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Météorologie élémentaire Les nuages (I) Un nuage est un ensemble visible de minuscules particules d'eau condensée, liquide ou glacée ou les deux à la fois, en suspension dans l'atmosphère. En fait, si on observe un petit cumulus ou un fracto-status à quelques mètres de distante, on constate qu'il est entouré de filaments composés de fines gouttelettes qui s'échappent du nuage et ont tendance à tomber vers le sol par la force d'attraction. C'est le même phénomène qu'on observe à grande échelle dans les virga qui tombent des nuages d'averse et qui s'évaporent avant de toucher le sol. Les gouttelettes individuelles dont sont constitués les nuages sont nettement plus grandes que la longueur d'onde de la lumière rouge (650 nm) et mesurent entre 5 et 100 microns selon les genres, en excluant les nuages d'orage où la taille des gouttes peut être dix ou cent fois plus grande par coalescence. A ne pas confondre avec la vapeur d'eau présente dans l'atmosphère et invisible (mais détectable) qui forme les "rivières volantes" qui peuvent également former des nuages et des précipitations. Comment se forme un nuage ? La formation d'un nuage est liée au déplacement des masses d'air stables ou instables. L'air chaud composé de vapeur d'eau à tendance à s'élever en altitude. Sous l'action du froid, parvenue au niveau de condensation de la masse d'air, cette vapeur se condense sur des impuretés et devient visible. Il est facile de reproduire ce phénomène en hiver lorsque la température extérieure chute en dessous de -20°C. Comme le montre la vidéo suivante, il suffit de jeter de l'eau très chaude dans l'air pour qu'elle se condense immédiatement. C'est le même phénomène qui forme les traînées de condensation des avions. A voir : Quand l'eau devient nuage Condensation d'eau chaude par -22° à -33°C Un nuage peut contenir des particules d'eau liquide ou de glace de différentes dimensions, des particules liquides non aqueuses ou des particules solides, provenant par exemple de vapeurs industrielles, de fumées ou de poussière ainsi que des bactéries dont l'effet est loin d'être négligeable sur la formation des précipitations. Sous leur poids ces particules ont tendance à tomber mais étant très légères en début de cycle, les frottements de l'air s'opposent à leur chute, si bien que le nuage semble rester en suspension dans l'air bien qu'en réalité les gouttelettes tombent à raison de quelques centimètres par seconde. Lorsque les gouttelettes grossissent, lorsqu'elles deviennent plus denses que la masse volumique de l'air, elles tombent par gravité puis selon les conditions météos se transforment en cristaux de glace, neige, grésil, pluie ou grêlon dont la vitesse de chute peut centupler si les vents sont forts. Comment un nuage se maintient-il dans l'air ? La question peut sembler naïve mais il a tout de même fallut faire appel à la science pour comprendre ce phénomène. La difficulté est que l'air est transparent et qu'on ne perçoit donc pas directement de quelle manière un nuage "flotte" dans l'air car c'est bien de ce mécanisme qu'il s'agit. Pour déterminer le poids d'un nuage, nous devons connaître deux paramètres : - le poids des gouttelettes d'eau contenues dans le nuage - le poids des gouttelettes d'eau ajouté au poids de l'air (dont la plus grande partie se situe au-dessus du nuage et fait pression sur lui). Nous avons vu à propos de la pression, qu'au niveau de la mer le poids de l'air représente une force de 1 kg/cm2 (1 atmosphère). Le poids d'un volume donné est caractérisé par sa densité. Pour comprendre pourquoi un nuage flotte dans l'air (ou plutôt ne tombe que très lentement), la clé de l'énigme est sa densité : la matière contenue dans le volume d'un nuage est moins dense que le même volume d'air sec (c'est pour la même raison que l'huile flotte sur l'eau car elle est moins dense que cette dernière). Autrement dit, un nuage "flotte sur l'air" parce que l'humidité qu'il contient est moins dense que l'air sec. Cumulus congestus entourant un cumulonimbus caractérisé par son sommet en forme d'enclume. Photographie prise à Swifts Creek, à Victoria en Australie. Si on pouvait passer la main dans un petit nuage cumuliforme (ce que peut faire un parachutiste), en la retirant on constaterait qu'elle serait humide. Plusieurs expériences scientifiques ont été réalisées soit avec une grosse éponge d'environ 1 m3 attachée sous un hélicoptère ou des sondes fixées sur des ballons dirigeables pour estimer ou mesurer la quantité d'eau contenue dans un petit cumulus humulis de quelques dizaines de mètres de diamètre. En passant à travers ce nuage, le poids de l'éponge augmenta de 25%. On estime que ce petit nuage de beau temps présentait une masse volumique d'environ 0.2 g/m3. On obtient la même valeur avec une sonde électronique. Pour un volume de 20000 m3, cela représente un poids de 4 tonnes ! Tout en étant très lourd dans l'absolu, ce nuage flotte au-dessus de notre tête parce que l'air situé en dessous est encore plus dense avec une masse volumique d'environ 1.7 kg/m3. Bien sûr, si le nuage devient plus dense que l'air, il finira par tomber, c'est-à-dire par former du brouillard ou divers types d'aérosols (bruine, pluie, neige, etc.). Un cumulus congestus d'un volume de 1 km3 situé à 2 km d'altitude est assez petit pour être caché en tendant le bras, la main ouverte (~5°). Ce nuage est équivalent à un cube de 1 km de côté. Composé d'eau, sa masse volumique est d'environ 0.551 g/m3 soit une densité de ~0.5. Sachant que 1 km3 contient 1 milliard de mètres cubes (109 m3), un nuage de 1 km3 constitué de gouttelettes d'eau pèse 109 x 0.551 = 551000 kg soit 551 tonnes ! Si sa densité est plus importante, son poids peut doubler. En résumé, en fonction de son développement, un cumulus représente entre 200 et 2000 tonnes d'eau.
Quant aux cumulonimbus, contenant cette fois bien plus de gouttelettes d'eau de grandes tailles (jusqu'au millimètre sinon davantage), ils peuvent être dix fois plus denses. Un cumulonimbus annonciateur d'orage peut peser entre 50000 et 800000 tonnes. On estime qu'une cellule orageuse de 50 km2 pèse jusqu'à 1 million de tonnes tandis que les supercellules orageuses peuvent atteindre 25 millions de tonnes ! Cela équivaut à un iceberg de 200 m de long et 75 m de hauteur dont l'énergie potentielle équivaut à la bombe de Nagasaki (22 kt de TNT) ! On estime que l'ensemble des nuages représente 129 milliards de tonnes d'eau. Sachant qu'un nuage est composé d'eau et connaissant les propriétés de l'eau lors de ses changements d'états, pour comprendre pourquoi un nuage se maintient dans l'air, il faut mesurer sa température et plus précisément calculer son énergie calorifique. Nous avons vu à propos des transformations de l'air et des notions de stabilité et d'instabilité que la température entre la base et le sommet d'un nuage ou d'une masse d'air dépend de la production d'énergie calorifique. L'atmosphère se refroidit selon un gradient thermique adiabatique. A travers les gouttelettes d'eau (vapeur) qu'il contient, un nuage produit de la chaleur, ce qu'on appelle d'un point de vue thermodynamique l'enthalpie de changement d'état (anciennement la chaleur latente de changement d'état). Elle représente la quantité de chaleur nécessaire pour qu'une unité de matière (ou de masse) change d'état, à pression constante. Dans le cas de l'eau, l'enthalpie de vaporisation qui accompagne la transformation de la molécule d'eau liquide en gaz représente une énergie de 2256 kJ/kg. C'est cette libération d'énergie sous forme de chaleur qui explique pourquoi lorsque nous sommes mouillés, en séchant nous avons froid car la température superficielle de notre corps diminue. Cette énergie qui dépend donc de l'état de la matière (solide, liquide, gaz) est la source motrice des nuages et de tous les systèmes météorologiques, ce qui explique la nature souvent violente des cellules orageuses. Pourquoi les nuages sont-ils blancs ? Comme on le voit ci-dessous, c'est la diffusion de Mie qui explique la couleur laiteuse des nuages : la diffusion s'applique de la même manière à toutes les longueurs d'ondes. La lumière rouge est donc autant diffusée que la lumière bleue. Ensuite toutes les couleurs sont elles-mêmes rétrodiffusées. Globalement, les nuages ont la même couleur que celle de la lumière solaire qui les frappe (un effet similaire se produit à la surface du lait). Les nuages peuvent devenir gris, jaunes ou oranges en raison des impuretés présentes dans l'atmosphère à l'occasion de fortes instabilités (orages) ou suite à la diffusion accentuée de la lumière solaire à l'aube et au crépuscule (cf. les couchers de soleil) auxquelles s'ajoute l'effet des ombres. Classification des nuages Pourquoi les nuages sont-ils si différents en aspect et en couleurs ? L'aspect d'un nuage dépend essentiellement de la nature, des dimensions, du nombre et de la répartition dans l'espace des particules dont il est constitué. Il dépend aussi de la turbulence et des courants d'air qui s'y développent. Son aspect visuel dépend de l'intensité et de la couleur de la lumière qui l'éclaire (diffusion de Mie), ainsi que des positions relatives de l'observateur et de la source de lumière par rapport au nuage. A consulter à l'OMM : Atlas International des Nuages 2017 Atlas International des Nuages v2 1987 (PDF) et version UK Les nuages sont en perpétuelle évolution et se présentent par conséquent sous une infinie variété de formes. Il est toutefois possible de regrouper les nuages en quelques familles présentant des similitudes et des caractéristiques communes que l'on observe fréquemment. La classification des nuages utilisée aujourd'hui est essentiellement basée sur l'existence de dix groupes principaux, appelés "genres" qui s'excluent mutuellement. Selon la nomenclature approuvée par l'OMM en 1956 et mise à jour en 2017, les différents types de nuages sont répartis dans les dix genres suivants :
Pour préciser la nature de ces nuages, les genres ont été divisés en 14 espèces désignées par un terme latin, par exemple cirrus spissatus, cirrocumulus floccus, stratocumulus lenticularis, cumulonimbus capillatus, cumulus humilis, etc. Ces espèces constituent autant de catégories distinctes. Les espèces ne s'appliquent pas indifféremment à n'importe quel type de nuage; certaines sont propres aux cirrus, d'autres aux cumulus ou encore aux cumulonimbus.
Ces espèces sont elles-mêmes divisées en 8 variétés qui décrivent leur aspect visuel : undulatus, radiatus, perlucidus, etc. On attribue également une forme caractéristique à certaines variétés de nuages en fonction des phénomènes annexes qui leur sont associés : virga, mamma, pannus, etc. La plupart de ces désignations sont associées à des nuages de pluie ou d'orage dont la base accuse des phénomènes très inhabituels lorsqu'elle descend tout près du sol en réaction à des effets orographiques, à des effets de sol, aux rafales, au gradient thermique, etc. Enfin, le cas échéant, on désigne également le genre de nuages qui leur a donné naissance : cumulonimbogenitus, mutatus, etc (voir plus bas).
Depuis 2017, le nouvel Atlas International des Nuages de l'OMM reprend également cinq nouveaux "nuages spéciaux" : cataractagenitus, flammagenitus, homogenitus, silvagenitus et homomutatus. Les traînées de condensation qui se forment dans le ciel à l’arrière des avions seront appelées Cirrus homogenitus (contrails) ou Cirrus homomutatus selon l'origine de sa formation. A consulter : Descriptions des nuages du Groupe 8 (SYNOP)
Ainsi que nous l'avons dit, les qualificatifs présentés dans ces tableaux ne s'appliquent pas partout et toujours ni à tous les genres de nuages. La plupart se contentent d'une détermination en genre et espèce : cirrus fibratus, cumulonimbus uncinus, stratocumulus stratiformis, etc. Cette classification permet aux amateurs d'identifier plus facilement les nuages et aux observateurs-météorologistes de compléter leurs rapports d'observations, en particulier le groupe des nuages mentionné dans le groupe 8 du SYNOP. A propos du facteur "pyro" Le qualificatif "pyro" fut proposé en 2017 par l'OMM. Il caractérise un nuage cumuliforme qui se forme suite aux mouvements convectifs engendrés au-dessus d’une source de chaleur intense : des feux de forêts, une éruption volcanique, une bombe atomique ainsi que les cheminées industrielles ou les réfrigérants des centrales nucléaires comme illustré ci-dessous. Il concerne les cumulus humilis, mediocris, congestus et même les cumulonimbus. Les pyrocumulus peuvent produire de la pluie ou de la grêle parfois mêlée de suie, de la foudre, des rafales de vent et même parfois des tornades. S'ils se forment au-dessus d'un volcan, en raison de la friction provoquée par les cendres, ils peuvent produire de la foudre.
A propos de la forme "asperitas" Une nouvelle forme de nuage fut identifiée en 2009, l'Altostratus undulatus asperitas (anciennement A. asperatus). Elle fut notamment observée aux Etats-Unis pendand les tornades, en France, aux Pays-Bas, en Italie et en Belgique pendant ou après de violents orages. On a également observé cette forme en 2013 à Taichung (Taiwan) pendant le passage du typhon Soulik. Cette forme fut acceptée par l'OMM en 2017 et publiée dans le nouvel Atlas International des Nuages (cf. la "Table of supplementary features"). La forme asperitas peut apparaître avec les Altocumulus, les Altostratus et les Cumulonimbus sans que cette liste ne soit exhaustive. Quelques photos d'asperitas sont présentées dans la galerie consacrée aux Altostratus où cette forme est la plus commune tout en étant rare. Altitude des nuages D'un point de vue opérationnel, il est aussi très important de préciser le niveau auquel se situe la base et le sommet des nuages. La partie de l'atmosphère dans laquelle se présentent habituellement les nuages a été divisée en trois étages : - Supérieur - Moyen - Inférieur Laissons pour l'instant de côté les nuages nacrés qui évoluent vers 25 et 85 km d'altitude pour une raison qui demeure encore largement inconnue. Nous y reviendrons en 3e page. Les limites des "étages" de l'atmosphère sont fonction de l'altitude. Le tableau ci-dessous donne ces limites pour les régions polaires, tempérées et tropicales (1 m = 3 pieds).
Comment connaître l'altitude d'un nuage ? Les nuages d'un certain genre se retrouvent le plus fréquemment dans les étages suivants : - Etage supérieur : cirrus (Ci), cirrocumulus (Cc), cirrostratus (Cs) - Etage moyen : altocumulus (Ac), altostratus (As), nimbostratus (Ns)° - Etage inférieur : stratocumulus (Sc), cumulus (Cu)°, cumulonimbus (Cb)°, stratus (St). C'est cette distribution qui a donné leur surnom aux familles de nuages : nuages bas, nuages moyens et nuages élevés.
° Il y a 3 exceptions. Si la hauteur d'un nuage se définit toujours par rapport à sa base, le nimbostratus (Ns) est presque invariablement observé au-delà de 2000 m d'altitude (6500'), dans l'étage moyen, mais il déborde généralement dans les deux autres étages lorsqu'il déverse ses précipitations. Les cumulus (Cu) et cumulonimbus (Cb) ont habituellement leurs bases dans l'étage inférieur, mais sous l'effet d'une forte activité convective ils peuvent présentent une telle extension verticale que leurs sommets atteignent souvent l'étage supérieur. Si vous avez des difficultés pour identifier un nuage, une solution consiste à essayer de déterminer son altitude par comparaison avec des couches nuageuses situées à d'autres niveaux. En identifiant une couche nuageuse située plus bas ou plus haut, vous aurez plus de facilité pour identifier celle posant problème. S'il n'y a pas d'autres nuages dans le ciel, il fut procéder par déduction (par rapport à leur vitesse de déplacement, l'altitude des reliefs, des avions éventuels). Si les nuages sont vus d'avion en haute altitude, sans donnée altimétrique, il faut essayer d'identifier les nuages bas par rapport à la hauteur des reliefs ou des structures artificielles (par ex. une tour, une cheminée, une éolienne, un pylone HT ou de communication traversant une couche de stratus bas) ainsi que les cirrus facilement reconnaissables, puis identifier les nuages des niveaux intermédiaires en observant la structure de chaque couche (continue, morcellée, laminaire, ondulante, bourgeonnante, etc). Maintenant que nous avons classé les nuages en fonction de leur altitude ainsi qu'en différents genres, variétés et formes, nous pouvons également classer certains d'entre eux en fonction du processus physique qui leur donne naissance. Deuxième partie
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