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Météorologie élémentaire Les vents régionaux connus (III) La mousson Les effets associés à ce phénomène sont certainement les plus connus tant son influence se ressent à travers les continents. Ce nom est dérivé d'un mot arabe qui signifie "saison" et désigne, à l'origine, les vents de la mer d'Arabie qui soufflent du nord-est durant six mois et du sud-ouest les six autres mois. Cette appellation a été étendue et désigne aujourd'hui certains autres vents qui soufflent avec une grande persistance et une grande régularité à certaines époques de l'année. Ces vents trouvent leur origine dans la différence saisonnière existant entre la température des mers et celle des terres. Ces vents sont analogues aux brises de terre et de mer, mais leur période s'étend sur un an au lieu d'une journée, et ils soufflent sur de grandes régions au lieu de régions limitées. Près de l'équateur, les changements saisonniers de la température sont en général trop faibles pour provoquer la formation de mousson. Aux hautes latitudes et dans les régions polaires, la composante du vent due aux contrastes entre température de la mer et température de la terre est tout juste suffisante pour modifier très légèrement la circulation générale. Les régions les plus favorables au développement de la mousson sont les latitudes moyennes près des Tropiques. La quantité de vapeur d'eau (déterminée par la longueur de la trajectoire antérieure sur mer) entraînée par le vent soufflant vers la terre et la topographie de la région sur laquelle cette vapeur d'eau est entraînée ont une grande influence sur la quantité de précipitations associées à la mousson soufflant de la mer vers la terre. Sur l'Asie Centrale, il se crée en été une zone dépressionnaire très accentuée qui constitue un appel d'air dont l'action se fait sentir sur le Pacifique occidental et sur tout l'Océan Indien. C'est la mousson d'été ou mousson de sud-ouest qui amène sur le sud du continent des masses d'air chaud et humide et donnant sur le relief des précipitations très abondantes. Selon l'OMS, le record mondial de pluie se trouve à Cherrapunji (25°N, 91°E), en Inde, avec 26.47 mètres de précipitation par an entre 1860-1861 ! Ce chiffre est d'autant plus remarquable que les pluies ne durent que quelques mois et sont suivies d'une longue sécheresse. Sinon, plus récemment, c'est l'île de la Réunion qui bat les records avec 1.82 m de précipitations en 24 heures, 3.93 m en 72 heures et 4.94 m en 96 heures (2007) ! En hiver, au contraire, une puissante zone anticyclonique s'organise au coeur de l'Asie et les masses d'air froid et sec descendent vers les régions équatoriales où elles se transforment rapidement et où elles se confondent avec les alizés de l'hémisphère nord. C'est la mousson d'hiver ou mousson du nord-est. D'une façon générale, tous les continents produisent dans la zone intertropicale des effets de mousson qui se traduisent par l'existence d'une composante dirigée vers le continent durant la saison chaude et vers la mer durant la saison fraîche. Ce phénomène est particulièrement important en Afrique occidentale où les éléments météorologiques sont rythmés chaque année par le flux et le reflux de la mousson de sud-ouest. On l'observe également en Amérique du Sud, en Afrique australe, en Australie et même, bien qu'à un degré moindre, aux Etats-Unis. Sirocco C'est un vent chaud qui souffle du sud ou du sud-est à l'avant des dépressions qui se déplacent d'ouest en est à travers la Méditerranée. Comme ce vent est originaire du désert du Sahara, il est très chaud et très sec lorsqu'il atteint la côte nord de l'Afrique; d'autant plus que l'air subit une descente des plateaux de l'intérieur vers les côtes. En traversant la Méditerranée, l'évaporation intervient et lorsque le vent atteint Malte, la Sicile et l'Italie, il est chaud et humide. Le terme sirocco est utilisé dans certaines régions méditerranéennes pour désigner un vent chaud du sud quelle que soit l'humidité de l'air. Ce vent peut évidemment transporter le sable du Sahara vers l'Italie notamment, comme le prouve les deux photos présentées ci-dessous. La suspension de poussière dans l'atmosphère peut affecter la qualité de l'air, la visibilité et la santé. Nous verrons dans un autre article que ces aérosols contiennent des milliards de virus et bactéries. A
voir : Early April 2024 Saharan dust event to Western Europe,
NIOZ
Comme illustré ci-dessus au centre, les 2 et 3 février 2025, les habitants du sud de l'Italie eurent la désagréable surprise de voir tomber du ciel des nuages de poussière provenant du Sahara transportée par un cyclone originaire d'Afrique du Nord. La poussière fut transportée par de fortes rafales de vent jusqu'en Sicile et en Calabre, où le ciel prit une teinte jaunâtre. Le lendemain, la poussière se déplaça vers l'est et la Grèce. Ce phénomène est particulièrement marqué au printemps et en été, et il peut aussi entraîner des précipitations boueuses lorsqu'il rencontre de l'air humide en Méditerranée. Mistral C'est un vent du nord-ouest ou du nord qui souffle de la terre sur la côte de la Méditerranée de l'Ebre jusqu'à Gênes. Ses caractéristiques principales, dans les régions où sont développement est le mieux marqué, sont sa fréquence, sa force et sa sécheresse froide. Il est le plus souvent intense sur les côtes du Languedoc (c'est la tramontane) et de la Provence, spécialement dans la vallée du Rhône et à son embouchure. Les vitesses maximales enregistrées dans ces régions sont d'environ 150 km/h (80 noeuds) à la côte et plus de 300 km/h (160 noeuds) dans la vallée du Rhône. Harmattan C'est un vent du nord-est, quelquefois d'est, qui souffle sur le nord-ouest de l'Afrique. Sa zone d'influence s'étend jusqu'à 5°N en janvier et 18°N en juillet. On le trouve, en altitude, au sud de cette limite où il surmonte la mousson de sud-ouest. Ce nom vient du mot arabe habb qui signifie "souffler" et est généralement utilisé pour désigner le passage d'une masse de sable tourbillonnant, accompagnée le plus souvent d'une brusque augmentation de la vitesse et d'un changement de direction du vent, d'une chute soudaine de la température et de très faibles visibilités en raison des poussières en suspension dans l'air. Il est souvent suivi de pluies violentes et parfois d'orages. Les haboobs se manifestent dans la partie nord et sud-est du Soudan et le plus fréquemment aux environs de Karthoum où se produisent principalement entre mai et septembre. Cependant ces nuages de sable se forment à n'importe quelle époque de l'année et possèdent une fréquence diurne bien marquée : très rares entre 4 et 14 h, ils se manifestent le plus souvent dans l'après-midi et dans la soirée. A
voir : Satellite Tracks Saharan Dust to Amazon in 3-D,
NASA Galerie d'images : Sahara Dust - NASA Visible Earth
On appelle également haboob les nuages de sable qui s'abattent sur l'Arizona et en Australie notamment en formant des murs haut de 600 à 1500 mètres et long de plusieurs dizaines de kilomètres qui se déplacent jusqu'à 80 km/h. Effet abrasif assuré. La plupart des haboobs sont dus à la rencontre d'air relativement froid et d'air chaud; occasionnellement, l'air froid peut être dû au passage d'une profonde dépression. Le mur de sable peut aussi précéder une supercellule orageuse. Il se forme lorsque le nuage s'effondre au-dessus d'un sol poussiérieux. Ce nuage de sable contient également des pollens, des spores, des champignons, des microbes pathogènes et des particules fines, les rendent particulièrement nocifs pour la santé. Avec le réchauffement du climat et l'assèchement des terres, les haboobs deviennent plus fréquents dans certaines régions et avec eux les allergies.
De manière générale, les nuages de sable originaires du Sahara contiennent jusqu'à ~4 g de sable par mètre carré et 1 gramme de sable peut contenir 1 million de microbes, spores et champignons qui peuvent affecter les écosystèmes marins et notamment tuer le corail jusqu'aux Antilles. On y reviendra à propos de la faculté d'adaptation. Enfin, on a retrouvé aux Bahamas du sable du Sahara soit à plus de 6200 km de distance, y compris des dépôts remontant à plusieurs milliers d'années dans une grotte engloutie. Ces sables du Sahara retombent aussi sur l'Amazonie avec leurs lots de minéraux, de nutriments et de microbes (cf. P.K. Swart et al., 2014; M.S. Abadi et al., 2019). Calima C'est un vent chaud soufflant du sud ou du sud-est sur les îles Canaries et au-delà. Il transporte souvent le sable du Sahara comme on le voit sur les photos présentées ci-dessous. Ce sable du Sahara survola l'Europe occidentale le 6 février 2021 et enveloppa les villes de Barcelone, Marseille, Ajaccio, Paris, Strasbourg, Liège, les Alpes et le sud de la Suisse, couvrant toutes les surfaces d'une fine pellicule de sable ocre-orangé. Selon les données du service européen de surveillance de l'atmosphère Copernicus (CAMS), les nuages étaient chargés de polluants, notamment de PM10 (des particules inférieures ou égales à 10 microns). La concentration en poussière sèche atteignait 500 µg/m3 à 1000 m d'altitude au-dessus du Sahara pour retomber à ~60 µg/m3 maximum en Europe (cf. cette carte de Copernicus). Un phénomène similaire et plus intense encore se produisit entre le 13 et le 17 mars 2022 comme illustré ci-dessous. Rappelons que l'OMS recommande de ne pas dépasser une concentration de PM2.5 de 10 µg/m3 en moyenne par an et de 25 µg/m3 en moyenne sur 24 heures. La concentration de PM10 ne devrait pas dépasser 20 µg/m3 en moyenne par an et de 50 µg/m3 en moyenne sur 24 heures. En Europe, le seuil sanitaire maximum de PM2.5 autorisé est de 50 µg/m3 par an pendant 35 jours maximum (cf. la directive européenne 2008/50/CE). Concentration atmosphérique : PM2.5 - Poussière, Windy
Du Césium-137 dans le sable éolien Plus surprenant, ce sable éolien contient également du césium-137. Le 6 février 2021, les teneurs relevées en France après le survol du nuage de sable saharien atteignaient localement 11 fois la valeur mesurée un an auparavant. D'où provient cet élément radioactif ? Selon les experts de la sureté nucléaire, ce césium-137 provient des essais nucléaires réalisés en atmosphère par les Russes et les Américains qui représentent 95% des retombées et des essais français. Pour rappel, 543 essais nucléaires furent réalisés en atmosphère entre 1945 et 1963, date à laquelle le traité d'interdiction des essais nucléaires atmosphériques entra en vigueur mais que ne signa pas la France qui réalisa des essais nucléaires entre 1960 et 1996 dont 50 essais en atmosphère (cf. Irradié pour la France et les explosions nucléaires en images). Une partie du césium-137 provient aussi de l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986 et dans une moindre mesure de celle de Fukushima en 2011. Concernant le risque sanitaire, les radionucléides sont en grande partie absorbés par le sol et par les plantes. Il peut toutefois être soulevé par le vent et être dispersé. Ce césium-137 restera dans l'atmosphère durant 250 ans avant de perdre son activité. Tel est l'héritage que nous ont légué la Guerre Froide et l'électricité d'origine nucléaire ! Mais soyons rassurés, de nos jours l'exposition au césium-137 ne représente pas de risque. Son niveau de radioactivité est de 0.05 mSv soit 20 fois inférieur au seuil limite d'exposition à la radioactivité non naturelle fixé à 1 mSv (cf. Mesure de la radioactivité et protection civile). L'observation des effets du vent sur la fumée, les arbres, etc, permet d'estimer sa vitesse en l'absence d'instrument de mesure (girouette, anémomètre). L'échelle beaufort décrite ci-dessous donne quelques caractéristiques qui permettent une estimation suffisamment précise des différentes vitesses du vent.
Une autre manière d'estimer la force du vent et d'observer une manche à air. Si elle est dressée à moins de 45°, le vent ne dépasse pas 20 km/h; si seule son extrémité est cassée le vent oscille entre 20-30 km/h; si la manche à air est parallèle au sol le vent souffle à plus de 30 km/h. Prochain chapitre
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