant d'Amérique du Nord (Sequoiadendron giganteum) peut mesurer 85 m de haut (le record est de 94.8 m), 34 m de circonférence (Boole Tree), peser plus de 2000 tonnes et vivrait ~2700 ans ! La différence entre les deux espèces est que le Redwood est plus grand, plus étroit, il préfère les milieux sombres et humides, une pluviosité abondante et un brouillard persistant (qu'on trouve dans les "forêts cathédrales"). Le séquoia géant est plus petit mais plus large, il craint les extrêmes comme le gel, l'excès de Soleil et les coups de vents violents.

La fleur la plus grande est l'Amorphophallus titanum; mesurant 3 m de haut elle ne fleurit que durant 3 semaines tous les 30 ans en libérant une odeur pestilentielle qui attire les insectes...et le public.

L'Amorphophallus titanum en floraison en novembre 2005 au jardin botanique du Smithsonian, à Washington, un gros-plan sur son coeur photographié au jardin botanique d'Huntington en Californie en juillet 1999, et fané début août 1999. Voici une image prise en 1999 vous permettant d'apprécier la taille de cette fleur exceptionnelle. Un homme peut sentir son odeur nauséabonde (entre viande avariée et poisson pourri) jusqu'à... 800 m de distance ! Documents R Wiltshire, Smithsonian et Huntington.

Dans le règne animal, les mensurations des chiens (qui descendent du loup mais dont les variétés sont artificielles) varient entre 113 g et 6.3 cm au garrot pour le Yorkshire Terrier (le record est détenu par un chien Papillon nommé Dylan pesant 25 g à la naissance suivi par Noki) et le Old English Mastiff pesant jusqu'à 155 kg et mesurant entre 76 cm et 1 m au garrot ! Parmi les chats, le Maine Coon peut-être particulièrement imposant. Des spécimens ont mesuré de 1 m à l.20 m de la tête à la queue et pesé jusqu'à 9 kg !

Le plus grand reptile terrestre vivant est un serpent, l'anaconda géant (Eunectes murinus) qui vit en Amérique centrale et du sud. Il peut mesurer jusque 8.45 m et peser 230 kg. Viennent ensuite le crocodile marin qui peut mesurer 7 m de long et peser près d'une tonne et le varan de Komodo qui peut atteindre 3.13 m de longueur et peser 166 kg, deux fois plus qu'un individu moyen.

Quant aux tortues géantes, de très grands individus vivent dans l'archipel des Galápagos où ils atteignent leur taille maximum vers 30 ans. Le record est détenu par Goliath, un spécimen pesant 417 kg et mesurant 1.87 m de longueur. Né en 1960, il vécut 42 ans.

Les tortues ayant la grande longévité appartiennent à l'espèce d'Aldabra (Aldabrachelys gigantea) qui vit sur l'atoll d'Aldabra aux Seychelles. La plus âgée est Jonathan née en 1832. Cette tortue géante appartient à la sous-espèce Aldabrachelys gigantea hololissa. Jonathan fêtera son 190e anniversaire en 2022 et vit aujourd'hui sur l'île de Saint Hélène dans le Pacifique Sud. Elle battera alors le record précédemment détenu par Tu'i Malila née à Madagascar en 1777 et morte aux Tonga en 1966 à 189 ans.

A gauche, une tortue des Galápagos. Au centre, une tortue géante des Seychelles avec son bébé. A droite, un brookésie ou caméléon-nain. L'espèce Brookesia micra mesure 20 mm sans la queue. Documents UNM, D.R et M.Vences et al. (2012).

Le plus petit vertébré est un minuscule caméléon brookésie (Brookesia micra) découvert en 2007 au nord de Madagascar : la forme adulte mesure 29 mm avec la queue ! (cf. M.Vences et al., 2012).

Dans l'air plane l'albatros avec ses 3 m d'envergure tandis que l'oiseau-mouche abeille de Cuba (Mellisuga helenae ou Zunzuncito) atteint 28 mm toutes ailes déployées pour environ 6 cm de longueur. L'autruche fait 2.5 m au garrot et s'esclafferait en voyant un colibri abeille qui mesure 5.5 cm et pèse 1.95 g.

Dans les eaux du Pacifique au large du Japon, au milieu du zooplancton à peine visible se côtoient des baleines bleues 33 m de longueur pesant 190 tonnes et des crabes macrocheire (Macrocheira kaempferi) de 3.7 m d'envergure et pesant 20 kg.

Ailleurs, on trouve de minuscules poissons ou des hippocampes nains mesurant à peine quelques millimètres et des crabes petits poids (Pinnotheres pisum) mesurant au maximum 6 mm d'envergure.

De nos jours, le plus grand invertébré vit dans les abysses, sans doute entre 500 et 1000 m de profondeur, c'est un décapode, l'Architeuthis ou calmar géant. Il peut mesurer 20 m avec ses tentacules et peser 900 kg. Il fut le cauchemar des pêcheurs depuis l'Antiquité.

A consulter : Extreme Science

Quand la vie bat tous les records

Ci-dessus, une baleine mégaptère (baleine à bosse) avec son bébé et un crabe Machrocheire. Ci-dessous, un varan ou Dragon de Komodo, une autruche et le colibri abeille. Documents D.R., U.Frankfurt, USO/GettyImages, D.R. et Robert Tyrrell.

Ces animaux bien que géants sont des nains comparés aux espèces préhistoriques. Nous verrons à propos des grandes étapes du développement de la Terre et de la vie, que c'est à l'ère du Paléozoïque il y a 542 millions d'années que la vie proliféra dans les océans, aidée par une abondante flore aquatique. Chaque période d’extinction fut suivie par une prolifération de nouvelles espèces dans un monde toujours plus riche, à ce point que 10000 nouvelles espèces apparurent au Cambrien, il y a 500 millions d'années[4]

Puis des espèces géantes sont apparues au Mézozoïque (Trias, Jurassique et Crétacé) il y a 252 à 65.5 millions d'années, probablement dopées par une atmosphère et des eaux très riches en oxygène. Aujourd'hui, la plupart des êtres vivants remontent à la période qui suivit l'extinction des grands sauriens, il y a 66 millions d'années à la fin de l'ère secondaire (Crétacé).

Ci et là des fossiles vivants survivent depuis l'ère primaire, tels la limule, la méduse, le coelacanthe, le nautile, le requin ou les extrêmophiles. Ailleurs, l'évolution a conservé des espèces hybrides, les curieux anableps (périophthalmes) ou les dipneustes. Pour une raison inconnue, des mammifères tels le dauphin ou la baleine sont retournés à la mer, comme d'autres l'ont quittée définitivement.

Penchons-nous sur cette biodiversité si étonnante et si précieuse et voyons comment certains organismes survivent dans des conditions jugées hostiles pour la plupart des autres espèces. Leurs facultés nous permettront par ailleurs d'élaborer des stratégies pour rechercher d'éventuelles formes de vie ailleurs dans le système solaire ainsi que dans le cadre des programmes SETI, autant de thèmes que nous approfondirons dans d'autres articles.

Prochain chapitre

Des besoins vitaux : boire et manger

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[1] A propos de l'évolution des organismes et de leurs comportements, lire A.Tetry, "Les outils chez les êtres vivants", Gallimard, 1948 - R.Chauvin, "La biologie de l'esprit", Ed.du Rocher, 1985 - Eibl-Eibesfeldt, "Ethologie ; biologie du comportement", Naturalia et Biologica, 1977 - “La vie dans les milieux extrêmes”, Dossier Pour La Science, Octobre 1994.

[2] R.Shapiro et G.Feinberg, "Life beyond earth", William Morrow and Company, 1980.

[3] E.Wilson, “The Diversity of Life”, Cambridge University Press, 1992, p134.

[4] A propos des dinosaures lire, E. Buffertaut, “Les dinosaures”, PUF-Que sais-je ?, 2827, 1993 - National Geographic, 183, jan. 1993, p2 - A propos de l’explosion de la vie au Cambrien lire, National Geographic, 184, oct. 1993, p120 - Stephen J.Gould, "La vie est belle", Seuil, 1991.


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